VulnéRabilité des inFRastRuctuRes géotechniques au changement

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www.piarc.org
2012R04FR
Vulnérabilité des infrastructures
géotechniques au changement climatique
et mesures d'adaptation
selon le contexte géographique
Comité technique D.4 de l'AIPCR
Géotechnique et routes non revêtues
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Vulnérabilité des infrastructures géotechniques au changement climatique et mesures d'adaptation…
2012R04FR
à propos de l'aipcr
L’Association mondiale de la Route (AIPCR) est une association à but non lucratif fondée en
1909 pour favoriser la coopération internationale et les progrès dans le domaine de la route et du
transport routier.
L’étude faisant l’objet de ce rapport a été définie dans le Plan stratégique 2008-2011 approuvé par
le Conseil de l’AIPCR dont les membres sont des représentants des gouvernements nationaux
membres. Les membres du Comité technique responsable de ce rapport ont été nommés par les
gouvernements nationaux membres pour leurs compétences spécifiques.
Les opinions, constatations, conclusions et recommandations exprimées dans cette publication
sont celles des auteurs et ne sont pas nécessairement celles de la société/organisme auquel ils
appartiennent.
Ce rapport est disponible sur le site de l’Association mondiale de la Route (AIPCR)
http://www.piarc.org
Tous droits réservés © Association mondiale de la Route
Association mondiale de la Route (AIPCR)
La Grande Arche, Paroi nord, Niveau 2
92055 La Défense cedex, France
N° ISBN : 2-84060-268-7
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Ce rapport a été produit par le groupe de travail 3 Adaptation au changement climatique, du Comité
technique D.4 Géotechnique et routes non revêtues de l’Association mondiale de la route – AIPCR.
Il a été approuvé par ce Comité.
Ce rapport a été rédigé par Aurèle PARRIAUX (Suisse) avec la collaboration de :
Jean- Claude AURIOL (France), Alex KIDD (Royaume Uni), Martin SAMSON (Canada),
et la contribution de Guy DORÉ (Université Laval, Canada-Québec).
Le Comité technique était présidé par Martin SAMSON (Canada). Jean-Claude AURIOL (France),
Alex KIDD (Royaume-Uni) et Paul GARNICA ANGUAS (Mexique) étaient respectivement les secrétaires francophone, anglophone et hispanophone.
La version en anglais de ce rapport sera publiée sous la référence 2012R04EN, ISBN : 2-84060-.
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sommaire
Résumé.................................................................................................................... 6
1.
introduction......................................................................................................... 7
2.Les acquis du rapport du comité technique 4.5.. ...................................... 7
3.Objectifs................................................................................................................ 7
4.Effet du changement climatique à l’échelle du Globe.. ....................... 8
4.1. Approche climatologique................................................................................ 8
4.1.1. Les températures............................................................................................ 10
4.1.2. Les précipitations............................................................................................ 12
4.1.3. Les autres paramètres..................................................................................... 14
4.2. Approche géomorphologique....................................................................... 14
4.2.1. Altitude............................................................................................................ 14
4.2.2. Pente.............................................................................................................. 15
4.2.3. Végétation....................................................................................................... 16
4.2.4. Autres paramètres........................................................................................... 16
4.3. Bilan à l’échelle du Globe.............................................................................. 17
5.
Relation tendance climatique - phénomènes induits généraux -
dommages routiers - mesures préventives............................................. 17
5.1.Phénomènes induits généraux...................................................................... 18
P1 : Variation de la teneur en eau des terrains.......................................................... 18
P2 : Fonte du pergélisol............................................................................................ 19
P3 : Modification du nombre de cycles gel-dégel....................................................... 20
P4 : Modification de la synchronisation fonte de la neige-fonte du sol.. ...................... 21
P5 : Raréfaction de la végétation.............................................................................. 21
P6 : Disparition de la banquise.................................................................................. 21
P7 : Abaissement du niveau des nappes souterraines............................................... 21
P8 : Inondations........................................................................................................ 21
P9 : Erosion par ruissellement................................................................................... 22
P10 : Alluvionnement................................................................................................ 22
P11 : Glissements de terrain et coulées..................................................................... 23
P12 : Chute de blocs, éboulements........................................................................... 23
P13 : Avalanches...................................................................................................... 24
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sommaire
5.2.Des effets induits aux dommages routiers.............................................. 24
5.2.1. Dommages aux remblais et assises de remblais.............................................. 24
5.2.2. Dommages aux déblais et versant amont........................................................ 25
5.3.Mesures tendant à réduire le risque de dommages.. ............................ 26
6.Typologie de situations sur la Terre........................................................ 30
6.1.Régions de faible altitude.............................................................................. 32
6.1.1. Collines et plateaux......................................................................................... 32
6.1.2. Plaines alluviales (cas n°6)............................................................................. 39
6.1.3. Zones côtières planes..................................................................................... 39
6.1.4. Zones côtières rocheuses (cas n°9)................................................................. 40
6.2.Régions de haute altitude.............................................................................. 44
7.Conclusion.......................................................................................................... 55
Bibliographie.................................................................................................................... 56
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résumé
Dans la session précédente, le comité technique D4 "Géotechnique et routes
non revêtues" (anciennement CT 4.5) avait publié un premier rapport sur le thème
changement climatique et ouvrages géotechniques. On trouvait dans ce document un
inventaire des mesures à prendre en fonction des tendances climatiques principales
(par exemple sécheresse, température plus élevées, événements pluvieux plus
intenses, etc.). Le présent rapport complète ce premier travail au sens où il reprend les
dommages à attendre et les mesures à prévoir cette fois dans un contexte géographique
à l'échelle de la Planète où climatologie et géomorphologie sont agrégées.
Dans une première partie climatologique, cinq tendances majeures sont retenues :
tendance à l’augmentation des températures moyennes, tendance à la diminution des
précipitations moyennes, tendance à l’augmentation des précipitations hivernales,
tendance à l’augmentation de l’intensité des précipitations extrêmes et tendance
à l’augmentation de l’intensité des tempêtes. Ces cinq tendances donnent lieu à treize
phénomènes généraux induits (par exemple variation de la teneur en eau des terrains,
fonte du pergélisol, etc.). De ces phénomènes induits, il en découle neuf types de
dommages routiers (par exemple tassements, glissements, etc.). Pour prévenir ces
dommages, onze mesures pratiques sont proposées en relation avec le type de défaut
(par exemple drainage, techniques de refroidissement, etc.). Ces relations tendances
climatiques - phénomènes généraux induits - dommages routiers - mesures préventives
sont synthétisées dans la figure 12.
L'approche géomorphologie à l'échelle du Globe est décrite par les altitudes absolues,
avec une mise en évidence des zones situées à moins de dix mètres au-dessus des
océans, et par une carte des pentes afin d'identifier les zones d'instabilité de versant
et d'érosion. Sur ces bases, on peut classer la Terre en quelques grandes unités
géomorphologiques typiques :
• zones de basse altitude (généralement < 1 000 m), incluant :
• les collines et les plateaux,
• les plaines alluviales,
• les rives océaniques (régions alluvionnaires et côtes rocheuses) ;
• zones de montagnes (généralement > 1 000 m).
Les approches climatologique et géomorphologique sont ensuite croisées dans un
tableau où les phénomènes induits déterminants sont identifiés pour chaque unité
géomorphologique et pour chaque climat (tableau 1).
Finalement, douze études de cas illustrent cette typologie, à une échelle plus locale,
avec des exemples réels qui montrent la vulnérabilité de la route face à cette évolution
climatique et les solutions à apporter dans différents endroits sur les cinq continents.
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1. introduction
La vulnérabilité de la route face aux changements climatiques est un sujet de
préoccupation grandissante pour les gestionnaires d’infrastructures de transport.
L’Association mondiale de la Route n’est pas restée en demeure sur ce thème puisque
plusieurs comités techniques se préoccupent du sujet en fonction de leur domaine. Le
comité technique D.4 a reçu mission d’étudier cette vulnérabilité en ce qui concerne les
ouvrages géotechniques, essentiellement remblais et talus de déblais. Il s’appuie pour
cela sur les travaux effectués par ce comité durant la période précédente (dénommé
à l’époque CT 4.5) :
• rapport "Anticiper les effets des changements climatiques sur les ouvrages
géotechniques routiers", Ref 2008R12 ;
• article Parriaux dans Routes/Roads, présenté également sous forme de conférence
au Congrès de Paris en 2007 (Parriaux 2008).
Le présent rapport s’appuie également sur une abondante littérature, et notamment sur
les publications des scientifiques qui effectuent des simulations climatiques à grande
échelle (en particulier le rapport IPCC 2007). Le rapport du comité D.2 sur l’effet du
changement climatique sur les chaussées a été également considéré.
2.Les acquis du rapport du comité technique 4.5
Dans son rapport "Anticiper les effets des changements climatiques sur les ouvrages
géotechniques routiers" (référence AIPCR : 2008R12), le comité technique 4.5 s'était
placé en qualité de concepteur d’ouvrages routiers face aux inconnues liées au
changement climatique. Ce document de grande importance a permis de fabriquer
une sorte de « boîte à outils » de mesures pour répondre à différentes situations qui se
présentent à lui. Le rapport a considéré successivement plusieurs stress climatiques
à attendre, par exemple l'effet de la sécheresse (figure 1, page suivante), et a défini les
effets sur les ouvrages puis les mesures à mettre en place pour neutraliser ce stress.
3.Objectifs
Dans la continuité du travail du comité 4.5, le comité D4 a voulu apporter une dimension
nouvelle au problème : la dimension géographique. D’une part, en décrivant les
principaux types de changements à attendre sur les différentes parties de la Planète,
d’autre part en donnant des exemples de situations représentatives où les effets et les
enjeux peuvent être précisés et où des mesures concrètes peuvent être proposées.
Pour ce faire, que ce soit à l’échelle du Globe ou à celle d'exemples détaillés, l’analyse
consiste à croiser une approche climatique avec une approche géomorphologique du
contexte de la route. C’est cette caractérisation orthogonale qui définit une typologie
spatialisée de la vulnérabilité de la route face au changement climatique. Pour les
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Vulnérabilité des infrastructures géotechniques au changement climatique et mesures d'adaptation…
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Figure 1 - Exemple du stress climatique "sécheresse" et mesures proposées
Extrait du rapport AIPCR, 2008 (référence AIPCR : 2008R12)
différents types de situation, les effets positifs et négatifs du changement climatique
sont mentionnés et des solutions pratiques d’adaptation sont proposées.
4.Effet du changement climatique à l’échelle du Globe
D’abord, examinons la Terre sous l’angle des climats, puis sous l’angle de son relief.
4.1.Approche climatologique
Le comité D4 n’a évidemment pas procédé à des recherches sur les pronostiques
climatiques mais a extrait des nombreuses études scientifiques sur le sujet les
paramètres qui sont les plus importants pour simuler les effets sur les infrastructures
géotechniques la route. De même, il a sélectionné des scénarios qui ont la plus grande
vraisemblance de se produire afin de faire des comparaisons de ces paramètres
fondamentaux entre aujourd’hui et demain. à cet égard, on touche déjà aux incertitudes
importantes qui concernent le réalisme de tel ou tel scénario.
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Vulnérabilité des infrastructures géotechniques au changement climatique et mesures d'adaptation…
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Pour représenter la répartition des climats sur la Terre, nous utilisons une classification
assez simple pour les besoins de cette synthèse. Ce sont six zones climatiques
qui sont individualisées depuis l'équateur jusqu'aux pôles, avec en plus les régions
montagneuses (figure 2).
Figure 2 - Les grandes zones climatiques sur la Terre
D'après Parriaux 2009
Les étoiles jaunes représentent les régions traitées plus en détail au chapitre 6
Les paramètres climatiques prioritaires sont essentiellement les suivants :
• la température, avec ses variations temporelles (annuelles, saisonnières,
journalières, horaires), y compris la question du gel ;
• les précipitations, avec les mêmes variations temporelles ;
• les vents.
Les paramètres comme le rayonnement solaire seront considérés comme moins
fondamentaux à l’échelle du Globe, mais pourront prendre de l’importance au gré
de cas particuliers, dans les zones subdésertiques ou en montagne notamment. Le
rayonnement solaire est du reste déjà au croisement de l’approche climatologique et
géomorphologique dans le cas de l’exposition des versants.
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Vulnérabilité des infrastructures géotechniques au changement climatique et mesures d'adaptation…
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Passons maintenant en revue les principaux changements à attendre sur les variables
climatiques, en individualisant quelques tendances climatiques principales (variable T).
Nous verrons plus loin (§ 5.1) les phénomènes généraux induits par ces changements
(variable P). Nous traiterons ensuite des dommages routiers (variable D) qui en découlent
(§ 5.2) et enfin des mesures (variable M) à mettre en place pour neutraliser les effets
dommageables (§ 5.3).
4.1.1.Les températures
La croissance des températures est observée objectivement dans tous les pays. Les
modèles de simulation à l'échelle de la planète montrent que cette évolution est bien liée
à l'activité humaine (figure 3).
Figure 3 - L'évolution des températures sur les différents continents
et le résultat des modélisations climatiques.
En noir, les températures moyennes mesurées, en bleu, enveloppe 5%-95% des résultats des modèles prenant
l'activité solaire et volcanique, en rouge avec le forcing anthropique (selon IPCC 2007)
Il faut s'attendre à ce que ce phénomène s'accroisse au cours du XXIe siècle. Les différents
modèles de simulation convergent vers des réchauffements notables comme représentés
à la figure 4, page suivante. Il est à noter que le réchauffement sera surtout effectif sur
l’hémisphère nord, en particulier dans les zones arctiques. Il devrait être moins intense
dans le sud du Globe. Ce réchauffement généralisé est la première tendance climatique
(T1) que nous retenons pour notre étude.
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Vulnérabilité des infrastructures géotechniques au changement climatique et mesures d'adaptation…
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Figure 4 - Différentes simulations sur réchauffement sur la Planète
selon des scénarios plus ou moins pessimistes
D'après IPCC 2007
Les régions froides sont fortement touchées par l’élévation de la température et ses effets
sur les conditions de gel. Parmi les effets principaux, on peut citer :
• diminution du pergélisol avec les problèmes de fondation en été, problèmes
s’accentuant d’années en années ;
• augmentation du risque de coulées du mollisol durant l’été sur les talus de remblais et
de déblais ;
• disparition de certaines routes d’hiver sur les lacs gelés ;
• disparition de la banquise avec augmentation de l’activité érosive des vagues sur les
rivages.
La question de la fréquence des cycles gel – dégel reste ouverte. Dans les zones à haute
latitude comme dans le nord du Canada, il semble que le nombre de cycle gel – dégel
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augmente avec le réchauffement ; notamment, on observe de forts réchauffements
pendant l’hiver. Des analyses faites récemment sur une station des Alpes suisses montrent
toutefois un phénomène contraire (voir § 5.1).
Dans les Alpes également, les simulations qui ont été effectuées par Bayard (2003)
montrent qu’en dessous de 2 100 m, la profondeur de gel du sol devrait paradoxalement
augmenter en raison de la diminution du couvert neigeux isolant (figure 5). La plus grande
prudence s’impose donc quant à des conclusions par trop hâtives et par trop simplistes.
Il convient de rappeler à ce propos l’importance des climats locaux par rapport aux
simulations à l’échelle de la Terre.
Figure 5 - Simulations de scénarios de changement climatique dans les Alpes suisses
(station Hanigalp, rive gauche de la vallée du Rhône valaisan)
montrant que la profondeur de gel devrait augmenter au-dessous de 2100 m d’altitude
en raison d’un manteau neigeux plus réduit.
Ligne noire : état actuel, ligne rouge : changement climatique avec une augmentation de la température de 2°C
et une augmentation des précipitations de 15%
D’après Parriaux 2009 extrait de la thèse de Bayard 2003
4.1.2.Les précipitations
Les précipitations moyennes annuelles devraient diminuer dans de nombreuses régions
de la Planète. Cette diminution concerne principalement le climat estival (figure 6). C’est
la tendance générale que nous retenons sous forme de la tendance climatique T2. Elle
touche en premier lieu les régions tempérées et tropicales arides.
Cependant, dans certaines régions, le climat d’hiver devrait être marqué par une
croissance des précipitations (tendance climatique T3). Cette tendance se rapporte
surtout aux régions à haute latitude, dans les deux hémisphères (figure 6, page suivante).
Il faut savoir cependant que ces tendances peuvent différer sur de petites distances dans
les chaînes de montagne : par exemple, au XXe siècle, on a observé dans les Alpes
suisses une augmentation de 20 à 30 % des précipitations hivernales sur la bordure nord
de la chaîne et une diminution dans les mêmes proportions dans la bordure sud.
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Figure 6 - Les principaux changements attendus dans les précipitations
pour la fin du XXIe siècle, par rapport à la fin du XXe siècle
à gauche, situation d'hiver dans l’hémisphère nord, de décembre à février
à droite, situation d'été, de juin à août
D'après IPCC 2007
Le croisement de la pluviosité avec les températures permet de calculer l'ampleur de l'évapotranspiration. Une carte de la différence entre la pluie et la lame d'eau évaportranspirée
a été publiée dans le rapport IPCC 2007 (figure 7). Cette différence, appelée injustement
"ruissellement", renforce l'identification des zones à tendance aride.
Figure 7 - évolution prévisible de la lame d'eau écoulée (pluie - évapotranpiration)
écarts en pour cent entre la situation prévue
à la fin du XXIe siècle et celle de la fin du XXe siècle
Extrait de IPCC 2007
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A ces tendances climatiques caractérisant le cumul des précipitations sur plusieurs mois, il
faut en ajouter une troisième : la tendance à une augmentation des événements pluviaux
extrêmes (tendance climatique T4). Cette tendance est déjà marquée aujourd’hui (voir par
exemple § 6.2). Elle devrait s’intensifier à l’avenir.
4.1.3.Les autres paramètres
Parmi les nombreux autres paramètres climatiques, nous retiendrons ici uniquement le
facteur vent. En effet, les tempêtes ont des conséquences importantes, en particulier
sur les zones côtières. L’augmentation de l’intensité des tempêtes constitue la dernière
tendance retenue pour cette étude (tendance climatique T5).
Les tempêtes jouent un rôle dévastateur sur les routes (chutes d’arbres, encombrement
d’objets divers). Mais c’est surtout dans les zones côtieres que leur action est la plus
dangereuse et ceci pour deux raisons :
• inondation des zones littorales planes par le phénomène de la surcote (élévation du
niveau de la mer au cœur des dépressions atmosphériques), surtout si la tempête se
produit à marée haute (voir § 6.1.3) ;
• érosion accentuée des zones littorales rocheuses.
Finalement, nous retenons donc cinq tendances climatiques principales qui devraient se
prolonger dans le futur :
•T1 : tendance à l’augmentation des températures moyennes,
•T2 : tendance à la diminution des précipitations moyennes,
•T3 : tendance à l’augmentation des précipitations hivernales,
•T4 : tendance à l’augmentation de l’intensité des précipitations extrêmes,
•T5 : tendance à l’augmentation de l’intensité des tempêtes.
4.2.Approche géomorphologique
Le terme géomorphologique décrit ici l’environnement dans lequel s’inscrit la route, avec
un accent sur sa topographie. C’est d’abord l’altitude absolue qui va influencer la relation
avec le niveau des mers. Le relief sera donné par l’altitude également mais complété par
la cartographie des pentes de versants. D’autres paramètres influenceront aussi la relation
entre la route et cet environnement, notamment la végétation, la couverture pédologique
ainsi que la nature géologique du substrat.
4.2.1.Altitude
De la base de données de WorldClim - Global Climate Data, nous avons extrait un
modèle numérique de terrain. Il permet de dessiner le planisphère des altitudes de la
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Vulnérabilité des infrastructures géotechniques au changement climatique et mesures d'adaptation…
2012R04FR
figure 8. Cette maille grossière permet bien une description générale du relief sur la Terre.
En ce qui concerne les zones littorales, l’isohypse 10 m est un peu grossière mais est
suffisante à cette échelle. En couleur rouge, apparaissent toutes les zones touchées par
le relèvement du niveau des océans.
Figure 8 - Carte des altitudes avec en rouge les régions à moins de 10 m au-dessus
du niveau de la mer, fortement sensibles au risque d’inondation
Source : http ://www.worldclim.org/
4.2.2.Pente
Du modèle numérique de terrain décrit plus haut, on peut calculer la carte des pentes
de la figure 9, page suivante. Apparaissent ainsi des pentes inférieures à 2°, sensibles
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Vulnérabilité des infrastructures géotechniques au changement climatique et mesures d'adaptation…
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aux crues et aux inondations. Les pentes maximum de plus de 20° correspondent aux
zones à fort gradient altimétrique régionaux, comme le front de l’Himalaya ou des Andes.
La majorité des phénomènes d’instabilité de versants se produit donc dans ces zones.
La maille grossière sous-estime les pentes réelles locales qui seront décrites dans les
exemples détaillés de cas. Il existe donc dans les régions à faible pente sur cette carte
des vallées où ce genre de risque existe, sans que cela n’apparaisse à cette échelle. On
se référera donc à des cartes locales pour les questions de stabilité des versants.
Figure 9 - Carte des pentes
Les pentes les plus fortes ne peuvent appraître sur cette carte
en raison de la maille choisie qui, à cette échelle, nivelle les valeurs réelles
4.2.3. Végétation
La végétation influence de manière importante la vulnérabilité à l’érosion des terrains,
qu’elle soit par ruissellement ou éolienne. Les zones peu recouvertes de végétation sont
les plus sensibles, notamment dans les déserts, les steppes et la zone méditerranéenne
(figure 10, page suivante). En revanche, la végétation devrait gagner du terrain dans
les zones froides boréales et polaires (tundras), ainsi que les régions d’altitude dans les
chaînes de montagne (figure 10, page suivante). La montée de la limite des forêts est du
reste déjà nette dans les Alpes au cours du XXe siècle. Elle joue un rôle très positif dans
la réduction des risques d’érosion à ces altitudes.
4.2.4.Autres paramètres
Les paramètres importants tels que la couverture pédologique et surout la nature du
substrat géologique sont tellement variables à l’échelle du Globe que nous nous réservons
de les décrire à propos des cas-types.
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Vulnérabilité des infrastructures géotechniques au changement climatique et mesures d'adaptation…
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Figure 10 - Carte mondiale de la végétation
Source : http://www.cosmovisions.com/cartes/qZonesVegetation.gif
4.3.Bilan à l’échelle du Globe
L’approche géomorphologie permet d’identifier des régions qui présentent le même type
de comportement face aux tendances climatiques (tendances T1 à T5), donc a priori le
même type de dommages à la route. Ces situations typiques sont :
• zones de basse altitude (généralement < 1 000 m), incluant :
• les collines et les plateaux,
• les plaines alluviales,
• les rives océaniques en distinguant les régions alluvionnaires et celles à côtes rocheuses ;
• zones de montagnes (généralement > 1 000 m), selon leur sensibilité aux phénomènes
d’érosion et d’instabilité de versants (figure 11, page suivante).
Ces différentes régions seront décrites dans le chapitre 6 en fonction de leur zone
climatique actuelle et de leur vulnérabilité au changement climatique, notamment sous
la forme de cas réels qui présentent une bonne représentativité de la région concernée.
5.Relation tendance climatique - phénomènes induits
généraux - dommages routiers - mesures préventives
L’analyse de la relation entre un scénario d’évolution climatique et les effets sur la
route passe immanquablement par l’analyse des phénomènes naturels induits par le
changement. Ce n’est qu’ensuite que l’on est capable d’estimer ce qui devrait se passer
dans l’environnement de la route et sur la route elle-même.
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Vulnérabilité des infrastructures géotechniques au changement climatique et mesures d'adaptation…
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Figure 11 - Unités géomorphologiques de la montagne aux plaines
D’après Parriaux 2009.
5.1.Phénomènes induits généraux
Des cinq scénarios climatiques retenus, nous avons identifié treize phénomènes induits
qui pourront entraîner des dommages à la route. Certains phénomènes peuvent être
induits par un seul ou plusieurs scénarios climatiques. Ces relations tendance climatiques
– phénomène induit sont décrites dans la figure 12, page suivante. Examinons maintenant
ces différents phénomènes induits.
P1 : Variation de la teneur en eau des terrains
Les terrains qui contiennent des argiles sont sensibles à l'eau. Pour la construction
des remblais, on utilise une teneur en eau optimale pour faciliter le compactage. Le
couplage augmentation des températures (tendance climatique T1) avec la réduction des
précipitations (tendance T2) entraîne une réduction de la teneur en eau du remblai. Des
sols argileux qui n'auraient pas été traités aux liants hydrauliques auront tendance à être
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Figure 12 - Synthèse des relations Tendances climatiques - Phénomènes généraux
induits - Dommages routiers - Mesures préventives
sensibles aux phénomènes de retrait. Ceci se marque par un resserrement de la matrice
du sol et surtout l'apparition de fissures de dessiccation. L’augmentation des précipitations
en hiver (tendance climatique T3) crée au contraire une augmentation de cette teneur en
eau. In fine, ces écarts entre l’hiver et l’été devraient augmenter l’ampleur des variations
de teneur en eau, donc leurs déformations. Les dommages majeurs pour la route sont le
tassement (D1), le gonflement (D2) et les pertes de portance (D3).
P2 : Fonte du pergélisol
Les régions à haute latitude possèdent une couche où le terrain est gelé en permanence.
Ce pergélisol peut être continu dans les parties les plus froides, discontinu dans les parties
marginales (figure 13). Il présente la propriété d'être étanche à l'écoulement des eaux
puisque ses pores sont occupés par de la glace. En été, le sol superficiel fond (figure 14).
Son eau ne parvient pas à percoler en profondeur et devient sursaturé (mollisol). Le
pergélisol est un bon terrain d'assise pour les remblais. L'augmentation généralisée des
températures (tendance T1) entraîne une diminution du volume du pergélisol, en particulier
un abaissement de la cote de son toit. Il s'en suit une augmentation de l'épaisseur du sol
mou à faible portance. La fonte de lentilles ou coins de glace du pergélisol entraîne des
subsidences locales appelées thermokarst. Les dommages attendus seront principalement
les dommages de type tassement (D1 et D3).
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Vulnérabilité des infrastructures géotechniques au changement climatique et mesures d'adaptation…
2012R04FR
Figure 13 - Carte de l'extension
du pergélisol dans l'hémisphère nord
http://www.gtnp.org/images/northernhemisphere.jpg
Figure 14 - Variation saisonnière
de température dans le sous-sol
en fonction des saisons en région polaire
Tiré de Parriaux 2009
P3 : Modification du nombre de cycles gel-dégel
Le scénario T1, qui correspond à l’augmentation des températures, donnerait lieu dans
pays à haute latitude une augmentation du nombre de cycles gel-dégel (voir § 6.1.1). Cette
question est toutefois controversée. Par exemple, nous avons fait une étude statistique
sur deux hivers contrastés dans les Alpes, sur les mesures de température enregistrées
dans une station de la rive gauche de la Vallée du Rhône en Valais, à une altitude de
1 060 m. Le résultat pour cette station et les deux hivers choisis aboutit à la conclusion
contraire, à savoir une diminution drastique du nombre de cycles gel-dégel quand l’hiver
est doux (figure 15) ainsi qu’une diminution du nombre de jours de gel (figure 16). Bien
évidemment, d'autres stations et d'autres années seront nécessaires pour tester la
représentativité de ce constat.
Figure 15 - Nombre de cycles gel-dégel,
comparaison entre un hiver très doux
(2006-2007) et un hiver très rude (2009-2010)
dans les Alpes valaisannes
Station des Condémines, Cleuson-Dixence
Figure 16 - Station des Condémines
Comparaison du nombre de jours de gel
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Vulnérabilité des infrastructures géotechniques au changement climatique et mesures d'adaptation…
2012R04FR
Dans les endroits où ces cycles seront effectivement plus nombreux, ils vont tendre
à accroître les dommages de type tassement - gonflement - perte de portance (dommages
D1, D2 et D3) pour les remblais. Pour les pentes de déblais, ils agiront sur les dommages
liés à l'instabilité : glissements - coulées (D8) et pour les versants rocheux sur les chutes
de blocs (D9).
P4 : Modification de la synchronisation fonte de la neige-fonte du sol
La chronologie relative de la fonte de la neige et de la fonte du sol joue un grand rôle
dans le fractionnement des eaux, entre la partie ruissellement et la partie infiltration. Cette
modification agira sur les dommages liés à d’érosion (D4), aux glissements superficiels ou
glissements profonds (D8).
P5 : Raréfaction de la végétation
L'augmentation des températures (tendance T1), les variations de précipitations (tendance
T2 et T3) pourront donner lieu à des modifications de la végétation dans l'environnement
direct de la route, sur les talus de remblais et sur les déblais et les pentes en amont
de la chaussée. L’adaptation de la végétation dépendra de la vitesse des changements.
On peut raisonnablement penser que dans les pays tempérés, cette adaptation se fera
sans grand problème. En revanche, en zone tropicale, le changement peut aboutir à une
dénudation du sol. Les dommages à la route seront essentiellement liés aux phénomènes
d'érosion (D4 et D7).
P6 : Disparition de la banquise
L’augmentation des températures continuera à réduire l’extension de la banquise,
phénomène déjà nettement observé aujourd’hui. Une des conséquences sera
l’augmentation de la violence érosive des tempêtes dans les zones de rivages en région
de hautes latitudes. Les dommages qui en découlent sont ceux liés à l'érosion des rives
(D7, D8 et D9) et aux inondations (D2 et D3).
P7 : Abaissement du niveau des nappes souterraines
La diminution des précipitations durant la période chaude cause un abaissement du
niveau des nappes souterraines. En présence de terrains compressibles, on observe un
tassement du terrain. Les dommages sont des tassements des remblais (D1).
P8 : Inondations
Le rehaussement du niveau des mers est un des principaux phénomènes causé par
le réchauffement climatique et son effet sur la fonte des glaces polaires. Les régions
côtières alluviales verront le risque d’inondation notablement accru, en particulier en
22
Vulnérabilité des infrastructures géotechniques au changement climatique et mesures d'adaptation…
2012R04FR
conjugaison avec les tempêtes. Des inondations continentales auront lieu également par
l’augmentation du risque de crues des rivières et des fleuves. Les dommages causés aux
routes seront les gonflements (D2), les pertes de portance (D3) pour les remblais, ainsi
que l'érosion par ruissellement et l'alluvionnement (D7).
P9 : Erosion par ruissellement
L’augmentation de la fréquence et de l’intensité d’événements pluviométriques (tendance
T5), couplé avec une éventuelle raréfaction de la végétation conduiront à une érosion par
ruissellement plus marquée. Ce phénomène entraînera des dommages pour la route au
niveau des remblais (dommage D4) et en amont de la route (dommage D7). L'érosion est
liée de près au risque d'alluvionnement (P10).
P10 : Alluvionnement
Directement lié à l’accroissement de l’érosion, des phénomènes d’alluvionnement massifs
et rapides pourront déposer des cônes de déjection qui pourront interférer avec la viabilité
de la route par envahissement de la chaussée (dommage D7) (figures 17 et 18).
Figure 17 - Instantané de l’arrivée d’une lave torrentielle sur la Zarvragia,
affluent du Rhin dans les Grisons (a) Le 18.07.1987 à 16h, (b) 15 min plus tard.
Débit estimé 600 m3/s. Vitesse du front 8 m/s
Photos Toni Venzin, Trun. Tiré de Parriaux 2009
Figure 18 - Lave torrentielle ayant coupé
la route transhimalayenne
entre la plaine du Gange et le Ladakh.
Une maison a été rasée par la lave.
La granulométrie de la lave montre son caractère
bimodal : blocs et limons
Les blocs ont leurs arêtes
à peine émoussées
Photo Geolep, A. Parriaux. Tiré de Parriaux 2009
23
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2012R04FR
P11 : Glissements de terrain et coulées
L’augmentation des événements pluvieux intenses (tendance T5), mais également
l’augmentation des précipitations en hiver (tendance T3) devraient augmenter le risque
de glissements de terrain et de coulées, pouvant affecter la route elle-même ou son
environnement amont ou aval (dommages D8). Les glissements en aval donnent lieu
à un affaissement puis un déplacement de la chaussée, ceux venant de l'amont à son
recouvrement par des masses glissées.
P12 : Chute de blocs, éboulements
La stabilité des parois rocheuses devrait évoluer aussi avec le changement climatique
(figure 19). C’est là aussi d’abord l’augmentation des événements pluviométriques
extrêmes qui devrait primer. On peut toutefois estimer qu’une amélioration sera observable
dans les régions où le gel aura tendance à disparaître (effet des coins de glace dans
les fissures du rocher). Les chutes de blocs et les éboulements causent des dommages
importants à la route (dommage D9).
Figure 19 - éboulement de Sandalp (Alpes glaronnaises)
Il s’est produit en deux évènements principaux, le 24 janvier et le 3 mars 1996.
(a) Un pan entier des calcaires du Zuetribistock (2,2 millions de m3) s’est détaché
en glissant sur une série de discontinuités très lisses inclinées vers la vallée
(b) La masse éboulée est remontée par son énergie cinétique sur le pied du versant
opposé, bouchant la vallée et noyant l’aménagement hydraulique et l’alpage de Hinter Sand.
La ferme de Vorder Sand, bâtie en bordure d’un ancien éboulement, a été détruite
Photos Geolep, A. Parriaux. Tiré de Parriaux 2009
24
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2012R04FR
P13 : Avalanches
Dans de nombreuses chaînes de montagne, l'augmentation de la température devrait
diminuer la proportion de neige par rapport aux précipitations liquides. Le risque
d'avalanches s'en trouvera notablement réduit. Toutefois, la croissance de précipitations
hivernales dans les zones à haute latitude pourrait au contraire augmenter l'épaisseur
du manteau neigeux, et par conséquent l'occurrence d'avalanches menaçant la viabilité
hivernale des routes. Les dommages sont une invasion de la chaussée par la neige et des
débris, assimilés par analogie aux coulées (dommage D8).
5.2.Des effets induits aux dommages routiers
Les douze phénomènes induits généraux donnent lieu à une série de dommages à la
route. Nous en avons identifiés cinq qui concernent les remblais et les assises de remblai
et quatre qui touchent plutôt les versants en amont de la chaussée.
5.2.1. Dommages aux remblais et assises de remblais
D1 : tassements
Le retrait des sols argileux par dessication se traduira par des tassements du corps de
remblai, tassements qui peuvent être différentiels si le remblai est hétérogène. Il pourra
également apparaître des fissures dans les talus du remblai qui facilitent la pénétration
des eaux de ruissellement et qui pourraient ainsi rendre le talus instable par mise en
pression subite. Ces fissures peuvent se propager jusqu’à la chaussée. La capacité
d’épuration des eaux dans le cas des talus servant à l’infiltration devrait être réduite par le
by-pass du sol biologiquement actif, élément fondamental pour l’amélioration de la qualité
de l’eau avant sa pénétration dans les eaux souterraines. Les mesures préventives seront
essentiellement celles qui favorisent l’humidification du sol du remblai : l’infiltration (mesure
M3). Lorsque les tassements sont dus au dégel du pergélisol, les mesures préventives
doivent permettre de favoriser la circulation d'air froid dans le terrain (M11).
D2 : gonflements
L’augmentation de la pluviosité hivernale peut entraîner le gonflement des sols argileux
de remblais non traités, qui se manifestent par des modifications du profil de la route, une
détérioration de la couche de fondation et de la chaussée. Les mesures de prévention
sont ici essentiellement un drainage efficace (M2) et un traitement du sol aux liants à la
construction du remblai (M9).
D3 : perte de portance
Les variations de teneur en eau causent des déformations mais également des pertes
de portance, surtout par excès de la teneur en eau. En particulier l’arrivée de grandes
quantités d’eau dans la fondation peut causer de telles pertes. Les mesures correctives
sont là également un drainage efficace (M2).
25
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D4 : érosion des talus par ruissellement
Les événements pluvieux intenses peuvent éroder les talus du remblai, d’autant plus si la
végétation est fragilisée. Les mesures préventives résident dans le surdimensionnement
des organes de collecte des eaux de ruissellement (M1) et le maintien d’un couvert végétal
sur le talus (M7).
D5 : glissement
L’infiltration massive d’eau dans le corps du remblai peut donner lieu à des glissements
des talus par effet des forces de percolation. Comme les gradients hydrauliques dans les
talus sont importants en raison de la granulométrie souvent fine des sols, ces forces de
percolation peuvent être très déstabilisatrices. Les mesures préventives sont un drainage
des eaux de surface (M1) mais également du corps du remblai et des talus (M2).
5.2.2. Dommages aux déblais et versant amont
D6 : fragilisation de la végétation
La fragilisation de la végétation dans les pentes dominant la route par un climat plus aride
est particulièrement dangereuse pour leur stabilité. Il en résulte un risque accru d’apports
alluviaux qui peuvent s’accumuler sur la chaussée, en particulier lors d’événements de
pluviosité subite et intense. Le risque de feux de forêt est également fortement accru. Le
maintien d’une végétation active sur les talus de déblais, mais également dans le bassin
versant en amont de la route est une mesure essentielle (M7).
D7 : érosion par ruissellement et alluvionnement
Les événements pluviaux extrêmes peuvent causer d’importants ruissellements et donner
lieu en amont de la route à des épandages alluviaux qui peuvent recouvrir la chaussée. Un
surdimensionnement des ouvrages d’écoulement dans le bassin et surtout l’aménagement
de bassins amortisseurs de crue joueront un rôle important dans les mesures préventives
(M1).
D8 : glissements - coulées
A l’instar des instabilités des talus du remblai, l’apport massif d’eau souterraine par
infiltration dans les versants dominant la route peut entraîner des glissements de terrain
et des coulées qui peuvent atteindre la chaussée. Le drainage de ces versants (mesure
M2) peut s’accompagner localement à des confortations mécaniques (mesure M4). Les
dommages dus aux avalanches ont été assimilés à cette catégorie de dommages ; dans
ce cas, les mesures spécifiques à la protection contre les avalanches sont celles qui sont
utilisées communément aujourd'hui : parois de rétention, digues (M8), etc.
D9 : chute de blocs, éboulements
En région montagneuse, le risque d’éboulement est considérablement accru par la
pénétration d’eau dans les fissures du massif. Les chutes de blocs et les éboulements
entachent gravement la sécurité des usagers. Selon la taille des masses qui peuvent
26
Vulnérabilité des infrastructures géotechniques au changement climatique et mesures d'adaptation…
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s’ébouler, on utilisera des mesures de rétention de blocs (mesure M5) ou des confortations
mécaniques dans les zones sources du rocher (mesure 4).
5.3. Mesures tendant à réduire le risque de dommages
Afin de réduire les risques de dommages, des mesures préventives (M) peuvent être
préconisées. Elles sont mises en regard des dommages qu'elles peuvent tendre à réduire
(figure 12, page 19). Nous en avons identifié onze :
M1 : collecte des eaux de surface
En configuration de remblai, il s’agit surtout de canivaux en bord de chaussée ou de
tranchées drainantes. Lorsque la route est en tranchée, l’aménagement de fossés sur les
côtés de la chaussée assure une bonne évacuation des eaux. Dans le bassin versant en
amont de la route, les fossés permettent de limiter l’infiltration. L’aménagement de bassins
amortisseurs de crue est à prévoir pour réduire les débits de pointe, notamment au droit
des ponceaux qui traversent les remblais.
M2 : drainages
La plupart du temps, ce sont des drainages par tranchée drainante, dans le corps du
remblai et dans les talus. Les drainages dans les pentes dominant la route peuvent être
du même type mais également par des systèmes plus sophystiqués comme des forages
drainants par exemple.
M3 : infiltration
En cas d’évolution du climat vers une tendance aride, on peut favoriser l’humidification du
corps du remblai par des dispositifs d’inflitration. Il faut veiller cependant que celle-ci ne
soit pas trop massive en cas d’événement pluviométrique intense en limitant ces surfaces
de recharge.
M4 : confortation mécanique
Diverses confortations mécaniques peuvent réduire les risques d’érosion et de glissements
de terrain. Un appui des pieds de remblais par des enrochements constitue une solution
simple et efficace. Pour les pentes en amont de la route, les techniques classiques de
soutènement peuvent être complétées avec des tirants d’ancrage (figure 20, page suivante).
M5 : filets à blocs
L’exposition aux chutes de blocs peut être neutralisée par les filets de retenue. Ces
techniques ont fait de grands progrès et l’on trouve aujourd’hui des filets pouvant absorber
des énergies cinétiques considérables (figure 21, page suivante).
M6 : galeries couvertes
L’accroissement du risque d’éboulement, d’alluvionnement par les torrents et d’avalanches
peut nécessiter la couverture de la route par une galerie de protection. Ces dispositifs,
27
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2012R04FR
Figure 20 - Boulonnage de conglomérats oligocènes
sur la rive nord du lac Léman (Lavaux)
Photo Parriaux. Tiré de Parriaux 2009
28
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Figure 21 - Animation de l’absorption de l’énergie
cinétique d’un bloc
Document Geobrugg. Tiré de Parriaux 2009
29
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bien connus dans les routes de montagnes, peuvent être appelés à se multiplier, surtout
en cas d’événements pluvieux intenses.
M7 : adaptation végétation
Les techniques du bioengineering ont montré leur efficacité dans de nombreuses régions
soumises à des érosions intenses, notamment au Népal par exemple. La recherche de
nouvelles espèces végétales supportant les futures conditions climatiques est donc une
mesure préventive à mettre en place dès maintenant.
M8 : digues de protection
La lutte contre les inondations, qu’elles soient issues de crue de rivières ou par la mer,
nécessite la mise en place de digues de protection. Il se peut même que les remblais
routiers jouent eux-mêmes le rôle de digues. Le changement climatique implique que
certaines digues existantes ou certains remblais routiers doivent être rehaussés. Les
expériences récentes ont montré que ces ouvrages perdent une grande partie de leur
efficacité par leur vieillissement, en particulier une fragilisation pour les organismes
fouisseurs. Leur contrôle et leur entretien est donc fondamental. Des digues de protection
sont également justifiées pour la protection contre les chutes de blocs et les avalanches
(figure 22).
Figure 22 - Digue mise en place en amont du village
de St-Niklaus afin de prévenir les dégâts
dus au grand éboulement de Medji.
La digue protège le village, la route et la ligne de chemin de fer
qui accède à la station de Zermatt (Alpes valaisannes)
Les crues nécessitent également de pouvoir relever le niveau des ponts sur les cours
d'eau (figure 23).
Figure 23 - Les ponts entre deux
digues sont souvent un obstacle
à l'écoulement.
Exemple d'un pont escamotable commandé par
la seule force de l'eau de la crue du torrent.
Pont sur la Saltina à Brig,
Alpes valaisannes
Tiré de Parriaux 2009
30
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2012R04FR
M9 : traitements des sols argileux
Pour des sols sensibles à l’eau, on aura intérêt à prévoir à la construction du remblai un
traitement à la chaux ou aux liants hydrauliques, même si les conditions actuelles ne le
nécessitent pas.
M10 : déplacement de la route
Dans les cas où le maintien de la route devient pratiquement impossible (figure 24), en
particulier lors d’érosions marines, il n’y a pratiquement plus d’autres solutions que de
créer une nouvelle route plus en retrait du front d’érosion (voir § 6.1.4). Ce cas peut se
produire aussi dans certains grands glissements de terrain.
Figure 24 - érosion marine avec recul intense de la falaise rocheuse,
région de Waitaki, Nouvelle Zélande (source : David Bruce)
M11 : techniques de refroidissement
Dans les zones à pergélisol, différentes techniques permettent d'éviter que le terrain ne
dégèle trop profondément en été. Pour ce faire, il faut favoriser la pénétration du froid
en hiver, soit en évacuant la neige sur les côtés de la chaussée, soit en favorisant la
convection d'air froid dans le remblai. Cette convection accélérée peut être obtenue par
des conduites de circulation placées dans le remblai, par un géotextile drainant ou par un
matériel grossier perméable où l'air froid circule dans les pores. L'emploi de chaussées
réfléchissantes est couplé avec ces mesures internes au remblai.
6.Typologie de situations sur la Terre
A la fin du chapitre 4, nous avons présenté une typologie de situations géomorphologiques
principales à examiner à la lumière des tendances d’évolution du climat. Il est intéressant
maintenant de représenter quels sont les phénomènes généraux qui peuvent affecter la
route dans chacune des situations morphologiques pour différentes zones climatiques
31
Vulnérabilité des infrastructures géotechniques au changement climatique et mesures d'adaptation…
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selon leur évolution prévisible. Cette synthèse est résumée dans le tableau 1. Les
phénomènes dominants dans chaque cas sont donnés par leur numéro (Pxx) défini au
chapitre 5.1. Les dommages à la route peuvent être déduits du tableau de correspondance
(figure 12, page 19).
Basses altitudes
Tableau 1 - Phénomènes déterminants dans l'évolution climatique
pour les différentes situations géomorphologiques
et les différentes zones climatiques
tropical
humide
tropical
aride
Collines
et plateaux
P9P10P11
P5P9P10P11
Plaines
alluviales
P8P9P10
P5P7P8P9P10
Côtes
océaniques
planes
P8P10
Côtes
océaniques
rocheuses
P9P10P12
Montagnes
P9P10P11P12
subtropical
P1P5P9
P10P11
tempéré
boréal
P1P9P10P11
P9P10P11
P1P5P7
P1P7P8
P8P9P10
P9P10
P5P8P10
P5P8P10
P8P10
P8P10
P5P9P10P12
P5P9P10P12
P9P10P12
P9P10P12
P5P9P10
P1P5P9
P11P12
P10P11P12
Légende :
P1 : Variation de la teneur en eau des terrains
P2 : Fonte du pergélisol
P3 : Modification du nombre de cycles de
gel-dégel
P4 : Modification de la synchronisation fonte de la
neige-fonte du sol
P5 : Raréfaction de la végétation
P6 : Disparition de la banquise
P8P9P10
polaire
P2P3P4
P9P10P11
P2P3P8
P9P10
P2P3P6
P8P10
P2P3P4P6
P9P10P12
P1P2P3P4
P2P3P4
P2P3P4
P9P10P11
P9P10P11
P9P10P11
P12P13
P12P13
P12P13
P7 : Abaissement du niveau des nappes
souterraines
P8 : Inondations
P9 : érosion par ruissellement
P10 : Alluvionnement
P11 :Glissement de terrain
P12 : Chute de blocs, éboulements
P13 : Avalanches
Quelques situations typiques parmi les plus incisives pour la route sont illustrées
ci-dessous par des cas qui leur sont représentatifs (tableau 2, page suivante).
32
Vulnérabilité des infrastructures géotechniques au changement climatique et mesures d'adaptation…
2012R04FR
Tableau 2 - Cas typiques sélectionnés pour une description dans ce rapport
tropical
humide
Basses altitudes
Collines
et plateaux
Plaines
alluviales
Côtes
océaniques
planes
tropical
aride
Bénin-Niger :
cas n°1
subtropical
Brisbane
(crue 2011) :
cas n°2
écosse :
cas n°3
boréal
Quick clays,
Ontario :
cas n°4
polaire
Nord Canada :
cas n°5
Bangladesh
(crue 2007) :
cas n°6
Delta du
La Rochelle
Gange :
(tempête Xynthia
cas n°7
2010) : cas n°8
Côtes
océaniques
rocheuses
Montagnes
tempéré
Normandie :
cas n°9
Népal :
Coulée Gondo
cas n°10
cas n°11
Pissot, Randa,
Clairvaux :
cas n°12
Ces cas typiques sont décrits dans l'ordre des classes géomorphologiques, pour
différentes zones climatiques.
6.1. Régions de faible altitude
Nous traitons d'abord les régions de collines et plateaux qui recouvrent la majeure partie
de la Terre continentale. Ensuite les situations particulières des plaines alluviales, puis des
côtes, planes ou rocheuses, sont décrites. Différentes zones climatiques sont concernées,
de l'Equateur aux Pôles.
6.1.1.Collines et plateaux
Zone tropicale aride (cas n°1)
Le nord du Bénin est représentatif des régions de collines et plateaux en climat très aride.
La commune de Malanville, sur la rive gauche du fleuve Niger, sert d’exemple (figure 25 a).
Une étude générale de l’effet du changement climatique entreprise en 2008 sur tout le
pays apporte des évaluations intéressantes sur la vulnérabilité des différents domaines
socio-économiques et en particulier sur les voies de communication (figures 25 b et c).
Les mesures à adopter seront celles liées à la sécheresse toujours plus drastique du
climat énoncée dans le rapport du CT 4.5 et reprises à la figure 1 du présent rapport.
Zone subtropicale (cas n°2)
Les crues semblent devenir de plus en plus violentes dans ces climats. La très récente
crue du début 2011 dans le Queensland en est un bon exemple (figure 26, page 35).
33
Vulnérabilité des infrastructures géotechniques au changement climatique et mesures d'adaptation…
2012R04FR
Figure 25 - étude de l'effet du changement climatique sur la commune de malanville (benin)
(a) Carte satellite de la zone étudiée. Source : http ://maps.google.com/
(b) Les différents effets du changement climatique à attendre pour la commune de Malanville,
à la frontière nord du Bénin, en zone tropicale aride.
Indices de sensibilité : 1 = faible, 2 = assez faible, 3 = moyen, 4 = assez fort, 5 = fort.
(c) La vulnérabilité au changement climatique des voies de communication (VC) concerne plusieurs domaines
socio-économiques, essentiellement les commerçants et les transporteurs,
les maraîchers et exploitants agricoles et les pêcheurs.
D’après PROGRAMME D’ACTION NATIONAL D’ADAPTATION AUX CHANGEMENTS CLIMATIQUES DU BENIN
(PANA-BENIN), janvier 2008, Ministère de l’Environnement et de la Protection de la Nature (MEPN)
grâce au financement du Fonds pour l’Environnement Mondial (FEM) et le Programme des Nations Unies
pour le Développement (PNUD), Agence d’exécution.
34
Vulnérabilité des infrastructures géotechniques au changement climatique et mesures d'adaptation…
2012R04FR
Figure 26 - (a) Intensité de la crue sur les différentes rivières du Queensland
(Source : Bureau météorologique australien)
(b) Autoroute coupée par l'inondation (Source : Christie Lewis)
35
Vulnérabilité des infrastructures géotechniques au changement climatique et mesures d'adaptation…
2012R04FR
La raison de cette crue exceptionnelle est à chercher dans le phénomène El Niño - La Niña
(figure 27). Après une situation El Niño qui a affecté l'Australie orientale pendant plusieurs
années, on est passé à la situation contraire, La Niña, qui a apporté des pluies tout à fait
exceptionnelles sur cette côte. L'alternance El Niño - La Niña est un phénomène naturel.
La question d'un éventuel rôle du changement climatique dans ces grands courants
océaniques est encore ouverte. Les mesures de préventions pour la route dans de telles
conditions sont surtout celles de la surélévation des remblais ainsi que leur renforcement
contre les phénomènes d'érosion (figure 12, page 19 et tableau 1).
Figure 27 - Schéma du fonctionnement du phénomène El Niño
La situation La Niña est de type a, mais avec des courants d'eau chaude
vers l'ouest particulièrement intenses, déplaçant les ascensions thermiques
sur la côte australienne
D'après Parriaux 2010
1 : Direction des courants atmosphériques
2 : Mouvements des courants océaniques en réponse aux vents
3 : Évaporation atmosphérique, source de précipitations et de tempêtes
4 : Remontée des eaux froides vers l'Amérique du Sud
D’après Parriaux 2009
36
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Zone tempérée (cas n°3)
Nous choisissons pour cette zone le cas présenté
dans le rapport du CT 4.5. En août 2004, il est
tombé sur certaines régions de l’Ecosse trois
fois le volume de la pluie trentenale de ce mois.
Les pluies ont été à la fois intenses et de longue
durée.
Le cas le plus spectaculaire concerne la nationale
A85 à Glen Ogle où 57 personnes ont dû
être évacuées par hélicoptère après avoir été
bloquées entre deux coulées de boues. Cette
route supporte un trafic de 5 600 véhicules/ jour.
Elle est restée fermée pendant 4 jours (figure 28).
Figure 28 - Route dévastée par les fortes
précipitations en Ecosse en été 2004
D’après rapport CT 4.5
Zone boréale (cas n°4)
Un phénomène d'instabilité bien spécifique des ces zones boréales est associé
à d'ancienne argiles marines devenues instables à la suite de leur émersion par la
montée isostatique des continents. Le remplacement du sodium dans l'eau des pores par
des cations H+ issus de la pluie place ces argiles dans un état métastable. Une légère
sollicitation mécanique suffit à faire tomber brutalement leur cohésion. Elles se mettent
à couler comme un fluide visqueux, d'où le nom d'argile sensible ou quick-clay en anglais.
La Norvège a été le théâtre d'un phénomène de ce type à Rippa en 1978. Au Canada, un
cas similaire s'est produit en 1993 dans l'Ontario, près du village de Lemieux (figure 29,
page suivante).
La seule manière de lutter contre de tels glissements est d'effectuer des reconnaissances
systématiques dans le territoire avant de construire des routes, afin de détecter la
présence d'argiles sensibles. En cas d'urgence, il faut savoir que le déversement de NaCl
tend à redonner une cohésion à l'argile.
Zones polaires (cas n°5)
Les régions situées à haute latitude présentent la particularité de posséder en profondeur
des terrains gelés en permanence, appelés permafrost (voir § 4.1.1). Le réchauffement
climatique tend à faire diminuer le pergélisol et à augmenter le mollisol, ce qui rend les
assises de remblai et les remblais instables. Pour pouvoir maintenir une stabilité, il faut
s'efforcer d'éviter le réchauffement du remblai et de sa base. Les mesures pour garder
au froid ces terrains ont été décrites au chapitre 5.3 (mesures M11). Un cas d'application
expérimentale de ces mesures provient du Canada, avec l'aérodrome de Tasiujaq. Les
37
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2012R04FR
Figure 29 - Le cas du glissement de Lemieux, Ontario
(a) Argiles sensibles de Champlain dans la zone d’accumulation du glissement de Lemieux, Ontario.
Les strates originelles sont complètement déformées par le mouvement.
Ces paquets glissés ont complètement obturé l’écoulement de la rivière South Nation
Photo Geolep, A. Parriaux. D’après Parriaux 2009
(b) Carte de situation et photographie aérienne
D’après Evans & Brooks, 1994
(c) Carte montrant l’extension du glissement en 1993 et coupe
D’après Evans & Brooks, 1994
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différentes techniques de maintien du froid ont été testées sur le terrain et leur efficacité
comparée (figure 30) (Doré, 2009).
Figure 30 - Les mesures tendant à réduire la fonte du pergélisol
sous les routes en climat polaire Essais effectués au nord du Canada
(a) Carte du pergélisol dans le Nord Canada
(b) Mesures tendant à réduire le réchauffement estival dans la structure
(c) Comparatif des effets des différentes mesures de maintien du froid
(d) Proposition d’action dans les cas de routes sur pergélisol
Tiré de Doré & al. (2009 et 2010) et Guimond & al. (2010)
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6.1.2. Plaines alluviales (cas n°6)
Il convient de distinguer dans les régions de collines et plateaux les plaines alluviales qui sont
le siège de phénomènes géodynamiques bien différents que ceux du reste du territoire. Les
routes y sont très souvent implantées. Le seul cas que nous traiterons ici concerne les zones
tropicales humides. Les plaines alluviales des autres zones climatiques se comportent de
manière assez similaire, mis à part
les zones polaires où la dynamique
du dégel entraîne des processus
particuliers qui ne concernent que
très peu de routes.
Les crues sont particulièrement
dévastatrices dans les plaines
alluviales
en
raison
des
volumineuses
précipitations.
Un des nombreux cas est celui
de la plaine alluviale du Gange
au Bangladesh (figure 31). Les
apports en eau sont énormes en
raison du régime de mousson
sur la paroi méridionale de
l'Himalaya. En raison de la
tendance climatique à des
événements
pluvieux
plus
extrêmes (tendance T4), ces
crues devraient devenir de plus
en plus graves. Le relèvement du
niveau des mers (voir § 4.2.1) agit
encore négativement à l'extrémité
aval des plaines alluviales.
Au contraire des crues dans
Figure 31 - Extension des eaux de la crue de 2007
les zones de collines (voir §
dans la plaine alluviale du Gange
6.1.1), l'extension des surfaces
http://www.banglapedia.org/httpdocs/Maps/MN_0131C.GIF
inondées est considérable et
leur interférence avec la route également. La construction de digues (mesure M8) et le
relèvement des remblais est souvent impossible dans les pays à faibles moyens financiers.
6.1.3.Zones côtières planes
Parmi les zones littorales planes, les deltas présentent les plus grandes superficies
sensibles au rehaussement du niveau des mers. Les grands deltas marins sont nombreux
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Vulnérabilité des infrastructures géotechniques au changement climatique et mesures d'adaptation…
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sur la Terre (Mississipi, Rhin, Niger, Yantse, etc.). Nous avons choisi de traiter deux cas
dans des zones climatiques différentes.
Zone tropicale humide (cas n°7)
Le cas retenu comme typique est celui du Gange qui présente l’intérêt d’une forte
colonisation humaine et par conséquent de nombreuses routes. Un relèvement du
niveau de la mer de 1 m a été simulé. Sur la figure composite (figure 32 a, page
suivante), on représente les parties du delta d’altitude inférieure à 1 m (inondé lors du
changement climatique), la zone d’altitude de 1 m à 5 m (zone actuelle vulnérable aux
tempêtes selon les standards des Pays-Bas), la zone d’altitude de 5 à 6 m (nouvelles
zones sensible aux tempêtes en cas de changement climatique). Les routes en rose
(figure 32 b, page suivante) sont celles qui seraient nouvellement concernées par
l’effet des tempêtes.
Les mesures de protection de type digue (M8) sont difficilement réalisables sur les deltas
en raison de la longueur des côtes à traiter. Et, comme pour le cas de la plaine alluviale du
Gange, de telles mesures ne sont pas envisageables dans les pays pauvres. La solution
consiste à construire des routes temporairement inondables et la mise en place d'un
système d'alerte en cas de crues.
Zone tempérée (cas n°8)
Les tempêtes sont plus le fait des régions tropicales que des régions tempérées. La
tempête Xynthia qui a ravagé les côtes de Vendée en 2010 montre que ce genre de
phénomène se met à concerner aussi les zones tempérées, probablement en raison du
changement climatique. Elle est aussi intéressante car sa gravité est due au couplage de
trois phénomènes :
• vents du large très violents poussant de grandes vagues contre le continent (figure 33 b,
page 42) ;
• marée haute ;
• surcote de plus d'un mètre, due à l'expansion de l'eau de l'eau océanique en raison de
la forte dépression atmosphérique.
La zone sédimentaire à faible pente a été complètement envahie sur plusieurs kilomètres,
rompant les faibles digues et noyant routes et maisons (figure 33 c, page 42). L'ajout d'un
quatrième facteur aggravant, la montée des eaux océaniques dues à la fonte des glaces
polaires, laisse imaginer la vulnérabilité future de ces zones côtières planes.
6.1.4. Zones côtières rocheuses (cas n°9)
L’érosion côtière entraine la création de talus plus ou moins raides selon la nature
géologique. Dans les zones à forte tempête et de roches tendres, le rivage recule à grande
vitesse, menaçant des constructions et notamment des routes. Nous avons choisi de
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Vulnérabilité des infrastructures géotechniques au changement climatique et mesures d'adaptation…
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Figure 32 - Simulation d’un relèvement du niveau des océans de 1 m sur le delta du Gange
(a) Zones inondables. (b) Routes inondables.
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Figure 33 - La tempête Xynthia en Vendée en 2010
(a) Tempête sur la côte ouest de la France (Source : Association initiatives dyonisiennes)
(b) Taille des vagues contre les digues (Source : Flutrackers.com, Diane Morin)
(c) Zone inondée à La Faute-sur-Mer et L'Aiguillon-sur-mer (Source : Huffington Post)
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Vulnérabilité des infrastructures géotechniques au changement climatique et mesures d'adaptation…
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montrer un seul exemple, en zone climatique tempérée, et pourtant fortement soumise
à l'érosion : les rivages rocheux de Normandie (figure 34).
Figure 34 - érosion côtière en Normandie
(a) Effets des tempêtes sur les côtes rocheuses
(b) Vitesse d’érosion des falaises sur la côte normande
Université de Caen, laboratoire Géophen
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La question de l’évolution de cette vitesse d’érosion avec le changement climatique est
difficile tant de nombreux phénomènes parfois contradictoires agissent :
Effets positifs : Réduction du nombre de jours de gel (voir également § 4.1.1)
Effets négatifs :
• augmentation des événements de tempête,
• action érosive augmentée pour les zones où la banquise ne se forme plus,
• augmentation des intensités de pluie avec mise en charge des fissures et du risque de
glissement de terrain.
Les adaptations routières possibles sont :
• une réduction de l’activité érosive des vagues par la création de briseurs d’énergie (par
exemple épis) ;
• une confortation mécanique des pieds de falaise pour réduire l’effet de sape des vagues ;
• un drainage des eaux souterraines dans le rocher dans les zones instables ;
• un déplacement des routes se trouvant trop près du talus en calculant une distance de
sécurité sur la base de la durée de vie de la route et la vitesse de recul des falaises.
6.2. Régions de haute altitude
Il s’agit des bassins et des versants des zones de montagne où de nombreuses routes sont
implantées. Ces zones sont sensibles aux érosions, aux mouvements gravitaires de terrain,
allant des coulées boueuses aux éboulements en passant par les glissements de terrain.
Or ce genre de phénomène est susceptible d’être influencé par le changement climatique.
Nous avons choisi d'illustrer cette vulnérabilité dans trois environnements climatiques :
tropical humide, subtropical et tempéré. Les chaînes de montagne en région boréale et
polaire sont peu nombreuses et elles sont pauvres en axes routiers.
Zone tropicale humide (cas n°10)
Barrière aux moussons venant de l'Inde (figure 35 a, page suivante), le Népal est un
bon exemple de pays montagneux abondamment arrosé. Les érosions et glissements de
terrain sont particulièrement intenses (figure 35 b, page suivante).
L’AIPCR a organisé en 2003 un séminaire à Katmandu sur la thématique des risques
routiers dans cette situation climatologique et géomorphologique.
Zone subtropicale (cas n° 11)
Le versant sud des Alpes reçoit des apports pluvieux extrêmes du sud de manière toujours plus
intense (figure 36, page 47). Pour preuve l'événement d'octobre 2000 qui entraîna la catastrophe
de Gondo et la coupure de la route du Col du Simplon à travers les Alpes (figure 37, page 47).
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Vulnérabilité des infrastructures géotechniques au changement climatique et mesures d'adaptation…
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Figure 35 - (a) Distribution des précipitations au Nepal avec l’effet mousson
très marqué sur la partie méridionale de la chaîne
(b) Glissement de Krisna Bhyr qui coupait régulièrement la liaison Inde - Katmandou.
Des travaux d’assainissement ont été entrepris pour améliorer la stabilité du versant
D’après Parriaux 2007
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Vulnérabilité des infrastructures géotechniques au changement climatique et mesures d'adaptation…
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Figure 36 - Flux d'humidité intégré sur la colonne atmosphérique le 15 octobre 2000
D'après Frei C., 2004. http ://www.occc.ch/reports/Extremereignisse03/PDF_F/2-05-Precipitations.pdf
Figure 37 - Catastrophe de Gondo
En octobre 2000, le versant sud des Alpes suisses a vécu des précipitations exceptionnelles ; une sorte de minimousson venant d’Afrique du Nord et traversant la Méditerranée a déversé 700 à 900 mm d’eau en cinq jours.
Le village de Gondo (a) est construit au pied d’une falaise vertigineuse, sur une moraine couverte d’un cône
d’éboulis (b). Un mur de soutènement avait été construit en amont pour retenir les blocs chutant de la falaise.
Durant l’évènement pluvieux, une grande quantité d’eau a pénétré dans les sédiments du cône. Il s’est formé une
nappe souterraine temporaire au contact des débris et de la moraine. Les forces de percolation exceptionnelles
ont destabilisé le pied du cône donnant lieu à un glissement rapide. Le matériel s’est accumulé derrière le mur
de soutènement qui n’était pas dimensionné pour une telle charge. Après quelques minutes le mur s’est renversé
entraînant une coulée qui a traversé le village rasant des maisons et tuant quatorze personnes.
Photo www.crealp.ch. Tiré de Parriaux 2009
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Vulnérabilité des infrastructures géotechniques au changement climatique et mesures d'adaptation…
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L’élément aggravant principal est ici à nouveau l’accroissement des intensités de pluie.
La seule lutte possible pour le maintient de la route consiste en la collecte des eaux de
surface et des eaux souterraines.
Zone tempérée (cas n°12)
Nous irons chercher trois cas d'illustration dans les Alpes helvétiques et un dans les
Rocheuses canadiennes, pour présenter cinq phénomènes différents : les laves torrentielles,
les coulées boueuses, les glissements de terrain, le fauchage et les éboulements.
Bassins sensibles aux crues et aux laves torrentielles
Les routes, ainsi que beaucoup de villages en zones de montagne, souffrent des laves
torrentielles. En effet, les zones urbanisées sont très souvent sur les cônes de déjection,
seuls havres de paix dans les vallées profondes balayées par les crues. Les cônes de
déjection ont été aménagés il y a longtemps afin de rendre leur surface utilisable pour
construire et pour les cultures. Le torrent a été canalisé dans un seul lit, souvent étroit.
Ces cours artificiels ne sont rarement dimensionnés pour écouler les laves torrentielles
qui s’écoulent sur le cône, phénomène tout à fait naturel et dominant pour la formation de
ces amas sédimentaires. Les événements pluvieux devenant plus intenses, ces chenaux
s’avèrent insuffisants et des débordements massifs peuvent constituer de véritables
catastrophes (voir figure 38, page suivante). Dans le cas de la lave du Pissot, au bord du
Lac Léman, l’autoroute a été coupée pendant plusieurs jours en raison de l’alluvionnement
de la chaussée. La lutte principale contre ce risque est à chercher dans la construction
de vastes pièges à sédiments au sommet du cône (figure 38, page suivante), ainsi que le
relèvement des digues ou l’approfondissement du chenal.
Versants instables aux coulées boueuses
Les coulées boueuses se produisent dans la couverture meuble aux endroits où un
aquifère se met en charge durant les périodes de forte infiltration (figure 39, page 50). La
couverture meuble est peu perméable et à faible plasticité. Ces coulées, plus fluides que
les glissements de terrain (figure 40, page 50), peuvent atteindre rapidement les routes
et créer un danger pour la circulation. Des tronçons de route peuvent également être
emportés par ce phénomène.
Là encore, l’augmentation des événements de précipitation intenses devrait agir dans le
sens d’une croissance du danger. D’autres facteurs sensibles au changement climatique
agissent également :
• état de gel du sol,
• régime de fonte des neiges.
Une sécurisation de la route est possible en drainant les versants en amont par des drains
forés en profondeur, afin d’éviter la mise en charge de l’aquifère sous la couverture peu
perméable.
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Figure 38 - Lave torrentielle du Pissot, Préalpes vaudoises en Suisse
A) Vue générale de la coulée
B) Bassin vu d’en haut
C) Invasion de l’autoroute du Léman
D) Mesure corrective par bassin de tranquilisation
D’après Rapport PIARC C12. Slope Risk Guidance for Roads.
Final Report for the Working Period 2000- 2003. Décembre 2002
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Figure 39 - Schéma du fonctionnement des coulées boueuses de versant
Figure 40 - Coulée boueuse à Orsière
(Alpes valaisannes) ayant détruit
partiellement une maison.
L’aquifère qui s’est mis en charge est une
moraine, prise sous une couveture pédologique
peu perméable. (Source : Aurèle Parriaux)
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Vulnérabilité des infrastructures géotechniques au changement climatique et mesures d'adaptation…
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Versants instables aux glissements de terrain
Les glissements de terrain donnent lieu à des mouvements souvent plus continus que les
coulées boueuses, bien que des accélérations catastrophiques puissent se produire. De
nombreuses routes doivent traverser ces zones mouvantes, donnant lieu à de coûteux
travaux d’entretien (photo route Frasse). Les conditions d’infiltration jouent un grand rôle
dans la dynamique des glissements ainsi que l’érosion de leur pied par les rivières. Ce
sont deux paramètres qui devraient varier avec le changement climatique :
• infiltration massive dans les niches d’arrachement durant les événements à forte
précipitation,
• érosion accrue du pied des glissements
Les mesures d’adaptation sont celles qui traitent de la stabilisation des glissements de
terrain, indépendamment du changement climatique : confortation mécanique locale,
ouvrages de lutte contre l’érosion du pied, collecte des eaux de surface, drainage des
eaux souterraines (figures 41 et 42, page suivante).
Figure 41 - Techniques de stabilisation des glissements de terrain agissant sur les eaux
souterraines, appliquées sur un glissement schématique représenté en plan et en coupe
(a) Collecte des eaux de ruissellement par fossés ou tranchées drainantes,
évacuation des eaux hors du glissement ; mesure nécessaire mais généralement insuffisante
(b) Forages drainants rayonnants à partir de chambres de forage
fondées dans les terrains stables à la périphérie de la masse glissée
(c) Rideaux de puits filtrants avec extraction de l’eau souterraine par pompage ou par siphons ;
les puits peuvent être cisaillés si les mouvements ne sont pas rapidement stabilisés
(d) Galerie avec forages rayonnants sous la surface de glissement ; solution très efficace mais coûteuse
D’après Parriaux et al., 2010.
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Figure 42 - La technique de drainage par galerie et drains forés
pour l’assainissement des glissements de terrain profonds
D’après Parriaux 2009.
Le glissement de la Frasse montre la création
d’un ouvrage de drainage en profondeur avec
une galerie sous le glissement depuis laquelle
des forages ascendants drainent la masse glissée
(figure 43 et 44, page suivante).
Figure 43 - Géomorphologie du glissement
de la Frasse (Préalpes vaudoises en Suisse),
avec réseau hydrographique en bleu, les routes en orange
et la galerie drainante en rose (Source : Administration
cantonale vaudoise)
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Vulnérabilité des infrastructures géotechniques au changement climatique et mesures d'adaptation…
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Figure 44 - Carte géologique du glissement de la Frasse (Préalpes vaudoises, Suisse).
En orange, la situation de la galerie drainante.
Fond géologique : Atlas géologique de la Suisse
Cas des versants sensibles fauchage
Un cas particulier d’instabilité rocheuse est le fauchage (figure 45, page suivante).
Lorsque le déblai de la route est taillé dans des roches anisotropes (roches sédimentaires
ou métamorphiques) et que celles-ci sont en position contraire, les têtes de couches sont
souvent basculées. Le lieu géométrique des points de flexion de chaque couche constitue
un plan de faiblesse qui peut fonctionner comme plan de glissement. Le changement
climatique peut influencer la stabilité de cette couverture basculée en créant des mises
en pression dans les feuillets des couches lors d’événements pluvieux très intenses. Le
pronostique sur l’effet de l’augmentation de température sur le gel et notamment les cycles
gel-dégel reste incertain, comme pour les éboulements (voir § 5.1).
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Vulnérabilité des infrastructures géotechniques au changement climatique et mesures d'adaptation…
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Figure 45 - Le phénomène du fauchage dans les roches anisotropes
En rouge, ligne des points de flexion. Exemple de la région de Clairvaux,
Alberta, Canada (Sources : Cruden et al. (1993), Aurèle Pariaux)
Versants instables aux chutes de blocs et aux éboulements
En région montagneuse, les éboulements menacent beaucoup de routes, avec des chutes
de blocs parfois mortels (voir par exemple AR du Gothard, figures 46 et 47, page suivante).
Les conditions climatiques influencent notablement le déclenchement de chutes de blocs,
surtout lors de mises en charge de fissures due à des événements très pluvieux. Les
conditions de gel jouent un rôle fondamental également.
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Figure 46 - Chute de blocs sur l'autoroute du Gothard à Gurtnellen (2007).
Deux personnes sont décédées dans la voiture (Source : Thomas Sävert)
Figure 47 - travaux de minage après un second éboulement survenu en 2012 qui a coupé
la ligne de chemin de fer du Gottard (Source : Keystone)
Lorsque les blocs sont de taille modeste, on peut les retenir avec des filets (voir §5.3). Si
leur taille et leur énergie augmente, on est réduit à construire des digues de retenue des
blocs (voir §5.3).
Les montagnes sont parfois le siège d’événements de grande ampleur :
• éboulements : chute de grandes masses de roches en un ou quelques événements,
sans phénomène particulier de transport (pente de stabilité ordinaire) (figure 48, page
suivante) ;
• écroulements : comme les éboulements mais faisant appel des phénomènes de
transport des particules particuliers qui donnent lieu à un vaste étalement des blocs
sur le devant.
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Dans de tels cas, la seule protection possible est le déplacement de la route. Cependant,
le pronostique géologique sur la probabilité d’occurrence est difficile.
Figure 48 - éboulement de Randa, Alpes valaisannes, Suisse.
Ce phénomène a provoqué la destruction de la route et de la ligne de chemin de fer menant à Zermatt
(Source : CREALP)
7.Conclusion
Dans l’abondante littérature sur le changement climatique, il est difficile de trouver des
éléments spécifiques à la construction routière. Or, ce domaine socio-économique a besoin
de recommandations pratiques afin de construire des routes sûres et durables, d’adapter
des routes existantes à ces nouvelles conditions. Le présent rapport du comité D.4 décrit
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Vulnérabilité des infrastructures géotechniques au changement climatique et mesures d'adaptation…
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la variabilité des phénomènes dominants à attendre sur la planète, les dommages qu’ils
devraient entrainer pour la route, et les mesures à préconiser pour réduire les risques.
Il insiste bien sur le fait que les conditions locales doivent être prises en compte et que
celles-ci peuvent différer notablement des grandes évolutions générales.
Il faut être conscient du fait que les phénomènes fondamentaux qui devraient être
influencés par le changement climatique sont fortement interdépendants. Certaines
évolutions semblent bien assises, comme par exemple la variation extrême des teneurs
en eau des terrains. D’autres en revanche sont encore mal déterminées, notamment la
question clé du régime du gel, qui agit très directement sur les ouvrages en terre et sur
leur environnement.
Ce rapport, en conjonction avec le rapport du comité CT 4.5 "Anticiper les effets des
changements climatiques sur les ouvrages géotechniques routiers" (Référence AIPCR
2008R12), sert de ligne-guide pour les ingénieurs routiers de différents pays. C'est donc
un outil fort précieux pour l'AIPCR et le monde de la route.
Bibliographie
[1] D. Bayard, « The effect of seasonal soil frost on the alpine groundwater recharge including climate
change aspects », Thèse EPFL, no 2709 (2003)
[2] A. Parriaux, « Géologie : Bases pour l’ingénieur. 2e édition revue et augmentée », PPUR
Lausanne, ISBN 978-2-88074-810-4 (2009)
[3] A. Parriaux, « Routes et changement climatique en montagne : un problème chaud à résoudre
la tête froide. / Roads and climate change in mountainous regions: keeping a cool head when
resolving a hot issue. », Routes/Roads 338 , pp. 76-894444 (2008)
[4] IPCC, « Bilan 2007 des changements climatiques », Contribution des Groupes de travail I, II et
III au quatrième Rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution
du climat [Équipe de rédaction principale, Pachauri, R.K. et Reisinger, A. (publié sous la direction
de~)]. GIEC, Genève, Suisse, 103 p. (2007)
[5] Rapport PIARC C12, “Slope Risk Guidance for Roads. Final Report for the Working Period 20002003” (Décembre 2002)
[6] AIPCR, « Anticiper les effets des changements climatiques sur les ouvrages géotechniques
routiers », Réf. : 2008R12 (2008)
http://publications.piarc.org/ressources/publications_files/4/2917,2008R12WEB.pdf
[7] PANA-BENIN (Programme d’action national d’adaptation aux changements climatiques du
Bénin), Ministère de l’Environnement et de la Protection de la Nature (MEPN) grâce au financement du Fonds pour l’Environnement mondial (FEM) et le Programme des Nations Unies pour le
Développement (PNUD), Agence d’exécution (2008)
http://unfccc.int/resource/docs/napa/ben01f.pdf
57
Vulnérabilité des infrastructures géotechniques au changement climatique et mesures d'adaptation…
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[8] A. Guimond, G. Grondin et M. Boucher, « Nouvelle approche de planification et de gestion des
infrastructures aéroportuaires du Ministère des Transports du Québec au Nunavik dans un
contexte de changements climatiques : vers une stratégie d’adaptation », Exposé préparé pour
la séance « Faire face aux changements climatiques : les bonnes pratiques » du Congrès annuel
de 2010 de l’Association des transports du Canada à Halifax (Nouvelle-Écosse) (2010)
[9] A. Guimond, G. Grondin et M. Boucher, « Auscultation et investigations du pergélisol sous les
infrastructures du Ministère des Transports du Québec au Nunavik : vers une stratégie d’application » (2010)
[10]G. Doré et A. Ficheur, « Expérimentation de méthodes de mitigation des effets de la fonte du
pergélisol sur les infrastructures de transport du Nunavik : Aéroport de Tasiujaq », Rapport
d’étape 3 (version préliminaire), Rapport GCT-2009-11, Université Laval, QC, Canada (2009)
[11]G. Doré et E. Voyer, « Expérimentation de méthodes de mitigation et des effets de la fonte
du pergélisol sur les infrastructures de transport du Nunavik : projet expérimental de Salluit »,
Rapport final (version préliminaire), Rapport GCT-2009-04, Université Laval, QC, Canada (2010)
[12]A. Parriaux, Ch. Bonnard, L. Tacher, « Glissements de terrain : hydrogéologie et techniques d'assainissement par drainage », OFEV, Connaissance de l'environnement, Dangers naturels (2010)
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