Abus de position dominante : Sanofi sanctionné

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Abus de position dominante : Sanofi sanctionné pour
dénigrement
le 27 mai 2013
AFFAIRES | Concurrence - Distribution
Dans une décision du 14 mai 2013, l’Autorité de la concurrence vient de sanctionner Sanofi-Aventis
à hauteur de 40,6 millions d’euros pour abus de position dominante caractérisé par des
comportements systématiques visant à dénigrer ses concurrents auprès des professionnels de la
santé.
ADLC 14 mai 2013, Sanofi, n° 13-D-11
En l’espèce, l’Autorité de la concurrence a considéré que Sanofi-Aventis était en position dominante
sur le marché français du clopidogrel (principe actif contenu dans certains médicaments) délivré
aux médecins en ville. Le clopidogrel est une molécule commercialisée notamment par Sanofi sous
le nom de Plavix. Ce médicament, utilisé entre autres pour prévenir les accidents
thrombo-emboliques artériels, est le quatrième médicament le plus vendu au monde avec plus de
115 millions de patients traités dans 115 pays depuis 1998. En 2008, le Plavix a généré plus de 550
millions d’euros de chiffre d’affaires constituant, pour cette même année, le premier poste de
remboursement de l’Assurance maladie pour un montant de 625 millions d’euros. L’arrivée des
génériques était donc très attendue par le ministère de la Santé qui prévoyait une économie de 200
millions d’euros en 2010.
Sanofi a commercialisé son médicament Plavix pendant dix ans et a perdu son monopole de
commercialisation en 2009. À l’occasion du lancement des médicaments génériques, Sanofi a
développé une stratégie de dénigrement par un discours public et des argumentaires commerciaux
à destination des pharmaciens et des médecins remettant en cause la substituabilité de son
médicament.
Dans sa décision du 14 mai 2013, l’Autorité de la concurrence explique le contexte particulièrement
sensible dans lequel les pratiques de dénigrement ont eu lieu. Elle distingue le marché des
médicaments des marchés d’autres produits ou services en observant que les professionnels de la
santé sont particulièrement prudents lors de la prescription de nouveaux médicaments. En effet,
dans ce domaine, un doute instillé sur « les qualités intrinsèques d’un médicament peut suffire à le
discréditer immédiatement » (pt 376). L’Autorité considère qu’en général, la preuve d’un
dénigrement peut résulter de l’existence de pièces incontestables mais aussi « d’un faisceau
d’indices graves, précis et concordants, apprécié globalement et constitué par diverses pièces »,
qui peuvent être rapprochés d’autres éléments de preuve comme les témoignages (pt 379). Ces
indices peuvent être de différentes natures. En l’espèce, la décision détaille les éléments mis en
lumière par l’enquête de l’Autorité. Celle-ci s’est fondée sur des témoignages de professionnels de
la santé, des éléments transmis par des groupements de pharmaciens, des remontées de l’Agence
française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) et un témoignage scientifique.
Dans les faits, Sanofi soutenait que les nouveaux génériques contenaient « des sels différents de
clopidogrel » (pt 446) sans préciser les éventuelles propriétés chimiques ou médicales nocives de
ces autres produits. Or l’enquête de l’Autorité de la concurrence a révélé qu’il s’agissait
précisément du sel d’hydrogénosulfate de clopidogrel protégé par un brevet. Dans la molécule des
génériques, le principe actif, c’est-à-dire le clopidogrel, avait été fixé grâce à d’autres molécules, le
bésilate ou le chlorhydrate de clopidogrel. Celles-ci présentaient des propriétés thérapeutiques
similaires et sans danger pour la santé des patients.
L’Autorité de la concurrence en déduit que la communication avancée par Sanofi présente un
caractère trompeur et retient que l’entreprise pharmaceutique s’est « érigée […] en juge de
l’efficacité et de l’innocuité des produits de ses concurrents nouvellement arrivés sur le marché »
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malgré l’autorisation de mise sur le marché accordée par les autorités sanitaires françaises. Elle
considère que cette entreprise a mobilisé sa puissance pendant cinq mois, de septembre 2009 à
janvier 2010, pour fermer l’entrée de ses concurrents sur le marché du clopidogrel commercialisé
en ville.
Rappelons que dans une décision du 15 octobre 2007 relative à des pratiques mises en œuvre par
la société France Télécom dans le secteur de l’accès à internet à haut débit, le Conseil de la
concurrence avait affirmé que les actions de dénigrement, de la part d’un opérateur en position
dominante, pouvaient être qualifiées d’abusives lorsqu’un lien entre la domination de l’entreprise et
la pratique de dénigrement est établi (pt 77 et 78 ; n° 07-D-33, D. 2007. 2668, obs. E. Chevrier )
Dans le domaine pharmaceutique, le Conseil de la concurrence, saisi d’une affaire similaire à celle
du 14 mai 2013, dans laquelle une société, Schering-Plough, commercialisant un princeps avait
dénigré un concurrent commercialisant un générique de son médicament, avait estimé que « les
pratiques de dénigrement […] de nature à entraver l’entrée sur ce marché d’une société
concurrente, sont susceptibles de constituer un abus de position dominante qu’occupe
Schering-Plough sur le marché, ayant pour objet ou pour effet d’évincer un concurrent de ce
marché » (pt 107 ; Cons. conc., 11 déc. 2007, n° 07-MC-06). Dans cette affaire, la deuxième société
avait demandé au Conseil des mesures conservatoires de publication dans la presse spécialisée
que celui-ci lui a accordées (V. ensuite, sur les recours et l’arrêt de la Cour de cassation, Com. 13
janv. 2009, n° 08-12.510, D. 2009. 295, obs. E. Chevrier ). L’enquête sur le fond est toujours en
cours.
Il est important de relever que, dans la décision du 14 mai 2013, les comportements constitutifs de
dénigrement, qui ont eu pour effet d’empêcher l’entrée sur le marché de concurrents et ont été
commis par une entreprise en position dominante sur ce marché, ont été considérés, pour la
première fois par l’Autorité de la concurrence, comme constituant un abus de position dominante
contraire aux articles L. 420-2 du code de commerce et 102 du Traité sur le fonctionnement de
l’Union européenne. Le lien entre dénigrement abusif est position dominante est donc bien
constitué.
Site de l’Autorité de la concurrence
par Laura Constantin
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