l`avenir de la social-démocratie européenne passe par la

L'AVENIR DE LA SOCIAL-DÉMOCRATIE
EUROPÉENNE PASSE PAR LA RECONQUÊTE
CULTURELLE DE LA NOTION DE DETTE
FRÉDÉRIC MÉNAGER-ARANYI
- JUIN 2011 -
NOTE N° 5/2011
À propos de EuroCité
Le cœur du projet de EuroCité est de produire des analyses pluridisciplinaires de fond sur les
politiques européennes majeures enlant science politique, sociologie, droit et économie ; et d'en
dégager des orientations programmatiques européennes progressistes assorties de propositions
opérationnelles sur le social, l'environnement, la gouvernance économique, l'action extérieure, la
recherche...
Pour sortir des lieux communs et ouvrir de nouvelles pistes, l'excellence intellectuelle et la
pluridisciplinarité sont nos ambitions premières. Mais celles-ci ne seront rien sans une
transformation systématique en propositions politiques.
EuroCité, le think tank européen progressiste
37, avenue Jean Moulin – 75014 Paris
© 2012 EuroCité
L'avenir de la social-démocratie européenne passe
par la reconquête culturelle de la notion de dette
Frédéric Ménager-Aranyi
Secrétaire général de EuroCité
Résumé
La crise grecque est un véritable tournant dont on ne perçoit pas encore la portée pour la social-
démocratie. Celle-ci doit faire le choix de demeurer la garante de la mise en œuvre de deux attributs
importants de l'Europe future : celle de la protection au sein d'un monde concurrentiel, celle de la
Puissance, au sein d'une Histoire dans laquelle elle doit continuer à jouer un rôle décisif et moteur,
porteuse d'une conception de la société qui demeure son patrimoine commun le plus irréfutable.
FRÉDÉRIC MÉNAGER-ARANYI – LA SOCIAL-DÉMOCRATIE ET LA RECONQUÊTE CULTURELLE DE LA NOTION DE DETTE
Nous assistons avec un sentiment d'impuissance des plus frustrants à l'implosion
économique d'un pays qui nous est proche géographiquement, symboliquement
considéré comme le berceau de notre culture, pacte entre Raison et Démocratie dans
lequel nous puisons tant de références et de repères.
Voir la Grèce en proie à de telles difficultés ne touchent pas que les amoureux d'un pays
si unique, mais résonne de manière angoissante en chaque européen comme le sentiment
confus d'une menace qui pèserait directement sur lui. Si ce sentiment est nécessairement
alimenté par la réalité économique et financière du risque de crise systémique qui
devient désormais un spectre étrangement matériel, il est, en ses profondeurs, nourri
plus certainement par une inquiétude d'ordre symbolique. On sent bien qu'à travers le
problème grec, c'est toute une conception du Politique qui doit être repensée et pas
seulement en raison des références à la démocratie athénienne qui relèvent du réflexe
oratoire.
Pour la Social-Démocratie, les leçons de la crise grecque seront contrastées, car il faut
bien tirer du drame de tout un peuple des règles de conduite de politique économique et
une réflexion sur l'avenir démocratique de l'Europe.
LA DETTE PUBLIQUE DEVIENT UN ENJEU POLITIQUE MAJEUR
En premier lieu, il faut prendre acte que dans les prochains mois, la question de la dette
publique sera au cœur du débat politique et que se déroulera autour de ce problème un
véritable combat culturel pour lequel il faudra s'armer conceptuellement et
stratégiquement.
C'est à une véritable démarche de type gramsciste qu'il faudra alors s'atteler, en
favorisant la prégnance d'un vocabulaire et d'une sémantique propre à la social-
démocratie sur une question pour laquelle elle n'éprouve pas une aisance naturelle à se
positionner.
La question de la dette publique, qui était l'apanage des économistes et des spécialistes
est en train de devenir une véritable question politique ; et une question à laquelle
l'électorat populaire demeure extrêmement sensible. D'abord, parce que contrairement à
des présupposés sociologiques erronés, la culture économique est très diffusée dans les
classes sociales fragilisées les plus confrontées précisément aux variations de l'activité
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économique. Il y réside une angoisse culturelle de l'endettement liée à un vécu quotidien
qui permet une transposition de la situation actuelle à l'échelle de l'individu. De surcroît,
ces classes sont celles qui demeurent les plus attachées à la notion de service public et
elles anticipent parfaitement la dégradation de ceux-ci du fait d'une dette publique qui
deviendrait insolvable. Cet électorat sera donc sensibilisé à un discours prenant en
compte cette dimension dans les politiques publiques et risque d'être réceptif à un
discours d'affolement qui sera entretenu par le camp conservateur si celui-ci n'est pas
contredit. Les classes moyennes, quant à elles, posent la question de la dette en des
termes antagonistes qui sont ceux du degré de pression fiscale et de l'efficience
administrative.
La gauche devra donc, en France comme en Europe, résoudre une difficile équation
électorale qui surdéterminera sa capacité à proposer un projet crédible compte tenu des
contraintes budgétaires à venir.
LA DETTE, UN DÉFI CULTUREL POUR LA SOCIAL-DÉMOCRATIE
L'état des forces en présence n'est pas, loin s'en faut, favorable à la social-démocratie qui
est attaquée en ce qui est un des pôles de sa culture politique.
En effet, si l'action publique, au sens large, demeure un des piliers des modèles d'offre
politique de la social-démocratie, les modèles de résolution des crises d'endettement
préconisés aujourd'hui invalident un tel schéma.
On voit bien dans quelle situation le PASOK grec se retrouve, devant appliquer la mise en
place d'un plan de rigueur aussi drastique que nécessaire pour éviter la faillite, et se
traduisant par une vague importante de privatisations ainsi que par une réduction
massive de la dépense publique. Autant d'orientations fondamentales qui mettent la
gauche grecque en porte à faux avec l'électorat qui l'a amenée au pouvoir et qui risque de
se traduire par une défiance durable. Les Grecs sont désormais loin de pouvoir
revendiquer quoique ce soit qui ressemble à une extension des politiques sociales ou à
une réhabilitation du rôle de l'action publique.
Outre cette problématique du contraste entre l'offre politique et la réalité de l'exercice
des responsabilités dans un contexte aussi exceptionnel, ce qui est atteint dans cette
crise, c'est la croyance fondamentale en la démocratie, à la possibilité pour la société de s'
« auto-instituer » pour reprendre un vocabulaire propre à un penseur grec de langue
française, Cornélius Castoriadis.
Si les formes traditionnelles de la démocratie représentative ne sont plus susceptibles de
prodiguer une telle croyance, il ne faut pas s'étonner qu'une large partie de la population,
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