1
LES SACREMENTS :
INTRODUCTION GENERALE, BAPTÊME, CONFIRMATION ET MARIAGE
PREMIERE PARTIE : SACRAMENTAIRE GENERALE
1. Introduction
1.1 Le schéma global du cours
Le premier cours sur les sacrements s’articule en quatre parties :
L’introduction générale clarifie des concepts impliqués en chaque sacrement, une histoire du
concept de « sacrement » et une réflexion approfondie. Nous verrons aussi les
« sacramentaires ».
Nous présenterons le Baptême et la Confirmation. Ces deux mystères constituent quasi la
structure du Chrétien : par le caractère indélébile ils le rendent conforme au Christ pour
toujours. Avec l’Eucharistie ils forment la base de l’existence chrétienne. C’est pour cela que
Baptême, Confirmation et Communion sont appelés les « sacrements de l’initiation
chrétienne ». Les sacrements de l’Ordre et du Mariage apparaissent dans le Catéchisme de
l'Eglise Catholique comme « les sacrements au service de la communion » : la grâce de ces
sacrements, plus que la sanctification personnelle, sert à l’édification de la communauté
ecclésiale »
1
.
1.2 Les sacrements comme « piliers » de la vie chrétienne
« Toute la vie liturgique de l’Eglise gravite autour du sacrifice Eucharistique et des
sacrements »
2
. Les sacrements se trouvent au centre de la liturgie qui « est le sommet
auquel tend l’action de l’Eglise et en même temps la source d’où découle toute sa vertu »
3
.
Le concile défini la liturgie disant qu’elle « est considérée comme l’exercice de la fonction
sacerdotale de Jésus Christ, exercice en lequel la sanctification de l’homme est réalisée d’une
manière propre à chacun d’eux et dans lequel le culte public intégral est exercé par le corps
mystique de Jésus Christ, c'est-à-dire par le chef et ses membres. Par suite, toute action
liturgique, en tant qu’œuvre du Christ prêtre et de son corps qui est l’Eglise, est l’action
sacrée par excellence dont nulle autre action de l’Eglise ne peut atteindre l’efficacité au
même titre et au même degré »
4
.
Selon le Catéchisme de l'Eglise Catholique, la liturgie comme culte publique consiste des
sacrements, des sacramentaux, de la liturgie des heures et de la célébration des obsèques.
Nous pouvons retenir quatre éléments de la définition magistérielle de la liturgie :
1
CEC, n° 1534.
2
CEC, n° 1113.
3
Vatican II, Sacrosanctum Concilium, 10.
4
Vatican II, Sacrosanctum Concilium, 7.
2
1. La liturgie est œuvre du Christ, elle est œuvre de l’office sacerdotal du Christ. Ce n’est
donc pas une œuvre humaine. Par elle, le Christ continu l’œuvre de notre
rédemption.
5
2. La liturgie est œuvre de l’Eglise. L’office sacerdotal du Christ « est exercé par son
corps mystique, par la tête et les membres ». Ce n’est donc pas un évènement
individuel.
3. La liturgie est célébrée en l’honneur de Dieu et pour le salut de l’homme. La liturgie
possède donc une dimension « catabatique » Dieu descend en Jésus Christ pour
sanctifier, et une dimension « anabatique » où nous montons vers Dieu par Jésus
Christ notre tête.
4. La liturgie advient avec des signes efficaces qui réalisent ce qu’ils disent.
La liturgie ne remplit pas toute l’action de l’Eglise car auparavant il est nécessaire que les
hommes soient appelés à la foi et à la conversion.
6
1.3 La première caractérisation du terme « sacrement »
Le Catéchisme de l'Eglise Catholique donne déjà cette synthèse :
« Les sacrements sont signes efficaces de la grâce, institués par le Christ et confiés à
l’Eglise, par lesquels la vie divine nous est dispensée. Les rites visibles sous lesquels les
sacrements sont célébrés, signifient et réalisent les grâces propres de chaque
sacrement. Ils portent fruit en ceux qui les reçoivent avec les dispositions requises »
7
.
Le sacrement comporte :
- L’institution de la part du Christ.
- Un signe extérieur ex opere operato » = qui réalise ce qu’il signifie par le fait que
l‘action est accomplie).
- Une grâce intérieure (une participation spécifique à la vie de Dieu, au salut opéré
par le Christ.
1.4 Difficultés contemporaines avec les sacrements
Le cosmos sacramentel présuppose la réalité anthropologique et cosmique du symbole. Pour
une vision spirituelle du monde, la réalité matérielle se transcende vers Dieu et le monde
spirituel. Pour pouvoir lire le monde comme symbole il faut avoir la conviction que la réalité
matérielle vient de la création de Dieu.
Suite à la sécularisation, cette conviction est diminuée. Les réalités matérielles ne sont plus
vues comme signes de la transcendance, mais comme objets des besoins humains. Non
seulement la foi est faible, mais aussi les différents moments des praeambula fidei (contenu
qui précèdent la foi). Alors qu’une sensibilité pour la création rend disponible au créateur et
rédempteur.
Suite à l’illuminisme, les sacrements sont critiqués comme étant des restes archaïques d’une
superstition primitive. [
Kant : « Il serait une superstition folle de penser que par l’usage de simples moyens
de la nature on puisse produire un effet qui est pour nous un mystère, comme l’influence de Dieu sur notre vie
morale »
].
5
Cf. CEC 1069.
6
Cf. Sacrosanctum Concilium n° 7.
7
CEC, n° 1131.
3
Comment quelques gouttes d’eau dans le Baptême peuvent être décisives pour notre
destinée éternelle ? La dimension surnaturelle n’est plus prise au sérieux dans la praxis
liturgique.
La méfiance illuministe est préparée par le protestantisme qui met l’accent uniquement sur
la relation entre la parole de Dieu et la foi en délaissant la dimension sacramentelle.
La célébration des sacrements doit transcender la vie quotidienne, mais en même temps
doit attirer l’homme dans sa situation existentielle. Souvent on ne voit pas le lien entre la vie
et la célébration des sacrements.
1.5 Le contexte théologique de la sacramentaire
Les sacrements ne sont pas une réalité « autonome », mais intrinsèquement unie aux
données fondamentales de la foi.
Selon Léon le Grand, « ce qui était visible en notre sauveur est passé dans ses mystères ». Le
lien avec la Christologie est donc fondamental
8
.
Le lien avec l’Ecclésiologie est aussi important. Comme Jésus, l’Eglise peut aussi être appelée
‘sacrement du salut’.
Les sacrements impliquent des signes, il faut donc réfléchir sur la base anthropologique des
sacrements. Ces mystères portent des présupposés anthropologiques.
Le traité des sacrements a aussi des liens avec la Pneumatologie (la présence du salut
advient par l’action de L’Esprit Saint), avec la Création (dimension du signe) avec la
Charitologie (doctrine sur la grâce dont la transmission est le premier but des sacrements) et
enfin l’Eschatologie (les sacrements font anticiper la réalité ultime).
Dans la liturgie de chaque sacrement nous trouvons quatre éléments fondamentaux :
1. L’anamnèse (souvenir), l’annonce qui rappelle les actions salvifiques de Dieu
(Christologie, Sotériologie).
2. L’épiclèse (invocation), la prière par la descente de l’Esprit Saint (Pneumatologie,
Charitologie).
3. La koinonia (communion), Dieu répond à l’épiclèse avec la mission de l’Esprit qui unit
les fidèles à une communauté nouvelle, avec Dieu et les autres membres de l’Eglise
(Ecclésiologie).
4. La prosfora (oblation), la koinonia rend capable de se donner avec Jésus Christ à Dieu
et aux hommes.
2. Prémisses anthropologiques et cosmologiques
2.1 L’importance de « l’analogia entis »
Chaque réalité terrestre est expression de la grandeur de la beauté du créateur
9
. Cette vision
du monde est mise en crise à la fin du Moyen Age par le nominalisme : les concepts
généraux sont seulement des « noms » qui n’expriment rien de la réalité des choses. Ce
« rasoir d’Occam » rend impossible de remonter de la connaissance du monde à la
connaissance de Dieu ; Dieu et le monde sont radicalement séparés. Dieu devient arbitre de
son agir. [Selon Occam, Dieu au lieu de s’incarner comme homme aurait pu aussi se faire
âne.]
8
D’ailleurs Saint Thomas traite des sacrements directement après le traité sur le Christ qui finit avec les
« mystères de la vie de Jésus ».
9
Cf. Sagesse 13,5 et Romain 1,20.
4
Luther a grandi sous l’influence du nominalisme (Gabriel Biel) et pour lui « la raison
prostituée » est incapable de connaître Dieu par les œuvres de la création. Ainsi, lorsque
Luther souligne les paroles de l’institution et peu le symbole du pain et du vin, Steck
commente que pour ce dernier les dons eucharistiques pourraient être des ‘pommes
sauvages’.
2.2 La signification du symbole
Ce mot vient du Grec () qui signifie jeter ensemble. Il s’agit donc de deux réalités
qui conviennent sous un certain respect. Le symbole peut donc être définit comme un signe
arbitraire (feu rouge). Mais d’habitude on souligne la correspondance entre le symbole et la
réalité qu’il représente.
Le symbole est donc un être qui désigne un autre être par une ressemblance qui lui est
propre. (Exemple : la lumière pour désigner une clarté intellectuelle).
2.3 La corporéité comme symbole
L’homme comme être d’âme et de corps porte en lui une dichotomie entre intériorité et
extériorité, entre esprit et expression de celui-ci. Le corps exprime l’âme, mais l’insère aussi
dans une histoire concrète et une communauté humaine. Le corps se prolonge en signes
extérieurs, comme l’a fait sus Christ en exprimant réellement sa présence et son offrande
pour nous sous les espèces du pain et du vin. Le corps n’est pas seulement un signe qui
représente ou informe, mais il réalise l’action humaine qui part du « Je » spirituel.
2.4 L’homme comme reflet du monde (micro cosmos) et image de Dieu
Grégoire le grand dit « l’homme a quelque chose en commun avec chaque créature : l’être
avec les pierres, la vie avec les arbres, le sentit avec les animaux, l’intellect avec les anges ».
Dans l’homme, le cosmos entier avec ses différentes couches et parties trouve quasi un
reflet visible. L’homme symbolise le cosmos.
Mais l’homme est surtout l’image du Créateur lui-même. Il est image de Dieu dans sa
propriété intellectuelle qui résonne dans le domaine corporel.
Il faut cependant distinguer :
- les propriétés naturelles qui ne se perdent pas, même pas le péché,
- les propriétés surnaturelles réacquises par le moyen du Christ et l’achèvement dans
la gloire future.
Le corps exprime la ressemblance spirituelle avec le Créateur et Sauveur.
Le corps révèle l’âme, mais aussi cache la dimension spirituelle de l’homme qui ne se rejoint
pas directement. Il faut l’intention expresse du ‘Je’ pour se manifester extérieurement.
En tout cas, les sacrements correspondent à la structure humaine. Jean Chrysostome dit « Si
tu avais été incorporel, Dieu t’aurait donné des dons incorporels et sans forme visible ; mais
parce que l’âme est unie au corps, Dieu te donne des dons spirituels en réalités sensibles ».
2.5 L’importance du symbole dans le langage, dans les sciences naturelles et dans la
psychologie du profond
Quelques scientifiques proposent une fonction tridimensionnelle du langage humain :
l’autorévélation de l’homme (je), se tourner vers une autre personne (tu) et la
communication d’une réalité intersuggestive (il).
En psychologie, les symboles sont les éléments individuels des archétypes (
Ces archétypes
structurent la libido ou énergie psychique qui se forme sur des structures conscientes et subconscientes. Les
5
archétypes sont le « lit du fleuve » court l’eau de l’énergie psychique
). Les symboles ne peuvent pas
être produit artificiellement, mais expriment les structures subconscientes. Ils représentent
la réalité existante, mais en même temps indiquent un but et provoquent le changement
humain.
2.6 Le symbole dans la philosophie de la religion
Selon Eliade, le mystère divin, le « saint », est distinct du profane par les symboles et n’est
pas opposé à la raison.
L’usage du symbole apparaît comme précurseur du langage et de la pensée discursive. Le
symbole n’est pas une création humaine, mais « l’apparition du saint ». C’est un moyen pour
résumer des expériences variées, peut-être aussi paradoxales, face à la réali ultime. Le
symbole devient donc la base de communication et outrepasse les cultures.
Dans le Christianisme, les symboles humains reçoivent une nouvelle interprétation liée à
l’évènement historique de l’incarnation.
Dans les religions, les symboles entrent en divers rites qui sont liés à des point cruciaux de la
vie humaine : naissance et mort (montre que la vie humaine n’est pas déterminé par l’arbitre
humain), maturité sexuelle et repas (montre le désir de se propager dans la vie humaine et
de continuer). Ainsi, les données biologiques deviennent le point de départ des rites
religieux qui orientent vers la vie divine.
2.7 La spécificité des sacrements chrétiens
Ils ne correspondent pas exactement à ces points cruciaux mais font référence à ceux-ci en
partant de l’histoire du salut. Le Baptême est ainsi la nouvelle naissance dans la vie de Dieu
qui est communiqué à des personnes en un contexte de foi.
La vie sacramentelle recueille la préparation humaine qui s’exprime en symboles et la
concrétise par l’évènement historique de la venue du Sauveur. Les sacrements présupposent
la vie quotidienne, en tirent la lymphe vitale en l’orientant et en la purifiant vers le Christ.
Selon Saint Thomas qui suit Hugues de Saint Victor, les sacrements sont convenant à
l’homme propter eruditionem en tant que la connaissance humaine commence des réalités
sensibles ; propter humiliationem en tant que l’homme après la chute originelle s’est mis en
esclavage des choses corporelles et pour cela doit se servir des réalité sensibles ; propter
exercitationem en tant que l’homme doit agir non seulement spirituellement, mais
entièrement, par le moyen du corps.
Dans la dimension sociale, la communication par le langage et les gestes corporaux est
indispensable.
3. Jésus Christ – « sacrement » du Père dans l’Esprit Saint
Sacrement dérive du grec Mysterion qui indique dans le contexte biblique un mystère de
Dieu, caché d’abord dans son plan éternel, mais ensuite révélé dans l’histoire. Ce mystère se
concentre sur Jésus Christ (Cf. Colossiens 1,26s et 2,2).
Dans le mystère du Christ le plan éternel de Dieu devient visible et opérant pour le salut des
hommes. Dans la visibilité de Jésus Christ on rencontre le Dieu invisible. (Jean 14,9, Jean
1,14, Jean 1, 1-3, 1Co 4,6…). Ceci se voit aussi dans les synoptiques où le mystère du règne
de Dieu est présent en Jésus, dans ses paroles et dans ses œuvres.
Saint Augustin décrit la chair du Seigneur comme ‘sacrement’ qui contient, révèle, mais aussi
en quelque manière cache la nature divine.
Léon le Grand appelle le Christ ‘principale et maximum sacramentum’.
1 / 113 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !