Lettre mensuelle gratuite, publiée par la Fondation Jérôme Lejeune - 37 rue des Volontaires 75725 Paris cedex 15
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D : Jean-Marie Le Méné - Rédacteur en chef : Guenièvre Mouchet - I : PRD S.A.R.L. - N° ISSN 1627.498
*Faute d’espace, retrouvez toutes les références des publications scientiques citées dans le numéro en ligne de cette lettre sur www.genethique.org
Thérapie cellulaire du cœur :
beaucoup de bruit…
Récemment la perspective de soigner des
cœurs fatigués, victimes d’un infarctus, via
des injections de cellules souches a trouvé
un nouvel écho. A l’origine, deux publica-
tions publiées ou commentées dans la revue
scientique Nature. La première souligne
que les publications scientiques sur la thé-
rapie cellulaire du cœur dont le protocole se
base sur des cellules souches adultes ne pré-
senteraient pas de bénéce ou qu’il serait dû
à un biais dans l’étude. La seconde présente-
rait un progrès dans l’utilisation des cellules
souches embryonnaires humaines (CSEh)
pour soigner les fatigues du cœur, et que
le risque lié au développement de tumeurs,
risque le plus répandu dans l’utilisation de
CSEh, serait contenu. Peut-on en déduire
que les cellules souches adultes, jusqu’alors
plus avancées que celles embryonnaires
dans la thérapie du cœur, seraient battues
en brèche ? En réalité, non.
L’utilisation des cellules souches adultes
(hématopoïétiques et mésenchymateuses,
donc non-embryonnaires) pour la régéné-
ration myocardique a été pratiquée depuis
déjà longtemps. Une amélioration dans la
fonction ventriculaire, faible, mais réelle, a
toujours été notée après injection de cellules
souches mésenchymateuses dérivées de la
moelle osseuse. Cet eet positif post infarc-
tus - augmentation de l’éjection ventricu-
laire, diminution de la mortalité un an après
le traitement - est démontré dans les études
récentes*.
Les mises en causes des eets des cellules
souches adultes sont discutables. L’article
de Nowbar AN et al.* qui jette le doute sur
les cellules souches adultes, ne porte pas
sur l’eet de ces cellules dans le traitement
de l’infarctus du myocarde, chez l’homme,
mais sur les inexactitudes rencontrées dans
certains rapports. Face à des eets, certes
modérés, mais réels, les conclusions de cet
article sont à relativiser.
L’article qui présente des avancées via les
CSEh n’apporte guère de nouveauté, dans
un domaine où ce qui compte maintenant,
ce sont les résultats chez les patients.
Certes, il* présente la régénération par les
cardiomyocytes dérivés de CSEh du cœur
de primates. Jusqu’alors cela n’avait été réa-
lisé que sur la souris et ce n’est pas anodin.
Mais il met en garde vis-à-vis des complica-
tions possibles en particulier les arythmies
– irrégularités du rythme cardiaque. Comme
les cardiomyocytes dérivés des CSEh ne
peuvent être injectés aux patients, sous
peine de rejet immunologique, l’étude ne
fait pas prévoir de grands changements dans
ce domaine chez les patients. La récente in-
terview dans le Figaro Santé du Pr Menasché
(5 mai), ardent avocat de l’utilisation des
CSEh en thérapie cardiaque, se termine
d’ailleurs par un constat pour le moins pru-
dent quant à l’utilisation thérapeutique de
ces cellules.
La vraie question demeure : pourquoi les
recherches sur des iPS n’avancent-elle pas
plus vite ? La thérapie par cellules souches
pluripotentes chez l’homme est bien plus
conditionnée par la question du rejet
immunologique que par les éventuelles
tumeurs qui pourraient se développer.
Logiquement le traitement par iPS déri-
vées du malade lui-même devrait prévaloir.
Une publication parue mi mai dans Nature
Medecine* pourrait ouvrir des perspec-
tives : des équipes d’Harvard associent
iPS, thérapie génique et ingénierie cellu-
laire pour restaurer du myocarde chez des
personnes atteintes d’une maladie géné-
tique qui conduit à des insusances car-
diaques. A suivre de près.
Clonage thérapeutique : le retour ?
Plusieurs annonces récentes démontrent
que le clonage thérapeutique chez l’homme
est possible. L’écho rencontré dans la presse
se comprend en partie par le contraste avec
le silence qui entoure cette recherche depuis
le scandale du professeur coréen Hwang en
2005*. Est-ce à dire pour autant que le clo-
nage thérapeutique pourrait concurrencer
les autres moyens d’obtention des cellules
souches pluripotentes (notamment les
iPS) ? Pour rappel, la technique du clonage
consiste à extraire le noyau cellulaire d’un
ovocyte, à le remplacer par le noyau d’une
cellule prélevée directement sur le patient
en attente de traitement. La division de
l’ovule est lancée pour aboutir à un embryon
au stade précoce duquel sont extraites des
cellules souches. L’objectif est de produire
un tissu génétiquement identique au pa-
tient évitant les rejets observés avec des
CSEh «classiques».
Une entreprise qui demeure insoutenable
sur le plan éthique, coûteuse, et limitée
sur le plan de son application. Ces travaux
récents montrent certes que le clonage
thérapeutique est possible chez l’homme.
Cependant les obstacles sont nombreux.
D’abord cette technique consiste à créer
des embryons, donc des êtres humains
pour la recherche, ce qui éthiquement est
indéfendable. Ensuite les conditions sont
précises et l’ecacité limitée. Cette réus-
site a un intérêt théorique, mais n’a guère
d’applicabilité pratique, en particulier pour
une médecine régénérative. La disponibilité
réduite d’ovocytes humains, les questions
éthiques soulevées par la rémunération des
femmes qui donnent leurs ovocytes et par
l’enjeu de société abyssal que représente
le clonage humain, la basse ecacité de la
procédure de transfert nucléaire et le long
temps nécessaire pour obtenir le doublage
de la population de CSEh, font qu’une telle
technique peinera à devenir une procédure
de routine dans le domaine clinique. On
sait que les publications en la matière sont
systématiquement accompagnées d’une
grande couverture médiatique. Cependant
cela est loin de prouver que ce clonage dit
« thérapeutique» soit devenu une alterna-
tive crédible à l’usage des cellules iPS, plus
discrètes, mais déjà répandues et très utiles
dans les laboratoires.
Deux cas particuliers ont récemment donné lieu à des publications qui brouilleraient les cartes en matière d’utilisation de cellules souches à
des ns thérapeutiques : la thérapie du cœur et le clonage dit « thérapeutique ». Avancées concrètes ? Eets d’annonce ?
Thérapie cellulaire du cœur & clonage thérapeutique:
l’embryonnaire reviendrait-il dans la course
aux cellules souches ?