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S. MouchabacS320
Introduction
Si la dépression est une pathologie reconnue, et les bases
de son traitement admises, elle possède néanmoins une
hétérogénéité importante dans sa présentation clinique ;
de ce fait, ses modes d’expression peuvent nécessiter des
approches thérapeutiques différentes.
La notion de sévérité est un des aspects les plus com-
plexes de la clinique la dépression, puisqu’il n’en existe
pas de dénition consensuelle, les critères retenus pour
mesurer la sévérité restant perfectible.
On peut ainsi l’appréhender selon différents aspects :
sévérité en termes d’intensité (approche dimensionnelle),
sévérité liée à une catégorie diagnostique (sous-groupe cli-
nique tel que les mélancolies), sévérité liée aux symptômes
(risque suicidaire, signes psychotiques), sévérité liée à la
morbi-mortalité et au handicap, mais aussi aux comorbidi-
tés (somatiques et psychiatriques), voire à la barrière au
traitement et enn à l’évolution (récurrences, symptômes
résiduels et chronicité).
D’une façon générale, la méthodologie des études dans
la dépression comporte fréquemment des biais qui peuvent
affecter les résultats, comme favoriser le recrutement de
patients dont la dépression est moins sévère, ou exclure
ceux porteurs de certains symptômes pourtant en lien avec
la sévérité, tels que l’idéation suicidaire, pour lesquels le
risque est considéré comme trop important en cas de ran-
domisation vers le placebo, surtout en ambulatoire [9]. Si
certains auteurs discutent l’indication d’un traitement
pharmacologique dans la dépression d’intensité légère, il
apparaît que le taux de rémission spontanée des dépres-
sions varie selon le degré de sévérité du trouble, les dépres-
sions légères ayant tendance à évoluer plus favorablement
que les dépressions sévères. Dans les études, la supériorité
d’efcacité du traitement par rapport au placebo aug-
mente avec l’intensité de l’épisode [15] Le traitement
pharmacologique dans le cadre de la dépression sévère est
donc une étape essentielle dans la prise en charge.
Mais concernant le choix thérapeutique, il existe peu de
données spéciques pour dégager des options particulières,
d’autant que le concept de sévérité dans la dépression
n’est pas toujours clairement déni dans les études.
En dénitive, la sélection initiale de l’antidépresseur
repose sur la quantité et la qualité des essais concernant la
dépression sévère et ses différentes modalités d’expression
(intensité symptomatique, formes ou symptômes cliniques
spéciques, gravité liée à l’évolution), sur les effets secon-
daires anticipés et leur poids dans la balance bénéce risque
et, enn, sur la demande du patient (niveau d’acceptabilité
du rapport bénéce risque). L’évaluation initiale de l’épi-
sode doit donc être rigoureuse, et comporter plusieurs volets
en vue d’une décision thérapeutique adaptée.
Évaluation clinique de la sévérité
et de son mode d’expression
La notion de la sévérité est complexe dans sa dénition ;
elle inue pourtant de manière directe sur le traitement de
l’épisode aigu.
S’il existe de nombreux outils psychométriques spéci-
ques qui permettent de quantier l’intensité de la dépres-
sion (MADRS, HRDS, BRMS), leur usage présente des limites ;
dans la pratique courante, ils sont rarement utilisés (réser-
vés plutôt à la recherche), et l’évaluation de l’intensité est
plus souvent subjective.
La présence d’un plus grand nombre de critères dépres-
sifs caractérise la sévérité, selon l’approche quantitative
du DSM IV [1]. Outre le nombre d’items dépressifs, certains
symptômes et leur intensité ont plus d’importance pour
déterminer l’indice de sévérité (approche qualitative de la
CIM-10) : on recherche ainsi la présence d’idées suicidaires
en précisant leur intensité, d’une douleur morale, d’affects
dépressifs mélancoliformes ou l’existence de symptômes
psychotiques congruents ou non à l’humeur, ainsi que le
degré d’anhédonie [22].
Quelque soit l’approche, on mesure les répercussions
sur le fonctionnement social et les activités habituelles du
sujet, car il existe une relation positive entre la sévérité de
la dépression et l’impact en termes de handicap [14].
De plus, même s’ils ne sont pas nécessairement associés
à un indice de sévérité initiale, d’autres critères doivent
être recherchés, car ils donnent une indication des risques
actuels et potentiels de l’épisode dépressif, en termes
d’aggravation clinique ou d’évolution défavorable (réponse
partielle au traitement, symptômes résiduels, récidives et
chronicité) [8] :
antécédents personnels d’épisodes dépressifs majeurs, • leur nombre, leur durée, l’intervalle entre les épisodes,
la rapidité des rechutes ou récidives ;
antécédents personnels de tentative de suicide, antécé-• dents familiaux psychiatriques ;
troubles de la personnalité, troubles anxieux, addictions, • mauvais fonctionnement intercritique ;
facteurs environnementaux tels des traumatismes, sépa-• rations ou deuils précoces, un environnement (familial,
social, professionnel) insufsant ou stressant.
En cas d’antécédents dépressifs, il faut recueillir avec
attention l’historique des prescriptions reçues par le
patient : type de molécule, qualité de la réponse thérapeu-
tique, tolérance et préférence du patient ; ces informa-
tions permettent d’argumenter la décision thérapeutique.
Évaluation somatique et paraclinique dans
les dépressions sévères
L’évaluation somatique et paraclinique de la dépression
sévère est importante ; même si les relations causales avec
les pathologies somatiques ne sont pas toujours clairement
identiées, on sait que les comorbidités somatiques peuvent
contribuer à l’aggravation de la dépression du point de vue
pronostique, donc de sa sévérité, que certains traitements
de pathologies organiques peuvent aggraver l’expression
symptomatique ou moduler la réponse thérapeutique
(réponse partielle, résistance) [2, 13, 21], et enn que la
dépression peut constituer un facteur de risque de survenue
de maladies somatiques, mais aussi d’évolution péjorative
(du point de vue de la morbi-mortalité) lorsque celles-ci sont