La bonne gouvernance et la problématique des politiques

publicité
Docteur BOURICHE Riadh
Maître de conférences - HDR en sciences politiques
Adjoint au chef de département chargé de la post-graduation
Président du comité scientifique
Département des sciences politiques, université Mentouri de Constantine
‫
اا‬/ ‫ا اا و إ
ات اد
و ا‬
: ‫ﻋﻨﻭﺍﻥ ﺍﻝﻤﺩﺍﺨﻠﺔ‬
Titre de la communication :
La bonne gouvernance et la problématique des politiques
économiques et de développement : le cas de l’Algérie
Introduction
En tout cas, la gouvernance devient un concept de plus en plus utilisé dans le monde
politique et académique. Quoique ce mot a une dimension dans ce qui touche à la réforme de
l’Etat notamment dans les pays en voie de démocratisation et de développement. En effet, les
programmes d’ajustements structurels et de développement appliqués dans les Etats en
développement parmi lesquels l’Algérie durant les deux dernières décennies, les actions de
construction et de renforcement de l’Etat de droit, plus fréquemment la littérature très
étendue réservée à la « bonne gouvernance » se basent précisément sur l’idée d’un lien global
associant la réforme politique et le développement en général (et surtout la gouvernance et le
développement économique).
Depuis le début des années quatre-vingt-dix, la notion de gouvernance est au centre
des préoccupations des gouvernants, des gouvernés, ainsi que des organismes au service du
développement. L’Algérie, comme tous les Etats des pays en développement, est appelée à
promouvoir la bonne gouvernance dans la gestion des affaires publiques économiques et dans
les différentes politiques de développement1. Une relation positive est-elle reconnue entre la
« bonne gouvernance » et le développement global (économique, social, politique…) ? La
bonne gouvernance est-elle définie comme « luxe » venant consacrer la réussite du processus
de développement à travers différentes politiques? Ce dernier est-il perçu comme processus
prioritaire de transformation des moyens de production en reléguant ou non les réformes
politiques à l’état de promesse du futur ? Par ailleurs, la question pertinente consiste ici à
rechercher les conditions les plus aptes à promouvoir des politiques de développement.
Pour atteindre cette bonne gouvernance dans le cadre d’un développement global, il
est aussi question de se préoccuper des éléments suivants : le risque politique (cela suppose la
régulation permanente du paysage politique et l’amélioration de la gestion politique des
affaires économiques), le risque économique, l’environnement des affaires, la redistribution
équitable du revenu national et la recherche d’une certaine créativité…
Par ailleurs, confrontés aux échecs répétés de ces programmes économiques et de
développement, ces institutions dénoncent le cadre politico-institutionnel défaillant de ces
1
Bouriche Riadh, La gouvernance économique en question, Le Quotidien d’Oran N° 4051, 10 Avril 2008, p 07.
1
pays et recommandent d’agir sur leur manière de gouverner. Selon elles, ce sont ces
déficiences d’ordre politique qui sont à l’origine de la plupart des problèmes économiques
rencontrés en Afrique, en Amérique Latine ou encore dans les pays de l’Est.
Les institutions financières internationales (FMI, Banque Mondiale) ont en effet pris
conscience que des réformes économiques seules ne suffisaient pas sans le traitement des
questions politiques et sociales, c’est-à-dire qu’un projet économique ne pouvait aboutir sans
une légitimité politique et une efficacité minimum des institutions politiques. Cependant, les
institutions internationales se heurtent au fait qu’elles ne peuvent intervenir dans le champ
politique. C’est la raison pour laquelle elles ont fait appel à la notion de gouvernance pour
éviter de parler de réforme de l’Etat ou de changement social et politique en échappant ainsi
aux accusations d’ingérences dans les politiques intérieures des pays emprunteurs-ajustés.
C’est pour cela qu’on a commencé à parler de la bonne gouvernance en Algérie durant la
dernière décennie 1998-2008, notamment après la fin de l’application du programme
d’ajustement structurel 1994-1998 qui visait des réformes globales et un développement
économique. Enfin, on peut traiter ici une problématique qui tournerait autour de la bonne
gouvernance et la problématique des politiques de développement en Algérie.
I. Premières politiques de développement
Le bilan mené des politiques de développement des décennies 70 et 80 a montré que
l’économique d’Etat s’est développé dans le cadre d’un processus contradictoire :
inadéquation entre dynamique économique (industrielle) et dynamique sociale. Ce processus
est marqué par des stratégies de légitimation politique et sociale qui ont caractérisé l’Etat dans
le cours de sa constitution et de l’appropriation de ses appareils.
Face à la thèse officielle sur les dysfonctionnements du secteur d’Etat industriel, se
positionne celle fondée sur l’inadéquation des dynamiques de ce secteur et développée par
S.P. THIERY et B. HAMEL2. Cette thèse officielle situe les dysfonctionnements du secteur
industriel dans la non socialisation du travail comme puissance productive telle qu’exigée par
l’ordre productif objectivé dans l’appareil de production. Elle se résume dans la
reconnaissance que la création et l’élargissement du secteur d’Etat se sont accompagnés de
phénomènes économiques et sociaux contradictoires de 1962 jusqu’au milieu des années
quatre-vingt. Malgré que ce secteur a impulsé durant cette période une dynamique
économique fort importante, cette dernière s’est développée dans un rapport d’inadéquation
avec la dynamique sociale. Il y a là le problème d’output de la politique publique de
développement du pays.
C’est précisément à propos de la question des institutions que S.P. THIERY3 souligne
le caractère inachevé du redéploiement du secteur public, du fait qu’il s’est heurté à
l’opposition de certaines contraintes sociales. Selon lui, la crise du système productif est une
crise des formes institutionnelles et de régulation économique et sociale, au sens de non
adaptation de la dynamique de la production à celle de la demande sociale. Et il conclut que
dans les affrontements des forces sociales sur la nature des transformations nécessaires à
mettre en œuvre, le capital privé national a su profiter du secteur public.
2
HAMEL B, Economique de l’Etat et socialisation en Algérie, février 1989, p89.
3
Ibid.
2
B. HAMEL rejoint en grande partie la thèse de S.P. THIERY, sauf qu’il précise que
l’économique étatique ne s’est pas caractérisé par un défaut de régulation tant au plan de sa
constitution qu’au plan de son fonctionnement. Cependant, il note que les actions de l’Etat et
celles du mouvement social n’ont pas pu se réaliser pleinement dans une synthèse qui aurait
renforcé la socialisation marchande étatique, précisément parce que le système politique n’a
pas facilité l’émergence et la pratique d’une telle synthèse.
En effet, nous pensons que ces dysfonctionnements sont inhérents, en fin de compte,
au modèle d’industrialisation tant au plan du choix des technologies qu’à celui de réalisation
des projets industriels. C’est la non prise en compte de la dimension sociale de
l’industrialisation et des rapports sociaux à l’œuvre qui distingue l’inadéquation entre
dynamique économique et dynamique sociale, avec des manifestations du passage
contradictoire d’une société principalement paysanne à une société industrielle.
Par ailleurs, cette politique volontariste d’augmenter la demande par un taux
d’investissement appuyé sur une épargne budgétaire tirée d’une situation favorable du marché
pétrolier et un endettement extérieur, a permis de couvrir les dysfonctionnements de ce
modèle de développement. « Mais cette approche naïve de l’industrialisation qui consiste à
contourner les contraintes par le recours à l’extérieur commençait à donner des signes de
faiblesse à la fin de cette étape (...) La conséquence est que le stock de la dette extérieure est
passé de 1 milliard US$ en 1970 à 17 milliards US$ en 1980, soit une multiplication par 17 du
stock en une seule décennie ! »4.
Ces dysfonctionnements vont avoir des conséquences graves dans les années quatrevingt et les années quatre-vingt-dix parce qu’au lieu de créer les institutions politiques et
économiques capables d’entretenir une croissance économique et sociale soutenue, on a
essayé d’achever un système productif d’Etat et le recours à des services achetés à l’extérieur
par l’endettement.
Au moment où ce système a commencé à montrer des signes de faiblesse, il y a eu la
situation favorable du marché pétrolier entre 1979 et 1981. Au lieu de s’attaquer à ces
dysfonctionnements et d’envisager des solutions acceptables dans le cadre d’une
problématique d’indépendance nationale et de révolution sociale, la politique instaurée au
début des années quatre-vingt a réorienté les investissements vers les secteurs non directement
productifs et a déstructuré les entreprises au nom de la restructuration économique. En effet,
elle est toute proche d’un risque réel de rendre encore plus vulnérable la reproduction
d’ensemble, et de faire évaluer l’économie algérienne d’une situation de dépendance vis-à-vis
du marché capitaliste à son intégration dans le système capitaliste. Or, la levée de ce risque
nous semble être liée à l’édification du système productif national et à une libération plus
grande de la dynamique sociale.
II L’ajustement structurel comme politique de développement
Le processus de développement algérien était donc caractérisé à partir du début de la
décennie quatre-vingt par une série de déséquilibres économiques. Cette dernière est relative à
la sous utilisation des capacités de production, à la faible productivité du travail, aux taux de
4
BENBITOUR Ahmed,. L’Algérie au Troisième Millénaire, Défis et potentialités, Editions Marinoor, Alger,
1998, pp23-24.
3
croissance négatifs, à l’inflation, au chômage, au déficit budgétaire, au déficit de la balance
des paiements et au problème de la dette et son service.
Cette crise structurelle et multidimensionnelle sans aucune imagination de politiques
publiques nationales de développement a constitué l’obstacle majeur au développement et a
conditionné la stabilité économique, sociale et politique.
Cette impasse, qui s’annonçait durable, n’a pas suscité les réactions adéquates des
pouvoirs publics qui auraient consisté en la réarticulation des variables macro-économiques
en conformité avec le nouveau contexte. Cette fuite en avant s’est substituée à la mise en
œuvre des mesures d’ajustement, qui sans doute, laissaient encore à ce moment des marges de
manœuvre assez grandes. L’aggravation de la crise a eu pour conséquences sur le plan
externe, un durcissement des conditions d’emprunt et sur le plan interne, un rétrécissement
des possibilités d’accumulation et des conditions de vie de la population.
Cela a permis de distinguer plusieurs étapes dans la tentative de résolution de cette
crise. L’objectif fondamental ici est d’adapter les structures de l’économie nationale aux
réalités du marché mondial, c’est-à-dire assurer la transition de l’économie administrée vers
l’économie de marché. Il y a donc renoncement aux anciennes structures et légitimation de
nouvelles par la démarche de l’ajustement structurel. C’est pourquoi, les politiciens et les
économistes parlent alors des programmes d’ajustement structurel.
Le programme d’ajustement structurel qui signifie l’ensemble des mesures visant à
transformer les structures de l’économie algérienne a connu un début de mise en application
en 1987. Ces mesures s’articulent dans une démarche qui a sa propre cohérence sur le plan
global. Le saut qualitatif impliqué par ce projet a accru l’étendue de la réflexion et a conduit à
la nécessité de mettre en œuvre des initiatives dans tous les domaines (une doctrine qui
propose des changements structurels et institutionnels fondamentaux). Il a abouti à un large
mouvement de réformes ayant pour enjeu la mutation raisonnée de la société algérienne.
Officiellement, le programme d’ajustement n’est rentré en vigueur qu’en 1994 et a été dicté
par la contrainte du rééchelonnement et par les difficultés croissantes de mobilisation de
nouveaux capitaux. La crise de l’endettement fait émerger alors le FMI comme une institution
incontournable pour assainir la macro-économie.
En réalité, l’ajustement structurel dès lors qu’il s’agit de transformer les structures
d’une économie nationale en l’orientant vers un développement de type orthodoxe, peut
bénéficier d’un appui des institutions financières internationales. L’objectif ici est de tenter de
décrire les principales étapes du PAS en Algérie en clarifiant les caractéristiques de chacune
d’entre elles. Nous en distinguons quatre :
•
L’étape des tentatives de réformes ou étape des réformes nationales 1982/1988 :
structuration organique et financière des entreprises, réduction de l’investissement dans le
secteur public, compression de l’importation…
•
L’étape des tentatives de réformes ou étape de l’ajustement structurel dans l’évolution
démocratique (1988-1991) : institution, en 1988, de l’autonomie des entreprises publiques
qui devaient être régies par des règles de commercialité, glissement faible et périodique
du taux de change du dinar, compression des importations… Signature avec le FMI d’un
premier accord stand-by le 30 mai 1989 et d’un deuxième accord stand-by le 3 juin 1991
4
qui ont insisté sur la nécessité de la participation du secteur privé à l’œuvre du
développement et la suppression du déficit budgétaire…
•
L’étape d’interruption des réformes et de tentation d’ajustement hétérodoxe ou étape de
l’ajustement sous l’Etat d’urgence (1992-1993) : une tentation éphémère d’ajustement
hétérodoxe surgit avec le gouvernement de Belaid ABDESLAM qui revendique
l’économie de « guerre » ou l’économie dite « roumaine » comme outil de
développement, avant que la politique économique ne verse dans un structuralisme
orthodoxe… L’idée qui semble sous tendre l’interruption des réformes entamées en 19881991, est que l’Algérie peut selon les auteurs de cette décision, faire face à la charge
écrasante de la dette extérieure en inscrivant sa stratégie de développement dans un axe
essentiel, à savoir l’utilisation maximale des capacités nationales pour exporter plus et
importer moins. Dans cette perspective, le programme du gouvernement a été
principalement axé sur la priorité à l’investissement dans le secteur des hydrocarbures et
le contrôle de la masse monétaire…
•
L’étape de la reprise des réformes de stabilisation ou étape du commencement de
l’ajustement structurel conditionnel (1994-1995/98) : l’accord de stand-by de 1994/95 est
donc considéré comme le premier accord de rééchelonnement de la dette publique
algérienne. En effet, le rééchelonnement est justifié : l’Algérie a été d’une part un pays
débiteur présentant l’imminence d’un défaut de paiement (une balance des comptes
courants déficitaire à plusieurs reprises) et a accepté d’autre part l’adoption d’un
programme d’ajustement économique sous l’égide du FMI. Enfin ayant exécuté avec
rigueur ce programme économique, l’Algérie obtient un nouvel appui du FMI par le biais
d’un programme dit « facilité élargie » de trois ans 95/98. Ce programme, qui requiert des
mesures de libéralisation et de réformes économiques prolongées, va permettre à ce pays
de placer ses efforts de développement dans un contexte de long terme.
Dans le cadre du développement économique global, le programme d’ajustement
structurel et de stabilisation macro-économique appliqué entre 1994 et 1998 sous l’égide des
conditionnalités du FMI, tournait autour des réformes de la politique budgétaire, de la
politique monétaire, de l’ajustement du taux de change à travers la dévaluation, de la politique
des prix, de la diminution de l’inflation et de la limitation de la récession, de la balance des
paiements et de la gestion du service de la dette, de la privatistion et de l’élimination
progressive des entreprises publiques, de la libéralisation du commerce extérieur, de
l’attraction de l’investissement étranger, de la révision du système de protection sociale et du
désengagement de l’Etat de l’économique…
Au terme de ces quatre années de mise en œuvre d’un programme de stabilisation et
d’ajustement, il n’est pas sans intérêt d’évoquer les résultats macro-économiques atteints par
l’économie algérienne et de s’interroger sur leurs effets en ce qui concerne le développement
des secteurs économiques et des services publics. C’est ce qui nous amène à dire qu’il y a eu
un rétablissement des équilibres macro-financiers : ces politiques de rigueur monétaire et
budgétaire ont conduit à comprimer l’inflation (30 % à moins de 3% entre 1994 et 1999), à
réduire notablement le déséquilibre de la balance des paiements et atténuer fortement le
déficit budgétaire et à reconstituer des réserves de change à un niveau jamais égalé
auparavant… Tout cela a pu être obtenu au prix d’une réduction drastique de la demande
interne et de facteurs exogènes ponctuellement favorables (hausse des prix des hydrocarbures
sur le marché mondial, appréciation du dollar américain).
5
Mais parallèlement, l’application de ce programme s’est accompagnée d’une
destruction accrue des entreprises, en particulier publiques. La dépréciation de la monnaie
nationale a fortement renchéri les prix des inputs, aggravant ainsi les déséquilibres de
trésorerie des entreprises. La réalisation du commerce extérieur, en particulier d’importation,
a également eu des incidences négatives sur les entreprises, en ce que leurs parts de marché se
sont réduites. Les performances de ces entreprises, jugées désormais à l’aune de rentabilité,
ont amené un grand nombre d’entre elles soit à la dissolution soit à des licenciements
collectifs. Autrement dit, la récession dans le secteur industriel a été diversement ressentie
par les différents secteurs économiques. La production du secteur industriel a régulièrement
baissé, la trésorerie des entreprises s’est fortement détériorée et de nombreuses entreprises ont
été dissoutes.
Par la suite, ce programme a été poursuivi, durant la décennie 1998/2008 dans le cadre
des deux plans de relance économique 99/2004-2009, par une politique de développement
toujours orthodoxe mais appuyée sur une approche favorable à la demande globale et à
l’augmentation de l’investissement et de la consommation à un niveau jamais égalé
auparavant. Les recettes se sont, en même temps, accrues, grâce à la bonne tenue des
hydrocarbures sur le marché mondial. La politique monétaire a également permis de contenir
la croissance monétaire à un taux compatible avec l’objectif de réduction de l’inflation et
aussi de la résolution du problème de la dette. Malgré l’ouverture économique,
l’encouragement de la politique du partenariat et l’apport des investissements directs
étrangers en Algérie, la valeur ajoutée du secteur productif est toujours constante (moins d’un
milliard de dollars d’exportations en 2008) et reste loin des attentes du développement
durable.
Nous sommes dès lors fondés à conclure que les causes ayant conduit à l’application
d’un tel programme d’ajustement et de relance sont toujours présentes. Les politiques de
développement mises en œuvre au cours de la deuxième moitié des années quatre-vingt-dix et
au cours de cette dernière décennie ont ainsi échoué à créer réellement les conditions d’une
reprise durable de la croissance et du développement. Bien plus, étant donné la fragilité des
équilibres macro-économiques, le retour à la situation antérieure à l’application des
programmes d’ajustement et de relance économique s’avère constituer une hypothèse forte
dans l’avenir.
En effet, si les résultats de ces programmes apparaissent bien fragiles au plan
économique, ils revêtent, en revanche, un caractère durable dans le domaine de la bonne
gouvernance notamment économique selon les institutions internationales. Mais l’intensité
des réformes libérales en Algérie est telle que BENISSAD H. écrivait déjà : « si la spirale du
désespoir se prolonge, le fondamentalisme économique du FMI et de la Banque Mondiale
pourrait bien, à défaut d’autres moyens d’expression du mécontentement populaire, contribuer
à l’effondrement de l’Etat actuel »5. Ainsi, l’Etat socialo-providence était déjà affaibli, mais
l’ajustement structurel et les plans de relance comme politiques de développement ont besoin
des vertus de la bonne gouvernance pour mettre en œuvre tout projet social de
développement.
5
BENISSAD Hocine, L’ajustement structurel : l’expérience du Maghreb, Office des Publications Universitaires,
1999, p103.
6
III De l’ajustement structurel comme politique de développement à la
bonne gouvernance
Depuis quelques années, la notion de gouvernance est au centre des préoccupations
des gouvernants et des gouvernés, ainsi que des organismes au service du développement.
L’Algérie, comme tous les Etats des pays en développement, est censée promouvoir la bonne
gouvernance dans la gestion des affaires publiques dans le cadre du processus de
développement. En effet, une relation positive est en train d’être reconnue entre la « bonne
gouvernance » et le développement durable en Algérie.
La bonne gouvernance est l’expression même du développement en tant que régime
parfait. En effet, ce dernier était perçu comme un processus prioritaire de transformation des
moyens de production sous la tutelle de régimes reléguant la réforme du système de gestion
des affaires publiques à l’état de promesse du lendemain.
Dans le cadre du développement, gouvernance, paix et stabilité sociale sont des
questions interdépendantes et indivisibles. La paix et la stabilité sociale sont impossibles sans
la bonne gouvernance. Inversement, on ne peut instaurer ou institutionnaliser la bonne
gouvernance sans la paix et la stabilité sociale. Au cours de la dernière décennie, les
interdépendances entre paix, stabilité et développement social sont devenues un thème clé du
débat sur le développement de l’Afrique. Pour sa part, la Commission économique pour
l’Afrique (CEA) a été à l’avant-garde de ce consensus de plus en plus général, en soutenant
que la paix, la bonne gouvernance et la stabilité sociale sont les préalables au redressement
économique et au développement humain durable.
Il est vrai que la croissance économique en Algérie comme signe de développement
dépend de facteurs économiques tels que la qualité des ressources disponibles et leur quantité
de production, mais l’expérience a également montré que cette croissance économique, pour
qu’elle puisse être durable et équitable, dépend de la qualité des politiques économiques, de
l’administration publique, du système légal et judiciaire, ainsi que de la mise en application
effective des règles et des lois.
Il s’agit en Algérie de donner plus d’importance au cycle d’élaboration, de mise en
œuvre, d’évaluation et de contrôle des politiques publiques économiques et de
développement. Il faut effectivement parler de cycle de gouvernance économique, c’est-à-dire
de processus se déroulant dans le temps. Là où la politique économique met l’accent sur la
décision, la nouvelle approche de la gouvernance économique s’intéresse à l’organisation
dans le temps du processus par lequel s’organisent, se mettent en œuvre et se corrigent les
politiques économiques. Il faut insister sur le moment précis où l’autorité arrête une politique
de développement s’intéressant essentiellement à la légalité de la procédure suivie, par
exemple aux différentes étapes de validation d’un projet de loi concernant le secteur
économique ou autre, et à la rapidité et l’efficacité dans l’exécution de ces politiques.
Ainsi, depuis le début de l’application des programmes d’ajustement structurels en
1994 et l’entrée de l’Algérie dans les politiques économiques libérales et orthodoxes, c’est-àdire depuis le commencement de la privatisation des entreprises publiques, de la libération des
prix et du commerce…, et jusqu’à nos jours, il est toujours question de la réforme
économique, de la mise à niveau des entreprises, de la privatisation, de l’investissement
étranger, des réformes agricoles et industrielles…, sans réel achèvement de ce processus.
C’est pour cela que l’économie actuelle vit quelques dysfonctionnements : problématique du
7
pouvoir d’achat (augmentation des prix), incapacité des entreprises à créer de la richesse,
chômage, spéculation et désorganisation du marché (marché des matériaux de construction, de
l’alimentation, de l’agriculture…). Cet exemple montre la nécessité de donner de l’importance
à ce cycle de gouvernance économique et son impact sur le développement.
De même, l’on doit prendre en considération le partage des rôles aux différentes étapes
du cycle, le choix des indicateurs, la construction de l’opinion publique et l’organisation de la
scène de débat public pour la construction de cette politique de développement. Devant le
constat de cette situation, le développement doit sortir de l’économie rentière pour entrer dans
une économie permettant la création de la vraie richesse, en passant du plan hésitant à la
stratégie dynamique en utilisant entre autres des outils statistiques et des réseaux
d’information modernes.
Il s’agit de préciser que le temps est au cœur de la bonne gouvernance qui comporte un
certain nombre d’objectifs importants : faire vivre l’ensemble de la population dans la paix
intérieure et la prospérité durable ; assurer l’équilibre économique des différents marchés ;
gérer sur le long terme les ressources naturelles ; offrir à la communauté algérienne de plus
grandes opportunités d’épanouissement ; permettre le développement des sciences et des
techniques (le passage à une économie de la connaissance) ; s’adapter économiquement aux
évolutions du monde tout en gardant son identité profonde…
C’est ainsi qu’il est question de plus d’application effective des règles et stratégies
pour permettre le vrai décollage économique, de plus de transparence dans la gestion des
affaires publiques économiques et d’intensification des efforts de lutte contre la pauvreté et de
création d’entreprise. De même, les travaux de recherche relatifs aux relations économiques
internationales montrent que le développement passe toujours par une observation effective
de la bonne gouvernance notamment économique.
Partant de là, le PNUD (1997) définit la gouvernance comme l’exercice de l’autorité
politique, économique et administrative dans les affaires nationales à tous les niveaux.
Autrement dit, trois dimensions caractérisent la gouvernance, à savoir : la gouvernance
politique, la gouvernance administrative et la gouvernance économique. La gouvernance
économique, dont traite particulièrement cette analyse, recouvre les processus de prise de
décisions qui ont une incidence sur les activités économiques du pays et les relations
économiques de ce pays avec les autres pays. A ce sujet, pourquoi ne pas prendre exemple sur
des pays tels que la Chine pour asseoir son économie sur un secteur productif hors
hydrocarbure, c’est-à-dire imprégner la culture productive dans la société pour qu’elle se
développe.
Donc, cette bonne gouvernance semble avoir des répercussions importantes sur
l’équité, la pauvreté et la qualité de la vie. Cette dimension de la gouvernance inclut
également des questions relatives aux politiques économiques et au rôle de l’Etat, du secteur
privé et de la société civile dans la gestion du développement du pays. En effet, la mise en
œuvre de politiques économiques cohérentes et permettant de mettre l’économie sur le
chemin de la croissance et, par conséquent, d’améliorer les conditions de vie de la population
passe par la définition d’un bon cadre macro-économique. A l’inverse, la mise en place de
politiques économiques inadaptées qui ne considèrent pas correctement la situation des
populations peut entraîner l’économie dans un cycle de récession et détériorer les conditions
de vie des populations.
8
Ainsi, on peut dire que la bonne gouvernance en Algérie a pour base la recherche des
solutions aux problèmes réels que connaissent les populations, dans l’objectif de leur bienêtre. Elle conduit à faire en sorte que la croissance et les marchés profitent à l’ensemble de la
population en considérant les trois principes essentiels que sont l’opportunité, la sécurité et
l’inclusion. Par opportunité, on considère la possibilité pour les populations de participer à la
croissance économique, ce qui suppose d’avoir accès aux services d’éducation et de santé. Par
sécurité, on entend l’existence des moyens de se prémunir contre les catastrophes naturelles,
mais aussi contre les effets négatifs qui peuvent provenir des restructurations et des réformes
économiques. Enfin, l’inclusion (empowerment) constitue la possibilité d’assurer aux
populations la capacité de prendre part à la vie politique afin que leurs priorités soient prises
en compte par les autorités publiques et les décisions gouvernementales.
Par ailleurs, pour définir les critères d’une « bonne gouvernance économique »,
l’accent peut être mis sur les indicateurs de gouvernance en relation avec les performances du
pays en termes de croissance économique et d’amélioration du bien-être des populations.
L’on considère à cet effet les indicateurs directement en rapport avec la croissance
économique et ceux directement en rapport avec le bien-être social. Parmi les premiers, on
peut retenir le taux d’investissement dans l’économie, qui traduit la tendance de l’Etat et des
particuliers à investir dans le pays ; le niveau du secteur productif public et privé, le niveau
d’inflation et le taux de pression fiscale. Ces indicateurs traduisent la volonté des autorités
publiques de créer un cadre propice à une croissance durable. S’agissant des indicateurs de
gouvernance en rapport avec le bien-être des populations, on peut retenir le taux de chômage,
l’indicateur de l’investissement financier dans l’enseignement, l’indicateur de
l’investissement financier dans la santé, et l’indicateur des politiques sociales mises en œuvre.
Enfin, pour atteindre une bonne gouvernance en général et résoudre la problématique
des politiques de développement, il est aussi question de se préoccuper des éléments
suivants : le risque politique qui suppose la régulation permanente du paysage politique et
l’amélioration de la gestion politique des affaires économiques ; le risque financier qui peut
être réduit en restructurant le système bancaire et financier afin de rétablir la crédibilité des
établissements de crédit ; l’environnement des affaires ayant pour cadre idéal un avancement
de la régulation de l’activité économique, avec par exemple une réduction de la lourdeur
bureaucratique ; la redistribution équitable du revenu national afin d’éviter la fragilisation de
l’environnement économique d’ensemble due aux inégalités de revenus ; la recherche d’une
certaine créativité pour atteindre un véritable secteur productif, qui est la clé de tout
développement durable.
A ce sujet, Guy Hermet, Ali Kazancigil et Jean-François Prud’homme notent aussi que
« ce sont les experts des grandes agences internationales de l’aide au développement, de la
Banque mondiale en particulier, qui ont lancé la mode en 1989. C’est alors, en effet, que ces
spécialistes ont prescrit " la bonne gouvernance " aux dirigeants par trop maladroits ou
corrompus des pays démunis de l’Afrique sub-saharienne. Seule cette bonne gouvernance
permettrait selon eux à leurs peuples de voir grandir enfin la lumière annonciatrice de leur
rédemption économique et sociale à la sortie du tunnel de la misère. Dès lors, de manière
soudaine, la triomphante diffusion du mot "gouvernance " n’a plus connu de limite, au point
d’impliquer même les vertueux pays riches démocratiques »6. Donc, l’Algérie est concernée
par les principes de la gouvernance qui touchent aux mécanismes, aux procédures et aux
6
Guy Hermet, Ali Kazancigil et Jean-François Prud’homme, La gouvernance : Un concept et ses applications,
édition Karthala, 2005, p6.
9
institutions permettent aux citoyens de défendre leurs intérêts, d’exercer leurs droits, de
s’acquitter de leurs obligations et de régler leurs différends dans un processus de recherche de
développement.
Les institutions financières internationales ont en effet pris conscience que des
réformes économiques seules ne suffisaient pas sans le traitement des questions politiques et
sociales, c’est-à-dire qu’un projet économique ne pouvait aboutir sans légitimité et efficacité
politique. Cependant, les institutions internationales se heurtent au fait qu’elles ne peuvent
intervenir dans le champ politique. C’est la raison pour laquelle elles ont fait appel à cette
notion de « bonne gouvernance » pour éviter de parler de réforme de l’Etat ou de changement
social et politique en échappant ainsi aux accusations d’ingérences dans les politiques
intérieures des pays emprunteurs-ajustés tels que l’Algérie.
Dans ces trois domaines (Etat, société civile et secteur privé), les institutions de la
gouvernance doivent avoir pour vocation de consolider la paix, la stabilité sociale et le
pluralisme démocratique, en créant les conditions politiques, juridiques, économiques et
sociales nécessaires pour le développement de ce pays. La question pertinente consiste ici à
éclairer les conditions les plus aptes à promouvoir des politiques de développement dans le
cadre de cette approche de bonne gouvernance. Nous proposons, dans cette perspective, ces
conditions sous forme d’éléments pour atteindre la bonne gouvernance et le développement
en Algérie :
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
Participation : les citoyens doivent pouvoir s’exprimer sur la prise de décision, soit
directement soit à travers des institutions intermédiaires chargées de défendre leurs
intérêts. La participation élargie, qui doit être constructive, repose sur la liberté
d’association et la liberté d’expression.
Politiques et action publique : élaboration efficace et mise en œuvre des politiques
publiques sectorielles visant des objectifs bien définis.
Etat de droit : la loi et les droits de la personne, en particulier, doivent être équitables et
appliqués en toute impartialité.
Transparence : elle découle de la libre circulation de l’information et suppose que les
processus, les institutions et l’information soient à la portée de toute personne concernée.
Réceptivité : les institutions et les procédures en place doivent être au service de tous.
Recherche du consensus : la bonne gouvernance impose de concilier des intérêts
divergents pour parvenir à un large consensus sur les politiques et les procédures.
Equité : il s’agit de donner à chacun, homme ou femme, des chances d’améliorer ou de
maintenir son bien-être.
Efficacité et productivité : les procédures et les institutions sont censées produire des
résultats correspondant aux besoins, tout en utilisant les ressources au mieux.
Obligation de rendre des comptes : les décideurs du secteur public, du secteur privé et des
organisations de la société civile sont comptables de leurs actes devant le public et les
institutions.
Vision stratégique de développement : les décideurs et les citoyens ont besoin d’avoir une
perspective élargie et à long terme de la bonne gouvernance et du développement humain,
ainsi qu’une idée du contenu du développement. Il leur faut également comprendre les
complexités historiques, culturelles et sociales qui constituent le fondement de cette
perspective.
Ces caractéristiques essentielles sont interdépendantes, se renforcent mutuellement et ne
peuvent exister isolément. Elles correspondent à l’idéal et aucun pays ne les réunit.
10
Toutefois, chaque pays devrait s’efforcer, à travers un large consensus, de définir les
caractéristiques qui lui semblent les plus essentielles et le meilleur équilibre qui convient
entre Etat, secteur privé et société civile.
Conclusion
L’usage que l’on peut faire du mot bonne gouvernance en Algérie est beaucoup plus
large que ce que propose la Banque mondiale, on y trouvera bien sûr, les exigences
élémentaires de la démocratie que sont l’accès à l’information, le devoir des gouvernants de
rendre compte afin que les citoyens puissent contrôler et participer dans les affaires qui les
concernent, mais aussi l’exigence que les politiques économiques et de développement soient
élaborées à l’intérieur du pays selon ses propres caractéristiques et aussi ses propres intérêts.
Enfin, la bonne gouvernance qui est importante pour le processus de développement
en Algérie doit avoir une ambition à la fois descriptive (de caractérisation des formes
émergentes de l’action publique interne) et normative (de détermination de l’orientation des
changements nécessaires). La promotion des valeurs de la bonne gouvernance, transparence,
bonne administration des affaires publiques, sens de la responsabilité et citoyenneté, est
indispensable à la réussite de la transition vers l’économie libérale dans un objectif de
développement durable. En effet, la stabilité politique joue également un rôle considérable
dans la consolidation du processus, en ce qu’elle favorise les flux de capitaux et l’instauration
d’un climat d’affaires favorable.
11
Bibliographie :
BENISSAD Hocine, L’ajustement structurel : l’expérience du Maghreb, Office des
Publications Universitaires, 1999, p103.
HAMEL B, Economique de l’Etat et socialisation en Algérie, février 1989, p89.
BENBITOUR Ahmed,. L’Algérie au Troisième Millénaire, Défis et potentialités, Editions
Marinoor, Alger, 1998, pp23-24.
HERMET Guy, Ali KAZANCIGIL et Jean-François Prud’homme, La gouvernance Un
concept et ses applications, édition Karthala, 2005, p5.
CALAME Pierre, La démocratie en miettes. Pour une révolution de la gouvernance, Editions
Descartes & Cie, Paris, 2003, 331 p.
GAUDIN Jean-Pierre, Pourquoi la gouvernance ? Paris, Presses de Sciences Po, 2002.
LECA Jean, Sur la gouvernance démocratique : entre théorie et méthode de recherche
empirique, Politique européenne 1, avril 2000, pp. 108-129.
MOREAU DEFARGES Philippe, 2ème édition, La gouvernance, Paris, PUF, 2006, Que saisje ?
Governance and Development, Washington, World Bank, 1992.
MARCH James G., OLSEN Johan P., Democratic Governance, New York, London…, The
Free Press, 1995, VI-293 p.
CAMPBELL B., Gouvernance, réformes institutionnelles et redéfinition du rôle de l’Etat :
quelques enjeux conceptuels et politiques soulevés par le projet de gouvernement
décentralisée par la Banque mondiale, 2002.
MASSARDIER Gilles, Politiques et action publique, Editions Dalloz, paris, 2003.
BOURICHE Riadh, L’Etat à l’épreuve de la bonne gouvernance : la question de l’action
publique, in Le quotidien d’Oran, 03 février 2005, p. 07.
BOURICHE Riadh, L’Etat et la gouvernance, in Le quotidien d’Oran, 29 juillet 2004, p10.
BOURICHE Riadh, L’évolution des projets de développement, Le Quotidien d’Oran N°
2895, 08 juillet 2004, p 13.
BOURICHE Riadh, Les pays africains et le développement, Le Quotidien d’Oran N° 3019, 02
décembre 2004, p 11.
BOURICHE Riadh, La gouvernance économique en question, Le Quotidien d’Oran N° 4051,
10 Avril 2008, p 07.
12
Téléchargement