20ème Journée Maurice RAPIN Défis en pathologie infectieuse 1
20ème journée d’Ethique Médicale Maurice RAPIN
Défis scientifiques, sociétaux et éthiques
en pathologie infectieuse
SIDA
La genèse de la recherche clinique sur le SIDA en France 2
Jean-Paul LEVY (Paris)
Les associations
Le groupe interassociatif TRT-5 : les personnes vivant avec le VIH,
acteurs de la recherche 3
Hugues FISCHER (ACT-UP Paris/TRT 5)
Mobilisation de la société civile en Afrique : l’expérience de la Coalition
RESPECT 4
Vincent BASTIEN (Coalition RESPECT)
Les recherches dans les pays en développement 7
Patrice DEBRE (Paris)
Le modèle de SIDA au regard de l’éthique est-il transposable aux autres
pathologies infectieuses Non parvenu
Jean-François DELFARAISSY (ANRS et INSERM)
Ingrid CALLIES (Institut Pasteur et ANRS)
INFECTIONS NOSOCOMIALES
L’approche du politique Non parvenu
Jacques FABRY (Lyon)
L’approche du réanimateur 8
Jean CARLET (Paris)
L’approche de l’usager 9
Claude RAMBAUD (Association Le Lien)
Résistance aux antibiotiques Non parvenu
Didier GUILLEMOT (Institut Pasteur et INSERM)
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La naissance de l’ANRS et d’un partenariat innovant
entre les différents acteurs de la recherche clinique
Jean-Paul LEVY
Professeur émérite à la Faculté de Médecine Paris-Descartes
L’ANRS (agence nationale de recherches sur le SIDA) a été créé en octobre 1988
par le ministère de la recherche, sur une suggestion du directeur général de
l’INSERM. Elle est restée plusieurs années sans statut légal, avant de devenir un
groupement d’intérêts publiques (GIP) situation qui a peut-être été paradoxalement
bénéfique.
Le premier directeur qui n’avait reçu aucune précision sur sa mission avait
initialement pour buts ; 1/ Un fonctionnement aussi souple que possible s’adaptant
aux besoins de la recherche et échappant aux rigidités habituelles au fonctionnement
des organismes de recherche. 2/ Une évaluation scientifique rigoureuse. 3/ Des
financements selon les besoins réels et en ce qui concerne l’agence un budget de
fonctionnement réduit au minimum. 4/ La protection de disciplines faibles, comme
l’étaient pour l’essentiel le niveau de la recherche clinique et de la recherche en
sciences humaines : d’où des commissions spéciales nommées par le directeur et
renforcées par des experts étrangers et chargées d’un véritable rôle pédagogique. 5/
la protection de la recherche appliquée généralement « matraquée » par le experts
fondamentalistes, dans des actions coordonnées réunissant tous les acteurs
nationaux, ne relevant pas des commissions mais effectivement dirigées par un
groupe d’experts. Le budget de l’agence hors grand équipements, allait donc pour
moitié environ aux commissions évaluant les propositions spontanées du milieu et
pour moitié aux actions coordonnées voulues par la direction.
Lorsque l’agence a été créée, à une exception près, aucun essai thérapeutique
n’avait jamais été pris en charge par un organisme public en France. L’ANRS en
octobre 1998 avait réalisés, mis en route, ou entrepris l’étude dans le cadre de
l’action coordonnée n°5 de plus de 80 essais (sans parler d’une dizaine d’essais
vaccinaux). Ils avaient nécessité l’aide de trois groupes de l’INSERM, la création de
plusieurs dizaines de postes de « moniteurs d’études cliniques », une intense activité
pédagogique « sur le tas », la création d’une action annexe (AC 11) permettant le
développement de la virologie médicale dans les hôpitaux…et la participation très
active de nombreux médecins et biologistes de tout le pays. Les associations de
personnes concernées par le SIDA étaient reçues périodiquement à l’agence depuis
1990 environ, pour faire le point des avancées de la recherche et des connaissances
avec des experts. Sur la demande d’un responsable d’ ACT UP et après …quelques
hésitations, il a été décidé sous un certain nombre de conditions qui ont été
parfaitement respectées, d’associer les associations à la préparation des essais avec
la création d’un groupe de plusieurs associations : « TRT5 ». Cette collaboration a
été très largement bénéfique aux essais et cette mesure a été l’un des acquis le plus
originaux de l’agence.
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Le groupe interassociatif TRT-5 : les personnes
vivant avec le VIH, acteurs de la recherche
Hugues FISCHER
Act Up-Paris / TRT-5
Le groupe interassociatif TRT-5 a été constitué en 1992 par 5 associations de lutte
contre le sida (il en compte dix à ce jour) dans le contexte d’urgence de recherche
d’une solution thérapeutique. Il correspondait alors à la nécessité d’allier nos forces
face à nos interlocuteurs de recherche tant publics que privés auprès desquels nous
voulions faire valoir la parole des personnes vivant avec le VIH et défendre leurs
intérêts tant individuels que ceux de la communauté qu’ils constituent.
Parallèlement, la vocation du groupe est également de permettre la diffusion de
l’information sur les traitements et la recherche au réseau associatif qui l’a constitué.
La place que le groupe TRT-5 a prise dans la recherche sur le VIH se concrétise à
travers son action de partenaire de l’ANRS, et dans une moindre mesure de la
recherche privée de l’industrie pharmaceutique, qui structure en grande partie son
mode de travail. La défense des intérêts des personnes vivant avec le VIH
susceptibles de se prêter à la recherche consiste à entretenir un dialogue autour des
projets d’études basé sur l’expertise que peuvent apporter les personnes que nous
représentons. Il est alimenté par les discussions internes au groupe qui servent
ensuite à alimenter le travail avec les investigateurs et les instances organisatrices
de la recherche. Le fond de cette démarche se construit autour d’enjeux majeurs qui
constituent la base de la réflexion du groupe :
- S’assurer que les personnes vivant avec le VIH participent à la construction
d’une recherche éthique sur les technologies de prévention et le
développement des traitements. (The GIPA, UNAIDS Policy brief, march
2007)
- Comment faire en sorte que la collaboration entre les chercheurs et la
communauté concilie les intérêts de la science avec ceux des personnes qui
se prêtent à la recherche biomédicale ?
- Le contexte d’accès aux soins, politique et social peut être préjudiciable à la
pertinence de la recherche, en empêchant certaines populations d’y accéder.
- Les représentants de la communauté ont la responsabilité de promouvoir les
questions de recherche qui la concernent auprès des chercheurs.
- Au-delà de la participation à la construction des essais, la participation de la
communauté à la définition de la recherche, voire à sa co-construction, peut
permettre que celle-ci soit mieux adaptée aux besoins des personnes.
- Faire en sorte que la collaboration entre les chercheurs et la communauté soit
au service d’une amélioration de la qualité de la recherche.
La représentation des personnes vivant avec le VIH dans la recherche biomédicale
est un défi permanent pour ces représentants dans la mesure l’acquisition d’une
expertise scientifique peut les amener à une empathie avec la recherche qui pourrait
les éloigner de la défense des intérêts des personnes qu’ils représentent.
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Mobilisation de la société civile en Afrique :
l’expérience de la Coalition RESPECT
Vincent BASTIEN,
Co-coordinateur de la Coalition RESPECT
La Coalition RESPECT (RESpect et Promotion de l’Ethique pour les CommunauTés) a été
créée en octobre 2009, mais elle est en réalité le fruit d’un processus d’échanges et de
partage d’expériences entamé depuis la CISMA 2008 à Dakar, impulsé et soutenu par
Sidaction et l’ANRS dans le cadre du programme « Informed Consent ». Elle regroupe à ce
jour 8 structures membres du Cameroun, du Sénégal, du Nigeria, de la Côte d’Ivoire et du
Burkina Faso, et a déjà reçu de nombreuses demandes d’adhésion.
Pourquoi une coalition africaine sur l’éthique de la recherche ?
Avant même la naissance de RESPECT, une série de constats a amené certaines
associations à s’impliquer sur les questions éthiques de la recherche : une prise en compte
largement insuffisante de l’éthique dans la recherche malgré la création de Comité d’Ethique
(CE) nationaux ou institutionnels ; des membres de CE insuffisamment formés et parfois
même « profanes » en matière d’éthique ; un monde associatif souvent sollicité comme objet
d’étude ou « vivier » de participants, mais peu impliqué dans l’orientation, la mise en œuvre
et le suivi de la recherche sur le continent africain ; et des participants le plus souvent
ignorants de leurs droits.
Pour autant, quelques exemples de collaboration entre associations et chercheurs pouvaient
être considérés comme des approches innovantes, potentiellement réplicables. Du point de
vue des chercheurs, l’implication de la société civile permet en effet de faciliter l’information,
la présélection et le recrutement des participants, ou encore de faciliter la mise en place d’un
dispositif complet de suivi des participants. Du point de vue de la société civile, elle
représente une opportunité de contribuer à définir les objectifs et les priorités de la
recherche, de veiller à l’information des participants et au respect de leurs droits avant,
pendant et après la recherche, mais aussi de s’assurer que les communautés concernées
pourront s’approprier les retombées positives des projets de recherche menées dans leur
environnement. La création de la Coalition RESPECT découle donc de cette prise de
conscience d’intérêts communs entre chercheurs et société civile.
Mission et objectifs de la Coalition RESPECT
La Coalition RESPECT s’est fixée pour mission de promouvoir les droits des personnes qui
se prêtent à la recherche en santé et de faire entendre la voix des communautés en Afrique.
Pour cela, elle s’attache à :
1. Proposer et favoriser des espaces de dialogue avec les chercheurs, les communautés,
les participants, les institutions de recherche, les pouvoirs publics ;
2. Plaider pour la prise en compte des besoins des participants et des communautés dans
le cadre de la recherche ;
3. Renforcer les capacités dans le domaine de l’éthique de la recherche des membres de la
coalition ;
4. Partager son expertise auprès d’autres structures, d’autres pays engagés ou voulant
s’engager dans les questions d’éthique de la recherche ;
5. Vulgariser et diffuser, auprès des différents acteurs concernés, une information de qualité
sur l’éthique de la recherche.
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Activités de la Coalition RESPECT
La création d’espaces de dialogue entre les acteurs de la recherche passe notamment
par la présentation de communications collectives et individuelles lors des rencontres
internationales (ICASA 2008 à Dakar, AIDS IMPACT 2009 à Gaborone, Conférence
francophone sur le VIH 2010 à Casablanca, etc.), ou par l’organisation de symposiums
invitant acteurs communautaires et scientifiques à échanger et à partager leurs expériences
(ex : « Mobilisation et implication de la société civile africaine sur les questions d’éthique de
la recherche » à Casablanca en mars 2010). Dans leurs pays respectifs, les structures
membres ont mis en place des « groupes de travail interassociatifs » (GTIA au Cameroun,
GTIE au Burkina, etc.), et contribué à la création de « comités consultatifs communautaires »
avec les institutions de recherche locales.
Afin de favoriser l’expression des besoins des participants et des communautés, la
Coalition s’attèle à la publication d’articles collectifs (en langue française ou anglaise) pour
promouvoir ses valeurs et ses positions éthiques. Il s’agit également de développer les
capacités des communautés à agir de manière autonome pour défendre leurs droits et
améliorer leur santé, et en particulier d’identifier les thèmes de recherche à approfondir ou à
développer en Afrique. Au niveau national, les structures membres réalisent donc diverses
activités de plaidoyer (émissions radiophoniques, conférences publiques, théâtre-forum,
etc.), et organisent des ateliers de réflexion (sur les TNT au Burkina) ou de Journées
Scientifiques Communautaires (Cameroun).
Le renforcement des capacités des acteurs communautaires sur l’éthique se base sur
l’expérience des structures membres au niveau national, qui consiste à organiser la
formation initiale des acteurs associatifs, puis à concevoir des modules spécifiques pour
divers publics (ARC au Cameroun, CAB et journalistes au Nigeria, équipes soignantes et
témoins indépendants au Burkina, etc.) afin de mettre en place des dispositifs de formation
continue. L’apport de la Coalition est de préparer collectivement un guide de formation sur
l’éthique qui sera diffusé auprès des structures souhaitant s'impliquer dans la recherche. Par
ailleurs, des stages de formation entre les structures membres de RESPECT et entre les
groupes de travail interassociatifs permettent de créer des transferts de compétences Sud-
Sud.
Sur le terrain, le partage de cette expertise communautaire s’est déjà traduit par une forte
mobilisation associative et la mise en place et l’animation de groupes de travail
interassociatifs au Cameroun, au Burkina Faso, en Côte d’Ivoire et au Sénégal. Des
enquêtes de terrain et des recueils de témoignages sur les sites de recherche sont même
réalisés depuis plusieurs années au Burkina Faso et au Nigeria. Afin de poursuivre cette
dynamique, la Coalition RESPECT a donc décider de réaliser des missions exploratoires en
Tanzanie, en Afrique du Sud et au Botswana, qui permettront d’une part de dresser l’état des
lieux de l’implication de la société civile dans les projets de recherche en cours dans les pays
concernés ; et dans un second temps de faciliter l’implication d’autres structures, dans
d’autres pays, dans les questions d’éthique de la recherche.
L’idée de vulgariser et de diffuser une information de qualité sur l’éthique, découle de la
prise de conscience de l’importance de la sensibilisation et de l’éducation des communautés
sur l’éthique. Au niveau national, les structures membres ont déjà créé et diffusé de
nombreux dépliants et affiches d’information à destination des populations. Elles ont aussi
dévelop des solutions d’information innovantes (bulletin d’information en Côte d’Ivoire,
diaporamas au Sénégal, boite à images au Burkina, etc.). Pour la Coalition, il s’agit donc
d’encourager la poursuite de ces actions, en créant par exemple des supports d’information
bilingues à destination des PvVIH et des populations. Mais il convient également d’apporter
un appui technique à l’animation des blogs et des sites web des structures membres, afin de
favoriser les échanges internes et externes, de faciliter l’adhésion de nouvelles structures à
la Coalition et de permettre leur accès aux échanges.
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