Remonter dans le passé des volcans
pour prévoir leur activité future
L’arc volcanique de la Cordillère des
Andes résulte de la subduction de la
plaque océanique de Nazca sous la
plaque continentale d'Amérique du Sud.
Depuis 1995, des chercheurs de l’IRD et
leurs collègues (1) mènent des
recherches sur les volcans en Équateur
avec un intérêt croissant pour l’étude et
la gestion du risque volcanique, ainsi
que pour l’amélioration de la prévention.
Ainsi récemment, ils ont reconstitué
l'histoire et cartographié le Cayambe, un
édifice volcanique qui semble endormi
mais dont le réveil pourrait s’avérer vio-
lent et menacer plus de 30 000 habitants.
La connaissance de son comportement
passé est la clé de la compréhension de
son activité future.
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IRD - Marie Guillaume-Signoret, coordinatrice
Délégation à l’information et à la communication - 213, rue La Fayette - F-75480 Paris cedex 10 - France
téléphone : +33 (0)1 48 03 16 07 - fax : +33 (0)1 40 36 24 55 - courriel : [email protected]
Fiche nº 233
Janvier 2006
La cordillère des Andes constitue un excep-
tionnel laboratoire naturel et un terrain privilé-
gié pour comprendre la structure, l'évolution
et le fonctionnement d’une zone de subduction
océan-continent. En effet, l’arc résulte de la
subduction de la plaque océanique de Nazca sous
la plaque continentale d'Amérique du Sud. La
première est soumise à des pressions et des
températures croissantes à mesure qu'elle s'en-
fonce sous la seconde. Cela conduit à la formation
de magmas qui, en remontant à travers la plaque
continentale, sont à l'origine des volcans andins.
Depuis 1995, le laboratoire Magmas et Volcans
(UMR 163) (2) mène un programme de recherche
de volcanologie en Équateur en collaboration avec
les chercheurs de l'Institut de Géophysique de
l’Ecole polytechnique nationale (EPN) de Quito et
ceux de la Jeune Équipe Associée (JEAI) récem-
ment créée à l’EPN. Un intérêt croissant est mis
en avant pour l’étude et la gestion du risque volca-
nique, ainsi que pour l’amélioration de la préven-
tion. Reconstituer l'histoire d'un édifice volcanique
constitue la base de ce travail ; la connaissance du
comportement passé d'un volcan étant la clé de la
compréhension de son activité future.
Dans ce cadre, les derniers travaux publiés par
les chercheurs de la JEAI et de l’IRD sont le résul-
tat de plusieurs années de recherches pluridisci-
plinaires menées sur le volcan Cayambe. Du fait
de sa forme de dôme englacé et de l’absence
d’activité apparente, cette structure qui culmine à
5790 m était considérée, il y a encore peu de
temps, comme un volcan éteint. Recouvert par
une épaisse calotte de glace, il représente le cas
idéal d’un édifice endormi, mais dont le sommeil
pourrait bien se révéler léger et le réveil extrême-
ment dangereux. Son activité en profondeur est en
effet similaire à celle de volcans équatoriens actifs,
comme le Cotopaxi. Des enregistrements ont ainsi
révélé une importante activité sismique sous le
sommet.
Les chercheurs viennent de finaliser la première
carte géologique complète du Cayambe. L'étude
exhaustive de l’édifice a commencé par l'étude
des coulées et des retombées récentes consti-
tuées de fragments de roches volcaniques (retom-
bées pyroclastiques), l'échantillonnage et la carto-
graphie des différentes parties de ce volcan. Le
complexe volcanique du Cayambe est schémati-
quement constitué de deux grands édifices qui,
../...
Flanc nord du volcan actif Cayambe (5790m)
montrant les dômes sommitaux englacés,
et un dépôt pyroclastique très récent
(gris et dénué de végétation).
©IRD/Michel Monzier
d’Ouest en Est, comprennent :
1) Le vieux Cayambe, vaste édifice essentiellement
constitué de lave, très érodé et âgé d’environ 1 million
d’années (Ma) ;
2) Le "Nevado Cayambe", édifice moins volumineux
formé depuis environ 0,1 Ma, essentiellement composé
de magma dont la composition chimique contient entre
63 et 69 % de silice (dacitique) correspond à une activité
plus explosive. Il est coiffé par un vaste complexe de
dômes, partiellement holocènes, formant les points
culminants de ce massif ; le cône Angureal, âgé d’environ
0,4 Ma, correspond à la transition entre les deux édifices ;
3) Enfin, le "Cono de la Virgen" est un modeste édifice
satellite, probablement holocène, installé sur les basses
pentes orientales du Nevado Cayambe, d'où s'épanchent
d'importantes coulées de laves, et qui fut le site de la
dernière éruption en 1785-1786.
Par ailleurs, la première chronologie absolue de cet
imposant édifice volcanique a été obtenue en collabora-
tion avec l'UMR Géosciences Azur (3) à partir de mesures
isotopiques sur l’argon, un gaz rare piégé dans les laves.
Ces mesures viennent s’ajouter à l'étude des retombées
de cendres et de ponces sur une tourbière d’altitude. Des
datations au carbone 14 ont ont pu ainsi être effectuées à
différents niveaux de ces dépôts. Ainsi, au cours des 4
derniers millénaires, le volcan Cayambe Nevado a connu
trois périodes éruptives de 700 ans environ chacune,
séparées par des phases de repos de l’ordre de 500 à
600 ans. Auparavant celui-ci était demeuré longtemps
inactif.
Les chercheurs présentent également des résultats de
pétrologie et de géochimie qui montrent l'évolution des
magmas au cours de l'histoire du volcan, résultant princi-
palement de processus ayant lieu très profondément
sous le volcan. La composition chimique des laves est
liée à une importante participation des produits de la
fusion de la croûte océanique plongeant sous la croûte
continentale (et non seulement de la fusion du manteau
comme c’est généralement le cas). Ces résultats aident à
comprendre l'évolution du style éruptif du Cayambe dont
les magmas deviennent de plus en plus "acides", c’est-à-
dire riche en silice, et de plus en plus visqueux donc de
plus en plus explosifs. Les styles éruptifs qui caractéri-
sent les trois grands cycles récents sont ainsi ceux d'un
appareil volcanique à dômes sommitaux. En 4000 ans,
au moins 23 éruptions ont été dénombrées, engendrant
des coulées pyroclastiques et des retombées issues
d'éruption formant une colonne volcanique turbulente qui
monte souvent jusque dans la stratosphère (retombées
pliniennes). Ce nombre équivaut à un peu plus d’une
éruption par siècle en moyenne. Le temps qui nous
sépare de la dernière éruption, intervenue en 1785-1786,
n'est donc pas suffisant pour affirmer que la dernière
période d’activité est terminée. Ces résultats donnent un
éclairage nouveau sur les menaces que ce volcan, forte-
ment englacé, fait peser sur les populations vivant à son
pied. En cas d'événement concernant la cime même du
volcan, une débâcle glaciaire pourrait se produire et
menacer directement la ville de Cayambe et les villages
environnants, ainsi que la riche plaine agricole située à
l'ouest du volcan. soit une population de plus de 30 000
habitants
Un travail de prévention a de plus fait l'objet de la publi-
cation d’une carte des menaces volcaniques du
Cayambe et d'un livre en espagnol, destiné aux popula-
tions vivant aux alentours du volcan afin de leur présen-
ter comment vivre avec ce turbulent voisin. Tous ces
travaux s'inscrivent donc dans une démarche globale
depuis l'étude scientifique la plus pointue possible et
mettant en œuvre les techniques les plus modernes,
jusqu'à l'application des résultats obtenus en vue de la
réduction des risques encourus par la population équato-
rienne.
______________________
(1) Les chercheurs de l'Institut de Géophysique de l’EPN de Quito et
ceux de la Jeune Équipe Associée (JEAI) récemment créée à
l’EPN.
(2) UMR 163 Laboratoire Magmas et Volcans, unité mixte de
recherche IRD, CNRS, Universités Blaise Pascal (Clermont-
Ferrand) et Jean Monnet (Saint Etienne)
(3) UMR Géosciences Azur, unité mixte de recherche CNRS, IRD,
Universités de Nice-Sophia Antipolis et de Paris VI
Rédaction – IRD : Béatrice Le Brun/Sophie Nunziati
Pour en savoir plus
CONTACTS :
Jean-Philippe EISSEN – UMR 163 Laboratoire Magmas et Volcans, unité mixte de recherche IRD, CNRS, universités Blaise
Pascal et Jean Monnet
Université Blaise Pascal, 5 rue Kessler, 63038 Clermont-Ferrand ; Tél. : 33 (0)4 73 34 67 53, Courriel : [email protected]
Pablo SAMANIEGO, Institut de Géophysique, EPN, Quito, Equateur et Jeune Equipe Associée à l'IRD (JEAI) – UMR 163
Laboratoire Magmas et Volcans
Université Blaise Pascal, 5 rue Kessler, 63038 Clermont-Ferrand ; Courriel : [email protected] /
IRD Communication :
Sophie Nunziati (relations presse), Tél. : 01 48 03 75 19, Courriel : [email protected]
RÉFÉRENCES :
Pablo Samaniego, Hervé Martin, Michel Monzier, Claude Robin, Michel Fornari, Jean-Philippe Eissen, Joseph
Cotten, Temporal evolution of magmatism in the Nothern volcanic zone of the Andes : the geology and petrology of Cayambe
Volcanic complex (Ecuador), Journal of petrology 2005, n°46: 2225-2252;
Samaniego P., Eissen J.-P., Monzier M., Robin C., Alvarado A., Yepes H., 2004 - Los peligros volcánicos asociados con
el Cayambe. Serie Los peligros volcánicos en Ecuador, No. 2. Corporación Editora Nacional, IG-EPN, IRD, 94 pp.
Samaniego P., Monzier M., Eissen J.P., Yepes H., 2003 – Mapa de peligros potentiales del volcán Cayambe. (1/70.000) :
Edit. IGM-IG/EPN-IRD.
ILLUSTRATIONS :
Contacter Indigo Base, Banque d’images de l’IRD, Claire Lissalde ou Danièle Cavanna, Tél. : 01 48 03 78 99,
Retrouver cette fiche en ligne sur : www.ird.fr/fr/actualites/fiches/2005/fiche233.htm
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