Conjoncture économique et politiques sociales La protection sociale représente en France environ 673 milliards d’euros (Md€) en 2011, dont 638 Md€ de prestations de protection sociale. 2011 est la deuxième année de croissance modérée des dépenses (+3,0 %) avec des recettes (+4,5 %) qui augmentent plus vite que les dépenses. « Il semblerait que l’opinion des Français ait évolué. Bien que toujours demandeurs d’une protection sociale de haut niveau, ils sont de plus en plus préoccupés par la question de la dette ». Elle conserve en France un rôle d’amortisseur de crise alors qu’en Europe ce rôle, dans la récession économique, serait moindre (DREES, juin 2013). En 2013, malgré la dégradation de la conjoncture, le solde de la protection sociale serait, d’après le gouvernement, « stabilisé » : le déficit persiste (-17,3 Md€ après -17,5 Md€ en 2012 et -20,9 Md€ en 2011). Selon la Commission des comptes de la sécurité sociale en juin 2013, les branches Maladie (-7,9 Md€), Retraite (-6,5 Md€, y compris le fonds de solidarité vieillesse FSV) et Famille (-3,2 Md€) demeurent en déséquilibre. Marisol Touraine affirmait alors que « le gouvernement est déterminé à garantir la pérennité de notre système de protection sociale en poursuivant le rétablissement des comptes dans la justice. La poursuite de la maîtrise des dépenses est indispensable pour rétablir l’équilibre des comptes sociaux ». Des réformes plus structurelles que seulement financières Après le rapport Fragonard, le gouvernement prépare pour la branche famille un ensemble de mesures visant un meilleur ciblage et le retour à l’équilibre. Avec le rapport Moreau, nouvelle étape d’un train continu de travaux sur les retraites, le chantier du gouvernement est en débat avec les partenaires sociaux depuis l’été ; il sera sur le bureau du Parlement à partir de la mi-septembre. Le rapport d’étape du Haut conseil du financement de la protection sociale (juin 2013) éclaire les options en présence sur le financement comme sur les principes directeurs : contributivité, universalité, redistribution. Les associations de solidarité, avec quelque 20 Md€ d’activités sous formes d’établissements et services, s’inscrivent au cœur des arbitrages sur le financement des politiques sociales. La réduction du déficit public est importante (142 Md€ en 2009, 105 Md€ en 2011, 98 Md€ en 2012), mais la dette publique n’a pu être stabilisée (1 834 Md€ en 2012). La maîtrise des dépenses pourrait encore se resserrer. Trajectoire gouvernementale : l’équilibre des comptes publics en fin de législature… Cette option traduit les règles européennes désormais sanctuarisées dans la loi française. Les orientations budgétaires nationales présentées à la commission avant le 15 octobre peuvent faire l’objet d’une demande de révision en cas de manquement aux obligations de retour à l’équilibre des finances publiques. Le Traité sur la Stabilité, la Coordination et la Gouvernance, signé par 25 États membres de l’Union européenne à l’issue du processus initié en décembre 2011 au Conseil européen, a été ratifié en France le 22 octobre 2012 ; articulées à la révision constitutionnelle de juillet 2008, la loi organique et la loi de programmation des finances publiques ont été adoptées en décembre 2012. Le Haut conseil des finances publiques contrôle depuis début 2013 la trajectoire des finances publiques. Il n’exclut pas un léger recul du PIB en 2013 et une croissance sensiblement inférieure à 1,2 % en 2014 et a jugé « incertaine » la prévision d'un PIB de +2 % par an à partir de 2015… La reprise ? Le gouvernement conjugue une exigence forte de réduction des déficits – État, collectivités locale et protection sociale – et le pari du redressement économique. Après une économie mondiale ralentie en 2012 et, alors que les effets de la crise financière de 2008 se dissipent, les signes de reprise se précisent, avec des écarts importants entre les régions du globe et même en Europe. Aux États-Unis, la croissance consolidée à un niveau modéré (+2,2 % en 2012, +1,8 % en 2011) se poursuit. Au Japon, la croissance continuerait (+0,6 % par trimestre sur 2013, après +2,0 % en 2012 et -0,6 % en 2011). Dans les pays émergents et en développement, la croissance perdure (+5,1 % en 2012, +6,4 % en 2011). En Europe, la tendance serait moins favorable, mais la zone Euro verrait l’arrêt du repli et une légère reprise dès le second trimestre. Les situations sont contrastées ; en 2012, par exemple : croissance très modérée en Allemagne (+0,76 %), récession en Italie (-2,4 %) et en Espagne (-1,4 %). En France, la reprise serait au rendez-vous. Le programme de stabilité des finances publiques tablait en juillet sur une croissance à 0,1 % pour 2012 et à 0,8 % pour 2013. La reprise du second trimestre (+0,5 %) est un simple rebond statistique pour certains, mais un véritable redémarrage économique pour d’autres. Uniopss-Uriopss – Rentrée sociale 2013-2014 I Options économiques en débat Associations, dans la rigueur Pour le FMI, qui « salue les efforts déployés par les autorités françaises pour maintenir sur la bonne voie et respecter les échéances du processus de convergence européenne », la «priorité essentielle » est de restaurer la compétitivité et les moteurs internes de la croissance. À cette optique libérale s’opposent des scénarios plus keynésiens : ainsi l’OFCE affirme que depuis 2009 les effets d’une politique de « chape de plomb budgétaire», dans une « spirale négative », compromettent la croissance potentielle pour l’avenir ; un effort budgétaire moins important produirait une réduction plus lente des déficits, mais « plus de croissance économique » et la création de « 119 000 emplois en 2014 », soit 232 000 de plus qu’avec les options gouvernementales. La situation de l’emploi demeure en tous cas critique, avec un taux de chômage qui pourrait atteindre 11 % fin 2013 (France, y compris DOM), en hausse de 0,6 % sur un an. Les évolutions salariales, conditionnées par une conjoncture défavorable et un faible niveau d’inflation, s’inscrivent dans une fourchette étroite. Un nouveau gel des salaires en 2013 et 2014 se profile pour la fonction publique. La Cour des comptes, pour réduire la masse salariale publique, étudie plusieurs scénarios combinant effectifs et rémunérations ; les hausses générales en niveau y sont modélisées entre 0 % et 0,5 % … Dans les associations du secteur social, médico-social, santé, les évolutions pour 2014 seront cadrées par la conférence salariale (le taux avait été de +1,4 % au total, en masse, pour 2013). Les préconisations relatives aux différentes conventions collectives sont progressivement publiées par les organisations employeurs. L’enjeu du climat social et de la qualité des réponses sociales suppose que les « ressources humaines » soient préservées. Dans cette perspective, les prévisions budgétaires doivent permettre d’intégrer une évolution des effectifs, des qualifications et des rémunérations compatibles avec la qualité du travail et des rapports sociaux. Entre financements contraints et besoins sociaux, les politiques sociales en étau Selon l’Observatoire des finances locales, les collectivités locales « ont supporté le contexte économique et social au cours de l’année 2012 ». L’atonie économique, qui obère leurs recettes, se conjugue avec des allocations en hausse, liées à la situation économique et sociale comme aux évolutions démographiques : le taux de chômage a augmenté de 0,8 % en un an et le nombre de bénéficiaires du RSA-socle de 5%. Parallèlement, le « vieillissement de la population accroît inévitablement les dépenses d’APA : en 2012, la population âgée atteint 9,1 % de la population, contre 8,5 % en 2007. Le nombre de bénéficiaires de l’APA est en constante augmentation de 2007 à 2011 (+14,3 %) pour atteindre 1,3 million de bénéficiaires en 2011 ». La difficulté à maîtriser les allocations conduit d’autant plus à contrôler les dépenses des établissements et services. Parallèlement, l’ONDAM est en 2012 (170,3 Md€), pour la troisième année consécutive, inférieur aux prévisions votées en loi de financement de la Sécurité sociale, l’écart relevant principalement des soins de ville (-830 M€) et des établissements hospitaliers (-50 M€). Dans ce contexte, « l’amélioration des parcours de soins à travers une régulation efficace de l’offre de soins destinée à décloisonner les soins de ville, les soins hospitaliers et le secteur médico-social constituera une priorité pour le gouvernement ». II Court terme, moyen terme : des politiques pour argumenter les priorités sociales Dans la contrainte économique, alors que les réformes structurelles se poursuivent, comment peser sur les politiques de solidarité et de cohésion sociale ? Lors de son discours au Congrès de l’Uniopss en janvier 2013, le Chef de l’État a réaffirmé la volonté du gouvernement de porter les priorités dans la lutte contre la pauvreté, dans le champ du handicap, du vieillissement et de l’équilibre des générations, de la politique de l’enfance, de la jeunesse et de la famille. Réforme de la protection sociale, modernisation de l’action publique et décentralisation, loi ESS …, les rendez-vous politiques sont nombreux. La rentrée sociale suppose, à l’automne 2013, de réaffirmer l'inscription territoriale, avec les parcours de l’usager comme axe de plus un plus structurant et de nouveaux rouages institutionnels pour relier localement sphère sociale, sphère économique, sphère emploi. Il s’agit aussi de réaffirmer – et faire financer –une politique du projet, avec l’indispensable contractualisation pluriannuelle, la consolidation des coopérations et bien sûr une politique volontariste pour l’emploi. Uniopss, le 12 septembre 2013 Uniopss-Uriopss – Rentrée sociale 2013-2014