PHARMAZIE UND MEDIZIN
PHARMACIE ET MÉDECINE
Les contrôles d’interactions sont
une tâche importante des pharma-
ciens au service des patients et un
mandat de prestations au sens de
la RBP! Dans cet article, la CMPS
présente des éléments de réfl exion
et des faits fondamentaux relatifs
aux interactions médicamenteuses
que le pharmacien d’offi cine doit
connaître pour une compréhen-
sion et une gestion compétente de
ces interactions. Un exemple
concret de gestion pratique des
interactions à la pharmacie est
présenté en page 216. D’autres
exemples suivront.
Depuis l’entrée en vigueur de la RBP,
la validation d’ordonnances doit obli-
gatoirement inclure un contrôle des in-
teractions. Or, la RBP ne précise pas
les modalités d’une telle vérifi cation.
Les personnes peu familiarisées avec le
sujet ont tendance à s’imaginer une si-
tuation très tranchée: il y a une liste de
médicaments qui ne peuvent pas être
administrés simultanément et une liste
de médicaments qui peuvent être asso-
ciés sans problèmes. Les profession-
nels que nous sommes savent que de
nombreux médicaments fi gurant dans
les banques de données d’interactions
et les compendiums peuvent s’infl uen-
cer mutuellement. Si toutes ces asso-
ciations étaient interdites, on ne pour-
rait plus traiter adéquatement la plu-
part des maladies graves. C’est pour-
quoi les banques de données divisent
les interactions en plusieurs classes en
fonction du risque estimé pour la san-
té. Ce classement permet ensuite d’esti-
mer le potentiel de risque lié à une as-
sociation médicamenteuse.
La mission importante et exigeante
du professionnel, qu’il soit pharmacien
ou médecin, consiste à évaluer à cha-
Interactions:
comprendre – évaluer – agir
Gestion des interactions médicamenteuses dans les pharmacies: introduction
Marianne Beutler,
Eva Franz,
Kurt Hersberger,
Ueli Honegger
que fois si – et comment – certains
médicaments doivent être associés
chez un patient donné. Il en ressort
qu’il n’est ni possible, ni même souhai-
table que les pharmaciens soient en
mesure d’empêcher à 100% les inte-
ractions médicamenteuses par le systè-
me de contrôle des interactions. En re-
vanche, celui-ci leur permet, grâce à
une gestion adéquate des risques, de
réduire considérablement le risque
d’effets indésirables dus à des interac-
tions médicamenteuses tout en respec-
tant l’intention thérapeutique.
L’interaction médica-
menteuse
On parle d’«interaction médicamen-
teuse» lorsque des effets (souhaités ou
indésirables) d’un médicament sont
modifi és par l’utilisation simultanée
d’un autre médicament. Les médica-
ments peuvent interagir en entrant
p. ex. en compétition mutuelle pour
la liaison à des mêmes récepteurs,
enzymes ou autres protéines.
Les interactions dites «pharmacoci-
nétiques» infl uencent la cinétique de la
libération, de l’absorption, de la distri-
bution, du métabolisme ou de l’excré-
tion d’au moins un des médicaments
impliqués. Les interactions «pharma-
codynamiques», quant à elles, n’ont
pas d’effet sur la courbe concentra-
tion-temps au site d’action des médica-
ments associés, mais entraînent un
décalage vers la gauche (effet additif/
synergie) ou vers la droite (effet anta-
goniste) de la courbe dose-effet. L’effet
de l’un ou de l’autre de ces médica-
ments peut être affaibli ou renforcé par
ces processus.
Dans la grande majorité des cas, les
effets cliniques des interactions médi-
camenteuses sont indésirables, notam-
ment lorsqu’ils se manifestent par une
diminution de l’effi cacité thérapeutique
ou par des effets secondaires nouveaux
ou renforcés. On n’utilise que rare-
ment une interaction pour renforcer
ou prolonger l’effet d’un médicament
par l’ajout d’un deuxième, p. ex. par
l’association de la lévodopa à des inhi-
biteurs de la décarboxylase.
Interaction potentielle et
interaction manifeste
De nombreuses interactions pharma-
codynamiques et pharmacocinétiques
sont cliniquement silencieuses et pas-
sent inaperçues. La connaissance
d’une interaction médicamenteuse ne
permet pas à elle seule de déterminer
avec certitude si une interaction aura
ou non des effets cliniques décelables
chez un patient et ne dit rien de l’am-
pleur du risque pour sa santé. En effet,
de nombreux facteurs, notamment in-
dividuels, jouent un rôle dans l’issue
nale («outcome»). Du côté des médi-
caments, ces facteurs sont p. ex. la po-
sologie, l’intervalle entre les prises, le
mode d’administration, la durée de
l’association ou la prise de médica-
ments supplémentaires. Les facteurs
liés au patient sont particulièrement
importants: les patients très âgés, en
mauvais état de santé, porteurs de ma-
ladies chroniques ou aux conditions de
vie défavorables sont nettement plus
exposés à des risques que les patients
jeunes en bonne santé.
Aussi distingue-t-on les interactions
potentielles, qui pourraient produire
un effet clinique dans l’organisme, et
les interactions manifestes qui provo-
quent effectivement un effet clinique,
généralement indésirable (voir enca-
dré). Le contrôle des interactions ef-
fectué lors de la validation d’une or-
donnance sert à identifi er les interac-
tions potentielles et, par conséquent, à
Forum
A K A
212
Journal suisse de pharmacie, 6/2006
60626_SAZ_6_s_212_214 21260626_SAZ_6_s_212_214 212 10.3.2006 8:50:20 Uhr10.3.2006 8:50:20 Uhr
PHARMAZIE UND MEDIZIN
PHARMACIE ET MÉDECINE
prévenir les effets indésirables possi-
bles.
Cependant, une autre tâche du
pharmacien consiste à rechercher la
cause deffets indésirables ou dune
absence def cacité et à véri er sil
pourrait sagir dune interaction mani-
feste.
Les banques de données
dinteractions dans les
pharmacies: bon à savoir
Les pharmacies suisses utilisent géné-
ralement la banque de données dinte-
ractions Interdoc® intégrée au logiciel
pharmaceutique. Interdoc® est copro-
duit par ABDA, la SSPh et e-mediat.
Son contenu est créé en Allemagne;
e-mediat établit les liens avec les spé-
cialités suisses et se charge de la tra-
duction en français. Elle octroie aussi
les licences dInterdoc® à des sociétés
de logiciels pharmaceutiques qui intè-
grent la banque de données dans leurs
systèmes pour permettre aux pharma-
cies deffectuer des recherches dinter-
actions lors de leurs ventes de médica-
ments OTC ou de médicaments sur or-
donnance. Le contenu intégral dInter-
doc® est aussi proposé aux pharma-
cies et aux médecins en tant que part
de Pharmavista sur Internet ou sur CD-
ROM. Les logiciels des pharmacies
utilisent donc les mêmes données que
Pharmavista, mais présentées sous une
forme différente et parfois abrégée.
Interdoc® classe les interactions
dans les catégories «graves», «modé-
rées», «légères», «insigni antes» et
«de source externe». Cette classi ca-
tion ne permet pas vraiment de décider
si lassociation considérée peut ou non
être délivrée au patient. Cet inconvé-
nient a été reconnu, et la CMPS colla-
bore actuellement au développement
dune nouvelle classi cation. Elle four-
nira de plus amples informations le
moment venu.
Interdoc® (tout comme dautres
banques de données dinteractions) est
un instrument pratique qui rend le
personnel des pharmacies attentif à
lexistence dinteractions. Il est impor-
tant de savoir bien lutiliser pour inter-
préter correctement les renseigne-
ments quil fournit.
Voici quelques conseils:
1. La parution de nouvelles inter-
actions dans les logiciels pharma-
ceutiques et sur Pharmavista peut
prendre plusieurs mois, en raison
du traitement rédactionnel et du
transfert des données. Des sources
dinformation plus actuelles doivent
donc être consultées pour connaître
les interactions récemment appa-
rues. Les nouvelles interactions
dimportance clinique rapportées
pour les médicaments suisses sont
généralement publiées sur le site In-
ternet de Swissmedic.
2. Les ltres doivent être choisis
avec discernement! Le logiciel
pharmaceutique offre le choix entre
plusieurs con gurations: a) choix
des classes dinteractions à af cher
et b) choix de la période dobserva-
tion. Une sélection restrictive des pa-
ramètres de ltrage (p. ex. af chage
exclusif des interactions graves et/ou
limitation du contrôle aux achats ef-
fectués au cours du dernier mois),
réduit signi cativement le nombre
de résultats. Elle est cependant dé-
conseillée, car des interactions mo-
dérées ou faibles peuvent aussi ac-
quérir une importance clinique chez
certains patients. Il vaut mieux in-
clure dans le contrôle une période
dobservation de quatre mois au
minimum, généralement suf sante
pour épuiser les grands emballages.
3. Les informations rapides données
par certains logiciels pour pharma-
cies sont insuf santes pour évaluer
et choisir une procédure appro-
priée. La rubrique «Mesures» doit
être consultée dans tous les cas.
4. Les interactions potentielles sont
toujours représentées par paires de
médicaments. Toutefois, des plans
de traitement complexes peuvent
compliquer davantage le pro l des
effets cliniques dans la pratique.
Évaluation critique après le
contrôle
Les points suivants doivent être consi-
dérés dans le choix de la procédure
appropriée après le contrôle des inter-
actions:
1. Évaluer la situation du patient
Une interaction ne se déroule pas dans
le manuel ni dans la banque de don-
nées, mais dans le corps du patient!
Certains patients sont plus exposés aux
conséquences indésirables dune inter-
action. Il faut donc impérativement
prendre en compte la situation indivi-
duelle du patient (p. ex. âge, poids,
maladies, insuf sance rénale ou hépa-
tique, polymédication, observance thé-
rapeutique) au moment d’évaluer le
risque dune association médicamen-
teuse et de choisir les mesures adéqua-
tes.
2. Identi er la période critique
La période durant laquelle les consé-
quences négatives dune interaction
peuvent apparaître est déterminée par
les mécanismes dinteractions qui ont
lieu pour une association médicamen-
teuse donnée.
Dans le cas des interactions pharma-
cocinétiques, il s’écoule généralement
des jours voire des semaines avant
quapparaissent les premiers symptômes
cliniques, car linduction et linhibition
Défi nitions
Interaction potentielle
Les causes théoriques possibles dune interaction sont à
rechercher dans
des considérations pharmacocinétiques ou pharmaco-
dynamiques;
les résultats d’études in vitro ou in vivo (biochimiques,
cinétiques);
lobservation deffets cliniques chez des patients.
Toute interaction théoriquement possible reste une inter-
action potentielle jusqu’à ce que des cas isolés deffets
cliniques soient observés.
Une interaction potentielle peut être plus ou moins
importante du point de vue clinique. Cette importance est
évaluée sur la base des observations cliniques des patients.
On parle dinteraction potentielle importante lorsquune
association médicamenteuse donnée peut provoquer des
effets indésirables qui
1. affectent la santé ou in uencent la maladie du patient;
2. sont perceptibles subjectivement par le patient.
Interaction manifeste
Il y a interaction manifeste lorsque lon constate, chez le
patient, une modi cation de leffet dun ou de plusieurs
médicaments qui peut être attribuée à lassociation de
deux médicaments ou plus.
Par «cliniquement manifeste», on entend:
1. reconnaissable aux symptômes,
2. reconnaissable à des paramètres physiologiques et bio-
chimiques dont les modi cations observées ont un effet
sur la santé ou sur l’évolution de la maladie.
Limportance dune interaction manifeste est déterminée
par la situation du patient.
Incompatibilité
Les interactions doivent être distinguées des «incompa-
tibilités», lesquelles se manifestent en dehors de lorga-
nisme, p. ex. lors du mélange de deux solutions parenté-
rales.
213
Schweizer Apothekerzeitung, 6/2006
60626_SAZ_6_s_212_214 21360626_SAZ_6_s_212_214 213 10.3.2006 8:50:21 Uhr10.3.2006 8:50:21 Uhr
PHARMAZIE UND MEDIZIN
PHARMACIE ET MÉDECINE
denzymes du métabolisme par le nou-
veau médicament sont des processus
lents. De manière générale, les interac-
tions des médicaments à longue demi-
vie plasmatique sont retardées, vu que
ces médicaments natteignent quau
bout denviron cinq demi-vies leur
concentration active à l’équilibre,
concentration souvent nécessaire au
déclenchement des interactions. Il faut
aussi tenir compte de larrêt dun mé-
dicament. Il est tout à fait possible
quune substance qui nest plus admi-
nistrée depuis plusieurs semaines
continue dinteragir avec un nouveau
médicament parce quelle est encore
présente en concentration suf sante
(pour rappel: le temps nécessaire pour
l’élimination complète dun médica-
ment peut atteindre l’équivalent de
cinq demi-vies). Ceci explique pour-
quoi il faut attendre p. ex. cinq semai-
nes après arrêt de la uoxétine avant
dinitier un traitement par le moclobé-
mide pour être certain de prévenir tout
risque de syndrome sérotoninergique.
Par contre, les interactions résul-
tant dune diminution de lexcrétion
rénale se manifestent la plupart du
temps en lespace de quelques jours.
Quant aux interactions pharmaco-
dynamiques, les manifestations clini-
ques interviennent en règle générale
très rapidement, c.-à-d. en quelques
heures.
3. Véri er l’équilibre
Les conséquences cliniques dune inter-
action napparaissent pas seulement
lorsquon ajoute un médicament à un
traitement en cours, mais aussi lors-
quon cesse de le donner. Cest ainsi
que la dose de nifédipine, médicament
parfois associé à linducteur enzymati-
que carbamazépine, doit p. ex. être ré-
duite après larrêt de ce dernier. Dans
toute évaluation, il faut donc se deman-
der si un équilibre existant a été modi-
é.
4. Estimer le bénéfi ce-risque
Interaction nest pas toujours synonyme
de contre-indication. Dans certains
cas, le prescripteur opte pour une
association médicamenteuse malgré
le risque deffet clinique défavorable.
Ceci devrait être réservé aux cas où
lon ne dispose daucun autre médica-
ment approprié et à la condition
davoir pris toutes les mesures (adap-
tation de la dose et de lintervalle entre
les prises, surveillance des paramètres
sanguins et biochimiques, par exem-
ple) pour prévenir ou contrôler les
effets négatifs.
5. Sinterroger sur les effets
indésirables
Une action insuf sante ou un effet se-
condaire pourraient-ils être lexpres-
sion dune interaction manifeste?
Agir
Lorsque les faits présentés dans cet
article sont intégrés dans l’évaluation
dune interaction potentielle, il est pos-
sible den déduire des mesures adé-
quates pour le management. La CMPS
publiera toute une série dexemples
sur la gestion des interactions en phar-
macie. Le premier exemple sur la bri-
vudine et le uorouracile se trouve en
page 216.
Cet article a été rédigé sur mandat
de la CMPS par:
Marianne Beutler,
directrice de la CMPS, Egg
Eva Franz, pharmacienne, Berne
Dr sc.nat. Kurt Hersberger,
Institut de pharmacologie clinique,
Université de Bâle
Prof. Ueli Honegger, Institut pharma-
cologique, Université de Berne
Adresse de correspondance:
Commission des médicaments
des pharmacies suisses (CMPS)
Case postale 5247
3001 Berne
Tél. 01 994 75 63
Fax 01 994 75 64
214
Journal suisse de pharmacie, 6/2006
60626_SAZ_6_s_212_214 21460626_SAZ_6_s_212_214 214 10.3.2006 8:50:21 Uhr10.3.2006 8:50:21 Uhr
1 / 3 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !