Ions piégés et refroidissement laser

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Compte-rendu de séminaire :
Ions piégés et refroidissement laser
Intervenant: Samuel Guibal
IPIQ, Matériaux et Phénomènes Quantiques, Univ. P7 - CNRS
mardi 28 mars 2006
Sophie Laont et Marie Bonneau
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Au début du 20e siècle, l'observation des atomes par spectroscopie a contribué à l'élaboration
de la classication périodique des élements et à la naissance de la physique quantique. A partir de
1950, on a cherché à contrôler l'état des atomes et des ions : d'une part, la technique de pompage
optique, développée par Kastler, a permis de modier l'état interne d'atomes ; d'autre part, le
connement des ions a été rendu possible entre autres par le piège de Paul. Des améliorations ont
été portées à ces procédés, visant à atteindre des températures de plus en plus basses et à conner
un maximum d'atomes, ou au contraire à isoler des atomes individuels. En 1995 a été réalisée
pour la première fois la condensation de Bose-Einstein, qui permet de contrôler totalement l'état
interne et externe d'un ensemble macroscopique de bosons.
Pour pièger un ion, on ne peut pas se contenter d'utiliser un champ électrostatique. En eet, si il existait un point O correspondant à une position d'équilibre stable pour une
particule chargée,le champ électrique en un point d'une
sphère entourant O pointerait nécessaireR
~ serait donc négatif, ce qui contredirait
~ dS
ment vers l'intérieur de cette sphère. Le ux Φ = E.
~ est nul en l'absence de charge intérieure. Deux
le théorème de Gauss selon lequel le ux de E
méthodes sont utilisées pour contourner cette diculté : le piège de Penning et le piège de Paul.
Pièges à ions
Le piège de Penning utilise une combinaison de
champs électrique et magnétique : on superpose un
potentiel scalaire U0 et un potentiel vecteur axial
~ . En se plaçant en coissu du champ magnétique B
~ est
ordonnées cartésiennes et en supposant que B
~ est de stabiliser le mouveselon Oz, le rôle de B
ment dans le plan (x,y). Le mouvement cyclotron assure le connement transverse, alors que la particule
est piégée longitudinalement par le potentiel électrostatique. Cependant, les ions piégés avec ce type de
piège ne peuvent servir à établir des références métrologiques, car l'écart entre niveaux atomiques varie
avec le champ magnétique B appliqué.
Le piège de Paul utilise quant à lui des champs électriques dépendant du temps : le potentiel
appliqué est quadratique : Φ = rΦ002 (x2 + y 2 − 2z 2 ) , et implique un connement selon (x,y) et
une répulsion suivant Oz (selle de cheval). De plus, le potentiel Φ0 a une composante alternative de fréquence Ω. L'équation du mouvement obtenue est celle d'un oscillateur paramétrique :
x00 + f (t)x = 0, et décrit un mouvement séculaire - c'est-à-dire un mouvement d'oscillation
autour d'une position d'équilibre -, superposé à des micromouvements à la fréquence Ω. Le mouvement selon z est stabilisé si la fréquence d'oscillation est beaucoup plus lente que la fréquence
d'excitation Ω.
En pratique, on réalise le piège sous vide et on utilise un évaporateur qui crée des ions
directement dans le piège par collision entre une vapeur atomique et des électrons (ionisation).
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L'équipe de Samuel Guibal ("Ions
Piégés et Information Quantique")
utilise un piège de Paul linéaire,
constitué de 4 tiges, dont 2 (diamétralement opposées) sont maintenues à un potentiel constant tandis que les 2 autres sont soumises
à une tension alternative. Le connement axial est assuré par des anneaux transverses.
Les forces auquelles on peut soumettre
des atomes sont beaucoup plus faibles que dans le cas des ions. Plutôt que de les piéger à l'aide
de potentiels, on leur enlève de l'énergie cinétique.
Pour cela, on envoie un faisceau laser sur les atomes, de longueur d'onde résonante avec
une des transitions permise pour les atomes utilisés. Lors de l'absorption d'un photon, l'atome
passe dans l'état excité, puis il se désexcite spontanément et réemet le photon dans une direction
aléatoire. La quantité de mouvement étant conservée, l'atome subit une force F~ = Γh~k dans
la direction du laser. Γ est le taux d'absorption, de l'ordre de 10−6 ou 10−7 . Cette pression de
radiation permet donc de pousser l'atome.
En fait, l'énergie du laser (hν ) est faiblement inférieure à l'énergie de transition (∆E ). Si
l'atome se déplace vers le laser, la fréquence ν 0 des photons dans son référentiel est supérieure à
la fréquence ν dans le référentiel du laboratoire. On a alors hν 0 ' ∆E , le photon est absorbé et
subit la pression de radiation, qui s'oppose à sa vitesse initiale.
Refroidissement Doppler dans le cas d'atomes
Si, au contraire, l'atome se dirige dans la même direction que le faisceau laser, ν 0 < ν et il
n'y a pas d'absorbtion. L'eet Doppler crée donc une force de friction, qui freine les atomes.
Le principe est le même à 3 dimensions : les atomes sont piégés à l'intersection des lasers. De
plus, on peut moduler la pression de radiation en rajoutant un gradient de champ magnétique
qui va générer une force de rappel. On réalise ainsi une "mélasse optique", où les atomes ont des
vitesses ∼ cm.s1 , contre 100m.s−1 auparavant, et ont une température de l'ordre du µK .
Ces vitesses restent cependant trop élevées pour former un condensat de Bose-Einstein. Pour
que cela soit possible, il faut que λDB ∼ d, où d est l'espacement entre atomes. Pour faire baisser
la température, on eectue un refroidissement évaporatif, qui consiste à enlever les atomes de plus
forte énergie. On peut ainsi placer jusqu'à 106 atomes dans l'état fondamental, à une température
de 10nK .
Refroidissement d'ions
Une fois piégés, les ions restent très chauds. En eet, un puit de
potentiel de l'ordre de l'eV correspond à une température d'environ 10000K . On refroidit d'abord
les ions par collision avec un gaz tampon (par exemple de l'argon), constitué d'atomes à la
température ambiante (300K ) et à basse pression, qui permet d'absorber l'énergie excédentaire
des ions et donc de les ramener à la température du gaz tampon.
On utilise ensuite le refroidissement Doppler, qui fonctionne comme pour les ions, à ceci près
qu'il n'est pas nécessaire ici de conner les ions, qui sont déjà piégés : Un seul faisceau sut.
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Le refroidissement laser ne permet cependant pas d'abaisser la température autant que dans
le cas d'atomes, en raison de la géométrie particulière du potentiel électrique. On obtient donc
des ions chauds, qui occupent beaucoup de niveaux d'énergie du potentiel de connement (harmonique).
Chacun des niveaux du potentiel est en fait constitué
de plusieurs sous-niveaux vibrationnels. Les ions ont une forte probabilité de se désexciter sans
changer de niveau vibrationnel.
Si, en choisissant la longueur d'onde appropriée, on
force la transition entre un niveau vibrationnel donné
de l'état fondamental, et un état excité de niveau vibrationnel inférieur, et que l'ion se désexcite dans
l'état fondamental de ce dernier niveau vibrationnel,
l'ion a bien perdu de l'énergie. On peut ainsi descendre les niveaux vibrationnels (de même, on pourrait les remonter) et contrôler totalement l'état quantique de l'ion.
Refroidissement par bandes latérales
Cette technique marche très bien pour un ion, mais, pour plusieurs ions, il faut tenir compte des
modications des niveaux d'énergie dues aux interactions entres ions. Le mécanisme est alors
plus dicile à mettre en oeuvre, en raison du grand nombre de fréquences laser entrant en jeu.
On obtient nalement des ions espacés d'environ 1µm, écart qu'on peut observer. L'énergie
cinétique de chaque ion étant inférieure à l'énergie d'interaction entre ions, sa position est bien
déterminée, même s'il demeure un mouvement résiduel autour de cette position. La température
nale est de l'ordre du mK , ce qui correspond au quantum minimum du potentiel de connement.
Les ions peuvent être conservés pendant plusieurs heures.
On peut choisir le nombre d'ions présents dans le piège (de 1 à un million) et, en relachant
la raideur radiale, on donne au paquet d'ions une forme de cigare.
Le piégeage d'ions et leur refroidissement permettent de réaliser diverses expériences, par exemple dans le domaine de la métrologie, où il est nécessaire d'isoler un
ion individuel, et dans celui de la spectroscopie haute résolution, l'étude d'ions moléculaires permettant de constituer des bases de données utiles pour l'observation du milieu interstellaire.Le
contrôle de l'état initial et de l'état nal des ions permet aussi la réalisation de réactions chimiques
contrôlées au sein des pièges.
Applications possibles
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Enn, le piégage d'ions présente un intérêt majeur dans les recherches actuelles sur le transport
et le stockage d'information quantique sécurisée et la conception d'un futur ordinateur quantique. Dans cette optique, l'équipe IPIQ a réalisé
un piège à ions microscopique (image ci-contre).
En eet, pour que de tels systèmes soient un jour
intégrés à un ordinateur quantique, leur miniaturisation est un enjeu important.
Voici deux exemples d'application du piégeage d'ions, en métrologie et en spectroscopie :
s − 2 d dans un ion Ca+ Cette transition étant en principe
violemment interdite, l'état d a une durée de vie très longue, ∆t ∼ s, et il est donc 3très 1n
(∆t.∆E ∼ h̄), de l'ordre du Hz contre plusieurs MHz pour d'autres états. La transition 2 p − 2 d
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étant, elle, possible, on3 peut1 exciter un ions dans l'état 2 d, et mesurer avec une très grande
précision la transition 2 s − 2 d. En piégeant un ion et en le conservant plusieurs jour, on peut
Mesure de la transition
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s'en servir comme référence de fréquence, pour recalibrer un laser.
On ne sait normalement pas refroidir un gaz de molécules. Il est
cependant possible de piéger des ions moléculaires O2− en utilisant un mélange O2− + M g + : les
ions de magnésium étant, eux, refroidis, il servent de thermostat au dioxygène. Comme la raideur
du piège dépend de la masse des particules, les ions moléculaires O2− sont au centre du piège,
entourées par les M g + . On peut les observer, car ils correspondent aux "trous" entre les ions
M g + , qui sont uorescents.
L'intérêt d'une telle technique est de permettre la mesure de transitions moléculaires.
Piégeage de dioxygène
Les illustrations de ce compte-rendu sont tirées de la présentation de Samuel Guibal.
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