Miradas Iguana roja
individuellement les droits individuels, sans se soucier de la société dans sa globalité, revient à
alimenter des inégalités de fait de plus en plus grandes. Ainsi, la prétendue égalité de droit, se
convertit en une inégalité de fait, qui sépare les individus de plus en plus les uns des autres. C’est
toute une conception de ce qui fait la justice qui est mise en jeu ici, et qui va à l’encontre de l’idée
selon laquelle il est juste de participer et de contribuer au bien commun.
De telles conceptions tendent à préconiser l’instauration d’un Etat faible au niveau
économique, qui laisse les individus contracter librement entre eux. Mais un tel Etat n’est alors
viable que s’il est au contraire fort en matière de sécurité et de répression. Telle est la liberté que
préconisent les libéraux : liberté économique contre coercition étatique au service de la défense
matérielle de tels droits individuels. C’est donc d’une liberté négative qu’il s’agit, liberté qui
interdit aux autres d’intervenir dans mes décisions personnelles, tout en mandatant l’Etat pour les
faire respecter. Le libre marché, seul lieu d’une liberté humaine qui est en fait une liberté de
s’enrichir davantage pour les plus forts, produit ainsi de plus en plus d’inégalités, dont l’autre
versant est celui de l’instauration de l’Etat fort, empêchant à toute revendication et à toute
contestation sociale de voir le jour. Ainsi le libéralisme est en fait, non pas une conception
défendant la liberté humaine, mais un véritable paternalisme en matière de sécurité. Or, tel est
bien le chemin que prennent les démocraties occidentales. L’auteur a le mérite d’expliquer en
quoi ce chemin n’est pas une fatalité, mais découle de conceptions politiques et philosophiques
modernes – et non pas seulement économiques – bien précises.
A ce stade de son analyse, Miguel Angel Pérez Pirela va nous montrer comment une autre
conception de la justice, de la politique et de la vie en commun est possible, partant non pas de
l’individu neutre, mais d’une conception de l’individu en tant qu’être d’abord et avant tout situé,
possédant un point de vue sur ce qui fait le bien. Ainsi l’auteur va montrer comment une
conception de la justice alternative est possible. Nous sommes à présent dans la dernière partie
de l’essai, qui tente de trouver une solution aux différents problèmes qui ont été énoncés tout au
long de cette réflexion sur l’individu contemporain.
En introduisant Aristote à ce stade du débat, l’auteur indique la voie de son possible
dépassement. La morale qui préside à la vie en commun ne peut s’élaborer sous le voile de la
neutralité rawlsienne, et il ne s’agit donc pas de tomber sous le coup du relativisme. Or, l’individu
relativiste prétend faire de la capacité de choisir le bien, le seul bien possible. Ce que la théorie
aristotélicienne aide à penser, c’est que ce qui détermine le bien visé, ce n’est pas le fait de choisir,
mais la capacité de délibération par rapport à plusieurs visions du bien. Mais la question qui surgit
alors est la suivante : comment concilier l’autodermination et l’existence de bien antérieurs qui