Roselyne Lalauze- Pol* - Douleur ambulatoire de l`enfant : la place

publicité
Roselyne LalauzePol* - Douleur
ambulatoire de
l'enfant : la place de
l'ostéopathe dans
une consultation
douleur de l'enfant
Le dossier - Thérapies
complémentaires - in Réalités
Pédiatriques - n° 208, Février 2017,
p.16-20 - Site de la revue Réalités
Pédiatriques - Feuilletez le n° 208
* Centre d'Évaluation et de Traitement
de la douleur - Hôpital Robert Debré, Paris
Le Site de l'Ostéopathie remercie Roselyne Lalauze-Pol et la revue Réalités Pédiatriques de
l'avoir autorisé à publier cet article
Résumé
L'ostéopathie a fait une entrée récente à l'hôpital, et, depuis 2012. l'AP-HP autorise sa pratique en son sein.
L'enfant douloureux chronique a souvent un long parcours pourtant il a rarement bénéficié d'une consultation
ostéopathique. Lors de certaines hospitalisations de Jour, l'enfant est pris en charge par trois praticiens : un
médecin algologue, un psychologue clinicien et un ostéopathe. Le traitement ostéopathique va s'intéresser au
corps de l'enfant dans sa globalité : de la posture, les fonctions musculo-squelettiques, les tensions viscéroabdominales à la fonction respiratoire en ne négligeant pas les cicatrices post chirurgicales.
Les pathologies prises en charges sont multiples: syndrome douloureux régional complexe de l'enfant,
apophysites, rachialgies. douleurs post-chirurgicales ou celles en lien avec une pathologie neurologique,
génétique ou un handicap
L'enfant douloureux chronique a souvent un long parcours pourtant il a rarement bénéficié d'une consultation
ostéopathique. Lors de certaines hospitalisations de Jour (HDJ), l'enfant est pris en charge par trois praticiens : un
pédiatre algologue, un psychologue clinicien et un ostéopathe. Le traitement ostéopathique va s'intéresser au corps de
l'enfant dans sa globalité : de la posture, les fonctions musculosquelettiques, les tensions viscéro-abdominales à la
fonction respiratoire en ne négligeant pas les cicatrices post-chirurgicales.
Les pathologies prises en charge sont multiples : syndrome douloureux régional complexe de l'enfant, apophysite(s),
rachialgies, douleurs post-chirurgicales ou celles en lien avec une pathologie neurologique, génétique ou un handicap.
En 2012, l'AP-HP a donné son autorisation pour une entrée officielle des médecines complémentaires en son sein.
Après10 ans de pratique bénévole en service de stomatologie et de chirurgie maxillo-faciale, une ostéopathe faisait
officiellement partie de l'équipe douleur.
Les enfants présentant des douleurs chroniques qui viennent en HDJ ont souvent un long parcours avec de multiples
consultations. Ils ont été peu ou non soulagés par un traitement classique médicamenteux. Pour le Dr Chantal Wood avec
le Dr Alexis Ferrari, qui mettaient en place une unité à l'hôpital Robert Debré, devenue Centre d'Évaluation et de
Traitement de la Douleur (CETD), associer l'ostéopathie à d'autres disciplines telles l'hypnose et l'acupuncture paraissait
évident.
Au CETD, nous sommes deux ostéopathes : un médecin chirurgien orthopédique pédiatrique et une ostéopathe DO
(Diplôme d'Ostéopathie) qui depuis 20 ans a une pratique clinique ostéopathique uniquement pédiatrique. Leurs pratiques
se complètent, le choix d'adresser à l'un ou l'autre de l'équipe est fait, en amont à la lecture des dossiers en fonction du
"parcours douloureux" du patient. Seul l'ostéopathe exclusif effectue des consultations ostéopathiques.
La consultation d'HDj est réalisée par trois intervenants : le médecin algologue, la psychologue et l'ostéopathe. La
consultation de psychologie est un entretien particulier. Cependant, nous avons volontairement choisi de faire une
consultation conjointe algologue-ostéopathe, ce qui évite au jeune patient ou à ses parents d'avoir deux interrogatoires
répétitifs. Les enfants sont adressés pour tous types de douleurs chroniques : de la douleur qui apparaît insidieusement
augmentant au fil du temps, celle d'apparition brutale, à la douleur postopératoire qui n'a pas cédé aux médications
classiques. Elles peuvent avoir des localisations multiples: viscérales, rachidiennes, ou localisées à un ou plusieurs
membres.
Les pathologies prises en charges sont multiples :
syndrome
douloureux
régional
complexe
de
l'enfant
(SDRC
ou
ancienne
algodystrophie);
- apophysites du pré-adolescent et l'adolescent (maladie de Sever Osgood-Schlatter), avec des situations moins
classiques
telles
le
sourcil
cotyloïdien
ou
l'épine
iliaque
antérieure;
hyperlaxité
constitutionnelle,
voire
syndrome
d'Ehlers
Danlos ;
- douleurs post-chirurgicales, devenues chroniques qu'elles soient orthopédiques, viscérales ou suites d’amputation
rachialgies
plus
ou
moins
complexes
[1]:
certaines
migraines
et
céphalées
de
tension
rebelles
au
traitement
médicamenteux:
- douleurs en lien avec une pathologie neurologique, génétique ou un handicap [2].
Après la prise de contact avec l'enfant et sa famille, l'enfant dessine sur un schéma, la ou les zones algiques. Puis, au fil
de l'interrogatoire, vont être précisés la périodicité, l'intensité de la douleur, ce qui calme l'enfant tout comme la qualité du
sommeil ou l'absentéisme scolaire. Ce sont autant de données qui vont orienter notre diagnostic.
La lecture minutieuse du carnet de santé tout comme le récit précis des circonstances de survenue de la douleur initiale
avant qu'elle ne devienne chronique, sont indispensables. Le carnet de santé de l'enfant douloureux chronique est souvent
très "rempli" dès la première année :coliques du nourrisson [3], otites, bronchiolites, bronchites et qu'il y a eu parfois une
intervention chirurgicale (phimosis, adénoïdectomies, amygdalectomies, etc.). On sait aujourd'hui que cette expérience
précoce et fréquente de la douleur fait le lit de la douleur chronique ou de la migraine [4].
Certains enfants ont un index de masse corporelle trop important, ce qui peut majorer les rachialgies ou les douleurs des
membres Inférieurs.
Une auto-évaluation de la douleur ou une hétéro-évaluation si l'entant est trop jeune, immature ou handicapé, est faite.
Cette étape ainsi que l'évaluation de la distance mains-pieds seront à nouveau réalisées à la fin de la consultation
ostéopathique afin d'apprécier le seuil douloureux résiduel et la mobilité récupérée.
Les enfants ont souvent eu nombre d'examens complémentaires, et parfois, d'autres examens s'imposent. À la lecture de
l'imagerie médicale, il n'est pas rare de trouver une anomalie rachidienne non objectivée précédemment (fig. l et 2).
Avant tout examen clinique sur la table d'examen. une observation attentive de la marche, couplée aux marches
digitigrade et sur les talons, est très utile. Un examen postural est aussi réalisé.
En fonction de la localisation douloureuse plusieurs paramètres sont appréciés : distance mains-pieds, mobilités
rachidiennes en latéroflexion et en rotation ainsi que des amplitudes articulaires des membres, la distance mains-pieds en
flexion rachidienne. Ces évaluations permettent de repérer les troubles du tonus postural, les asymétries fonctionnelles si
elles sont patentes, ainsi que les restrictions de mobilité articulaires.
En fin de consultation cette étape sera réitérée afin de voir si le trouble postural s'est atténué, si le déplacement est plus
aisé, la perception douloureuse est amoindrie.
L'examen clinique est classique, il est toujours complété par un examen neurologique
complet, et les douleurs neuropathiques telles les allodynies, si elles sont présentes, sont repérées et cotées sur une
échelle.
Après ce temps, l’examen clinique palpatoire ostéopathique débute, l'ostéopathe va apprécier la mobilité des
articulations, le tonus musculaire, l'ampliation respiratoire, la sphère abdominale, mais aussi la vascularisation
des téguments, la qualité de la peau (fig. 3 et 4).
La chaleur ou la froideur d'une zone, la finesse ou la transparence des téguments ou une sudation locale, et les
adhérences cicatricielles sont autant d'éléments diagnostiques.
Dans notre prise en charge, l'articulé dentaire est systématiquement pris en compte. Certaines douleurs rachidiennes,
notamment des cervicales, peuvent être induites ou aggravées par un articulé non équilibré (fig.5). L'aide d'un
orthodontiste peut être déterminante.
L'examen ostéopathique sur la table s'intéresse à l'ensemble du corps. L'ostéopathe s'attachera à retrouver un équilibre
postural en diminuant les tensions musculosquelettiques, celles relatives aux adhérences, drainer un œdème articulaire ou
local, améliorer la vascularisation locorégionale, toujours en s'intéressant à la course diaphragmatique qui est souvent
réduite chez les enfants et adolescents présentant des douleurs chroniques.
Chez certains enfants, la douleur est si intense que la région algique ne peut être abordée d'emblée. Le plus souvent les
zones à distance sont relâchées avant d'aborder celle(s) douloureuse(s).
Nous sommes particulièrement attentifs aux cicatrices, notamment celles liées à une intervention thoracique ou
abdominale de la petite enfance. Le tissu cicatriciel ayant une moindre élasticité, les adhérences peuvent engendrer
des douleurs régionales ou à distance, très invalidantes lors des poussées de croissance.
Les douleurs post-interventions sur scoliose [5,6] demandent un
ajustement particulier, le rachis ayant été rigidifié par l'arthrodèse, par exemple T2-L4, les zones mobiles sont réduites.
L'ostéopathe va détendre les contractures musculaires mais aussi les adhérences cicatricielles afin de retrouver une
souplesse tissulaire.
Certaines douleurs de croissance sont très handicapantes, elles sont parfois confondues avec des douleurs articulaires.
Ces enfants viennent en consultation au CETD avec un ou plusieurs examens radiologiques se limitant au seul espace
articulaire (scanner et/ou IRM). Un jeu de radiographies face et profil du segment de membre aurait permis de faire le
diagnostic d’apophysite. Une fois toutes les autres causes éliminées, le traitement est simple : arrêt de l'activité sportive en
charge avec des étirements quotidiens fréquents (20 minutes journalières).
Les premiers étirements sont réalisés passivement par l'ostéopathe puis exécutés par l'enfant, mais l'arrêt du sport en
charge est souvent mal vécu (fig. 6).
La consultation HDJ "douleur" dépasse les 90 minutes, le temps consacré à l’approche de la zone algique et les
mobilisations nécessitent du temps, d'autant plus que la douleur a souvent été trop longtemps négligée. Parfois, nous
sommes obligés de mobiliser la zone en miroir, c'est-à-dire de faire travailler le membre opposé pour obtenir un gain
articulaire du côté algique. Sous hypnose [7] on peut faire imaginer à l'enfant qu'il fait le geste quand il n'est pas en
capacité de le faire d'emblée.
Quelle que soit le pathologie, la course diaphragmatique est systématiquement investiguée. La plupart des enfants ont
une diminution de l'ampliation thoracique ce qui peut modifier les échanges gazeux et diminuer l'oxygénation des muscles
locomoteurs en augmentant les contractures.
Les activités en piscine sont conseillées, ainsi que l’auto-massage ; cela permet de reprendre contact avec une partie du
corps dans des conditions non désagréables pour les zones algiques.
L'enfant algique comme sa famille a besoin d'explications pour comprendre sa douleur et l'apprivoiser, la gérer. L’autohypnose, enseignée par le psychologue, peut être d'une grande aide à côté de la "construction" ou de la "reconstruction"
d'un schéma corporel fonctionnel.
Les résultats sont parfois spectaculaires, la perception douloureuse diminue souvent en cours de consultation. Repartir
avec moins d'appréhension de poser un talon ou des tensions musculaires amoindries est un plus pour l'enfant.
Dans son analyse sur les médecines complémentaires, le Pr B. Falissard dit que: « L'approche que proposent ces soins
doit faire réfléchir les médecins conventionnels. Nous sommes peut-être trop fixés sur le symptôme et l'organe. Il faudrait
sans doute davantage aborder les patients dans leur globalité... »
Pars on approche, l’ostéopathe a une place charnière entre l'algologue réalisant un examen clinique par "modules" :
appareil locomoteur, appareil viscéral, examen neurologique, etc.et le psychologue.
C'est une manière de raisonner et d'appréhender le corps dans sa globalité : les os, articulation, les fascias, les viscères,
le derme, la peau, etc. sont en constante relation et en continuité dans le corps, tant dans leurs constitutions anatomiques
et physiologiques que par leur l'origine embryologique.
Dès 2005, le Dr Chantal Wood avait cette conception prééminente de la globalité de l'être humain ; aujourd'hui, c'est
l’ensemble de l'équipe douleur du CETD de l'Hôpital Robert Debré qui la partage.
La prise en charge pluridisciplinaire est un pas vers la remédiation et la résilience; elle permet à l'enfant d'être pris au
sérieux, de se réinsérer dans le cercle familial, dans la vie scolaire.
Bibliographie
1. Hayden JA, Mior SA, Verhoef MJ. Evaluation of chiropractie management of pediatric patients with low back pain: a
prospective cohort study. J Manipulative Physiol Thor. 2003:26:1-8.
2. Castle KI, Imms, Howie I. Being in pain : a phenomenological study of young people with cerebral palsy. Dey Med Child
Neurol. 2007;49:945-949.
3. ROMANELLO S et al. Association between childhood migraine and history of infantile olic. Jama, 2013:309:1607-1612.
4. MANEYAVANIIA SB, VENKATASUBRAMANIAN A. Relationship between significant perinatal events and migraine
severity. Pediatrics. 2005;116:555+558.
S. SIEBERC CB.SIMONS LE.EDELSTEIN MR et al. Pain prevalence and trajectories following pediatric spinal fusion
aurgery. Pain. 2013;14:1694-1702.
8. KNUTSON GA. Vectored upper cervical manipulation for chronic sleep bruxism, headache, and cervical spine pain in a
child. Knutson GA. J Manipulative Physiol Ther.2003:26:16.
7. WOOD C, BIOY A. Hypnosis and pain in children. J Pain Symptom Manage. 2008:35:437-446.
L'auteure a déclaré ne pas avoir de conflits d'intérêts concernant les données publiées dans cet article.
Téléchargement