Les effets secondaires des nouveaux traitements anti-cancéreux. Dr Jean-Pierre Delord Institut Claudius Regaud Laboratoire de pharmacologie clinique et expérimentale des médicaments anti-cancéreux. Toulouse Les progrès réalisés dans la connaissance fondamentale des processus de l’oncogénèse se traduisent actuellement par l’apparition de nouvelles classes thérapeutiques en cancérologie. Ces nouveaux médicaments sont appelés « thérapeutiques ciblées ». Ce terme « thérapeutique ciblée » désigne des molécules dirigées contre des cibles moléculaires présentes et jouant un rôle dans la transformation néoplasique de la cellule cancéreuse. Il ne s’agit pas d’un concept nouveau en oncologie. Les traitements hormonaux des cancers du sein et de la prostate par exemple correspondent à des thérapeutiques ciblées selon cette définition, et sont étudiés depuis longtemps. Cependant, de très nombreux traitements innovants deviennent utilisables en clinique. Ils peuvent avoir comme cible : - une néo-protéine résultant d’une anomalie moléculaire causale, directement responsable de la transformation néoplasique - un oncogène impliqué dans progression tumorale - une ou plusieurs cibles du micro-environnement tumoral Pour obtenir l’inhibition pharmacologique d’une ou plusieurs cibles, deux grandes classes de molécules sont utilisées : - les anticorps monoclonaux, en partie ou totalement humanisés - les « petites molécules » Exemples : Figure 1 : transduction du signal de prolifération à partir d’un oncogène membranaire (récepteur à un signal de croissance) Figure 2 : représentation schématique des classes thérapeutiques inhibant ce récepteur Ces médicaments interagissent avec les protéines tumorales en bloquant leur activité « kinase ». Les effets secondaires de ces molécules sont donc très différents de la chimiothérapie cytotoxique traditionnelle. En particulier, les risques de toxicité hématologique et de leuco-neutropénie sont souvent presque inexistants. Globalement les effets secondaires attendus dépendent désormais : - de la classe pharmacologique : les anticorps monoclonaux partiellement humanisés (injectables) font courir aux patient un risque immédiat de réaction anaphylactique et de fièvre. Les petites molécules (administrées par voie orale) ont des effets secondaires que nous pouvons qualifier de non spécifique (essentiellement mucite et diahhée) - surtout, du mécanisme d’action de la molécule : voici quelques exemples 1. les inhibiteur de la protéine EGF-R (Epidermal Growth Factor : facteur de croissance des épidermes) ont essentiellement des effets secondaires cutanés (cette protéine étant exprimée anormalement dans certains cancers, mais présente de façon physiologique dans les couches basales de l’épiderme). Il convient de connaître ces effets secondaires s’exprimant souvent sous la forme d’une réaction érythémateuse maculo-pustulopapulaire du visage qui n’est ni une allergie ni de l’acné. Le traitement de ces anomalies repose essentiellement sur une hydratation de la peau et les anti-inflammatoires cutanés. 2. les inhibiteurs de HER-2 (récepteur de la famille des EGFR) sur-exprimé dans certaines cancers du sein. L’inhibition pharmacologique de ce récepteur n’a quasiment aucun effet secondaire immédiat dans la mesure où ce récepteur est très peu exprimé dans les tissus sains chez l’adulte. Par contre, HER2 est impliqué dans l’organogénèse, en particulier cardiaque. Les inhibiteurs de HER2 nécessitent donc une surveillance cardiaque particulière car ils peuvent accentuer les effets secondaires liés à la chimiothérapie sur la fonction cardiaque. 3. les inhibiteurs de l’angiogénèse tumorale. Ces traitement ont un effet anti-tumoral par une destruction plus ou moins complète des vaisseaux sanguins tumoraux. Ces molécules interagissent avec de grands mécanismes physiologiques de l’homéostasie vasculaire. Ils peuvent donc être responsables de l’apparition : o o o o d’hypertension artérielle nécessitant une prise en charge symptomatique de protéinurie souvent asymptomatique d’un risque plus élevé de phénomènes thrombotiques et hémorragiques d’effet secondaire multiples dont la physiopathologie n’est pas élucidée : asthénie, troubles des phanères, hypothyroïdie, etc. Il est vraiment rare que ces nouveaux traitement soient à l’origine d’effets secondaires exposant les patients à un risque vital (comme par exemple la neutropénie). Ces traitements exposent plutôt les patients à des effets secondaires apparaissant comme des toxicités « chroniques ». Leur prise en charge dépend donc du contexte clinique, du bénéfice thérapeutique attendu et de l’avis des patients, souvent important pour des effets secondaires cutanés par exemple. La gestion de ces toxicités chroniques impliquera nécessairement plus les médecins de famille.