Le « Groupe Europe » est un collectif qui souhaite apporter sa contribution au débat sur lEurope par
lintermédiaire de la Fondation Jean-Jaurès. Tous ne pouvant s’exprimer publiquement, nous ne citerons
que quelques noms : Yves Bertoncini, directeur de Notre Europe - Institut Jacques Delors ; Jean-Louis
Bianco, ancien ministre ; Daniel Debomy, directeur d’OPTEM ; Arnaud Chneiweiss, ancien haut
fonctionnaire ; Laurence Laigo, ancienne syndicaliste ; Louis Lepioufle, collaborateur parlementaire ;
Nicolas Leron, président d’Eurocité ; Sébastien Maillard, journaliste ; Florian Mayneris, économiste ;
Alain Servantie, ancien fonctionnaire européen ; Denis Simonneau, diplomate.
LEuro, socle
de la solidari
de l’Europe
politique
L’ Europe ne fait plus rêver. Bâtie sur les décombres de la Seconde Guerre mondiale par
les nations qui s’étaient entretuées, élargie une décennie et demi après la chute du
Mur de Berlin aux anciens satellites de l’URSS devenus des démocraties naissantes,
elle a cimenté la réconciliation des peuples de l’Europe et forgé leur inscription dans un destin
commun. Pourtant, où en est-on des rêves de prospérité et de progrès social sur lesquels l’Europe
s’est construite ? A force dêtre en devenir, l’Europe, en ce début de XXIe siècle, risque de mourir.
Rien, vraiment, qui relie concrètement les peuples européens ? Pourtant, si : l’euro. Certes, la
défiance généralisée vis-à-vis du politique népargne pas les institutions européennes. Mais les
enquêtes Eurobaromètre révèlent également un attachement à la monnaie commune qui reste
largement majoritaire et fort dans les dix-huit pays de la zone euro. A lheure de la montée des
extrémismes et du repli sur soi en Europe, n’y aurait-il pas, pour les combattre, une solidarité
à réactiver en partant de lattachement de dix-huit peuples différents à une même monnaie ?
Lunion économique et monétaire, une soLidarité de fait
encore inachevée
Comment sortir de la crise en Europe ? Depuis 2008, la crise des subprimes, partie des Etats-
Unis, a déclenché une récession qui s’est propagée à léconomie mondiale. Cinq ans plus tard,
Par le « Groupe Europe »
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No te n°4 - Fondation Jean-Jaurès / Observatoire européen - 29 janvier 2014 - page 1
L’Euro, socle de
la solidarité de
lEurope politique
la zone euro se distingue du reste des grandes zones économiques du monde par une anémie
de la croissance et un creusement marqué du chômage dans son ensemble. Comment expliquer
ce malheureux exceptionnalisme européen ? Avant tout, par linachèvement de la construction
européenne dans le domaine économique et monétaire. Nombreuses sont les critiques adressées
au traité de Maastricht, qui institue une Banque centrale européenne (BCE) sans capacité de
prêt en dernier ressort ni mandat autre que la lutte contre linflation, une discipline budgétaire
sans instruments de coordination au niveau de lensemble de la zone monétaire, et une
convergence économique qui n’en a que le nom et qui a conduit en fait à la concurrence plutôt
qu’à lharmonisation fiscale et sociale.
Leuro : une soLidarité de fait
Pourtant, battre monnaie est, dans lHistoire, le privilège régalien par excellence, incarnation
métallique dune unité économique voire politique. Leuro a donc créé un état de fait, massif et
fondamental : une monnaie qui circule sur un territoire couvrant plusieurs Etats souverains et
qui a la confiance de 332 millions de citoyens européens pour leurs échanges marchands et leurs
paiements quotidiens. La Lettonie vient de rejoindre la zone euro au 1er janvier 2014. C’est en soi
une réussite singulière en seulement quinze ans dexistence. Plus profondément, c’est peut-être
aussi une situation historique quil serait impossible de défaire : leuro a créé une solidarité de fait
qui est vécue quotidiennement par les citoyens mais qui n’est pas assumée de manière explicite
par les responsables politiques.
Ne pourrait-on alors faire de leuro le véritable ferment de la solidarité européenne ? Aux premières
réactions de désunion face à la crise ont succédé des avancées majeures mais qui ne parachèvent
lunion monétaire que de manière encore incomplète par une véritable union économique.
Les progrès de L’union économique et monétaire : timides
et incompLets
Quels sont les progrès accomplis ? Passons outre le langage technique et procédural pour
comprendre comment nos pays se sont rapprochés face à la tourmente qui, si elle a touché
certains plus durement, n’en a épargné aucun.
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L’Euro, socle de
la solidarité de
lEurope politique
La BCE ne peut certes pas jouer, par ses statuts, le rôle de prêteur en dernier ressort. Cependant,
elle intervient sur le marché secondaire pour acheter des obligations dEtat. Par ailleurs, le
Mécanisme européen de stabilité peut également intervenir, sous conditions, pour aider les
Etats membres en difficulté pour se financer. L’Espagne et l’Irlande viennent d’annoncer qu’elles
pourront prochainement sortir de lassistance européenne et à nouveau se refinancer directement
sur les marchés obligataires.
En ce qui concerne la coordination budgétaire, l’Union européenne (UE) s’est dotée doutils
plus stricts de surveillance et dapplication des traités européens. Avec le « semestre européen »,
depuis 2011, la Commission européenne émet des avis sur les budgets nationaux en tenant compte
des grandes orientations de politique économique. Le pacte budgétaire européen, ratifié en 2012
et en vigueur depuis le 1er janvier 2013, renforce les mécanismes de sanction, avec le Six-Pack
et le Two-Pack qui s’appliquent en particulier à la zone euro, en cas de déviation trop forte par
rapport aux critères de convergence. La condamnation récente de lAllemagne pour excédent
commercial excessif illustre une évolution décisive : un pays de la zone euro ne peut plus mener
de politiques économiques sans prendre en compte ses effets sur lensemble de la zone.
Toujours dans le cadre du semestre européen, des arrangements contractuels sont en discussion.
Ils permettraient à un Etat membre de bénéficier dune aide financière européenne (sous la
forme de subventions ou de prêts à long terme) pour conduire les réformes structurelles. Si les
modalités pratiques sont loin de faire consensus, ces arrangements contractuels pourraient être
lembryon de transferts financiers européens.
En matière dunion bancaire, un difficile chemin a été parcouru. Le principe dune supervision
bancaire à léchelle européenne est acté et la BCE se prépare à un stress test des banques
européennes au printemps 2014. De plus, un mécanisme de résolution des crises bancaires
devrait être créé en 2014. Les dernières discussions de l’Eurogroupe ont admis la mise en place,
dans cette perspective, dun fonds unique à la zone euro alimenté par les banques privées. C’est
un pas décisif contre la fragmentation « nationale » des banques. De plus, la boucle de rétroaction
entre dette bancaire et dette souveraine devrait être rompue (les Etats ne se verront plus contraints
de sauver les banques en faillite). L’abondement du fonds ainsi que sa gouvernance restent des
points importants de débat, de même que le rôle de garantie que pourrait apporter le Mécanisme
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lEurope politique
européen de stabilité. Enfin, la garantie européenne des dépôts demeure un élément essentiel
du dispositif de renforcement de la zone euro qui est encore à discuter.
Tous ces éléments indiquent que des décisions importantes ont été prises depuis le déclenchement
de la crise. On peut estimer le verre à moitié vide ou à moitié plein : il reste que la zone euro n’a
pas implosé, que ses dirigeants ont pris acte de ses dysfonctionnements et qu’ils ont agi pour les
corriger. La volonté politique est indispensable pour faire évoluer les positions des uns et des autres
et doit être réafrmée avec détermination pour aller plus loin dans lintégration européenne.
aLLer pLus Loin dans La soLidarité économique et sociaLe
Lexpérience a montré que lexistence même de la monnaie unique rendait suicidaire tout refus
davancer. LUE a réussi à avancer à tâtons, sous l’aiguillon de la crise, souvent au prix dune
casse sociale. Il faut désormais réfléchir aux moyens dune solidarité effective. La stabilisation
macroéconomique et la prévention des risques systémiques ne sont pas une option mais une
nécessité. Que leurs modalités soient discutées au niveau intergouvernemental reste insuffisant,
car les intérêts nationaux priment à cause du vote à lunanimité, alors qu’au niveau communautaire,
le Parlement européen a la légitimité tirée du suffrage universel direct pour représenter les
citoyens européens.
Ainsi, comme nous le suggérions dans une note précédente1, le contrôle parlementaire sur la
politique économique doit être renforcé, tant au niveau européen que national, pour asseoir la
légitimité démocratique de l’Union économique et monétaire (UEM). Il revient au Parlement
européen dêtre linstance de contrôle de la politique économique et financière (déficit ou
excédent excessif, ressources propres, préparation et suivi des sommets européens, etc.) et tout
particulièrement de la zone euro (rôle de la commission économique et financière ou, plutôt,
d’une sous-commission de la zone euro composée de représentants issus des seuls Etats membres
appartenant à la zone euro). Il revient ensuite aux parlements nationaux dêtre plus étroitement
associés aux décisions en matière budgétaire, monétaire et fiscale au niveau de la zone euro.
Les traités existants sont clairs sur ce point : ils prévoient la tenue dune conférence entre les
commissions des parlements nationaux et du Parlement européen autour des questions budgétaires
1. Groupe « Europe », L’union politique se fera avec les peuples de l’Europe, Fondation Jean-Jaurès, juillet 2013.
En ligne sur : www.jean-jaures.org/Publications/Notes/L-Union-politique-se-fera-avec-les-peuples-de-l-Europe.
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L’Euro, socle de
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et économiques et doivent déboucher sur la mise en place dune « Conférence interparlementaire
de l’UEM » réunissant les parlementaires des pays ayant ratifié le Traité sur la stabilité, la
coordination et la gouvernance (TSCG) et des députés européens.
Certaines voix s’élèvent contre leuro, regrettent le temps où l’Etat pouvait faire marcher la planche
à billets et présentent le démantèlement de la zone euro comme la panacée pour regagner la
souveraineté monétaire. C’est oublier un peu vite les effets pervers des dévaluations compétitives :
retour de linflation forte, perte de pouvoir dachat, effondrement du cours de la monnaie et
renchérissement du coût de la dette. C’est se leurrer sur la capacité d’un pays à faire face tout seul
à la spéculation financière sur sa devise et sur sa dette. En réalité, il manque à la construction
européenne davantage dintégration. Leuro facilite les transactions et les échanges puisque
chaque Etat membre commerce majoritairement avec les autres Etats de la zone. Leuro s’est
imposé comme une devise sinon de réserve, du moins de confiance et souvent alternative au
dollar américain, sur les marchés financiers. A ce titre, il constitue un bien meilleur rempart
contre des fluctuations spéculatives que nimporte quelle monnaie nationale que lon rétablirait
en Europe. D’ailleurs, les citoyens européens expriment un attachement à la monnaie unique
qui dépasse la défiance vis-à-vis de l’Europe institutionnelle, même lorsque leur pays doit passer
les fourches caudines de programmes dassistance.
De fait, les débats économiques se concentrent sur la poursuite de lintégration économique dans
deux directions. D’une part, il s’agit de s’armer doutils de prévention des crises systémiques. C’est
l’objet de lunion bancaire, de la supervision macroéconomique, du Mécanisme européen de
stabilité. D’autre part, il est question de la création dune capacité budgétaire pour la zone euro
avec des transferts à des fins de stabilisation. En réalité, le premier ne doit pas aller sans le second.
Les instruments budgétaires font partie des outils de prévention des crises systémiques en union
monétaire. Il nous faut donc un outil de stabilisation complémentaire par une mutualisation de
certaines ressources de la zone euro.
On observe une gradation dans les propositions actuelles. Au niveau minimal, on pourrait mettre
en place un système dassurance contre les chocs conjoncturels2. Ce système est basé sur les écarts
relatifs de croissance par rapport à la moyenne de la zone et assure des transferts de capitaux
2. Henrik Enderlein, Jan Spiess, Lucas Guttenberg, Une assurance contre les chocs conjoncturels de la zone euro,
Notre Europe, septembre 2013. En ligne sur : www.notre-europe.eu/media/uneassurancecontreleschocsconjonctu
relsne-ijd-sept2013extraits.pdf?pdf=ok
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