La ligue de Délos
Les Grecs ne paraissent pas avoir été particulièrement soucieux du péril perse pendant les années Quatre-vingt.
En ~486, Xerxès succédait à Darius sur le trône de Perse. S'il faut en croire Hérodote, les préparatifs contre la Grèce
commencèrent dès ~484. Au fur et à mesure que le temps passait, le péril devint perceptible et lorsque les Perses
députèrent pour demander la terre et l'eau, il fallut réagir. Les Grecs se réunirent en congrès durant l'été ~481. Cette
même année, Athènes rappela ses ostracisés.
1. La fondation
Nous ne connaissons qu'indirectement la liste des cités décidées à se défendre contre les envahisseurs :
Hérodote nous donne celle des peuples et des cités qui donnèrent la terre et l'eau. Mais le trépied que les
vainqueurs offrirent à Delphes contenait les noms des combattants. Ces derniers décidèrent de déposer leurs haines
et s'échangèrent des serments. La coalition que les Grecs formèrent était une alliance du même type que la "ligue
péloponnésienne" placée sous l'hégémonie de Sparte. L'alliance est désignée par Hérodote: hoi Héllenes (les Grecs
VII 132, 2; 145, 1, etc.), summachíe (alliance VII 148, 4; 149, 1), homaichmíe (alliance VII 145, 2) et hoi summachoi
(les alliés VIII 3,1 etc.). Une fois, Hérodote parle de hoi Lakedaimonioi te kai hoi Athenaioi kai hoi toutôn summachoi
(les Lacédémoniens, les Athéniens et leurs alliés VII 157, 1). Or ce texte pose un problème: dans la plupart des
manuscrits les mots te kai hoi Athenaioi (ainsi que les Athéniens) ne sont pas reproduits. On admet généralement
qu'il s'agit d'un accident dans la transmission du texte, mais il n'en reste pas moins que la question de l'hégémonie
allait se poser. Ce sont les Spartiates qui obtinrent le commandement suprême sur terre et sur mer, ce qui a permis
à certains d'y voir un élargissement de la ligue péloponnésienne.
Les événements de ces années sont racontés en grand détail par Hérodote et repris dans tous les manuels. Après
les victoires de Platées et de Mycale, les Hellènes, dont le nombre s'était accru des cités qui s'étaient libérées,
surtout celles d'Ionie, se séparèrent en deux groupes: (a) Les Lacédémoniens et les Péloponnésiens rentrèrent chez
eux, tandis que (b) les Athéniens et les Grecs d'Ionie et d'Hellespont restèrent à Sestos, où ils mirent le siège,
pendant l'hiver. Après la chute de Sestos, les Spartiates envoyèrent Pausanias (le régent) avec 20 navires, cependant
que les Athéniens en avaient 30, pour porter la guerre en Asie. Le comportement de Pausanias irrita le reste des
Hellènes, surtout les Ioniens, qui insistaient auprès des Athéniens pour qu'ils acceptent l'hégémonie. Finalement,
Pausanias fut rappelé et les Lacédémoniens se retirèrent, désireux de se soustraire à la guerre contre les Mèdes et
voyant dans les Athéniens des gens compétents pour cela. C'est dans ces circonstances que fut créée la ligue.
Selon la tradition, la nouvelle alliance conférait l'hégémonie à Athènes pour la poursuite de la guerre contre le
barbare et fixait le tribut à 460 talents. A. Giovannini et G. Gottlieb (in Thukydides und die Anfänge des athenischen
Arche, Heidelberg 1980) ont nié que les Athéniens aient créé alors une nouvelle alliance. Selon eux, il n'y a rien eu
d'autre que l'alliance de ~481, à l'intérieur de laquelle les Athéniens ont continué à conduire une partie des alliés en
fixant les contributions de guerre. Selon eux, Plutarque manque de précision, et l'alliance entre les Athéniens et les
Ioniens dont parle Aristote est autre chose, qui n'a rien à voir avec le tribut. Ces auteurs ont partiellement raison,
mais ils vont trop loin. Il faut abandonner tout esprit de juridisme quand on fait de l'histoire grecque. De fait,
l'alliance sous l'hégémonie d'Athènes est issue de la première, mais si l'on organisa les contributions de guerre, il dut
y avoir de nouveaux accords et de nouveaux serments. L'allégeance des Ioniens, qui payaient auparavant tribut aux
Perses, dut aller de pair avec la question du tribut.
2. Le tribut d'Aristide
Pour soutenir leur effort de guerre, les Athéniens obtinrent des Grecs libérés du joug perse qu'ils leur versent le
tribut dû auparavant au Grand Roi. Les montants furent fixés par Aristide. Les Athéniens firent progressivement du
tribut un instrument de domination. La tradition relative à la modération du tribut d'Aristide est née pendant la
guerre du Péloponnèse, après l'augmentation sensible de la pression des Athéniens sur les alliés (décret de
Thoudippos). On s'est étonné du chiffre cité par Thucydide (460 talents), alors que le tribut réel, après ~454,
n'atteint jamais ces montants, à une époque où il y avait, toujours selon Thucydide, davantage de tributaires. Il est
probable que les 460 talents représentent la taxation et non les rentrées réelles. De ce point de vue, on n'oubliera
pas que le tribut n'est pas une invention athénienne, mais une création perse. L'impôt des Grecs sujets du Roi avait
été fixé après mensuration des terres (Hérodote, VI 42, 2).