Master 1 en sciences de l’éducation et de la formation Approches et démarches de la recherche en sciences de l’éducation Support de cours Jean-Jacques Quintin MCF - Université Lumière Lyon 2 Juin 2013 Ce cours est strictement réservé à un usage privé aux étudiants inscrits en Master 1 à distance, en sciences de l’éducation et de la formation, à l’université Lumière Lyon 2 ou à l’université de Rouen dans le cadre du campus numérique Forse. Cette cession temporaire prend cours le 01 septembre 2013 et est valable pour une durée d’une année. Il est demandé de ne pas en diffuser son contenu, ni dans sa totalité, ni en partie. Sommaire Introduction .............................................................................................................................. 1 Présentation du présent support de cours ................................................................................. 3 I. Le cadre épistémologique : paradigme et démarche adoptés dans la recherche ........................................................................................................................... 5 1. Épistémologie, paradigme, approche, démarches : quelques définitions pour commencer ................................................................................................................... 5 2. Adopter un paradigme de référence ............................................................................. 6 2.1 Le paradigme positiviste ....................................................................................... 7 2.2 Le paradigme constructiviste ................................................................................ 8 2.3 Paradigmes et construction de la connaissance scientifique ............................... 10 3. Suivre une démarche de recherche appropriée........................................................... 11 3.1 La démarche hypothético-déductive ................................................................... 11 3.2 Exemple d’une démarche hypothético-déductive de recherche .......................... 12 3.3 La démarche (holistico-)inductive ...................................................................... 14 3.4 Exemple de démarche holistico-inductive de recherche ..................................... 15 3.5 Démarche hypothético-déductive et holistico-inductive : points de comparaison ........................................................................................................ 17 II. Approches qualitative et quantitative dans les recherches empiriques ........................... 19 1. Approche quantitative ................................................................................................ 21 2. Approche qualitative .................................................................................................. 23 2.1 Le travail et l’importance du questionnement..................................................... 25 2.2 Savoir local et savoir générique .......................................................................... 26 2.3 L’itération caractéristique de l’approche qualitative .......................................... 27 2.4 Petit détour analogique : l’enquête policière....................................................... 28 2.5 Qualités d’une recherche « qualitative » ............................................................. 28 2.6 Exemples d’approche qualitative de la recherche ............................................... 29 3. Complémentarité entre recherches, complémentarité entre approches ...................... 29 III. Démarche scientifique .................................................................................................... 31 1. Une recherche appréhendée comme une « entreprise scientifique » ......................... 31 2. Les exigences d’une démarche scientifique rigoureuse ............................................. 32 2.1 La validité ........................................................................................................... 32 2.2 La fidélité ............................................................................................................ 33 IV. Du questionnement initial (QI) à la question de recherche (QR), les premières étapes essentielles d’une recherche ................................................................ 34 1. Une recherche, c’est avant tout une question que l’on pose ...................................... 34 2. L’élaboration progressive d’une question de recherche............................................. 34 3. Problématiser sa question de recherche ..................................................................... 35 4. Question de recherche (QR) ....................................................................................... 37 5. Hypothèse (H) ............................................................................................................ 39 V. Types de recherche empiriques en sciences de l’éducation ............................................ 40 Bibliographie.......................................................................................................................... 43 Index A Approche (de la recherche), 5 C Constructiviste (paradigme), 9 D Démarche, 5 Données, 19 E Epistémologie, 5 F Fidélité, 33 H Holistique (démarche holistico-inductive), 15 Hypothèse, 39 Hypothético-déductive (démarche), 12 I Idiographique (recherche), 23 Inductive (approche, démarche), 14 Itération (concrète ou abstraite), 27 N Nomothétique, 8 P Paradigme, 5 Positiviste (paradigme), 7 Problématique, 35 Q Qualitative (analyse), 24 Question de recherche, 37 R Relativisme, 9 S Savoir générique, 26 Savoir local, 26 Scientifique (entreprise), 31 Subjectivisme, 10 T Triangulation, 30 Types de recherche empirique, 40 V Validité, 32 Validité écologique, 33 Validité externe, 33 Introduction La recherche en éducation vise, comme toutes recherches scientifiques, à produire de nouvelles connaissances. En cela, comme le souligne Jean-Marie Van der Maren (1996), elle vise immanquablement à mettre en doute, à questionner, voire à bousculer nos idées acquises, nos inévitables certitudes ; celles qui sont issues de nos expériences quotidiennes, de nos « croyances » en lien avec nos valeurs (nous voulons croire parce que c’est bien) mais aussi celles qui nous sont transmises par ces auteurs « qui font autorité »1, œuvre nettement plus rare mais néanmoins salutaire. En somme, nos recherches, aussi humbles soient-elles, ont le devoir de « transgresser »2 les connaissances acquises. Entendons-nous, dans la situation d’un chercheur novice, il s’agit avant tout de dépasser ses connaissances personnelles ainsi que celles partagées par son entourage immédiat. Ce but, contestataire si l’on peut dire, ne doit pas non plus amener le chercheur à produire une connaissance elle-même érigée en vérité absolue. Ainsi, le chercheur est un être qui doute des acquis engrangés par sa communauté de référence, mais aussi, et plus que tout, de ces propres certitudes ainsi que par les résultats qu’il obtient. Un autre risque que rencontre particulièrement le « jeune » chercheur réside dans une motivation forte à produire des résultats totalement originaux. Outre le caractère présomptueux de cet objectif et les déconvenues auxquelles le chercheur novice se prête ainsi, ce but n’est que rarement atteint en sciences humaines et sociale. Humilité oblige, l’important est de produire des connaissances aussi réduite soit-elle et d’apporter ainsi sa (petite) pierre à l’édifice. Rassurez-vous, « il n’est pas possible de ne pas produire de connaissances ». Reste à savoir si cette connaissance est scientifiquement acceptable. C’est l’objet de nos formations de vous aider à y arriver. Le scepticisme, le doute et l’humilité, ne suffisent pas à convertir un « être pensant » en « chercheur » scientifique. Comme l’illustre les quelques témoignages ci-après, recueillis par l’université de Montréal3, le chercheur doit faire preuve de multiples qualités parmi lesquelles sont souvent citées celles d’être certes méthodique et rigoureux – c’est l’objet de ce cours et de tous ceux relatifs à la méthodologie de la recherche de vous sensibiliser à leur importance – mais aussi de se montrer créatif, imaginatif et, oui, un peu rebelle aussi. Vous le lirez ci-après, selon les répondants, ce chercheur est parfois également perçu comme un explorateur, à la recherche de nouvelles contrées ou comme un détective, en quête d’indices. Que de belles perspectives ! 1 2 3 Voir à cet égard l’article intéressant d’Anne Kupiec (2006). La construction de la vérité scientifique », BBF, n° 3, p. 9394, disponible en ligne http://bbf.enssib.fr/ [Consulté le 18 juin 2013] Dans le sens d’aller au-delà du lieu commun, de l’évidence, de ce qui paraît naturel, établi et consensuel. Université de Montréal, Rubrique Recherche – Nos chercheurs, disponible en ligne : http://www.nouvelles.umontreal.ca/recherche/nos-chercheurs/quest-ce-quun-chercheur.html [Consulté le 17 Juin 2013] 1 Qu'est-ce donc qu'un chercheur ? Université de Montréal. (2009). Qu’est-ce qu’un chercheur ? [Vidéo disponible en ligne sur http://www.youtube.com/watch?v=Jqz4lpummCM, consultée le 17 Juin 2013] « La science, c'est aussi une affaire d'idées, de créativité et de méthodes qui dépendent beaucoup des hommes et des femmes qui la font […] Afin de dissiper l'aura de mystère qui flotte autour de l'activité scientifique, Forum a posé la question suivante à cinq chercheurs [ci-après R1 à R5] renommés de l'UdeM [Université de Montréal] : qu'est-ce qu'un chercheur ? » R1 : « Un chercheur, c'est une personne à la recherche de nouvelles connaissances comme l'explorateur de jadis était à la recherche de nouveaux horizons et de nouveaux mondes […] R2 : Être chercheur est une façon de penser et d'agir. […] [Le chercheur] est avant tout curieux, créatif et un peu rebelle. Rebelle en ce sens qu'il lui faut parfois remettre en question des choses qui semblent évidentes. En recherche, rien ne doit être tenu pour acquis. R3 : La démarche du chercheur s'apparente un peu à celle du détective. Devant un problème, il doit émettre des hypothèses et s'interroger sur la meilleure méthodologie à utiliser pour les démontrer ou les infirmer. Comme le détective, il doit, après l'analyse des données, parfois retourner en arrière pour explorer d'autres pistes afin de pouvoir expliquer le phénomène à l'étude. C'est donc quelqu'un qui accepte les bifurcations. R4 : Pour moi, un chercheur, c'est un curieux obsessionnel. Un curieux parce qu'il s'agit de quelqu'un qui ne se satisfait pas de ce qu'on sait déjà et qui essaie d'en apprendre davantage […] Dans cette optique, le chercheur doit forcément posséder un grand bagage d'informations, notamment pour ce qui est des théories, des concepts et des constats de ses prédécesseurs. En recherche, on ne construit pas sur rien. Au contraire, on bâtit à partir de ce qui existe déjà. R5 : Un chercheur, c'est quelqu'un qui travaille essentiellement à l'avancement des connaissances et des savoir-faire. Dans chaque domaine, la recherche doit intégrer l'état des 2 connaissances actuelles mais également la technologie et les procédés qui s'offrent aux chercheurs pour répondre aux questions qu'ils se posent ». Présentation du présent support de cours Le texte qui suit s’adresse aux chercheurs qui s’engage dans une étude que l’on peut qualifier d’empirique dans la mesure où les éléments de réponse qu’il tente de trouver aux questions qu’il se pose se fonde sur des faits observés sur son « terrain » d’investigation. Nous devrions dire « se fonde en partie sur des faits observés » car ce type de recherche ne peut faire l’économie du mouvement, inévitable nous semble-t-il, entre les faits observés et analysés (son terrain d’étude) et : d’une part, les résultats engrangés par d’autres chercheurs du domaine et, d’autre, part la « théorie » scientifique qui permet de « faire sens » aux résultats obtenus. Résultats antérieurs Théorie Terrain Même si la fonction que prennent ces trois pôles dans le travail de recherche dépend du « type » d’étude empirique adopté – rôle qui varie selon la démarche et l’approche adoptées ainsi que d’après le paradigme de référence – une confrontation entre résultats obtenus (« terrain »), théorie et résultats antérieurs est très souvent4 requise à un moment déterminé du cheminement emprunté dans la recherche. Se limiter à relayer et à questionner la théorie, revient à placer son étude dans le champ des recherches théoriques qui vise à produire des énoncés théoriques à partir de l’analyse et la critique argumentée d’autres énoncés théoriques. Son propos n’est pas de confronter ces énoncés aux « faits ». Ces recherches sont indispensables à l’avancement des connaissances, mais ce ne sont pas des recherches empiriques Se limiter à relayer et à questionner les résultats obtenus antérieurement par d’autres recherches revient à placer son étude dans le champ de la revue de la littérature (empirique). Même si elle est indispensable dans votre recherche, cette dernière ne peut se contenter d’analyser les résultats obtenus antérieurement dans votre domaine d’étude. 4 Cette confrontation est recommandée même si certains chercheurs adoptent – de manière légitime nous le pensons - une approche qui se fonde exclusivement sur les « faits observés ». 3 Se limiter à étudier son (ou ses) terrains en vase-clos est théoriquement acceptable dans une recherche empirique et même revendiqué par d’aucuns5. Cependant, cette posture n’est pas conseillée dans votre formation car elle vous priverait 1) de l’ancrage de votre démarche (questionnement et méthodologie) dans une approche confortée par d’autres auteurs et 2) d’une confrontation de vos résultats avec ceux obtenus par d’autres études (partie d’un rapport de recherche fréquemment intitulée « Discussion »). » Notre position : Il s’agit à tout le moins d’éviter que votre étude fasse l’objet des critiques formulées en son époque par l’école de Chicago à l’encontre de certaines recherches, critiques que Anne Laperièrre (1982, p. 32) présente comme un regrettable « divorce entre la recherche théorique et la recherche empirique, [l’école de Chicago] reprochant à la première son absence de références empiriques systématiques et à la seconde, la pauvreté de ses raccordements théoriques ». Le présent document est destiné à vous offrir un cadre théorique qui vous permettra de situer et de positionner votre étude dans une approche cohérente ainsi qu’à vous aider à élaborer votre démarche de recherche. 5 Il s’agit souvent de chercheurs confirmés qui disposent par ailleurs de références théoriques solides. 4 I. Le cadre épistémologique : paradigme et démarche adoptés dans la recherche » Cette partie est amplement développée dans le premier chapitre du cours de licence (Desmet, H., Lescouarch, L. & Pourtois, J.-P. (2009). Méthodes qualitatives, Cours, Campus Forse, Cned, Université Lyon 2, Université de Rouen). Sa lecture ou relecture attentive constitue un préalable précieux à ce cours de niveau Master 1. 1. Épistémologie, paradigme, approche, démarches : quelques définitions pour commencer » L’épistémologie, une branche de la philosophie des sciences, est la théorie de la science et concerne plus particulièrement les méthodes de construction et de validation de la connaissance. Selon Nadeau (1999, p. 209), elle « étudie de manière critique la méthode scientifique, les formes logiques et modes d'inférence utilisés en science, de même que les principes, concepts fondamentaux, théories et résultats des diverses sciences, afin de déterminer leur origine logique, leur valeur et leur portée objective ». Elle conduit à se poser des questions telles « Qu’est-ce que la connaissance ? » (Gnoséologie) ; « Comment se constitue-t-elle ? » (Méthodologie) ; « Comment évaluer sa valeur ou sa validité ? » (Pour plus de détails, voir Pesqueux, 2010) » Selon Kuhn (1962, cité par Raynal & Rieunier, 2003, p. 260), un paradigme représente « un ensemble de croyances, de valeurs reconnues et de techniques qui sont communes aux membres d’une groupe donné ». » Par approche « il faut entendre […] une façon de concevoir et d'aborder les composantes ou les étapes de la recherche » (De Ketele & Maroy, 2006, p. 225, nous soulignons). » Nous utiliserons le terme démarche dans un sens plus général que celui d’approche pour désigner le « mouvement » générale de la recherche, soit essentiellement déductive lorsque la recherche vise à vérifier une théorie par l’entremise des hypothèses que l’on pose au préalable (démarche hypothético-déductive), soit globalement inductive quand le chercheur participe à la construction de nouvelles connaissances scientifiques en partant des « faits » observés sur le terrain d’étude. Si l’on convient aisément que, pour conduire son étude, un chercheur doit forcément suivre des étapes et, par-là, adopter – de manière consciente on peut l’espérer – une démarche déterminée, une inscription éclairée et consciente dans un paradigme est loin de constituer la règle générale. Or, situer sa recherche dans un paradigme – d’inspiration positiviste ou constructiviste par exemple – présente des avantages indéniables. Nous citerons d’abord celui de la transparence vis-à-vis des lecteurs : même si le paradigme du chercheur est rarement explicité dans ses écrits, il devrait néanmoins pouvoir s’induire de l’approche décrite par l’auteur du texte. Avoir clairement conscience du paradigme dans 5 lequel s’inscrit l’étude présente un autre avantage, tout au bénéfice de la qualité de la recherche. Assumer un paradigme ou un autre permet en effet à la fois de garantir une meilleure cohérence de la démarche adoptée et surtout d’en fixer la portée. Ainsi, nous verrons dans la suite de ce texte que le positivisme, né des sciences de la nature, vise à établir des lois et des principes généraux, valables pour l’ensemble des éléments-phénomènes d’une classe ; que pour les « trouver » il s’agit d’appliquer des méthodes rigoureuses appliquées sur une réalité unique qui transparaît à travers des relations stables entre des faits objectifs et que les sujets impliqués sont soumis aux lois et principes généraux qu’il s’agit donc de « découvrir ». A l’inverse, pour les tenants du paradigme constructiviste les « faits » dont rend compte la recherche ne peuvent être dissociés de l’observation et des représentations ou des perceptions de l’observateur. La réalité est complexe et se présente sous des formes diverses, voire, pour certains, n’existe pas isolément de ceux qui la vivent et la perçoivent. La prise en compte de cette relativité induit l’acceptation de lectures diverses et l’application de démarches de recherche qui prennent « plus largement en compte la complexité des situations, leurs contradictions, la dynamique des processus et les points de vue des agents sociaux » (Desmet et al., 2009, p. 12). Adopter un paradigme de recherche c’est aussi s’affilier à une école de pensée, en adopter ses valeurs, ses traditions et, dirions-nous, ses us et coutumes. C’est aussi s’inscrire in fine dans une communauté scientifique dont on accepte un préalable contractuel rarement explicité : son paradigme de référence. Inévitablement, le rapport au paradigme a un caractère social mais aussi affectif comme l’illustre l’anecdote narrée par Nuttin (1980, cité par Raynal & Rieunier 2003, p. 261) : Pour l'auteur de ces lignes [c’est Nuttin qui écrit], une expérience du début de sa carrière lui est restée comme illustration du veto scientifique contre l'interprétation cognitive dans certains milieux académiques. Lorsqu'en 1941 – le temps n'était pas encore aux théories cognitives – il apportait sa dissertation doctorale à un membre de la commission d’examen, une conversation s'engagea entre le professeur et le candidat sur les résultats de ses expériences au sujet de l'interprétation de la loi de l'effet. Le professeur qui, au cours d’un séjour aux États-Unis, avait travaillé quelque peu avec Thorndike [l’un des pères du béhaviorisme], manifestait un attachement affectif à l’interprétation orthodoxe de la loi. Apprenant que les résultats du jeune candidat l’avaient amené à proposer, à l'encontre de Thorndike, une explication cognitive de l’influence de la récompense, le professeur, indigné, refusait d’admettre le caractère scientifique d’un tel travail et, avant d'y avoir jeté un coup d’œil, déclarait qu'il serait de son devoir de le « démolir ». Perspective peu encourageante pour un candidat ! 2. Adopter un paradigme de référence » Avertissement : Tout comme dans la situation où un auteur est invité à synthétiser les singularités d’une approche, d’un courant, voire d’une école de pensée, un paradigme qu’il soit constructiviste, positiviste ou autre, ne constitue aucunement un corps unifié. Différents courants, conceptions, sensibilités, le traversent. En présenter les traits caractéristiques est une œuvre simplificatrice. Le texte qui suit constitue certainement une synthèse un peu 6 simplifiée des vues des théoriciens se déclarant de l’un ou de l’autre des deux paradigmes présentés. 2.1 Le paradigme positiviste Développé essentiellement par Auguste Comte, le cadre épistémologique positiviste a longtemps dominé les sciences à partir de la seconde moitié du XIXème siècle. A cette époque, la science est envisagée comme un ensemble de connaissances et d’études « d’une valeur universelle, caractérisées par un objet et une méthode déterminés, et fondés sur des relations objectives vérifiables » (Rey & Rey-Debove, 2002, cités par Nguyên-Duy & Luckerhoff, 2007, p 13, nous soulignons). Dans ce cadre épistémologique, les chercheurs fixent à la science le but de découvrir les lois qui régissent les rapports, stables, entre les phénomènes et qui en autorisent leur prédiction ainsi que leur explication. Fondées sur l’expérimentation scientifique, les recherches qui s’inscrivent dans ce paradigme répondent à des critères « précis de rigueur, d'objectivité, de quantification et de cohérence » (ibid.) dans le but « d'expliquer les phénomènes et de formuler les lois qui les régissent » (idid., nous soulignons). Selon ce paradigme, c’est en formulant et en testant différentes hypothèses, à la recherche de régularités, que le chercheur découvrira cette réalité (D’Amboise, 1996). Le rapport à ce réel distingue le positivisme d’autres paradigmes comme le constructivisme. Relayant les propositions de Avenier et Thomas (2011), nous pouvons considérer que les hypothèses épistémologiques fondatrices sur lesquelles repose historiquement le positivisme se présentent, à cet égard, de la façon suivante : 1) Le « réel » a une essence unique, indépendante de l’attention que peut lui porter un observateur qui la décrit. 2) La « réalité sociale » est extérieure à l’individu. 3) Le « réel » est régi par des lois naturelles universelles immuables, dont beaucoup prennent la forme de relations : « à chaque fois que A alors B » (ibid. p. 6). Comme le soulignait, dès la fin du XIXème siècle, Halleux (1896), les positivistes ont indubitablement rendu services « aux hommes de sciences en leur rappelant la nécessité d’avoir recours à la méthode expérimentale, et en mettant l’esprit humain en garde contre les théories a priori ». En réaction aux théories spéculatives qui ne s’appuient que sur la raison, indépendamment de l’expérience des faits, « le positivisme nie toute évidence qui ne se dégage pas immédiatement des données de l’expérience : ce qui est constaté est seul certain ». Pour Desmet et al. (cf. cours de licence Forse, 2009), cette approche nomothétique de l’élaboration de la connaissance fut effectivement salutaire par sa volonté de rigueur susceptible d’aboutir à une « épistémologie scientifiquement 7 éprouvée » (idid, p. 12) s’écartant des approches aboutissant aux affirmations trop théoriques car trop détachées de l’observation des faits (i.e. théories dites « spéculatives »). » Nomothétique se dit d’une science ou d’une discipline « dont l'objet et la méthode permettent d'établir des lois générales ou universelles, représentées par des relations constantes entre les phénomènes observés » (CNTRL, en ligne)6. Pour Auguste Comte en effet, on ne peut accepter pour vrai que ce qui a été démontré scientifiquement par l’analyse de faits observés. Cette position est celle adoptée par un ensemble vaste de courants de recherches pour lesquels une théorie ne peut se construire en dehors des faits, voire, pour lesquels « seuls les faits comptent » (par exemple, le pragmatisme américain, à l’origine avec l’interactionnisme, de la théorie ancrée plus récemment). La manière préconisée par A. Comte pour mener cette démonstration scientifique en sciences humaines et sociales est, par contre, sujette à discussion. Ainsi, pour le philosophe rationaliste les phénomènes sociaux, quoique d’une complexité extrême, doivent être étudiés de la même manière que les phénomènes physiques. Cette affirmation radicale, encore associée au positivisme historique, a été, par la suite, fortement remise en cause. 2.2 Le paradigme constructiviste Même si le monde (ou ses « morceaux ») est au sens propre in-connaissable, en dernière instance opaque ou incertain, et philosophiquement inaccessible comme réalité externe, les sciences sociales reposent sur un pari : « malgré tout », le monde peut-être l’objet d’une certaine connaissance raisonnée, partagée et communicable (Olivier de Sardan, 2008, p. 8). Dans le cours de licence (Desmet et al., 2009, p. 12), vous avez découvert les critiques que certains chercheurs avancent à l’encontre du paradigme positiviste, du moins vis-à-vis d’une épistémologie radicale du positivisme telle qu’elle peut être adoptée dans les recherches en sciences humaines et sociales. A cet égard, les auteurs de cours soulignent en particulier que : les « faits » sur lesquels se fonde l’expérience scientifique ne peuvent être dissociés des conceptions, des représentations ou des perceptions qui sont associées à l’observation des « faits » Les « faits » observés seraient donc a minima altérés par la perception et les (pré-) représentations du chercheur amené à choisir, sélectionner, privilégier, transcrire et interpréter le matériel « recueilli » (ou, dirait les tenants d’un paradigme constructiviste, directement « produit » par l’observateur). Pour ces auteurs, l'acceptation de la relativité des « faits » va rendre possible des lectures diverses et autoriser une approche plus riche de la « réalité » et va « susciter la mise en œuvre d'une démarche prenant plus largement en compte la complexité des situations, leurs contradictions, la dynamique des processus et les points de vue des agents sociaux » (ibid.). 6 CNTRL, disponible en ligne : http://www.cnrtl.fr/definition/nomoth%C3%A9tique [Consulté le 24 Août 2012] 8 Ainsi, tout au long du XXème siècle, le paradigme positiviste s’est vu l’objet de critiques et s’est vu contester sa situation de monopole. Sont alors apparues des alternatives épistémologiques parmi lesquelles nous retiendrons tout particulièrement le constructivisme sur laquelle se fonde des chercheurs de plus en plus nombreux en sciences humaines et sociales. Le paradigme constructiviste peut se comprendre à partir de la notion de relativisme et de celle de subjectivisme, qui lui est complémentaire. Le relativisme indique que, pour les tenants de ce paradigme épistémologique, nous ne pouvons accéder directement au réel. Ce qui « est connaissable » se limite à « l’expérience du réel » et l’on ne pourra jamais être certain que ces expériences recouvrent rationnellement un réel, si tant est qu’il existe indépendamment de ceux qui l’observent (Avenier & Thomas, 2011). Ce qu’on appelle « réalité » dans le sens habituel du terme est donc envisagé à tout le moins comme des « réalités perçues ». Ainsi, comme nous ne percevons pas forcément les mêmes choses de la même manière, ces « réalités » sont multiples. La démarche scientifique intervient dans ce contexte aux fins de construire, avec rigueur, une connaissance « rationnelle » reconnue et partagée par une communauté sociale (la communauté scientifique et, à partir de cette communauté, la société civile). A cet égard, on utilise souvent le terme d’objectivation qui met l’accent sur la rigueur de la démarche et sur la rationalité de l’entreprise scientifique ainsi que sur celui d’intersubjectivité quand on désire placer la focale sur le caractère « partagé » de la démarche, des outils et des connaissances élaborées au sein d’une communauté. La question de savoir si un réel existe indépendamment de l’observateur est certes débattue parmi les constructivistes mais ne remet pas en cause les fondements, méthodologiques du moins, de ce paradigme. Ainsi, pour certains chercheurs comme Olivier de Sardan (2008), il existe bel et bien un « réel de référence » relativement et partiellement connaissable par la recherche scientifique. L’auteur ajoute, pour lever toute ambiguïté de ses positions avec celles défendues par le positivisme que : L’hypothèse réaliste, qui postule l’existence d’un réel de référence relativement et partiellement connaissable par l’enquête, ne doit pas être confondue avec l’illusion réaliste, qui croît en un accès direct et objectif à ce réel de référence, et oublie que ce dernier est une construction sociale. L’illusion réaliste est l’expression de la posture positiviste classique (ibid., p. 9). Pour d’autres, « il n’existe pas de réalité objective, mais de multiples réalités socialement construites » (Avenier & Thomas, 2011, p. 10). A la limite, il y aurait de ce fait autant de « réalités que d’individus différents, à moins qu’ils ne partagent le même schème d’interprétation de la réalité » (d’Amboise, 1996, p. 15). Enfin, certains chercheurs ne se prononcent tout simplement pas, soutenant que ce qui est important en définitive c’est la question de la construction rationnelle d’une connaissance partagée. 9 En somme, pour les chercheurs constructivistes, l’essentiel se cristallise autour de la question du schème d’interprétation « partagé » dont parle d’Amboise et qu’il s’agit pour le chercheur de découvrir. Élaboré de manière rationnelle, ce schème doit rendre compte d’un même « réel de référence », tout en acceptant l’inévitable relativisme qui caractérise cette entreprise. Enfin, pour les chercheurs qui se positionnent dans un paradigme constructiviste, le sens se construit par le sujet observant dans la relation qu’il entretient avec le sujet observé. Ce subjectivisme ne doit pas être confondu avec le relativisme dont on a parlé ci-avant (le relativisme spécifie une relativité de perception et d’interprétation, variables selon le sujet observateur). Il renvoie plutôt à l’idée d’un chercheur nécessairement sujet à part entière de la relation qu’il établit, dans sa quête de compréhension, avec les acteurs de terrain. Elle s’oppose à la conception positiviste de sujet neutre, « en dehors » de la relation et, à ce titre, cherchant à ne pas l’influencer dans sa quête d’objectivité » objectivité : « qualité de ce qui donne une représentation fidèle de la chose observée, voire qui « existe en soi », indépendamment du sujet pensant » (CNTRL, nd)7 2.3 Paradigmes et construction de la connaissance scientifique Pour les tenants d’un positivisme strict, la connaissance est issue de la vérification d’hypothèses qui aboutit à la découverte de principes ou de lois d’ordre général. Plus prudents, les post-positivistes considèrent que la connaissance s’élabore à partir d’hypothèses non réfutées (mais réfutables) qui peuvent être considérées comme des lois probables (jusqu’à leur réfutabilité). Les constructivistes par contre estiment que la connaissance relève d’une « construction » par rapport auxquelles les scientifiques « savants » ont tendance à s’accorder (consensus). Ces « constructions » sont sujettes à une révision continue (Guba & Lincoln, 1994, p. 114). Axiome sur Quelle est la nature ou le statut de la « réalité » ? (ontologie) Paradigme positiviste Une réalité connaissable existe. Elle s’explique par des lois et par des mécanismes naturels et immuables (réalisme naïf) Comment Les connaissances appréhender « découvertes » sont cette réalité ? vraies (objectivité) (épistémologie) 7 Paradigme postpositiviste Paradigme constructiviste Une réalité connaissable existe mais ne peut être appréhendée que de manière partielle et probabiliste (réalisme critique) Les réalités sont locales, socialement construites, (relativisme) Les connaissances « découvertes » ne sont que « probablement » vraies (objectivité). La réalité est unique mais souvent dissimulée sous des relations complexes et des variables multiples Les connaissances sont co-construites (intersubjectivité). La connaissance est construite d’après les expériences et les interactions entre les individus et CNTRL, disponible en ligne : http://www.cnrtl.fr/definition/objectivit%C3%A9 [Consulté le 18 juin 2012] 10 Quelles démarches et techniques adopter pour appréhender cette réalité ? (méthodologie) qui empêchent d’obtenir des réponses aisées, uniques et pleinement satisfaisantes l’environnement Manipulation et contrôle de variables (plan expérimental) Manipulation et contrôle de variables (plan expérimental) Non manipulation, ni contrôle de variables Vérification d’hypothèses « Falsification » d’hypothèses Recherche de relations causales Principalement des techniques quantitatives sur des données quantitatives Techniques quantitatives ou qualitatives sur des données quantitatives ou qualitatives Etude en contexte (plan écologique) Questionnement-question de recherche (pas de vérification ou de mise à l’épreuve d’hypothèses) Principalement des techniques qualitatives sur des données qualitatives (mais également des techniques quantitatives sur des données quantitatives) Tableau 1 : Positions des paradigmes positiviste, post-positiviste et constructiviste, adaptés de Lincoln & Guba (1994) et Lincoln, Lynham & Guba (2011) 3. Suivre une démarche de recherche appropriée 3.1 La démarche hypothético-déductive Historiquement, la démarche hypothético-déductive a été longtemps associée au paradigme positiviste. Ceci s’explique en grande partie par leur origine. Il est important de garder à l’esprit en effet que le positivisme et la démarche hypothético-déductive sont issus des sciences de la nature (physique, chimie, biologie…) et qu’ils ont représenté par la suite, durant la majeure partie du XXème siècle, la référence épistémologique et méthodologique en sciences humaines et sociales. A ce titre, Mill (1856, cité par d’Amboise, 1996, pp. 13-14) le dit sans ambages : « The backward state of the Moral [i.e. human] sciences can only be remedied by applying to them the methods of Physical science, duly extended and generalized ». C’est la position dominante des chercheurs durant la première moitié du XXème : les faits sociaux se traitent comme les phénomènes de la nature. Comme le déclare d’Amboise (ibid.), en somme, « l’être humain y est considéré comme un organisme vivant répondant à des lois de la nature, au même titre que les plantes ou les insectes ». ! Soulignons d’emblée cependant que, même si le paradigme positiviste et la démarche hypothético-déductive ont longtemps constitué les « deux mamelles » de la « vérité scientifique », les démarches hypothético-déductives adoptées actuellement, dans les recherches contemporaines en sciences humaines et sociales, ne reposent plus sur un 11 paradigme strictement positiviste mais plutôt post-positiviste (cf. tableau 1 ci-avant). Par ailleurs, tout un courant de recherche, affilié à l’approche qualitative, repose sur un paradigme opposé, le paradigme constructiviste et adopte une démarche alternative dans leurs études, démarche que l’on pourrait qualifier d’holistico- (ou empirico-) inductive. Les positivistes (ou les post-positivistes) prônent un raisonnement scientifique de type hypothético-déductif qui prend naissance avec une question (ou un problème) se traduisant par une hypothèse soutenant provisoirement une théorie qu’il s’agira de tester en confrontant cette dernière aux « faits ». Le terme hypothético-déductif qualifie également une démarche qui s’appuie « sur des propositions hypothétiques pour en déduire des conséquences logiques » (Université de Genève, nd)8. Cette démarche doit permettre d’identifier des lois, à caractère universel, ou de construire progressivement des théories générales et des modèles explicatifs que la communauté scientifique a pour mission de chercher à conforter ou à réfuter en la mettant à l’épreuve des tests empiriques. Les résultats « positifs » conforteront les lois, les théories ou les modèles alors que des résultats « négatifs » les invalideront. 3.2 Exemple d’une démarche hypothético-déductive de recherche A titre illustratif, nous présentons ci-après un exemple de démarche de recherche de type hypothético-déductif qui, à certains égards, reposent sur une conception (post-)positiviste de la construction de la connaissance. Les commentaires placés à la droite du tableau sont destinés à vous fournir de premières indications sur les termes utilisés pour désigner les grandes étapes d’une recherche hypothético-déductive. 8 1 Un chercheur s’intéresse à la relation qui peut exister entre le style de leadership d’un dirigeant et la satisfaction au travail de ses employés. Idée de départ d’après expérience, intérêt et exploration de la littérature 2 Son analyse de la littérature lui indique l’existence de résultats empiriques qui soutiennent qu’un style de leadership centré sur les relations humaines tend à augmenter la satisfaction au travail des employés. Analyse de la littérature 3 Conforté par les résultats convergents relayés dans la littérature, ce chercheur émet l’hypothèse opérationnel de recherche que : « La satisfaction au travail des employés est positivement associée à un style de leadership axé sur les relations humaines ». Le chercheur décide de tester cette relation positive entre style (variable 1) et satisfaction (variable 2) auprès d’un échantillon représentatif de PME. Hypothèse (ce pourrait être une question de recherche, certes tout autant « opérationnelle » mais plus large cependant qu’une hypothèse) Université de Genève, Méthodologie, Lexique : http://www.unige.ch/fapse/pegei/Methodologie/Lexique.html [Consulté le 22 juin 2012] 12 4 Avant de recueillir les données, il aura élaboré (ou identifié) les outils de recueil de données dont le traitement permettra de rendre précisément et exactement (validité interne) compte du « style de leadership » et de la « satisfaction au travail » Méthodologie 5 Comme le chercheur part du principe qu’il existe une réalité, unique définissant le style de leadership et la satisfaction au travail, il estime que ses outils (questionnaire dans cette situation) lui fourniront des évaluations précises et authentiques des concepts (style de leadership et satisfaction). » paradigme (post-) positiviste 6 Il procède alors à la collecte de données auprès d’un échantillon représentatif (10 PME) de la population de référence (l’ensemble des PME manufacturières québécoises). Recueil des données 7 Une fois les données recueillies, il les soumet à des analyses statistiques dans le but de mettre au jour la relation entre les deux variables. La force de cette relation possible est évaluée par un indice statistique appelé corrélation. Traitement des données 8 Si les résultats sont concluants, la théorie générale est confortée et le chercheur peut avancer que cette théorie s’applique aussi au cas spécifique des PME manufacturières québécoises. Analyse des résultats et interprétation Si au contraire les résultats infirment la théorie, le chercheur doit alors voir si la théorie ne peut pas être révisée de manière à expliquer ses résultats ou si, ultimement, il ne faudrait pas rejeter complètement la théorie pour la remplacer par une nouvelle qui expliquerait un plus grand nombre de situations particulières Tableau 2 : Exemple d’une démarche de recherche hypothético-déductive d’inspiration positiviste, librement adapté de d’Amboise (1996, pp. 14-15) Le chercheur s’appuie ici sur un paradigme d’inspiration (post-)positiviste dans la mesure où il part du principe que l’étude, dans un contexte particulier, du phénomène retenu est révélatrice d’une réalité concrète, objective et que, dans cette mesure, elle permet de confirmer ou d’infirmer une règle générale (on dit que le « terrain vérifie ») qui tend à établir une association entre le style de leadership et la satisfaction. 1) Si les expériences répétées confortent la « théorie », il sera possible d’établir progressivement une loi générale valable pour toutes les situations rencontrées dans un contexte déterminé, voire dans tous les contextes possibles. Il s’agit dans ce dernier cas d’une loi générale (vérificabilité de la théorie). 2) Si l’expérience particulière infirme la « théorie », il faudra soit définitivement l’écarter soit la revoir (falsifiabilité de la théorie). » Le principe de « vérificabilité » avancé par les positivistes (point 1) a été remis en question par Karl Popper (1979), célèbre épistémologue, pour lequel il n’est pas possible de vérifier si une théorie est vraie. Il peut toujours exister un cas, non testé, pour lequel la théorie ne 13 « tient pas », quel que soit le nombre de cas étudiés (« peu importe le nombre de cygnes blancs que nous puissions avoir observés, il ne justifie pas la conclusion que tous les cygnes sont blanc » op.cit., p. 23). Seule la « falsifiabilité » (point 2) d’une théorie la rend scientifique, c’est-à-dire, la possibilité de la réfuter par l’expérience des faits. Une théorie n’est donc pas scientifique selon Popper si elle ne peut être réfutée : c’est une idéologie, écrit-il, comme par exemple le marxisme ou la psychanalyse. Ainsi, pour Popper, une théorie est scientifique dans la mesure où il est possible de la réfuter (falsifiabilité). Dans l’exemple ci-avant, le chercheur s’appuie d’autre part sur une démarche hypothéticodéductive qui va effectivement du général (une théorie, une loi, une règle ou un ensemble de résultats antérieurs dont la convergence soutient une tendance générale) au particulier (expérience menée sur un échantillon représentatif de la population, permettant ainsi d’obtenir des résultats « locaux », mais généralisables). Ainsi, « le chercheur formule une question de recherche en s’inspirant d’une théorie de portée générale, émet des hypothèses concernant une situation particulière et teste ces hypothèses afin de les infirmer ou confirmer et ainsi supporter ou ajouter à la théorie initiale » (d’Amboise, 1996, p.14). 3.3 La démarche (holistico-)inductive9 Dans la démarche (holistico-)inductive, le chercheur tente de faire abstraction de ses préconceptions lors des contacts qu’il entreprend avec son terrain d’étude. A cet égard, les chercheurs parlent de « suspendre » temporairement leur préconception. Cette posture l’invite par-là à écarter, provisoirement, le temps du travail empirique, tout présupposé théorique qui risquerait de l’influencer lors de la collecte des données10, de leur analyse, et de leur interprétation. Le chercheur « part du terrain » dans lequel il s’immerge de manière à en comprendre pleinement les processus, les enjeux, les « tenants et aboutissants ». Elle est donc inductive en ce sens qu’elle privilégie les informations qui proviennent du terrain et tente, seulement par après, de construire un modèle compréhensif, particulier au milieu étudié. Cette démarche mène à un savoir particulier (ou « savoir local ») qui ne peut immédiatement se généraliser à d’autres contextes. D’autres études, complémentaires, parfois appelées « études intersites », peuvent, par la confrontation des résultats obtenus pour chaque site, construire progressivement un « savoir générique », valable dans différents contextes. 9 10 Dans la littérature, est également fréquemment utilisé le terme d’empirico-inductif ou tout simplement celui d’inductif. Nous verrons par la suite que l’adoption du vocable « holistique » n’est pas sans conséquence. En cohérence avec le paradigme de référence adopté dans cette approche (i.e. le constructivisme), les chercheurs qualifient habituellement cette opération de « production » de données plutôt que de « collecte » ou de « recueil », voire encore de l’amusante « cueillette » de données. 14 Comme le précise d’Amboise (1996), le terme « holistico » fait référence au souci du chercheur de comprendre le phénomène « en profondeur » et dans toutes ses manifestations, dans son contexte et dans son environnement naturel. Au niveau méthodologique, ceci se traduit par une attitude qui doit permettre au chercheur de laisser « venir à lui toutes les informations susceptibles de jeter un éclairage sur le phénomène [étudié], quitte à les éliminer plus tard si elles ne s’avèrent pas utiles » (op. cit., p. 76). A cet égard, on qualifie souvent la démarche holistico-inductive d’intensive pour mettre l’accent sur la tentative du chercheur de comprendre en profondeur « ce qui se passe » (le phénomène). Ces traits singuliers distinguent assez nettement la démarche holistico-inductive de la démarche hypothético-déductive à l’occasion de laquelle il s’agit, au contraire, d’isoler – souvent même avant les premières collectes et analyse de données – un petit nombre de variables caractéristiques du phénomène étudié, conduisant le chercheur à pleinement se concentrer sur ces variables. Cette démarche est souvent qualifiée d’extensive. 3.4 Exemple de démarche holistico-inductive de recherche A l’instar de l’exemple que nous avions présenté ci-avant pour la démarche hypothético- déductive, nous présentons ci-dessous une illustration d’une recherche dont la démarche est à l’inverse de type inductif. 1 Le confrère du chercheur de l’exemple précédent décide d’étudier un sujet semblable mais en favorisant la démarche holisticoinductive. Au cours de ses lectures exploratoires, il a découvert qu’il existe une théorie expliquant la productivité au travail des employés, en lien avec le style de leadership et de la satisfaction des employés. Cette théorie lui donne des idées et émoustille sa curiosité, mais il se détache pour l’instant des hypothèses qui y sont formulées. Ses lectures, ainsi que son intuition, ses facultés de raisonnement, ses expériences antérieures le conduisent à élaborer un premier questionnement très général autour de la productivité au travail. Ce questionnement se rapporte, de manière assez large, sur les relations au travail et la productivité. Idée et questionnement de départ L’idée de départ, ainsi qu’un premier questionnement général, émergent des intérêts du chercheur – y compris donc de son expérience – et d’une exploration de la littérature. 2 Il choisit quatre entreprises manufacturières québécoises (ce pourrait être une seule). Il s’assure ainsi la possibilité de comparer (étude inter sites) des situations aux contextes probablement différents, ce qui lui permettrait de dépasser quelque peu la production d’un savoir strictement localisé. Identification du terrain d’étude 3 Il décide de découvrir ce milieu en se centrant plus particulièrement sur les relations entre employés et entre supérieurs hiérarchiques et employés. Il interroge quelques personnes clés (appelés « informateurs privilégiés » en anthropologie). Méthodologie (production et analyse des données selon une dynamique circulaire) Il passe de longues heures à recueillir les propos des employés et des supérieurs hiérarchiques mais également d’autres acteurs 15 susceptibles de l’informer (des représentants syndicaux, des représentants des dirigeants, le personnel d’entretien etc.). 1) Enquête exploratoire Il observe également les relations de travail, il s’immerge dans le milieu pour en saisir le climat, les relations, comprendre éventuellement les enjeux de pouvoir, les processus de négociations etc. Il consulte différents rapports internes susceptibles de l’informer sur la productivité de la PME, des relations ou du climat. La recherche et l’analyse des données se fait sans discrimination : il note « plus qu’il n’en faut », quitte à éliminer de l’information plus tard si certaines informations ne sont pas importantes. Suite à ces premiers contacts avec le terrain, et à l’analyseinterprétation de ce premier matériel, le chercheur précise son questionnement. Ainsi, il lui semble opportun et intéressant d’aborder plus précisément la question des relations entre les employés et leur supérieur hiérarchique immédiat et leur relation éventuelle avec le climat de travail de ces employés. Il s’engage à ce stade vers une nouvelle prise d’informations, plus ciblée sur ce nouveau questionnement. 5 Il interviewe de manière plus ciblée et approfondie une sélection d’employés et de supérieurs hiérarchiques et essaye ainsi de comprendre la manière dont les acteurs perçoivent les relations au travail, le climat etc. 2) Enquête de terrain Il cherche à obtenir le portrait le plus global (holistique) du phénomène qu’il étudie. Peu à peu, à force de comparaisons constantes au cours desquelles le chercheur confronte les témoignages des différents acteurs à des propositions émises provisoirement sur la base de l’intuition du chercheur et des théories existantes, des constantes émergent. Pour y arriver, il doit donc ouvrir le champ de l’interprétation en consultant abondamment la littérature. Il découvre que le style de management adopté par le supérieur direct est important, pour certains employés, dans la perception du climat de travail. Par la comparaison des différentes situations (les « cas » constitués par les quatre PME), il semble que ce style affecte la motivation, la perception du climat, le stress ressenti et/ou l’engagement dans les tâches à réaliser. 6 Le temps est venu d’arrêter ces va-et-vient entre le terrain et l’analyse exploratoire des données produites. Analyse des résultats et interprétation Vient le temps de l’analyse plus systématique des données. Progressivement, le chercheur construit un modèle de compréhension qui rend compte du phénomène étudié dans les quatre milieux étudiés. Il confronte ce modèle aux théories existantes (littérature). Tableau 1 : Exemple de démarche holistico-inductive, librement adapté de d’Amboise (1996, pp. 16-17) 16 Comme nous pouvons le deviner par cet exemple, les risques rencontrés par un chercheur impliqué dans une telle démarche sont multiples. Nous en citerons quelques-uns auxquels nous invitons l’apprenti chercheur à être très attentif : Le risque de se trouver rapidement submergé par la quantité abondante d’informations. Le risque de vouloir toujours en savoir plus du terrain ce qui renforce outre le premier risque énoncé, celui 1) d’entraver l’identification des tendances (se noyer dans les détails) et 2) d’alimenter le confort que le chercheur ressent à rester sur le terrain (il faut pouvoir décider de « sortir du terrain » et d’arrêter de prendre de nouvelles informations). Le risque de se laisser entraîner dans des voies peu fructueuses en se laissant guider par des événements qui le détournent du questionnement principal. 3.5 Démarche hypothético-déductive et holistico-inductive : points de comparaison Nous proposons ci-dessous une comparaison schématique des deux démarches abordées ci- avant. 11 Démarche de recherche de type hypothético-déductif Démarche de recherche de type holistico-inductif Cette démarche est caractéristique de ce qu’on appelle l’approche quantitative de la recherche, également intitulée recherche quantitative Cette démarche est privilégiée dans ce qu’on appelle l’approche qualitative de la recherche, également intitulée recherche qualitative Les variables révèlent le phénomène, étudié de préférence avec un certain détachement du contexte, du milieu, l’idéal étant que ce dernier soit trans-contextuel de manière à favoriser la généralisation des résultats. Le milieu révèle le phénomène, étudié dans le milieu naturel et donc singulier. Approche explicative et extensive du phénomène aboutissant à élaborer ou à conforter des règles, des principes ou des lois à caractère général. Approche compréhensive, holistique et intensive du phénomène étudié. Démarche déductive (du général au particulier) Démarche inductive (du particulier au général) Centration sur un nombre généralement restreint de variables précises définies avant la « collecte » des données. Centration sur le milieu Faible contextualisation et études faiblement ouvertes à l’imprévu. Études fortement contextualisées et ouvertes à l’imprévu. Démarche « en cascade »11 relativement linéaire Démarche itérative12 (cyclique) Nous entendons par là une démarche composée d’étapes qui se succèdent temporellement, sans retour à une étape précédente (exception faite de la classique « discussion » qui, en fin de rapport de recherche, permet à l’auteur de « revenir » sur les résultats obtenus en les confrontant à ceux obtenus par d’autres études menés dans le domaine). 17 Vise essentiellement à produire, conforter ou invalider un savoir générique Vise à produire un savoir, d’abord local, rendant compte du complexe Vise à vérifier (tester, valider…) des hypothèses Vise à produire des hypothèses (explicatives) Tableau 4 : Comparaison synthétique entre une démarche hypothético-déductive et holistico-inductive 12 Il serait plus exact d’écrire à cet égard « réitératif » de manière à bien préciser que cette démarche procède souvent selon des phases cycliques composées de questionnements, de travail sur le terrain (production/collecte de données) et d’analyse/interprétation. 18 II. Approches qualitative et quantitative dans les recherches empiriques » Sera abordée dans cette partie la manière opérationnelle dont les deux démarches présentées ci-avant peuvent prendre corps à l’occasion de recherches effectivement menées sur le terrain de l’empirique. » Nous verrons que l’on peut établir une association entre chacune des deux démarches présentées dans la partie antérieure, la démarche hypothético-déductive et la démarche holistico-inductive, et chacune des deux approches de recherche développées dans cette partie : l’approche quantitative (en lien avec la démarche hypothético-déductive) et l’approche qualitative (en lien avec la démarche holistico-inductive). A ce titre, les exemples de recherche ci-avant (cf. tableaux 2 et 3) restent tout à fait valables pour illustrer l’approche quantitative pour l’un et qualitative pour l’autre. » A l’inverse, une association stricte entre un paradigme épistémologique (positiviste ou constructiviste) et une démarche (hypothético-déductive ou holistico-inductive) ou une approche de la recherche (approche qualitative ou quantitative) est plus hasardeuse comme nous l’avons déjà souligné. Moyennant quelques précautions, une approche quantitative (qui adopte, par définition, une démarche hypothético-déductive) peut très bien prendre le contrepied des postulats d’un paradigme positiviste pour s’inscrire dans un paradigme constructiviste. Bien entendu ce changement de paradigme ne se fait pas sans conséquence (impact en particulier sur la posture du chercheur, sur l’interprétation et la généralisation des résultats). Il est d’usage de distinguer les recherches empiriques en sciences humaines et sociales – dont les sciences de l’éducation – selon qu’elles s’inscrivent dans une approche qualitative ou quantitative. Contrairement à une idée largement répandue, cette distinction ne tient pas au type de données, qualitatif (matériel non numérisé tel le discours écrit ou oral par exemple) ou quantitatif (matériel numérique tel le nombre d’occurrences d’un thème que l’on retrouve dans un discours), que le chercheur est amené à produire et, par la suite, à analyser et à interpréter. Ainsi, il ne suffit pas de « traiter » des données qualitatives pour considérer que l’on se situe dans une approche qualitative. De même, une approche quantitative ne se caractérise pas fondamentalement par le type de données (quantitatives) qu’elle permet de produire et qu’elle s’apprête à analyser. » Qu’entend-on par « données » ? : Rejoignant les conceptions d’Olivier De Sardan (2008), nous considèrerons que les données « ne sont pas des « morceaux de réel » cueillis et conservés tels quels par le chercheur (illusion positiviste), pas plus qu’elles ne sont de pures constructions de son esprit ou de sa sensibilité (illusion subjectiviste). Les données sont la transformation en traces objectivées de « morceaux de réels », de fragments du réel de 19 référence tels qu’ils ont été sollicités, sélectionnés et perçus par le chercheur. » (Olivier De Sardan, 2008, p. 5013) Comme nous le verrons par la suite, une approche déterminée, quantitative par exemple, peut très bien conduire le chercheur, pour répondre aux buts qu’il poursuit, à recueillir (ou à « produire »), et à analyser par la suite, des données à la fois quantitatives et qualitatives (méthode mixte d’analyse des données). Ainsi, il n’est pas rare qu’à l’occasion d’une recherche dite quantitative (i.e. s’inscrivant dans une approche quantitative, démarche hypothético-déductive), on analyse des données quantitatives et, après leur interprétation, on mobilise ensuite des données qualitatives complémentaires pour affiner, préciser ou mettre à l’épreuve ses premiers résultats par l’analyse de données de nature qualitative. Par commodité, l’opposition entre « qualitatif » et « quantitatif » est néanmoins régulièrement mise en avant sans savoir précisément si l’on se réfère aux types de données analysées (discours vs nombre par exemple), aux techniques de recueil ou de production de données (observation informelle vs observation structurée par exemple ou questions à réponses ouvertes vs à réponses fermées, entretien vs test, etc.), à la méthode d’analyse (interprétation strictement qualitative vs dénombrement par exemple) ou à l’approche générale adoptée dans la recherche. La position prise dans ce texte consiste, au contraire, à toujours bien préciser si l’on désire qualifier l’un (approche générale de la recherche empirique) ou l’autre (analyse des données). La distinction qui nous paraît la plus appropriée pour distinguer l’approche quantitative de l’approche qualitative tient essentiellement de celle mise en avant antérieurement dans ce texte entre démarche hypothético-déductive et holistico-inductive. Dans les lignes qui suivent, nous présenterons plus en détails ce qui caractérise l’une et l’autre de ces deux approches. En guise d’introduction, nous relayons les grandes différences que des auteurs comme Depover (2009) entrevoient entre ces deux types de recherches : […] le point de départ d’une recherche [dite « quantitative »] est généralement la formulation d’hypothèses et de questions de recherche qu’il s’agit de vérifier. Comme nous l’avons déjà souligné, la démarche basée sur la formulation d’hypothèses et leur vérification à partir des données recueillies est fondamentalement de nature déductive alors que les tenants des approches qualitatives s’inscrivent davantage dans un cheminement inductif. Dans les ouvrages anglo-saxons, on parle de « Theory-driven research » (Recherche orientée par la théorie) pour l’approche déductive et de « Theory-building research » (Recherche visant à construire une théorie) pour les recherches inductives. L’approche inductive en matière de recherche implique une appréhension directe des phénomènes et des acteurs impliqués sans représentation préalable de ceux-ci par le chercheur. Plutôt que d’aborder les choses à partir d’instruments de récolte et d’analyse des données préstructurés, l’ambition du chercheur sera plutôt de rester ouvert à l’ensemble des manifestations d’une réalité afin de l’appréhender sous ses différentes facettes. Ainsi, alors que pour une recherche quantitative, le chercheur se dotera d’outils d’observations finement 13 Olivier De Sardan, J.-P. (2008). La rigueur du qualitatif, Louvain-La-Neuve : Bruylant-Academia. 20 calibrés (questionnaire d’opinion, grille d’observation…), une approche qualitative privilégiera la capacité du chercheur à saisir la dynamique des acteurs et la variabilité des contextes étudiés. C’est pour ces raisons que le chercheur, qui se réfère à la recherche qualitative, évitera d’établir des hypothèses avant de collecter ses données de manière à éviter d’aborder les phénomènes étudiés avec une représentation déjà préconstituée de ceuxci. ! Avant d’aborder plus en détails les approches quantitative et qualitative, rappelons l’esprit dans lequel nous envisageons la conduite d’une recherche. A l’instar de De Ketele & Maroy (2006, p. 225), nous considérons en effet que « si la fonction de la recherche est unique et commune à toutes les recherches qualifiables de scientifiques (développer un corps de connaissance à partir de divers ensembles de recherches), la recherche comme processus et la recherche comme produit supposent de nombreuses approches, diversifiées et complémentaires. Et il est vain de vouloir établir une hiérarchie entre les diverses approches » (nous soulignons). 1. Approche quantitative Nous l’avons souligné, une approche quantitative ne s’inscrit pas nécessairement dans un paradigme positiviste même si, historiquement, les deux sont intimement liés. Par contre, la démarche adoptée par une approche quantitative est essentiellement hypothético-déductive en ce sens qu’elle commence classiquement par une hypothèse (H) ou une question de recherche (QR) habituellement construite sur la base d’une analyse de la littérature14 et qu’elle se poursuit par l’élaboration et l’application d’un plan de recherche destiné à éprouver15 l’hypothèse ou à répondre16 à la question posée. Le terme déductif signifie que le mouvement de la recherche est foncièrement descendant, partant du général (une théorie, une loi, un principe, une « tendance » de résultats empiriques convergents) que l’on veut aborder vers le particulier (une étude contextualisée, une expérience spécifique) susceptible de confirmer, d’infirmer ou de revoir ce « général ». Ce mouvement descendant part des acquis déjà engrangés par les recherches précédentes autorisant le chercheur à formuler une nouvelle interrogation et se dirige – dans un second temps – vers une prise d’informations auprès du terrain d’étude. Nous pouvons schématiser ce mouvement sous cette forme : Théorie spéculative ou fondée par des recherches antérieures 14 15 16 Pas seulement, l’expérience accumulée du chercheur (ou de l’équipe de recherche) peut également contribuer utilement à élaborer une hypothèse ou une question de recherche pertinente. Dans la littérature, les auteurs utilisent fréquemment les termes « tester » ou « valider » une hypothèse De manière plus nuancée, il s’agit plutôt d’alimenter la question en éléments de réponse de manière à souligner qu’une question, dans la recherche scientifique en sciences humaines et sociales, ne donne que très rarement lieu à « une » réponse, définitive de surcroît. 21 » Interrogation » (Nouvelle) Etude contextualisée De manière plus détaillée, les étapes qui ponctuent une recherche caractéristique d’une approche quantitative se présentent de la manière suivante : Phase de préparation de la recherche Phase d’exécution de la recherche 1 Analyse de la littérature et problématisation du sujet traité 2 Élaboration d’hypothèses ou de questions de recherche 3 Construction de la méthodologie : plan de recherche, protocole de production des données, méthodologie d’analyse des données... 4 Production/recueil des données 5 Analyse des données - interprétation et discussion des résultats 6 Conclusions, limites de la recherche et perspectives Comme nous le verrons par la suite, une approche quantitative se distingue d’une approche qualitative par la plus grande linéarité des étapes qui rythment le déroulement de la recherche. En théorie du moins, les étapes se succèdent, les unes après les autres, dans l’ordre qui est présenté cidessus. Durant la phase préparatoire essentiellement, il est toutefois courant – et conseillé – de tirer parti des enseignements issus d’une étape déterminée et de « revenir en arrière », de façon à rectifier ou à approfondir quelque peu les résultats d’une étape antérieure. Une hypothèse ou une question de recherche s’élabore ainsi progressivement, non seulement en regard de la littérature mais également par sa confrontation à la méthodologie envisagée. Les questions qui se posent peuvent se formuler en ces termes (pour une question de recherche par exemple) : « Vais-je pouvoir répondre à la question de recherche telle que je l’ai formulée et telle que j’ai prévu de mettre en œuvre ma méthodologie ? » ; « Est-ce réaliste ? Est-ce « faisable » ? » ; « Ne dois-je pas reformuler l’une (la question) et/ou revoir l’autre (la méthodologie) ? ». Dans une approche quantitative cependant, les deux phases – de préparation et d’exécution – sont relativement17 étanches, le point de non-retour se situant au moment où le chercheur entame l’étape de collecte/production des données auprès de son échantillon. De cette caractéristique de l’approche quantitative, il s’agit surtout de retenir qu’il est déconseillé de modifier les règles méthodologiques que l’on s’est fixé pour collecter/produire les données ou pour les analyser durant les étapes de collecte/production et d’analyse des données. En somme, on ne peut pas « changer les règles en cours de jeu ». Cette contrainte est bien plus souple dans une approche qualitative, les modifications apportées en « cours de route » à la méthodologie étant autorisées – voire même 17 « Relativement » car là aussi, certaines étapes, dont la discussion en particulier demandera très souvent de retourner à la littérature afin de confronter les résultats de la recherche avec ceux obtenus par d’autres chercheurs. Cette confrontation est l’objet de la partie « Discussion » du rapport de recherche. 22 souhaitées dans cette approche – si, du moins, elles sont 1) dument justifiées par les visées (compréhensives) de l’étude et 2) explicitement traduites dans le rapport de recherche. Le but principal, et dirions-nous unique, poursuivi par une recherche quantitative est d’aboutir, par l’étude de régularités ou par la comparaison de situations contrastées, à une connaissance transférable à des terrains autres que celui qui a fait l’objet de la recherche, voire à des contextes sensiblement différents. Elle vise à construire de ce fait un « savoir générique ». Ce n’est, par contre, pas le but premier ou unique d’une recherche s’inscrivant dans une approche qualitative comme nous le verrons par la suite. Dans une approche quantitative, ce « transfert » – cette « généralisation » des résultats à un ensemble plus vaste de situations – ne peut s’effectuer que si des conditions strictes ont été respectées durant l’étude. Outre le respect des conditions statistiques inhérentes à l’analyse de données quantitatives18, la méthodologie doit permettre : d’assurer à l’échantillon sa représentativité de la population vers laquelle on veut généraliser les résultats ; de contrôler les effets possibles des variables autres que celles étudiées susceptibles d’agir sur le phénomène analysé ; 2. de garantir la validité et la fidélité des mesures effectuées (cf. supra). Approche qualitative Selon la plupart des chercheurs, la recherche qualitative ne se caractérise pas par les données, puisqu’elles peuvent aussi être quantifiées […] Selon Deslauriers (1991), si tous les auteurs ne s’entendent pas sur la définition de la recherche qualitative, la plupart lui attribuent des caractéristiques semblables (Bogdan & Biklen, 1982; Denzin, 1978; Taylor & Bogdan, 1984; Van Maanen, 1983). On considère que [l’approche] qualitative traite des données difficilement quantifiables, qu’elle recourt à une méthode d’analyse souple et davantage inductive et qu’elle s’inspire de l’expérience de la vie quotidienne et du sens commun qu’elle essaie de systématiser (Douglas, 1976) (Nguyên-Duy & Luckerhoff, 2007, p.8) Une approche qualitative se distingue essentiellement d’une approche quantitative dans la mesure où elle procède, schématiquement, de manière inductive (en réalité, elle procède souvent de manière « circulaire », nous y reviendrons). Ainsi, la dynamique adoptée dans cette première approche tend, d’une manière générale, à « partir » de la découverte et de l’étude approfondie d’un « terrain » spécifique d’étude, sans que le chercheur n’ait, au départ, d’hypothèse précise et, encore moins, définitive19. Ces recherches se consacrent généralement à l’étude d’un ou de quelques cas singuliers. 18 19 Ces conditions, parfois complexes, sont abondamment détaillées dans les cours de statistiques inférentielles. Dans ces recherches, la formulation d’hypothèses est par ailleurs délaissée au profit de celle de questions de recherche, voire même d’un seul questionnement à caractère relativement général. 23 On parle à cet égard de recherches idiographiques (idiographic research). Elles procèdent dans bien des cas à des études de cas fondées sur l’analyse de données qualitatives (discours, observation…) dont elles tentent de comprendre le sens en regard du contexte. Ce sont foncièrement des études réalisées en milieux « écologiques », réalisées sur le « terrain », avec un souci constant d’éviter, par les interventions du chercheur, d’en altérer ses caractéristiques20. Ces recherches privilégient21 l’analyse qualitative des données, à savoir l’analyse du matériel étudié sans « quantification ». Cette analyse s’opère, dans cette situation, sans transformation numérique des données de départ. La « recherche qualitative » privilégie ainsi une attitude naturaliste en se donnant pour but premier de décrire et de comprendre les phénomènes étudiés dans leur contexte « naturel » d’observation (Nguyên-Duy & Luckerhoff, 200, p.8). Le parti-pris naturaliste des [approches] qualitatives les a conduits à privilégier une méthode souple qui fait la part belle à l’induction, à l’enquête terrain et aux descriptions détaillées, holistiques et compréhensives (ibid.). Si, comme le soulignent Avenier & Thomas (2011), ces recherches peuvent s’alimenter de données quantitatives, ces dernières, tout comme les données qualitatives, ne concernent que le ou les cas étudiés et ne modifie pas le caractère foncièrement idiographique – et donc qualitatif – de l’étude. Comme le précise Depover (2009), l’approche qualitative, fondamentalement inductive, implique une appréhension des phénomènes étudiés en limitant les représentations préalables de ceuxci par le chercheur. Plutôt que d’aborder l’étude des phénomènes à partir d’instruments préstructurés et de méthodes préétablies, la posture du chercheur est au contraire de rester ouvert et attentif aux nouvelles informations, parfois inattendues, dans le but d’appréhender l’objet d’étude sous ses différentes facettes. Ainsi, alors que pour une recherche quantitative, le chercheur se dotera d’outils d’observations finement calibrés (questionnaire d’opinion, grille d’observation…), une approche qualitative privilégiera la capacité du chercheur à saisir la dynamique des acteurs et la variabilité des contextes étudiés. C’est pour ces raisons que le chercheur, qui se réfère à la recherche qualitative, évitera d’établir des hypothèses avant de collecter ses données de manière à éviter d’aborder les phénomènes étudiés avec une représentation déjà préconstituée de ceux-ci (Depover, 2009). Bien au contraire en effet, le chercheur tient à rester ouvert à de nouvelles voies qui se dégageraient progressivement, au fur à mesure de la découverte de son terrain d’étude. 20 21 Excepté dans le cas d’une étude de type « recherche-action » pour laquelle le but des partenaires de la recherche consiste à améliorer l’état d’une situation, à transformer la réalité. Dans cette optique, l’implication du chercheur dans son terrain est réelle, et pleinement assumée. Elles « privilégient » ce type d’analyse, ce qui ne veut absolument pas dire qu’elles excluent l’analyse quantitative. Bien au contraire, nous pensons que ces deux types d’analyses, qualitative et quantitative, sont réellement complémentaires. Dans bien des situations, elles sont susceptibles de s’enrichir mutuellement. 24 2.1 Le travail et l’importance du questionnement Sans questions préalables, sans curiosité intellectuellement préprogrammée, sans problématique initiale, le chercheur ne peut produire des données significatives (Olivier de Sardan, 2008, p. 50). Il est important de souligner que le chercheur qui s’engage à découvrir son terrain d’étude est conduit par un questionnement – général d’abord, plus précis par la suite – qui le guide tout au long du chemin. Ce questionnement initial – nourri par la littérature, les intérêts et l’expérience du chercheur, voire par son intuition de départ – est amené à se préciser au contact du terrain. Le chercheur « qualitatif » n’est donc pas un individu totalement naïf, dénué de toutes préconceptions. Il ne part pas à la découverte de son terrain sans un travail préalable de réflexion et de recherche – ce qui lui permet d’entamer sa découverte du terrain avec un questionnement, une orientation de recherche – mais tente de ne pas se laisser conduire par des préconceptions susceptibles d’affecter une compréhension large et fine des phénomènes observés. En somme, le chercheur « qualitatif » reste ouvert à la découverte de nouveaux éléments, de nouvelles relations, de nouveaux enjeux. On dit habituellement que le chercheur engagé dans une approche qualitative « suspend » provisoirement le recours à ses cadres théoriques. Autrement dit, il se garde d’interprétation hâtive induite par ses préconceptions théoriques ou expérientielles. » Retenons que la question initiale du chercheur qualitatif s’affine et se précise progressivement « au contact » du terrain, pour aboutir in fine à l’élaboration d’une question de recherche (progressivement) plus précise et plus opérationnelle. Comme l’illustre la figure ci-contre, quelque peu schématique à vrai dire, ce travail d’élaboration préalable suit une dynamique circulaire qui engage le chercheur à confronter constamment ses pistes de compréhension aux données du terrain. Cette approche qualitative privilégie ainsi la compréhension d’une situation complexe dans laquelle de multiples facteurs interviennent sur les observations qui sont menées. Il n’est donc pas aisé de distinguer ce qui, dans la situation étudiée, relève du spécifique et du « partagé » avec d’autres situations vis-à-vis desquelles on prétendra, le cas échéant, étendre ses conclusions (i.e. généralisation). 25 2.2 Savoir local et savoir générique L’intervention de multiples sources de variations non contrôlées aboutit à un savoir plus « local » que dans les recherches dites quantitatives car la connaissance construite est souvent intimement liée aux particularités du terrain, ce qui rend les résultats plus valides (meilleure validité interne) mais peu transférables à des situations et à des contextes différents de ceux étudiés (faible validité externe). Cette limitation n’enlève cependant pas l’intérêt qu’il y a d’opter pour une telle approche quand la préoccupation du chercheur est de mieux « comprendre » un phénomène social « en situation ». De plus, ces savoirs locaux, construits à partir d’études de cas singuliers, peuvent élaborer progressivement des savoirs génériques, par la comparaison, la confrontation ou la mise en relation de savoirs locaux dans différents contextes, ce qui devrait rendre possible, selon Avenier & Thomas (2011), la mise en évidence de méta-relations entre savoirs locaux. » La prise de conscience assumée de la distinction entre savoir « local » et « générique » nous semble particulièrement utile dans la mesure où elle permet de se garder d’une généralisation abusive de résultats observés dans une situation singulière en avançant des tendances générales présumées pour un ensemble de situations différentes (savoir générique). Cette prudence est également de mise pour les recherches dites « quantitatives ». » Savoir local : Un savoir sera dit local lorsqu’il est élaboré à partir de cas singuliers et qu’il constitue une connaissance. Comme l’indique Avenier & Albert (2009, p.9), cette dénomination « vise à souligner le caractère local et situé de leur élaboration et de leur légitimation. En effet, les savoirs locaux ont pour principale légitimation le fait d'avoir été élaborés par le chercheur à partir de sa compréhension d'informations obtenues au cours du travail empirique mené dans des organisations qui opèrent dans certains contextes, à partir de l’étude de certains documents, ainsi que de certains entretiens et observations réalisés à une certaine date, avec certains acteurs à un certain moment de leur histoire, etc. etc. ». Exemple (de Avenier & Albert, 2009) : « La triangulation et la comparaison d’informations recueillies par différentes techniques, ont fait apparaître deux types de management différents sur des sites différents de l’entreprise étudiée : l’un assez proche d’un management tel que présenté dans la littérature concernant les entreprises de la grande distribution ; l’autre y associant la typicité des entreprises familiales. Dans cette seconde forme de management, certains phénomènes ont été interprétés comme témoignant de la possibilité de combinaison d’engagement interne et d’engagement externe ». » Savoir générique : Un savoir générique exprime des connaissances qui ont trait à des « genres » de phénomènes (Dewey, 1938). Ce savoir est construit à partir d’un travail qui porte sur un ensemble de savoirs locaux. Selon Prasada (2000, cité par Avenier & Albert 2009, p.9), un savoir générique tente de rendre compte des propriétés considérées 26 essentielles pour caractériser le phénomène étudié, « ceci alors que ce savoir n'est pas rendu invalide par l'existence de ce qui pourrait être considéré comme un contre-exemple. Par exemple, le fait que certains chiens n'aient que trois pattes ne rend pas invalide l'énoncé selon lequel les chiens sont des animaux à quatre pattes. En outre, lorsqu'un certain genre de phénomène a certaines propriétés, ceci n'est pas considéré comme résultant nécessairement de mécanismes sous-jacents cachés » (op. cit, p. 10). Exemple : « Si l’on adopte une attitude d’ouverture à l’autre, si les objectifs de l’organisation sont compatibles avec les objectifs des individus, l’engagement externe et l’engagement interne peuvent se développer au travers d’une boucle récursive, et permettre ainsi à la fois aux individus de vivre positivement l’engagement externe et aux organisations d’améliorer leur situation » (ibid.). Dans une approche qualitative, l’élaboration d’un savoir générique s’effectue par un double processus complémentaire de décontextualisation du savoir constitué localement – mené par la comparaison de multiples savoirs locaux « situés » dans des contextes différents – ainsi que par la confrontation des tendances qui se dessinent avec les savoirs publiés. 2.3 L’itération caractéristique de l’approche qualitative Une caractéristique d’une recherche dite qualitative réside également dans la coexistence temporelle de la phase de production de données et celle de leur analyse. Alors que dans une approche quantitative les deux étapes sont généralement distinguées, l’analyse de l’ensemble des données suivant chronologiquement leur recueil, le « chercheur qualitatif » procède le plus souvent par va-etvient entre collecte et analyse, ce qui lui permet de retourner au terrain après avoir dégagé éventuellement les premières tendances – toute provisoires – qui se dégagent de l’analyse d’une première prise d’informations. Dans cette approche en somme, le savoir se construit progressivement, par un processus circulaire, et non linéairement. Olivier De Sardan (2008, p. 82) parle d’un travail d’itérations, concrètes et abstraites, en ces termes : L’enquête de terrain procède par itération, c’est-à-dire par allers et retours, va-et-vient. On pourrait parler d’itérations concrètes (l’enquête progresse de façon non linéaire entre les informateurs et les informations) et d’itérations abstraites (la production de données modifie la problématique qui modifie la production de données qui modifie la problématique). Enfin, le « chercheur qualitatif » se trouve dans une posture, assumée, d’acteur immanquablement « immergé » dans le contexte qu’il observe alors que dans une approche quantitative, il convient plutôt d’adopter une position de neutralité distante de manière à ne pas influer sur les phénomènes qu’il observe. 27 2.4 Petit détour analogique : l’enquête policière Mener une recherche qualitative est similaire, à certains égards, à mener une enquête policière à l’exception près toutefois que très rarement le chercheur en sciences de l’éducation aboutit à la découverte d’un coupable. Il doit souvent se contenter d’indices qui, dans la meilleure des situations, convergent pour indiquer des tendances ou des pistes que d’autres pourront explorer à leur tour. La démarche d’investigation (et les risques que présenteraient ses dérives) que mène un enquêteur est bien décrite dans le passage ci-après d’un thriller à succès (Verdon, 2010, pp. 171-172). Il nous semble intéressant de relever dans cet extrait les mouvements multiples auquel le héros du roman procède dans son cheminement intellectuel, mouvement qui se déplace constamment de l’inductif au déductif, de l’intuition à l’observation. Ce que faisaient les bons détectives – ce que faisait le détective sur le seuil, Gurney n’en doutait pas –, c’était une sorte de va-et-vient inconscient entre les démarches inductive et déductive. Qu’est-ce que je vois ici, et quelle succession d’événements ces différentes données suggèrent-elles ? La clé, Gurney en avait acquis la certitude après bien des tâtonnements et des faux pas, c’était de maintenir un bon équilibre entre observation et intuition. Le plus grand danger résidait dans l’ego. Un enquêteur hésitant sur l’explication possible des éléments d’une scène de crime risquait de gaspiller du temps en n’orientant pas assez vite les efforts de son équipe dans une direction précise, mais le type qui savait au premier coup d’œil – et le clamait haut et fort –ce qui s’était passé dans une pièce éclaboussée de sang et qui mettait tout le monde sur les dents pour prouver qu’il avait raison pouvait finir par causer de très sérieux problèmes – le moindre étant le temps perdu. 2.5 Qualités d’une recherche « qualitative » Selon Groulx (1999, cité par Charmillot & Dayer, 2007), une recherche de qualité qui vise la « plausibilité » des données et la « crédibilité » des analyses doit respecter trois conditions. Si, dans une telle approche qualitative, le chercheur doit s’immerger dans le contexte pour comprendre les phénomènes dans toute leur finesse et leur complexité mais également pour interpréter « justement » la signification et le sens du discours des acteurs (condition 1) (voir Olivier De Sardan, 2008), il doit également se détacher suffisamment de façon à développer une analyse « neutre » de ce qui est observé (condition 2). Enfin, troisième condition, le chercheur doit « questionner ses interprétations par un retour constant à son matériel » (Charmillot & Dayer, 2007, p. 128) de même que d’éprouver les conclusions provisoires par de nouvelles données. 28 2.6 Exemples d’approche qualitative de la recherche En guise d’illustration d’une approche qualitative possible de la recherche, nous livrons ci- dessous le résumé d’une étude sur les pratiques professionnelles qui a porté sur un groupe restreint d’enseignantes : Cette contribution vise à rendre compte d’une avancée méthodologique réalisée dans le cadre d’une recherche doctorale qui a documenté les « manières de faire » l’évaluation formative des apprentissages de cinq enseignantes du primaire. La prise en compte de l’interaction entre les participantes lors des entretiens de groupe, effectuée à partir d’une thématisation du contenu discursif ainsi que d’une analyse de conversations, a en effet permis de dégager un cadre d’analyse susceptible d’éclairer différentes pratiques professionnelles. Ainsi ont été dégagés des conventions d’une culture professionnelle à partir des « manières de faire partagées », des routines et théories-en-usage singulières à partir des « manières de faire admises » et des accords pragmatiques qui montrent comment des praticiennes s’« arrangent » au quotidien avec certaines contraintes institutionnelles ou pressions sociales à partir des « manières de faire contestées ». Cette avancée méthodologique est donc tributaire de la posture interactionniste assumée dans le cadre de cette recherche (Morrissette, 2011, p. 10) 3. Complémentarité entre recherches, complémentarité entre approches Si la fonction de la recherche est unique et commune à toutes les recherches qualifiables de scientifiques (développer un corps de connaissance à partir de divers ensembles de recherches), la recherche comme processus et la recherche comme produit supposent de nombreuses approches, diversifiées et complémentaires. Et il est vain de vouloir établir une hiérarchie entre les diverses approches (De Ketele & Maroy, 2006, p. 225, nous soulignons). En sciences humaines et sociales en particulier, une recherche isolée est toujours une œuvre inachevée. Elle ne prend tout son sens que dans un ensemble plus vaste de recherches qui, dans un champ d’étude déterminé, concourent, par des résultats convergents, à dégager d’abord et à consolider ensuite des tendances. On parle parfois de triangulation séquentielle pour qualifier la démarche entreprise par les recherches qui sont conduites les unes après les autres afin de conforter une théorie. Ces recherches n’adoptent pas nécessairement la même méthodologie, le contraire, comme nous le verrons par la suite, est même souhaitable. Un devoir de grande humilité s’impose donc au chercheur qui ne peut, seul et de surcroît en une seule recherche, quelles qu’en soient ses qualités, aboutir à des résultats définitifs. De Ketele et Maroy (2006, p. 224) traduisent très bien, dans l’extrait qui suit, l’état forcément lacunaire d’une recherche isolée. La tentation, bien humaine, du chercheur qui veut à tout prix montrer que la conclusion de sa recherche est une conclusion incontournable n'est pas raisonnable, car c'est nier le principe de la réfutabilité et le fait que toute conclusion peut être contredite ou relativisée par les recherches ultérieures, comme le montre bien l'histoire de la science. Dans cinquante ans, quels sont les chercheurs de la moitié de notre siècle qui se souviendront encore des chercheurs qui ont contribué à cet ouvrage ? Il est peu probable qu'un seul d'entre nous passe à la postérité. Et 29 cependant, puisque la recherche est un processus qui se construit dans un temps très long et qui se fait autant par de nombreuses et minutieuses études très vite oubliées que par de rares études qui deviendront célèbres, il importe de reconnaître l'importance de ces chercheurs de l'ombre et de leurs travaux. C'est en grande partie grâce à eux et à leurs travaux que certains chercheurs et certaines études pourront être distingués et passer à la postérité. En outre, c’est bien souvent à partir de recherches méthodologiquement différentes que les tendances, un jour esquissées, sont progressivement consolidées ou écartées. On parle, à cet égard, de triangulation. L’approche par triangulation vise à conforter les résultats d’une recherche en multipliant les méthodes utilisées (diversité méthodologique), les chercheurs impliqués (diversité des points de vue) et les sources de données (diversité des données) (Quintin, 2008). Pour Olivier De Sardan (2008, p. 79-80), la triangulation est le principe de base de toute enquête. « Qu’elle soit policière ou ethnographique, il faut recouper les informations ! Toute information émanant d’une seule personne est à vérifier ; c’est vrai pour un alibi comme pour une représentation rituelle. Ceci semble relever du bon sens, et les historiens ont mis (en œuvre ce principe depuis longtemps ». 30 III. Démarche scientifique Quel que soit le paradigme adopté et quelle que soit la démarche ou l’approche appliquée, une recherche scientifique doit, en tout état de cause, répondre à une série de critères que nous abordons dans cette partie. Ces qualités sont d’abord envisagées de manière générale à partir de la notion d’entreprise scientifique (voir ci-après). Nous entrerons ensuite dans le détail des qualités intrinsèques dont doit ou devrait faire preuve tous types de recherches : validité et fidélité essentiellement. 1. Une recherche appréhendée comme une « entreprise scientifique » Au-delà des différences formelles et opérationnelles entre approches, dont le rattachement est certes bien utile à différents égards dont celui d’annoncer clairement la démarche adoptée, une approche, qu’elle soit quantitative, qualitative ou mixte, doit en définitive répondre à un critère incontournable, unanimement accepté dans la communauté des chercheurs. L’approche adoptée ne pourrait en effet être qualifiée de recherche si elle ne s’inscrivait dans une démarche scientifique. En somme, comme le font remarquer Huberman & Miles (1991, cités par De Ketele & Maroy, 2006), il n’est pas tant important de « choisir » entre une approche au dépend d’une autre mais de « faire de la bonne recherche ». Une recherche digne de ce nom s’apparente selon ces auteurs à une entreprise scientifique que De Ketele et Maroy (2006, p. 222) définissent comme une « tentative d'objectivation du réel soumise à un certain contrôle empirique et social, ce qui suppose une procédure transparente et méthodique ». Le but d’une telle entreprise scientifique est de faire progresser la connaissance d’une communauté sociale et d’augmenter les possibilités d’actions dont elle dispose pour modifier ou préserver l’existant. Les produits d’une telle entreprise sont donc les nouvelles connaissances produites à partir d’observations et d’actions sur le réel de référence de manière à « faire émerger des relations entre les phénomènes et donner du sens à des phénomènes particuliers » (op. cit., p. 223). Une recherche est une entreprise car, selon ces auteurs, elle : procède en agissant sur le réel pris comme référence (le « réel de référence »22) – non seulement regarder ou observer – en vue de réaliser un produit qui répond à un objectif spécifié ; suppose une organisation : de ressources humaines (ayant les compétences requises pour réaliser les objectifs poursuivis), des « objets » matériels ou immatériels sur lesquels on agit, des outils pertinents, des destinataires des produits construits (en l'occurrence dans la recherche scientifique: des connaissances produites) ; 22 Olivier De Sardan (2008) 31 développe (et s’inscrit dans) une culture déterminée. Une recherche est également scientifique dans la mesure où : son but est de produire de nouvelles connaissances obtenues selon une démarche rigoureuse, reconnue par une communauté de chercheurs ; elle produit en outre des résultats selon une démarche qui est explicitée (généralement par écrit, dans un article, un ouvrage, un rapport…) ; elle repose sur un certain nombre de critères parmi lesquels l’un des plus importants est probablement celui de répondre à la condition de réfutabilité (ou « falsifiabilité », terme proposé par Karl Popper, 1973) des propositions émises. Une recherche scientifique doit donc offrir la possibilité d’une réfutation de ses propositions ou de ses résultats, alors que les propositions ou résultats issus d’une recherche non scientifique ne permettent pas une mise à l’épreuve par les faits qui pourrait les réfuter (Van der Maren, 2003) ; elle nécessite des compétences (et donc une formation), des équipements, des outils d'observation et d'analyse, des organes de communication et de validation des produits de la recherche. 2. Les exigences d’une démarche scientifique rigoureuse Bien que nous détaillions ces notions dans les supports de cours consacrés à l’analyse de données quantitatives et qualitatives, nous présenterons d’emblée les deux critères de qualité auxquelles tend toute recherche scientifique dans les lignes qui suivent. Ainsi, deux exigences principales sont reconnues comme incontournables pour tous types de recherche scientifique, qu’elle s’inscrive dans une approche quantitative ou qualitative. Il s’agit des exigences de validité et de fidélité. 2.1 La validité D’une manière générale, la validité porte d’une part sur la qualité de la prise d’informations et, d’autre part, sur la qualité de la démarche adoptée par la recherche. Dans le premier cas, la validité d’une recherche indique que les outils adoptés pour « recueillir » les données, leur mise en œuvre et l’analyse des données permettent d’obtenir des résultats qui révèlent correctement le phénomène que le chercheur veut et déclare étudier. Ainsi, au cours d’un entretien, les réponses d’un sujet peuvent être influencées par le désir, souvent inconscient, de se présenter sous un jour favorable ou à apporter des réponses que le sujet imagine conformes aux attentes de l’interviewer. Ce biais, que l’on nomme désirabilité sociale, affecte la validité des données obtenues. 32 Dans le second cas, la validité désigne, de manière plus globale, la qualité de la démarche qui est adoptée, au niveau méthodologique, par la recherche. Se pose à ce niveau la question de la cohérence de la méthodologie qui est mise en œuvre pour répondre à la question de recherche ou pour tester les hypothèses (« Les moyens mis en œuvre permettent-ils effectivement de répondre à la question annoncée ou de tester l’hypothèse formulée ? ») et de l’analyse des données au sens général (« Au vu de l’analyse des données et de ses résultats, peut-on effectivement aboutir aux conclusions annoncées ? » ; « Les résultats et conclusions sont-ils bien attribuables aux facteurs mis en évidence ou peuvent-ils être attribués à d’autres facteurs ? »). Cette validité est une exigence de qualité pour évaluer les recherches inscrites dans une approche quantitative ou qualitative. Enfin, les chercheurs impliqués dans une approche quantitative utilisent le terme validité externe pour qualifier et évaluer la capacité de la recherche à généraliser les résultats obtenus à d’autres échantillons ou à d’autres contextes alors que les chercheurs « qualitatifs » accordent une importance plus grande à ce qu’on nomme la validité écologique, à savoir la proximité entre la situation étudiée dans la recherche et celles que l’on rencontre sur le terrain. Les deux concepts ont donc trait à la généralisation des résultats de l’étude, mais la validité externe, dans le droit fil de la logique propre à l’approche quantitative, repose plutôt sur la qualité de représentativité de l’échantillon, alors que la validité écologique fonde cette capacité de généraliser les résultats de la recherche qualitative sur la proximité entre les situations. 2.2 La fidélité La fidélité, parfois appelée fiabilité, traduit, d’une manière ou d’une autre, la stabilité des résultats (d’une recherche, d’un outil de collecte/production de données, d’une méthode d’analyse ou d’un instrument de mesure). La fidélité d’une recherche est élevée lorsque la réplication de la recherche aboutit à des résultats semblables. La fidélité d’un outil de recueil de données (questionnaire par exemple) ou d’un instrument de mesure (test d’intelligence par exemple) peut être vérifiée en répliquant la prise d’informations sur les mêmes sujets (test-retest) ou sur des groupes jugés équivalents. La fidélité de l’outil est élevée lorsque les données aboutissent à des résultats semblables. La fidélité d’une méthode de codage (observation par exemple) ou d’analyse (analyse de contenu ou thématique par exemple) se mesure généralement à partir de la fidélité inter-codeurs. On mesure la différence entre les résultats obtenus par plusieurs chercheurs indépendants. Si cette différence est faible, la fidélité de la méthode est considérée comme élevée. 33 IV. Du questionnement initial (QI) à la question de recherche (QR), les premières étapes essentielles d’une recherche 1. Une recherche, c’est avant tout une question que l’on pose Le but d’une recherche aussi humble soit-elle consiste à apporter un complément de connaissance à ce que l’on sait déjà (ou une rectification de ce que l’on croit savoir). Une recherche se cristallise ainsi autour d’une question à laquelle on veut apporter des éléments de réponse ou, à tout le moins, un certain éclairage. Au contraire de ce qu’on pourrait imaginer de prime abord, une « bonne » question ne surgit pas du tréfonds de son imaginaire. Tout à l’inverse, même si l’intuition ou la créativité – souvent nourries de multiples lectures, de longues réflexions et d’une bonne expérience – participent à l’élaboration d’une question de qualité, sa définition est très souvent le fruit d’un véritable travail d’élaboration, minutieux, systématique, souvent assez long et parfois fastidieux. Nulle doute que doté d’une bonne question, le chercheur a déjà parcouru une bonne partie du chemin, certainement l’une des plus délicates. L’inverse est malheureusement bien souvent rencontré : en l’absence d’une question judicieusement posée, la recherche perd d’emblée toute portée, celle-ci ayant été orientée dans une direction incertaine, confuse, imprécise, voire sans intérêt. A cet égard, nous pourrions avancer que la qualité principale d’une question de recherche, au côté de celles plus formelles en rapport à sa clarté ou à sa précision par exemple, est sa pertinence. La question de la pertinence peut se formuler en ces termes « Ma question me permettra-t-elle réellement, dans le temps imparti et avec les moyens disponibles (faisabilité), d’apporter des éléments de réponse qui, dans mon contexte d’étude, apporte une connaissance – aussi petite soit-elle, pour la communauté scientifique ou, le cas échéant, pour moi-même et mes pairs – en rapport à ce que d’autres avant moi ont entrepris ? ». 2. L’élaboration progressive d’une question de recherche Dans une démarche inductive propre à une approche qualitative de la recherche, il est conseillé que le chercheur parte à la découverte de son terrain avec un premier questionnement (questionnement initial, QI), même si ce celui-ci est, à ce stade de l’étude, large et ouvert. Dans ce mouvement inductif qui part de l’observation de « faits », ce premier questionnement sera immanquablement revisité au fur et à mesure que le chercheur apprend à connaître son terrain d’étude. Le but premier de cette phase exploratoire de la recherche est ainsi d’amener le chercheur à progressivement préciser son questionnement initial de manière à aboutir à une question de recherche, précise et opérationnelle, en phase avec la réalité du terrain et susceptible de traduire sa quête de compréhension du phénomène étudié. Dans une démarche hypothético-déductive propre à l’approche quantitative de la recherche, le chercheur élabore sa question de recherche, non pas à partir d’une première découverte du terrain, 34 mais à partir d’une analyse de la littérature qui le conduit à préciser, progressivement, sa première idée de question (questionnement initial). Dans bien des cas, la question de recherche à laquelle le chercheur aboutit est traduite en une ou plusieurs hypothèses que l’étude se destine à éprouver. 3. Problématiser sa question de recherche » Extrait de Depover (2009, en ligne) : L’élaboration de la problématique de recherche consiste à synthétiser la revue de la littérature […] en vue de mettre en évidence les débats, les divergences de points de vue ou d’interprétation qui existent au sein du champ conceptuel considéré afin de dégager précisément les éléments qui justifient la recherche que le chercheur se propose de réaliser. Que le chercheur soit impliqué dans une démarche déductive ou inductive, la question qu’il élabore à l’issue d’une analyse approfondie de la littérature (démarche hypothético-déductive) ou de l’exploration du terrain (démarche holistico-inductive) doit être confrontée à la littérature de manière à aboutir à une véritable question de recherche (QR) qui adopte un langage scientifique partagé par la communauté de recherche. Ce cadrage théorique permet à la fois d’élaborer une question de recherche mobilisant le vocabulaire adéquat (les concepts en vigueur dans la communauté scientifique) mais aussi d’inscrire la QR en regard des approches théoriques et méthodologiques du domaine traité. Pour qualifier cette étape de confrontation à la littérature, les auteurs parlent fréquemment de « problématique ». Problématiser son sujet de recherche c’est préciser, en regard de l’état de la connaissance que l’on peut déceler dans la littérature (les théories, les approches et les résultats déjà engrangés), l’écart entre ce que nous savons déjà d’un phénomène, souvent dans un contexte déterminé, et ce que nous nous proposons de découvrir. Ce « problème » posé doit ainsi se comprendre dans le sens d’un « manque » de compréhension et de connaissance relativement au phénomène choisi. Autrement dit, la problématique est la mise en perspective, le questionnement et l’articulation des éléments issus des travaux antérieurs menés dans le domaine (modèles, approches, concepts, résultats…) en vue de construire le « problème » auquel s’attaquera le chercheur et d’appuyer la manière dont ce problème sera traité. Une problématique se réalise donc à partir d’une revue et d’une analyse de la littérature. Elle ne peut s’envisager comme une simple synthèse de la littérature dans la mesure où elle tend à dépasser le simple recensement des écrits (point 1 ci-après) pour des objectifs propres à la problématique (points 2 et 3) : 1. Présenter un état de la connaissance sur le domaine (très large), sur la thématique (large) ou sur le sujet (restreint) abordé. En somme, répondre à la question « Où en sommes-nous ? » dans notre état de la connaissance scientifique. 2. Pointer, en regard de cet état des lieux, les lacunes, les zones d’ombres, les questions qui subsistent et qui justifient que l’on s’intéresse à la question de recherche (l’idée est donc de justifier et d’asseoir le choix de « son » sujet). 35 3. Relever si possible les débats et les divergences d’approches (théoriques et méthodologiques) entre les auteurs et se positionner par rapport à ceux-ci. En somme, dans la construction de sa problématique, l’auteur doit clairement montrer « en quoi sa recherche apporte quelque chose de nouveau, c’est-à-dire justifier l’intérêt de sa recherche » (Depover, 2009, en ligne). Exemple d’une problématique : extrait, en guise d’illustration (Quintin, 2008b) : Dans le champ de la psychologie sociale, de nombreuses recherches principalement expérimentales ont été menées sur la dynamique de travail en groupe restreint. Certaines d’entre elles se sont penchées spécifiquement sur les modalités d’accompagnement présentiel de sujets engagés dans une activité collective. Rappelons à titre d’exemple les recherches entamées à la fin des années trente par Lewin, Lippit et White (1938) sur les styles de leadership autocratique, démocratique et laisser-faire. En revanche, comme le soulignent Nielsen et al. (2005), très peu d’études empiriques ont porté en psychologie sociale sur le travail collectif à distance. Cette voie mériterait ainsi d’être examinée afin d’identifier les variables qui, dans ces conditions particulières, sont en relation avec l’efficacité des groupes restreints (ibid.). Dans le domaine de la recherche en formation à distance, certains travaux, peu nombreux cependant, se sont penchés sur les effets de l’accompagnement tutoral, ceux-ci étant appréciés sur l’accès aux aides (De lièvre, 2000), la perception du rôle des tuteurs (Gagné et al., 2001), (Heuer & King, 2004), le nombre et la nature des échanges entre les participants (Bernatchez & Marchand, 2005), la satisfaction ou la motivation (Gagné et al., 2001), (Pettigrew, 2001) ou encore les résultats individuels obtenus par les étudiants au terme de la formation (Quintin, 2005). À ce jour, les études se sont principalement focalisées sur la comparaison entre deux modalités d’intervention tutorale : proactive et réactive. Les résultats obtenus indiquent que la proactivité inciterait les étudiants à utiliser les aides disponibles (De Lièvre, 2000) et à augmenter le nombre de leurs interventions (Bernatchez & Marchand, 2005) et qu’elle permettrait d’obtenir de meilleurs résultats individuels (Quintin, 2005). Par la présente recherche, nous entendons, d’une part, confirmer les éléments antérieurement mis en évidence (Quintin, op. cit.) et, d’autre part, évaluer l’efficacité de cinq modalités d’intervention tutorale (MiT) appliquées dans le cadre d’une formation à distance. […] Le but de la recherche expérimentale dans laquelle s’inscrit cette étude est de comparer, par effet de contraste, l’impact sur l’apprentissage de cinq modalités d’intervention tutorale (MiT). Les MiT étudiées ont été élaborées en considérant les dimensions d’intervention qui, au vu de la littérature, participent à l’accompagnement tutoral, soit les composantes pédagogiques (P), socio-affectives (S) et organisationnelles (O). En complément de ces trois "MiT ciblées", deux modes d’intervention tutorale non ciblés ont été intégrés en guise de modalités de référence : une "MiT réactive" et une "MiT proac-tive non ciblée". Commentaires Dans la rédaction de cette problématique, l’auteur a mis en évidence (de manière très synthétique dans cet exemple issu d’un article relativement court) les éléments pertinents issus des recherches antérieures sur lesquels il s’appuie pour fonder son projet de recherche. La formulation retenue permet d’identifier les éléments sur lesquels la recherche s’appuie et qui sont détaillés dans la revue de la littérature ainsi que les lacunes dans la compréhension du phénomène que le projet de recherche se propose de combler. L’auteur annonce également qu’il se propose, pour rencontrer ses objectifs, de s’appuyer sur un plan de recherche déterminé, de type expérimental. 36 Même si globalement la problématique se présente de la même manière quelle que soit l’approche adoptée, quantitative ou qualitative, quelques nuances doivent néanmoins être apportées. Ainsi, comme l’indique Paillé (2004, p. 195-196), dans une démarche hypothético-déductive la recension des écrits relevés dans la problématique est relativement exhaustive et aboutit à des hypothèses très précises et fines alors que dans une démarche inductive propre à une recherche qualitative, « la conceptualisation de l’objet est toujours en partie, une affaire de terrain, d’examen in situ du matériau empirique. […] L’argumentation en forme d’entonnoir qui caractérise toute problématique se termine, dans le cas de la recherche qualitative, par un goulot relativement large ». 4. Question de recherche (QR) L’élaboration et la définition de la question de recherche (QR), accompagné le cas échéant d’hypothèses est la phase la plus sensible et la plus critique pour un chercheur. Ainsi, dans bon nombre de travaux réalisés par des étudiants menant pour la première fois un travail de recherche, un défaut d’articulation et de cohérence est observée entre, d’une part la manière dont est posée la question de recherche et, d’autre part : l’état des lieux et l’analyse des recherches menées dans le domaine (la littérature) ; le protocole de la recherche (ou la « méthodologie » dans son sens large) établie pour tenter d’apporter des éléments de réponses à la QR ou d’éprouver les H ; les résultats eux-mêmes que l’auteur met en évidence. A cet égard, la question de recherche représente en quelque sorte la pierre angulaire de l’ensemble de l’édifice. Sa formulation doit permettre d’en induire le projet dans son ensemble, le sujet principal ainsi que l’objet de recherche sur lequel porte l’étude. Elle fournit également le fil conducteur du rapport de recherche que le lecteur devra pouvoir clairement trouver tout au long de sa lecture. Comme le terme l’indique, la question de recherche se formule sous la forme d’une interrogation à laquelle le chercheur tient à apporter des éléments de réponse ou, à tout le moins, un éclairage. Elle se prête particulièrement bien à une recherche exploratoire s’inscrivant dans une démarche holistico-inductive. Dans cette démarche, elle se suffit à elle-même et ne doit pas nécessairement être accompagnée d’hypothèses de travail. Dans une démarche hypothético-déductive, il est fréquent par contre que le chercheur traduise son sujet sous la forme d’hypothèses. Dans cette situation, nous suggérons de les faire précéder malgré tout d’une question de recherche qui les englobe. Dans tous les cas de figure, une question de recherche, tout comme une hypothèse, doit être plausible et, à ce titre, être accompagnée d’un développement discursif qui indique qu’elle est 37 soutenue par la littérature et par les résultats engrangés par d’autres chercheurs ou encore que le chercheur a obtenu lui-même dans une phase préalable de sa recherche. A ce titre, nous dirons que la QR tout comme l’H doit être fondée. D’autres qualités sont également recherchées, parmi lesquelles, nous citerons : sa pertinence : son utilité en termes d’apport potentiel de connaissances ; son opérationnalité : la possibilité d’apporter effectivement des éléments de réponse en rapport direct avec la question qui est posée ; sa faisabilité : le réalisme de l’entreprise qu’implique la recherche d’éléments de réponse à la question posée ; sa lisibilité et sa précision : son caractère univoque, clair et concis (la QR doit, autant que possible, se suffire à elle-même ; même une question de recherche est très souvent plus « ouverte » qu’une hypothèse, elle doit permettre au lecteur d’obtenir tous les éléments de compréhension sur son projet de recherche). Dans une recherche qualitative, il n’est pas rare qu’une question de recherche (principale ou majeure) soit décomposée en questions plus spécifiques (ou sous-questions). Sorte d’équivalences aux hypothèses adoptées dans une approche quantitative en termes de précision, il faut néanmoins veiller, à formuler ces questions de recherche dites « spécifiques » de manière suffisamment ouverte de façon à permettre au terrain de révéler de nouvelles données. Comme le souligne Depover (2009, en ligne), « contrairement aux hypothèses de recherche, il ne s’agit pas ici de spécifier ce à quoi on s’attend mais de conserver un regard le plus ouvert possible pour ne pas courir le risque de passer à côté d’une donnée non prévue mais présentant néanmoins un grand intérêt pour la recherche qu’on a choisi de mener ». A partir de la question de recherche générale proposée par Miles et Huberman (1994/2003, p.75) « De quelle façon les personnes [enseignants] ont-elles redéfini, réorganisé ou réinventé le nouveau programme pour l’utiliser avec succès ? », on pourrait se poser des questions plus spécifiques, comme par exemple (entre parenthèses le type d’outil que l’on pourrait envisager pour collecter ou produire les données) : Quelles sont les particularités du nouveau programme en question en comparaison de celui que les enseignants appliquaient précédemment ? (analyse de documents) Quelle est la perception des enseignants du nouveau programme proposé ? (entretiens) De quelle manière les enseignants appliquent-ils le nouveau programme en classe ? (observation) etc. 38 5. Hypothèse (H) Une hypothèse est une affirmation temporaire mais précise que l’on pose sur la base des résultats de recherches antérieures, d’une théorie, d’affirmations argumentées, d’expériences ou d’observations antérieures menées sur le terrain. A partir d’une hypothèse le chercheur indique ce qu’il suppose rencontrer dans la réalité des faits qu’il observera ultérieurement. De même que pour une question de recherche, une hypothèse n’est pas le fruit de son imagination. Même si l’intuition et l’expérience du chercheur peuvent parfaitement contribuer à formuler une « bonne » hypothèse, celle-ci doit être « plausible ». Cette qualité doit être démontrée dans le rapport de recherche afin d’en convaincre le lecteur. Nous l’avons souligné (cf. problématique), pour assurer cette plausibilité, l’hypothèse sera présentée en lien avec une analyse argumentée de la littérature et/ou une présentation articulée de résultats que le chercheur a obtenu dans une phase préalable d’exploration du terrain. Ainsi, une hypothèse, comme une question de recherche, repose nécessairement sur une analyse de la littérature ou sur une analyse des résultats déjà obtenus sur le terrain étudié. Le terme « hypothèse » est avant tout associé à une démarche « hypothético-déductive ». En la posant on s’inscrit traditionnellement dans une démarche de recherche qui met en place un protocole (ou plan) de recherche qui est destiné à éprouver (vérifier, tester, valider…) l’hypothèse. Dans cette démarche, nous dirons que le « terrain vérifie » l’hypothèse et, par là, la théorie dont elle est issue. A cette fin, l’hypothèse sera confrontée aux résultats des observations menées sur le terrain, à partir des techniques de collecte et d’analyse des données (test, questionnaire, entretien, observation directe ou indirecte etc.). Elle se présente dans cette situation sous la forme d’une proposition affirmative qui met classiquement en relation deux variables. Dans une recherche quantitative, l’hypothèse doit être « réfutable » ou « falsifiable » par le chercheur lui-même mais également par d’autres après lui. Même si, pour notre part, nous sommes enclins à délaisser l’usage d’hypothèse(s) dans une démarche inductive au profit de la seule formulation de questions de recherche (quitte à les décomposer en une question de recherche principales et des questions spécifiques), certains chercheurs « qualitatifs » utilisent le terme « hypothèse » de manière à traduire sous une forme synthétique les résultats que le chercheur s’attend à retrouver dans son étude de terrain. Pour éviter les malentendus, nous suggérons dans ce cas d’adopter le terme hypothèse de travail ou pistes de recherche pour éviter les confusions possibles avec le terme hypothèse mobilisé dans une approche quantitative et les implications méthodologiques qu’elle engendre (plan expérimental). 39 V. Types de recherche empiriques en sciences de l’éducation23 Pour terminer, vous trouverez dans le tableau qui suit une proposition de classification des recherches habituellement rencontrées en sciences de l’éducation, réparties en cinq grandes catégories. Cette typologie vous est livrée à titre illustratif de manière à vous permettre de mieux situer votre recherche et ainsi d’en cerner quelques implications méthodologiques. Dans le droit fil de ce qui a été présenté dans ce texte, ces cinq classes de recherche peuvent être associées à une approche (quantitative ou qualitative) et une démarche (hypothético-déductive ou holistico-inductive) dotées d’outils de collecte ainsi que de techniques d’analyse de données privilégiées même si, nous le soulignons encore, ces choix n’excluent pas, bien au contraire, d’adopter des approches, des démarches et des outils complémentaires. Ainsi, une approche mixte de la recherche peut, par exemple, mobiliser, dans une première phase de l’étude, une démarche inductive permettant d’explorer le phénomène étudié à partir d’un terrain choisi et, ainsi, de préciser ou de consolider les premières questions et pistes de recherche (cf. étude de cas ci-après) , et, dans un second temps, envisager une approche quantitative inter-sites plus « classique » (cf. recherche quasi-expérimentale). L’inverse est tout aussi intéressant. Une recherche quantitative (temps 1) peut aboutir à des résultats dont une compréhension plus fine demande au chercheur de « retourner » sur le terrain afin d’y mener, par exemple, des entretiens ou des observations complémentaires (temps 2). Type de recherche Recherche expérimentale Manipulation, contrôle des variables, échantillonnage Manipulation d’au moins une variable indépendante et prise de mesures sur le/les variable(s) dépendante(s). Contrôle des autres variables susceptibles d’exercer une influence sur les mesures. Echantillonnage : Affectation aléatoire des sujets dans les groupes expérimentaux. 23 But Vérifier une théorie, opérationnalisée sous la forme d’hypothèses. Démarche et approche privilégiées hypothético déductive quantitative Types de techniques privilégiées test observation structurée questionnaire Mise en évidence de la présence ou l’absence de relations (causales ou non). analyse de traces Techniques qualitatives utilisées de manière complémentaire dans le but, par exemple, de mieux comprendre les résultats obtenus. Question prototypique posée : Quels sont les effets d’une modification apportée à telle variable (indépendante) sur telle variable (dépendante) ? Note Centration sur un nombre restreints de variables. A pour vocation d’aboutir à des résultats généralisables à un ensemble de contextes (savoir générique). Etude extensive Cette typologie est fournie à titre illustratif. Elle est inspirée du cours - librement accessible à l’adresse http://ute.umh.ac.be/methodes/partie1.htm#types - Méthodes et outils de recherche en sciences de l’éducation, rédigé par Christian Depover, professeur à l’université de Mons (2009) 40 Type de recherche Recherche quasi expérimentale Manipulation, contrôle des variables, échantillonnage Pas de manipulation de variable(s) mais « simple » mesure de celle(s)-ci. Echantillonnage occasionnel : pas d’affectation aléatoire des sujets dans différents groupes (on étudie les « groupes » tels qu’ils se présentent dans la « réalité » du terrain). Enquête à grande échelle (ou « survey ») Pas de manipulation de variable. But Démarche et approche privilégiées Ce type de recherche vise globalement les mêmes buts que la recherche expérimentale même si la moindre rigueur de ce plan de recherche ne permet pas d’aboutir à des résultats dotés d’une même puissance généralisatrice. hypothético déductive Obtenir l’état d’une « situation » à un moment T. Ni strictement hypothético déductive, ni strictement inductive, ce type d’études cherche à dresser un état des lieux relativement à un « phénomène ». Echantillonnage représentatif de la population étudiée (échantillonnage stratifié pondéré par exemple). quantitative Types de techniques privilégiées Idem : test observation structurée Ni manipulation, ni contrôle de variables Pas d’échantillonnage Recherche de solutions opérationnelles susceptibles de « transformer » l’état d’une situation et d’améliorer la connaissance sur ces transformations. Idem (voir remarque cicontre relative à la généralisation des résultats obtenus). questionnaire analyse de traces Techniques qualitatives utilisées de manière complémentaire dans le but, par exemple, de mieux comprendre les résultats obtenus. questionnaire sondage test Note : dans certains cas, des interviews sont également utilisées. quantitative Rechercheaction Note inductive qualitative Importance des techniques d’échantillonnage. Etude extensive observation participante observation libre entretien libre, généralement en groupe (focus group, TrainingGroup ou « TGroup »…). « La rechercheaction tente de les confronter pour mieux pénétrer la complexité : accroître le savoir par l’action et rendre l’action plus efficace par le savoir » (Pourtois et al., 2013, p. 27). Collecte et analyse systématique d’informations auprès d’échantillons très larges et représentatifs d’une population. Implication du chercheur dans la recherche de solutions. Résultats pas directement généralisables (savoir local), sauf si étude intersites (vers un savoir générique). Etude intensive 41 Type de recherche Etude de cas Manipulation, contrôle des variables, échantillonnage Ni manipulation, ni contrôle de variables. Pas d’échantillonnage But Mieux comprendre un phénomène, en profondeur (étude intensive). Démarche et approche privilégiées Types de techniques privilégiées (holistico-) inductive entretien (libre, structurée) qualitative observation (libre, structurée) Saisir les interrelations multiples et complexes entre les variables (holistique). … (y compris le recours complémentaire à des techniques quantitatives). Note N’a pas pour vocation première de généraliser les résultats en dehors des contextes étudiés (savoir local) sauf si étude inter-sites (vers un savoir générique). Etude intensive 42 Bibliographie Avenier, M., & Albert, M.-N. (2009). 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