Revue de presse
Amour suite et fins
MICHEL SCHNEIDER
Presse écrite
Le Figaro littéraire, 4 juin 2015
Une histoire d’amour très physique
« En amour, on ne sait pas ce qu'on cherche,on sait encore moins ce que l'on trouve et on ignore toujours qu'il n'y a
peut-être rien à trouver». Ainsi parle le narrateur omniscient d'Amour suite et fins, le roman de Michel
Schneider, en quête de réponses. Qu'on ne se méprenne pas sur les cadenas du pont des Arts qui
ornent la couverture de l'ouvrage, il n'est pas question de romantisme à la Peynet dans ce livre.
On parle physique et littérature. Cela vole haut même lorsqu'on évoque le dessous de la ceinture
et le résultat est tout à fait jouissif.
Au départ, l'équation posée par l'auteur paraît simple. Vera et Vincent étaient ensemble, ils se
sont séparés mais peinent à se quitter. Vera est chercheuse, une tête, spécialiste de la physique
quantique. L'amour s'explique, selon elle, par un corpus d'équations qu'elle« transpose de la physique
quantique à la physique amoureuse». Smallbang pour justifier la rencontre, attraction, gravitation,
répulsion, les particules s'affolent... Vincent, lui, est professeur de littérature à l'université, un
intellectuel. Son savoir amoureux est extrait des classiques, «les romans sont la matière dont il dérivait
des conclusions psychologiques infinies», Pascal, Hemingway, Fitzgerald, Roth pour appuyer sa thèse.
Deux façons de voir les choses
mais une seule et nouvelle façon de communiquer, celle du XXIe siècle, qui impose dans le jeu de
l'amour et du désamour ses SMS, ses mails, ses conversations par l'entremise de skype, ses
portables avec sonneries personnalisées.
Vincent a choisi pour les appels de Vera la chanson de Sting It's Probably Me. Tout un programme
d'autodérision sur le ton de « celui que vous appelez, c'est moi? Si vous voulez». Vera et Vincent
sont en effet parisiens, tendance intellectuels bobos, qui se donnent rendez-vous pour leurs
galipettes à l'hôtel des Grands Hommes, place du Panthéon. Si Michel. Schneider ne se prive pas
d'égratigner le sentiment de supériorité de ces amoureux trop cérébraux, il enfait d'abord de
parfaits sujets d'études postmodernes. « Vera et Vincent avaient l'amour virtuel, liquide, hâtif. Plus de
temps à prendre ni à perdre dans des liens comme celui qu'ils avaient noué et rompu ».
A cause de cette technologie envahissante qu'autorisent justement les progrès de la physique
quantique, la majeure partie de leurs rencontres se passe désormais dans l'espace digital pixelisé.
«Loin des yeux, loin du coeur», disait Ie vieil adage qui n'a jamais été autant d'actualité. Car s'ils ont
la sensation de toujours rester en contact avec leurs outils hyperconnectés, ils demeurent aussi
désespérément seuls.
Tout cela est très savant, bourré de références à la physique - le narrateur soucieux de garder le
lecteur dans son champ gravitationnel peut à l'occasion lui suggérer de sauter certains passages -
virevoltant et parfois déconcertant. Ces deux-là arrêteront-ils un jour de penser pour oser?
De formules quantiques en citations littéraires, Michel Schneider amène la tragédie qui doit
conclure tout roman digne de ce nom. On aura été prévenu : « Rien n 'est plus triste que la mort d'un
grand amour sauf peut- être la tristesse de constater qu’il n'a jamais été vivant »
Françoise Dargent
Le Soir, Bruxelles 25 mai 2015
« L’amour est aujourd’hui en danger »
C’est un roman et ce n’en est pas vraiment un. Un conte philosophique à la Diderot,
l’auteur intervient de temps à autre, dit Michel Schneider. Une fantaisie quantique, propose-t-il
encore, puisqu’il y est fort question de physique des quanta. En tout cas, un livre pertinent sur ce
qu’est l’amour aujourd’hui, souvent plus virtuel que réel, où l’on ne se parle plus que par courriels
ou textos, l’on se quitte sans jamais se quitter vraiment, en fin de compte on ne peut se
séparer parce qu’on ne s’est jamais vraiment rencontrés. Vera et Vincent sont des personnages
bien de notre temps. Elle est chercheuse en physique, lui est professeur de littérature. Elle parle
de Schrödinger et de Feynmann, lui de Goethe et de Proust. Personne n’écoute vraiment l’autre.
Michel Schneider règle son compte à la vie d’aujourd’hui : l’amour postmoderne est sans issue.
Comme dans « Le principe » de Jérôme Ferrari, vous voilà vous aussi attiré par les quanta ?
Il y a dans la littérature et le roman une poussée des sciences. Des romanciers écrivent des fictions inspirées de
savants, de scientifiques, de mathématiciens ou de physiciens. Pour nous, ça reste un espace de métaphores, de belles
images comme celles de l’inséparabilité quantique. Pourquoi maintenant ? Peut-être parce que la littérature du moi,
l’autofiction, s’essouffle et que le regard se tourne vers le réel. Or le réel de notre époque est scientifique de part en
part. Comment aujourd’hui construire une histoire d’amour si on ne prend pas en compte la révolution des
technologies de l’information et ce qu’elles ont apporté à la relation amoureuse, à la relation sexuelle depuis une
quinzaine d’années ?
Pour le lecteur non scientifique, se tourner vers les quanta, ce n’est quand même pas très réel.
Les quanta, c’est le réel au sens c’est pratiquement incompréhensible. Comment voulez-vous qu’un chat
enfermé dans une caisse soit à la fois mort et vivant, ce qui est le paradoxe de Schrödinger ? La physique
quantique ne correspond pas du tout à nos présupposés logiques il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée,
qu’on soit ensemble ou pas ensemble.Mais si vous séparez des particules qui ont été ntriquées l’une dans l’autre à
des centaines de kilomètres d’espace-temps avec un accélérateur comme à Genève, et si vous agissez sur le premier, le
second rétroagit au même moment. Je me sers de ça pour penser la difficulté d’aimer dans le monde contemporain,
les gens se séparent plus vite mais ne se séparent jamais complètement : ce qui arrive à l’un continue à affecter
l’autre de façon inexplicable.
Vincent et Véra essaient de se séparer sans vraiment savoir le faire. Ils ne peuvent pas se séparer parce qu’ils
ne se sont jamais rencontrés vraiment. Ils ont toujours eu des écrans entre eux, écrans du langage scientifique pour
elle, du langage littéraire pour lui, écrans des langages masculin et féminin, qui abordent différemment les questions
sexuelle et amoureuse. Tous les deux sont bien de notre époque, des narcissiques dépressifs qui regardent leurs
écrans, qui communiquent avec l’autre essentiellement par textos et mails. En fait, ils ne se parlent pas, ils ne se
rencontrent pas dans un espace de parole commun, chacun poursuit son discours intérieur en présence de l’autre,
chacun ne voit l’autre que comme un reflet sur l’écran qui le sépare de lui. Ce n’est plus qu’artificiel. Les gens se
rencontrent avec le souci de ne pas se perdre dans l’autre. Or qu’est-ce que l’amour sinon la perte de soi, de ses
limites ? On est tous des phobiques de l’abandon. Mais si, dans l’amour, on ne s’abandonne pas à l’autre, on perd
le côté merveilleux de l’abandon. Peut-être qu’aujourd’hui l’amour est en danger, l’amour tel que des siècles entiers
se le sont représenté, à savoir la perte de soi dans l’autre. L’amour est en danger de disparaître dans l’insignifiance.
Propos recueillis par Jean-Claude Vantroyen
La Croix, 7 mai 2015
L’amour au temps des quanta
Vera un peu plus de 30 ans est physicienne de l'atome, spécialiste de la théorie des cordes.
Vincent presque 40 , universitaire, aime le XVIIe français, les romanciers américains, Proust et
Les Affinités électives. Parisiens, célibataires, libres, ils ont fait connaissance à l'automne 2007 à New
York, lors d'un colloque sur la nature du Temps : pour lui, c'est ce qui s'écoule inéluctablement et
que la littérature voudrait capter. Véra, elle, pense qu'il n'est pas la matière des livres, des êtres ou
des choses et qu'il n'existe pas.
Le Temps est cependant le troisième personnage de ce que, dans sa postface, Michel Schneider
appelle modestement un «conte philosophique» et qui a la profondeur et la complexité d'un grand
roman. Jusqu'à présent, la fiction avait très peu intégré les bouleversements que les facilités des
technologies nouvelles et les avancées vertigineuses de la physique contemporaine provoquent
dans l'espace de représentation, le labyrinthe des sentiments, les rituels des relations amoureuses.
La rencontre, les multiples ruptures, les retrouvailles, les longues périodes de silence et d'absence
ce qu'ils désignent par le mot «amour» , Véra et Vincent les vivent à travers les nouveaux
moyens de communication mails, SMS, Skype calls, portables avec répondeurs et sonneries
différentes et personnalisées possibles
grâce à la physique quantique. Ces miracles de la science les rendent joignables à tout moment
dans un espace digital pixellisé, «une capture d'écran» , ils se cachent, se protègent, comme
effrayés, de «la présence de l'autre qui seule, ajoute le narrateur anonyme, vous rend présent à vous-même».
Dans ces refuges, ces fuites loin du réel, ils sont éloignés, différents par le poids de leur histoire et
finalement très seuls. Comme la plupart de leurs amis, ils rejettent ce qu'ils considèrent comme le
vieux discours amoureux, mais chacun des deux s'en bricole un nouveau. Vincent vit dans
l'instant, dans le désir, détaché de tout amour, relié à ses romanciers préférés, Benjamin Constant,
Scott Fitzgerald, qui ne lui apportent guère de réponses à ses questions, tandis que pour Véra, la
nature de ce qu'il appelle le temps est un peu mieux cernée grâce à Schrödinger et au boson de
Higgs : l'autre est insaisissable, analogue à la particule dans la théorie de Heisenberg, le fameux
principe d'incertitude selon lequel il est impossible de connaître à la fois sa vitesse et sa position.
Et elle se raconte aussi que ceux qui se sont rencontrés, aimés, quittés sont pareils à ces particules
de la physique : ils sont unis à jamais. Elle cite à Vincent la métaphore qu'Étienne Klein utilisa
pour faire comprendre l'inséparabilité quantique : «Deux coeurs qui ont interagi dans le passé… marqués
à jamais…
forment un tout inséparable.» Mais à travers les masques de leur humour, les réseaux de leur culture,
la souffrance et le deuil amoureux subsistent, le tragique apparaît.
Les derniers mots appartiennent au narrateur. Il cite une lettre qu'un autre grand physicien
quantique, Richard Feynman, adressait le 17 octobre 1946 à Arline Greenbaum, sa femme, morte
seize mois auparavant : «Je t'aimerai toujours… Il m'est difficile de comprendre par l'esprit ce que cela signifie
de t'aimer après ta mort mais je peux toujours prendre soin de toi et t'entourer.»
Francine de Martinoir
Le Canard enchaîné, 29 avril 2015
Cantique des quantiques
Voiciun livre paradoxal : un roman d’amour sur le désamour, une monstration par a moins b
de l’impossibilité d’aimer comme de se séparer. Cette fiction désenchantée détaille les ruptures
et retrouvailles à répétition entre Vincent, professeur de littérature à la Sorbonne, et Vera,
physicienne spécialiste, notamment, de l’« inséparabilité quantique ». Deux particules élémentaires
(Houellebecq, es- tu là ?) qui s’attirent autant qu’elles se repoussent et ne cessent d’interagir...
Le livre est une étude, au sens musical, sur les variations du sentiment amoureux, qui est
discontinu : des cadenas « indéniables dénis du temps » - que les amoureux accrochent aux
ponts de Paris jusqu’au grand malentendu entre hommes et femmes... Plus que deux
personnages, Vincent et Vera sont deux voix qui dialoguent à distance par e-mails « érotico-
quantiques » et théorisent leur relation en se référant aussi bien aux grands physiciens, de
Heisenberg à Feynman ouSchrödinger et son fameux chat (ici sensuellement détourné !) qu’aux
« affinités électives » de Goethe, à Mme de Sévigné, La Bruyère ou Céline !
Commencé comme un roman épistolaire qui ne cesserait d’avorter, ce récit devient un petit
traité qui prétend revisiter les lois éternelles du cœur à l’âge des SMS, à la lumière de la théorie
des quantas.
Il faut reconnaître à Michel Schneider, psychanalyste et écrivain, un plaisir généreux à
communiquer sa science dans un style précis. Ainsi qu’un art du jeu de mots psychanalytique,
parfois un peu épuisant à suivre. Mais l’un combiné avec l’autre lui permet souvent de toucher
juste pour dire l’impalpable : « En amour, comme Vera et Vincent, nous sommes toujours des débutants
ou, comme on disait autrefois au lycée pour les langues, de grands commençants interdits devant cet objet étrange
et haut, qui naît en ignorance de cause dans l’impossible et le désespoir. »
Un bref roman à la fois réflexif et instructif. David Fontaine
Page des libraires, avril 2015
La science a-t-elle une âme ?
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