RSCA numéro 4
Récit :
Lors d’une de mes gardes au mois d’Août à l’hôpital Ambroise Paré, à Boulogne
Billancourt, je prends en charge Monsieur B âgé de 86 ans adressé par son nouveau
médecin traitant pour majoration de dyspnée.
Lors de l’interrogatoire qui s’avère difficile (en effet, Monsieur B est atteint d’une
maladie d’Alzheimer), il me dit qu’il est de plus en plus essoufflé depuis 1 mois et
qu’il a les jambes qui « ont gonflé ».
Faute de ne pouvoir avoir plus d’informations sur ses antécédents et ses traitements,
je décide de commencer l’examen clinique puis d’attendre l’arrivée de sa femme.
Ses constantes sont plutôt bonnes sauf sa saturation en air ambiante qui était à
90 % mais à 97% sous 2L d’oxygène. Il est apyrétique
Il ne présente ni signes d’hypoxémie (cyanose, tirage), ni signes d’hypercapnie
(sueurs, HTA, agitation).
L’auscultation cardio-pulmonaire retrouve des bruits du cœur réguliers avec un
souffle systolique de rétrécissement aortique, ainsi que des crépitants bilatéraux
remontant à mi- champs.
Il ne présentait pas de turgescence jugulaire, ni reflux hépato-jugulaire, mais des
œdèmes des membres inférieurs blancs mous prenant le godet.
Je suspecte alors une décompensation cardiaque, et prescris un bilan biologique et
une radiographie pulmonaire.
Entre temps, sa femme arrivée me donne les antécédents de son mari : il présente
de nombreux facteurs de risques cardio-vasculaires : une HTA, un diabète de type 2
non insulino-dépendant, une dyslipidémie, un tabagisme sevré difficile à quantifier.
Il est porteur d’un stimulateur cardiaque pour des troubles de la conduction. Il a
également une insuffisance rénale chronique modérée et surtout une maladie
d’Alzheimer pour laquelle sa femme et lui ont consulté de nombreuses fois pour des
troubles du comportement avec agressivité envers sa femme.
Il a été de nombreuses fois opéré (Hernies inguinales bilatérales, cholécystectomie)
Concernant ses traitements je suis assez étonnée je ne vois sur son ordonnance que
40 mg de Lasilix, du Kaléorid, 5 mg de Ramipril et du Temesta. Sa femme me dit que
leur nouveau médecin traitant a tout enlevé même son traitement pour le diabète.
Monsieur B vit avec sa femme dans un appartement, elle me dit alors qu’elle
s’occupe seule de lui et qu’elle a seulement une femme de ménage qui vient deux
heures par semaine.
Le bilan biologique et la radiographie thoracique confirmant mon hypothèse
(hyponatrémie, NT pro BNP à 20 000 et majoration de son insuffisance rénale à 220
micromoles), un traitement par Lasilix 80 mg en IV est alors débuté et le patient est
transféré à l’UHCD pour surveillance et poursuite du traitement.
Je suis alors allée informer sa femme qui finit par se confier à moi, elle est extenuée,
elle n’a pas d’aides, ses enfants vivent à l’étranger elle ne sait plus comment faire,
par moments, son mari lui fait peur, elle sait bien que cela est dû à la maladie mais
elle-même s’est fait opérer d’un cancer du sein et n’arrive pas à récupérer.
De plus, elle me raconte que son mari prend lui-même ses traitements, qu’il fait
n’importe quoi et que lorsqu’elle veut les lui donner il est violent.
Je lui explique que de toute façon, il sera hospitalisé pour sa pathologie cardiaque et
qu’il faudra mettre en place lors de cette hospitalisation des aides aussi bien pour le
bien du patient que pour le sien.
J’ai essayé d’apporter un peu de soutien à cette femme que je sentais à bout
nerveusement et physiquement mais malheureusement aux urgences, ce temps fut
probablement trop court à cause de l’afflux de patients.
Le lendemain, le patient s’était déjà amélioré cliniquement grâce aux traitements
diurétiques et il a été transféré dans l’unité gériatrique aiguë de l’hôpital Ambroise
Paré.
ANALYSE DES PROBLEMATIQUES POSEES PAR LA SITUATION :
Cette situation s’est avérée complexe non pas pour la prise en charge de la
pathologie aiguë mais dans la relation avec le patient ainsi qu’avec sa femme (sa
détresse me montrera à quel point j’étais inexpérimentée au sujet des différentes
aides possibles dans la maladie d’Alzheimer)
Pour finir, lors de cette garde du mois d’Août, j’ai également pu voir mes limites
physiques et probablement mentales. En effet, le manque de vacances (qui n’étaient
que fin septembre et l’enchainement des gardes aux urgences mais également
parfois le manque de reconnaissance du travail fourni me rendaient irritables et
beaucoup moins patiente. Pour la première fois en 2 ans d’internat, j’avais
l’impression qu’il était de plus en plus difficile pour moi d’aller travailler (l’envie d’aller
travailler..). Ce sentiment était également ressenti par la majorité de mes co-internes.
LES DIFFERENTS AXES :
PREMIERS RECOURS AUX URGENCES : Décompensation cardiaque globale :
- Position semi-assise
- Oxygénothérapie afin de maintenir une saturation supérieure à 90%. Les
lunettes nasales sont souvent insuffisantes, et le passage au masque à
oxygène à haute concentration est souvent nécessaire.
- Arrêt des traitements inotropes négatifs si état clinique grave sinon il est
recommandé de ne pas arrêter les bêtabloquants car après ils sont difficiles à
réintroduire.
- Diurétiques de l’anse par voie intra-veineuse avec surveillance de la diurèse
(40 à 80 mg, si absence d’amélioration possibilité de répéter la dose 15
minutes après)
- Compensation des pertes potassiques en mettant 1 g de KCL par litre de
diurèse.
- Dérivés nitrés par voie IV si tension artérielle préservée (PAS > 100 mmHg)
- Anticoagulation préventive.
- Traitement du facteur déclenchant si retrouvé.
AXE 2 : MALADIE d’ALZHEIMER, ENTOURAGE, LA MISE EN PLACE D’AIDES
ET SOUTIEN A L’AIDANT/ Petit rappel : MALADIE d’ALZHEIMER ET TROUBLE
DU COMPORTEMENT :
L’annonce du diagnostic de la maladie d’Alzheimer est connue pour être une étape
difficile pour le patient et sa famille. Le médecin traitant occupe une place importante
dans toutes les étapes de cette pathologie de l’annonce du diagnostic à la
préparation à l’entrée en institution.
Le médecin généraliste évalue la bonne compréhension par le patient de l’annonce
qui lui a été faite, lui demande ce qu’il sait et ce qu’il a compris de sa maladie et, à
partir de ce recueil d’informations et du compte rendu écrit qui lui a été transmis, il
reformule, explicite le diagnostic et répond aux questions au cours d’une
consultation prévue à cet effet ( HAS 2012).
Il revient au médecin traitant de présenter le plan de soins et d’aides et d’en
assurer la mise en place en collaboration avec le médecin ayant établi le diagnostic
et les structures de coordination : réseaux, CLIC, MAIA, MDPH et CMP. (Approche
centrée sur le patient, importance de la relation de confiance entre le médecin
traitant, le patient et également sa famille)
En effet, la prise en charge de la maladie d’Alzheimer est pluridisciplinaire, pilotée
par le médecin traitant en collaboration avec un neurologue, un gériatre ou un
psychiatre.
Ce diagnostic ne se conçoit que dans le cadre d’un plan de soins et d’aides, qui
comprend en fonction du stade de la maladie :
- Une prise en charge thérapeutique médicamenteuse et non médicamenteuse.
- Une prise en charge médico-socio-psychologique coordonnée du patient et de
son entourage.
- D’éventuelles mesures juridiques.
Ce plan de soins et d’aides est suivi et réévalué régulièrement par le médecin
traitant et permet l’orientation vers les services sociaux afin de mettre en place des
aides et des financements.
J’aborderai uniquement ici la mise en place des différentes aides et l’aide aux
aidants.
Cet axe permet de montrer l’importance du suivi et de la coordination des soins dans
cette pathologie ou le médecin généraliste est le pivot de la prise en charge du
patient pour le dépistage et tout au long de l'évolution de la maladie démentielle.
i. DIFFERENTS TYPES D’AIDES DISPONIBLES DANS LA MALADIE
D’ALZHEIMER :
AIDES HUMAINES :
Les soins infirmiers
Sur prescription médicale, des infirmiers ou aides-soignants d’un
service de soins à domicile (SSIAD) peuvent intervenir pour la toilette
dite médicalisée, pour la prise de médicaments et pour les soins
infirmiers nécessaires à la personne malade. Le financement se fait
dans les deux cas, par la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM).
Les aides à domicile :
Les aides à domicile peuvent intervenir à plusieurs niveaux : l’aide aux
actes essentiels de la vie quotidienne (comme la toilette simple,
l’habillage, l’aide au repas), la prise en charge de l’environnement
(comme le ménage, le lavage et le repassage, les courses) et
l’accompagnement dans les activités de la vie sociale (comme les
sorties à l’extérieur du domicile, les visites, les démarches
administratives). La prise en charge est limitée à 30 heures par mois et
est réalisée soit par l’Aide sociale départementale, soit par la Caisse
nationale d’assurance vieillesse soit par l’APA (en fonction des
ressources de la personne et de son autonomie).
Les équipes spécialisées Alzheimer
Les équipes spécialisées Alzheimer (ESA) sont composées de
plusieurs professionnels de santé : un psychomotricien ou un
ergothérapeute, des assistants de soins en gérontologie, un infirmier
coordinateur. Ces équipes sont formées à la réadaptation, à la
stimulation et à l’accompagnement des personnes malades et de leur
entourage. Sur prescription médicale, ces équipes interviennent à
domicile auprès des personnes à un stade léger ou modéré de la
maladie (à raison de 15 séances maximum). Ces interventions sont
prises en charge par la Sécurité sociale, en plus des soins infirmiers.
AIDES JURIDIQUES :
En fonction du stade ou de l’évolution de la maladie, d’autres questions
peuvent être abordées avec le médecin généraliste comme les souhaits
et projets du patient et de son entourage, l’adaptation du logement ou
une alternative au domicile et l’indication d’une protection juridique.
Les mécanismes de représentation « non judiciaire »
Procurations
Une personne en début de maladie d’Alzheimer et encore consciente
de ce à quoi elle s’engage peut signer des procurations pour autoriser
ses proches à gérer ses comptes bancaires.
Habilitation et autorisation judiciaires
Au sein d’un couple marié, le conjoint d’une personne se trouvant dans
l’incapacité d’exprimer sa volonté peut se faire autoriser par le juge des
tutelles à représenter son époux (se) pour accomplir un ou plusieurs
actes déterminés. Cette demande doit être déposée par requête auprès
du juge des tutelles.
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