PÉTROGRAPHIE ET PROCESSUS D’ÉROSION La pétrographie est la science des roches, la lithologie la science de la dureté des roches et la minéralogie la science des minéraux. Pour le géographe l’étude de la pétrographie permet de mieux comprendre la genèse des paysages car les roches réagissent différemment aux agressions, aux agents érosifs. Une roche est un assemblage plus ou moins homogène d’un ou plusieurs minéraux. Selon leur composition, leur genèse on distingue 3 familles de roches ; les roches sédimentaires, les roches métamorphiques ou cristallophylliennes et les roches éruptives. Une roche a une dureté variable, le diamant étant la plus dure mais il existe aussi des roches liquides comme le pétrole. I – Les roches métamorphiques Le métamorphisme est dans la majorité des cas un processus endogène (c’est-à-dire qui se produit à l'intérieur du globe terrestre). Le métamorphisme agit sur des roches à l'état solide. Il consiste à l'explication des modifications structurales, minéralogiques et chimiques d'une roche lorsque celle-ci est soumis à des condition physico-chimique (essentiellement pression et température) différentes de celle de sa formation. Le métamorphisme se situe entre les processus sédimentaires (faible pression/faible température) et magmatique. En effet si une roche métamorphique fond elle devient une roche magmatique. L'une des conséquences les plus directes du métamorphisme est la transformation minéralogique et parfois chimique de la roche, par recristallisation. S'y ajoute le plus souvent la déformation, avec le développement d'une schistosité ou d'une foliation. C'est l'ensemble de ces transformations minéralogiques, structurales et chimiques, dans les profondeurs de la Terre, qui constitue le métamorphisme. On parle d'anatexie lorsque les températures deviennent suffisantes pour provoquer la fusion partielle d'une roche métamorphique. 1) Les facteurs du métamorphisme a. L’élévation de température Il s’agit de roches conduites en profondeur à proximité du magma à la faveur de faits tectoniques (orogenèse, plissement). b. Élévation de pression Même cas de figure que précédemment avec cependant la nécessité d’une grande durée. La pression provoque la foliation des minéraux (transformation en feuilles) et la schistosité c’est-à-dire la construction de plans de clivage dans la roche. c. Les apports Apports de gaz, d’eau thermales, de magma qui modifient la composition chimique d’une roche tout en la laissant solide. On est dans ce cas en présence d’un phénomène de métasomatose. -1- d. L’orogenèse C’est la naissance des chaînes de montagne. Intervient alors des augmentations de pression et de chaleur mais aussi des échanges de minéraux. A ces phénomènes se rajoute le plissement qui transforme aussi la nature des roches. 2) Les types de métamorphisme a. Le métamorphisme de contact ou local Il est lié à une déformation dû à de fortes pressions ou à de fortes températures qui peuvent être liées à des fractures par où passe le magma. De part et d’autre de cette remontée d’un filon (masse éruptive intrusive), les roches sont transformées en roches métamorphiques, en roches cornéennes, il s’agit d’une auréole de métamorphisme. b. Le métamorphisme régional Il s’agit du phénomène évoqué ci-dessus sur une plus grande surface. Les roches de départ sont enfouis, la température et la pression augmentent, elles sont imbibées par les granits qui les supportent. Dans les géosynclinaux plusieurs séries métamorphiques peuvent se former au contact des roches cristallines. On note ainsi, selon l’éloignement, des recompositions de minéraux et la création de nouvelles roches. Ce métamorphisme transforme tantôt d’anciennes roches éruptives (roches ortho), tantôt d’anciennes roches sédimentaires (roches para). Comme dans le Massif Central on trouve un centre granitique entouré d’auréoles métamorphiques. On a donc au centre un granit d’anatexie puis les migmatites c’est-à-dire les roches résultant d’un enrichissement de la roche originelle à partir du granit d’anatexie. Cet enrichissement se termine par un front de migmatisation. Au-dessus on a les ectinites, donc plus éloignées du magma et qui n’ont pas subi d’enrichissement, seulement une tension et une cristallisation sans modification de leur composition chimique. -2- intensité croissante du métamorphisme Nature des roches selon l’intensité du métamorphisme Roches sédimentaire Roches éruptives Série argileuse Argile Phyllade Schiste sériciteux Séricite schisté Chloritoschiste Micaschiste à 2 micas Gneiss à 2 micas Gneiss à biotite Leptynite Coroliérite Série siliceuse Grès Quartzite ou quartzite micassé Série carbonaté Calcaire ou dolomie Cipolin ou marbre Série argilo-calcaire Série granitique Marne Granit Série gabbro-diorite Gabbros Micaschiste et schiste lustré Chloritoschiste Orthogneiss Ortoleptynite Leptinite (arkose) Serpentine Eclogite Amphibolite Amphibolites Pyroxenite 3) La décomposition des roches métamorphiques Le comportement des roches métamorphiques est semblable de celui des roches éruptives mais la résistance à l’érosion est moindre en raison de leur texture. Deux modes de désagrégation attaquent ces roches. L’érosion chimique par altération des minéraux. L’oxydation par divers acides comme ceux de l’humus, la dissolution de certains minéraux par l’eau conduisent à un déchaussement de la roche, donc à une hétérogénéité, donc une fragilité accrue. L’érosion mécanique par le vent, l’action du gel et dégel, l’action des racines… fragilisent aussi la roche. Ces processus d’érosion sont, selon le milieu bio-climatique plus ou moins intenses. a. Comportement des roches métamorphiques sous climat tempéré Les roches ont été préparées par de longues phases climatiques, en particulier lors des grandes périodes glaciaires du Quaternaire. Selon que la roche sera plus ou moins litée, la résistance sera plus ou moins importante. Un gneiss, moins lité qu’un schiste sera plus résistant. Les plans de schistosité sont des régions où l’homogénéité est rompue et donc des zones de faiblesse des roches. b. Comportement des roches métamorphiques sous les autres climats Sous le climat froid, lors du dégel du sol il peut y avoir solifluxion le long des pentes. Les roches dures se desquament en raison de l’alternance gel/dégel. Sur les surfaces planes, l’eau contenue dans le sol peut geler et provoquer une boursouflure en raison du gonflement du volume de la glace. Le pingo, cette lentille de glace lors de sa fonte laisse place à une cuvette (mardelles de la région de Tours ou de la forêt d’Othe). Sous climat aride, l’érosion est très peu intense, à cause de l’absence d’eau. Le gel et le dégel, la chaleur, le vent sont les agents érosifs. Le climat chaud et humide est le plus agressif. Les acides humiques dissolvent certains minéraux et tout particulièrement le quartz et altèrent les roches. Les roches sont rongées, mangées par ce processus d’érosion sur une centaine de mètre d’épaisseur là où en France il n’érode que sur 1,50 m. -3- II - Les roches éruptives Il s’agit des roches constituées à l’intérieur de l’écorce terrestre 1) Les principaux minéraux des roches éruptives L'échelle de dureté de Mohs fut inventée en 1812 par le minéralogiste allemand Friedrich Mohs afin de mesurer la dureté des minéraux. Elle est basée sur dix minéraux facilement disponibles. Comme c'est une échelle ordinale, on doit procéder par comparaison (capacité de l'un à rayer l'autre) avec deux autres minéraux dont on connaît déjà la dureté. Cette échelle n'est ni linéaire ni logarithmique. Dureté Minéral Composition chimique 1 Talc, friable sous l'ongle Mg3Si4O10(OH)2 2 Gypse, rayable avec l'ongle CaSO4·2H2O 3 Calcite, rayable avec une pièce en cuivre CaCO3 4 Fluorite, rayable (légèrement) avec un couteau CaF2 5 Apatite, rayable au couteau Ca5(PO4)3(OH-,Cl-,F-) 6 Orthose, rayable à la lime, par le sable KAlSi3O8 7 Quartz, raye une vitre SiO2 8 Topaze, rayable par le carbure de tungstène Al2SiO4(OH-,F-)2 9 Corindon, rayable au carbure de silicium Al2O3 10 Diamant, rayable avec un autre diamant C Le quartz pure est le cristal de roche, les impuretés colorent le quartz. Le feldspath : silicate double d’aluminium (couleur rouge) et de potassium ou de sodium ou de calcium (couleur blanche ou grise). Ils se dégradent par hydrolyse (dissolution par l’eau) et donnent des argiles. Une des argiles les plus fines est la kaolinite qui est une argile blanche qui sert en particulier à fabriquer la porcelaine comme à Limoges (mais le gisement y est maintenant épuisé). Sinon montmorillonite, l’illite (la plus répandue pour fabriquer des objets en terre cuite). Le mica : les micas blancs sont composés d’alumine et de potasse tandis que le mica noir du fer et/ou du magnésium. Les autres minéraux : nombreux et forts variés, souvent en petite quantité. 2) Les modes de gisement des roches éruptives a. Les roches de profondeur ou de massif, les batholites Il s’agit d’une consolidation en profondeur de grandes masses de roches éruptives. Les batholites de Flamanville (Manche) ou de Thouars (Deux-Sèvres) sont les plus représentatifs en France. b. Les roches de demi-profondeur, les filons Il s’agit d’un magma plus fluide ce qui lui a permis de parcourir une distance plus importante, le refroidissement donne une roche dure qui peut être parallèle ou perpendiculaire aux couches sédimentaires. c. Les roches de surface ou d’épanchement volcanique -4- Il s’agit d’une sortie de roches magmatiques en un point localisé qui sont souvent des volcans. Les roches volcaniques sont composées de laves et de projections (blocs, bombes, lapillis, cendres). Un neck est le reste d’un volcan où il ne reste que la cheminée, la cône ayant été détruit. Un dyke est un mur de lave. Les laves peuvent être acides (rhyolites, coulées rares car la lave est visqueuse, le Massif de l’Esterel, massif volcanique d’âge Permien) ou basique (basaltes, coulées abondantes, lave fluide). Il existe 5 types d’édifices volcaniques : volcan de type hawaïen avec des coulées très fluides de basalte. Le lac de lave permanent déborde régulièrement, il n’y a donc pas de projection. volcan de type strombolien avec de la lave moins fluide. Il produit des émissions de gaz et des projections. volcan de type vulcanien avec une lave plus visqueuse d’où la possibilité de bouchon. La poussée des laves peut provoquer une explosion du bouchon ou des écoulements à partir des flancs. volcan de type peléen avec des laves très visqueuses qui forment des aiguilles d’extrusion. Les nuées ardentes sont à redouter dans ces cas. volcan de type mixte avec une alternance entre plusieurs types d’éruption comme le Vésuve ou l’Etna. En plus de ces 5 types d’édifices volcaniques, il existe un volcanisme fissural avec des épanchements de laves fluides comme dans le Massif Central avec la planèze de St-Flour. Les roches éruptives se distinguent par leur structure (aspect, architecture général) et par leur structure (dimension et arrangement des cristaux, des minéraux). Minéraux essentiels Acide Basique Texture Quartz Orthose Microlitique Granite Microgranite Rhyolit Vitreuse Pechslein Granodiorite Syénite MicroMicrogranodiorite syénite Dacite Trachyte (Domite) Obsidienne, ponce, scories Grenue Microgrenue Amphibole, plagioclase Diorite Gabbro Micro-diorite Microgabbro Andésite Basalte Pyroxène, olivine Péridotite III - Les roches sédimentaires Il s’agit d’une famille de roches exogènes, c’est-à-dire ne provenant pas du sous-sol mais formées à la surface de la Terre avec 3 origines possibles soit par l’action des agents d’érosion et de transport, soit par l’activité des êtres vivants, soit par des phénomènes chimiques (dépôts de sel ou de pétrole). La plupart des roches sédimentaires sont déposées en lits successifs, les strates, on a donc des roches litées ou stratifiées. Il y a donc 2 phénomènes, d’abord transport du sédiment et stratification lors des dépôts. Il peut y avoir ensuite diagenèse à savoir modification totale comme lors de la silicification du bois en pierre. -5- 1) Les caractères des roches sédimentaires Les minéraux de ces roches peuvent avoir une origine chimique liée à des changements climatiques comme lors de la fin du Jurassique avec un climat chaud, une origine biologique avec des débris d’animaux ou de végétaux, une origine détritique avec des minéraux qui ont été pas ou peu transformés. La couleur des roches sédimentaires est un indicateur de la composition de la roche (rouge violacé montre la présence d’alumine pour la latérite, noir la présence d’oxyde de manganèse, blanc l’importance de l’argile et de minéraux détritiques). Le faciès est l’ensemble des caractères lithologiques (grain, structure, texture) d’une roche. Le faciès continental est détritique dans une mer peu profonde, le faciès marin est composé de fossiles comme la craie du Jurassique, le faciès lacustre est lui aussi composé de fossiles marins mais de petits fossiles comme dans les calcaires de Beauce ou de Brie. 2) Les types de roches sédimentaires a. Les roches calcaires Elles sont composées de carbonate de calcium mais les « impuretés » permettent de différencier les calcaires. La meulière est un calcaire très résistant capable de donner des plateaux à bords raides et des buttes témoin comme dans les environs de Paris. La dolomie présente souvent une stratification rarement nette avec de nombreuses diaclases. La porosité est importante ce qui facilite la constitution de reliefs ruiniforme comme à Montpellier-le-Vieux dans les Grands-Causses. La craie est bien représentée dans le nord-ouest du Bassin Parisien. C’est un calcaire au grain fin, poreux, léger et friable. Elle peut être très gélive si bien que les versants sont souvent en pente douce, comme dans la Champagne crayeuse. Quand elle est peu gélive comme dans le Boulonnais ou en Picardie, les versants des vallées sont convexes. Le flysch, alternance de lits calcaires et de lits marneux, se démantèle facilement. Il se présente en épaisses accumulations synchroniques de la formation de chaînes alpines, constituées dans la mer où surgissait la montagne. Il constitue souvent de hautes collines informes. La molasse provient de la destruction d’une chaîne de montagne (Alpes, Pyrénées) peu après sa constitution. Elle se localise donc en bordure des chaînes. Les faciès sont très variés d’où des reliefs eux aussi variés, parfois sur de courtes distances. La molasse se distingue des flyschs selon la date de formation par rapport à la chaîne montagneuse. b. Les roches à grains cimentés Elles se divisent en conglomérats et grès. On appelle conglomérat un ensemble cimenté formé de grains de tailles très diverses. Un grès est au contraire formé de grains de sable de composition granulométrique homogène englobés dans une matrice fine et liés par un ciment. Brèches et poudingues sont des formes de conglomérats selon la forme des blocs cimentés. Dans l’ensemble les grès sont de perméabilité moyenne et relativement résistants mais les différences sont notables selon la nature du ciment et la composition minérale. -6- c. Les roches à grains non cimentés Dans ces conditions la roche correspond au grain qui peuvent être de grosseur plus ou moins importante (bloc, galet, gravier, sable grossier, sable fin, limon, argile). La résistance des sables est complexe car pris individuellement les grains de quartz sont très solides mais les formations sableuses sont facilement érodables. Les sables humides sont en général plus cohérent que des sables secs. Ruissellement, creeping donnent des versants très convexes avec des interfluves plats et marécageux comme dans les Landes de Gascogne, les sols sont très pauvres (sols podzoliques). L’argile est souvent présente dans de nombreuses roches. Les argiles peuvent s’hydrater mais lentement ce qui la rend pratiquement imperméable. Lors de son hydratation, elle devient plastique et parfois liquide. Cela facilite la solifluxion des versants. Quand elle se dessèche, l’argile forme des mottes, se craquelle et même se transformer en poussière que le vent peut prendre en charge. Les argiles peuvent donc être très facilement ravinées par l’eau et ainsi donner des paysages de badlands si les précipitations sont violentes. Dans les pays tempérés, les différentes phases de solifluxion conduisent à des croupes surbaissées, avec de longs versants concaves et un chevelu hydrographique important. Les marnes sont des argiles qui contiennent des éléments de calcaire. Les argiles durcies peuvent donner des schistes particulièrement lités comme certaines variétés d’ardoises. Quand ces roches à grains non cimentés sont composées de formations hétérogènes cela peut donner des modelés particulier, les gros blocs protègent du ruissellement les formations de granulométrie plus fine ; il s’agit des cheminées des fées ou demoiselles coiffés. On voit bien au total la formidable variété des roches qui composent notre Terre. A cette variété, il faut associer l’extrême diversité climatique et tous les processus d’érosion ; cela donne une infinie variété des modelés, support des paysages. -7-