Modélisation de la dynamique des glaciers
(préparé par E. LE MEUR)
La dynamique des glaciers représente l’ensemble des mouvements de la glace au sein des
glaciers, lequel peut se résumer en un écoulement de la partie haute (là ou la glace
s’accumule) vers la partie basse (là où cette même glace finit par disparaître). La meilleure
illustration de cette dynamique est le champ de vitesse de la glace en surface que l’on mesure
sur l’ensemble des glaciers du service d’observation. Les fluctuations glaciaires quant à elles
matérialisent les changements dans la géométrie du glacier (variations d’épaisseur, de
longueur), et sont le résultat des changements dans la distribution du bilan de masse de
surface (accumulation-ablation). Cependant, le lien n’est pas si simple dans la mesure où une
variation de bilan ne se traduira en variation glaciaire qu’au travers de l’écoulement de la
glace, et ce avec un certain délai (temps de réponse du glacier) ce qui rend l’interprétation
climatique à partir des fluctuations glaciaires beaucoup plus complexe qu’à partir des données
de bilan.
Cependant, lorsque l’on s’intéresse aux conditions climatiques pour des époques reculées
(Petit Age de Glace par exemple) pour lesquelles les mesures de bilan ne sont pas disponibles,
le recours à l’interprétation des fluctuations glaciaires reste la seule alternative. Et parmi les
fluctuations glaciaires, les variations de position des fronts des glaciers ont depuis longtemps
intéressé les hommes de par leur relative facilité de mesure et leurs implications économiques.
Ainsi pour de nombreux glaciers, les fluctuations glaciaires passées (surtout les longueurs)
sont souvent disponibles sous formes de courbes ou d’anciennes cartes, lesquelles ont été
mises à profit pour reconstituer les conditions climatiques du Petit Age de Glace au XIX
siècle (figure 1, d’après Vincent et al., 2004)
Argentiere
1600 1650 1700 1750 1800 1850 1900 1950 2000
Yea
r
-800
-400
0
400
800
1200
1600
Cumula
t
ive leng
t
h change (m)
Mer de Glace
Bossons
Grindelwaldgletscher
Figure 1 : Fluctuations des fronts de 4 glaciers des Alpes de 1600 à 2000 (Vincent et al.
2004)
Du fait de la complexité de l’écoulement glaciaire en partie contrôlé par les propriétés
rhéologiques de la glace et par les interactions avec le substratum rocheux, il n’existe aucune
formulation simple reliant les variations glaciaires en réponse aux variations de bilan. Seule
une approche physique par modélisation numérique permet à partir des données de bilan de
masse de surface de reproduire la spécificité de la dynamique glaciaire et par conséquence les
fluctuations glaciaires correspondantes.
La figure ci-dessous (figure 2) illustre la structure de ce genre de modélisation et fait
clairement apparaître que les bilans de masse de surface (soit mesurés, soit reconstitués à
partir de scenarii climatiques) constituent le principal forçage du modèle. Le modèle tel que
représenté illustre la formulation directe qui consiste à reproduire la réponse glaciaire à un
scénario climatique. Il faut cependant savoir que ce genre de modèle peut aussi s’employer
sous forme inverse, c’est à dire permettre à partir des fluctuations glaciaires disponibles,
essayer de remonter aux valeurs de bilans qui sont à l’origine de ces fluctuations (le cas des
reconstructions du PAG).
Conditions aux limites
BILAN DE MASSE
-Lois de Conservation
-masse
nergie
-mouvement
-Lois de déformation et
de glissement
-Topographie glaciaire et
bedrock -200 0+100 t
H
VARIATIONS
GEOMETRIQUES
ET/OU DYNAMIQUES
DU GLACIER
PARAMETRES :
-Mesures en laboratoire
- Mesures de terrain
- Inconnus ( fixé à priori)
MODELE
MODELE D’ECOULEMENT
D’ECOULEMENT
GLACIAIRE
GLACIAIRE
T
- 200 0+100 t
FORCAGE CLIMATIQUE
Figure 2 : Structure d’un modèle d’écoulement glaciaire
Ces approches ont été appliquées au glacier de Saint Sorlin, entre autre parce qu’il dispose de
la plus longue série de bilan de masse permettant un bon forçage du modèle (Vincent et al.,
2000 ; Le Meur et Vincent, 2003).
Outre les simulations à caractère climatique, savoir prédire l’évolution (surtout future) d’un
glacier est aussi intéressante à plusieurs points de vues. Pouvoir prédire l’évolution future des
glaciers peut avoir de nombreuses implications dans la gestion de toutes les ressources
afférentes aux glaciers (tourisme, gestion de l’eau, hydroélectricité) ainsi que dans la
prévision du risque glaciaire.
Des simulations de l’évolution future du glacier de Saint Sorlin on été réalisées en supposant
la persistance de conditions climatiques similaires à celles de la moyenne des 30 dernières
années (figure 3). Ces simulations montrent qu’aujourd’hui, le glacier n’est pas en équilibre
avec son environnement climatique puisque le maintien de ces mêmes conditions dans le futur
amène à terme à un recul glaciaire de près de 700 m.
Figure 3 : Simulation stationnaire du glacier de Saint Sorlin par extrapolation des conditions
climatiques actuelles. Le recul final est de près de 700 m (normalement au bout d’un temps
infini), mais les simulations montrent qu’il faudrait s’attendre à près de 400 m de recul au
cours des 50 prochaines années (sans même invoquer de réchauffement) (d’après Le Meur et
Vincent, 2003).
Un peu comme pour la formulation inverse, la modélisation numérique des glaciers tire aussi
partie des données de fluctuations glaciaires dans la mesure où la confrontation des résultats
du modèle à ces données permet non plus cette fois-ci de remonter à un scénario climatique
mais de valider voire même d’optimiser le modèle en permettant notamment le calage de
paramètres difficilement mesurables. La figure 4 montre la comparaison des résultats du
modèle avec les données correspondantes mesurées ayant servi de base à une optimisation de
paramètres sur la rhéologie et le glissement basal de la glace
Figure 4 : Résultats du modèle d’écoulement (trait continu) appliqué aux fluctuations
glaciaires de Saint-Sorlin et comparaison aux données (barres d’incertitude) pour la position
du front (a) et les variations d’épaisseur (b) le long de 4 profils transversaux au cours du
XXème siècle. Dans cette simulation, les bilans de masse de surface sont issus des observations
directes de terrain (1957-2000) ou de reconstitutions à partir de variables météorologiques
(1905-1956) (d’après Le Meur et Vincent, 2003).
Références :
Le Meur, E. and C. Vincent. 2003. A two-dimensional shallow ice flow of glacier de Saint
Sorlin, France. Journal of Glaciology. Journal of Glaciology , Vol. 49, n° 167.
Vincent, C., G. Kappenberger, F. Valla, A. Bauder, M. Funk, E. Le Meur, 2004, Ice ablation
as evidence of climate change in the Alps over the 20th Century, Journal of Geophysical
Research , 109 (D10104)
Vincent C., M.Vallon, L. Reynaud, E. Le Meur, 2000, Dynamic behaviour analysis of glacier
de Saint Sorlin, France, from 40 years of observations, 1957-1997 . J. of Glaciology, Vol 46 ,
154, 499-506.
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