ALLEZ SAVOIR! / N°27 OCTOBRE 2003 51
conduisent avec le temps à des pro-
blèmes importants.»
D’autant que ces molécules per-
turbatrices ont tendance à s’accu-
muler dans les graisses (on les appelle
«lipophiles») et sont relativement
stables, c’est-à-dire qu’elles ne se
dégradent pas rapidement. Une fois
qu’elles se sont introduites dans
l’organisme, par le biais de la chaîne
alimentaire ou autrement, elles s’y
incrustent pour longtemps.
Quant à savoir si elles agissent déjà
à doses infinitésimales, voire n’agissent
qu’à ces doses, c’est ce que les
recherches doivent établir, parmi
beaucoup d’autres faits. Car outre cet
effet dose, qui reste à éclaircir, l’effet
de combinaisons doit lui aussi être élu-
cidé. Si deux ou trois de ces perturba-
teurs agissent simultanément, la per-
turbation est-elle nettement plus forte?
Y a-t-il des synergies? Mystère, pour
le moment.
Le «bon» et
le «mauvais » moment
Autre problème avec ces fameux
perturbateurs endocriniens: ce sont des
molécules d’autant plus difficiles à tra-
quer que leur action peut s’exercer au
«bon» ou au «mauvais» moment. «Nos
glandes produisent les hormones d’une
manière contrôlée, ce qui fait que nous
avons normalement un développement
et un fonctionnement coordonné et
harmonieux de notre organisme.
L’exposition à un polluant, en plus
d’effets perturbateurs comme le blo-
cage du mécanisme moléculaire de
l’action hormonale, par exemple, peut
éventuellement activer ce mécanisme
au mauvais moment, explique Walter
Wahli. Dans le cas de la puberté, par
exemple, elle peut induire la mise en
route de tout le système de maturation
sexuelle prématurément. La même
action à un moment qui ne serait pas
inadéquat n’aurait aucun effet. Car
certaines de ces molécules polluantes
miment totalement l’action de l’hor-
mone produite par l’organisme.» Cette
affaire de mimétisme est au cœur du
problème (lire en page 55).
Et maintenant, que faire?
Et, pour couronner le tout, la nature
n’est pas aussi innocente qu’elle en a
l’air: des molécules naturelles, exerçant
leur action au mauvais moment, peu-
vent fonctionner comme des pertur-
bateurs endocriniens. En concentration
trop élevée, les phytœustrogènes pro-
duites par des plantes comme le soja,
par exemple, peuvent dérégler toute la
machine. Chez l’adulte souffrant
d’ostéoporose, leur effet positif est
quasi assuré. Mais administrées en
excès à un nourrisson, elles perturbe-
ront son développement.
Reste à espérer, comme le souhaite
la direction du programme du FNS, la
création «d’une plateforme de consen-
sus pour l’industrie et le législateur sur
la manière d’éviter l’impact négatif de
ces perturbateurs endocriniens». Et
que soient définies «des recommanda-
tions ayant trait au développement de
nouvelles substances».
Elisabeth Gilles
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Certaines crèmes solaires contiennent des molécules qui agissent au niveau hormonal.
Elles sont également suspectées
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