Approches et démarches de la recherche en sciences de l`éducation

publicité
Master 1 en sciences de l’éducation et de la formation
Approches et démarches de la recherche en sciences de l’éducation
Support de cours
Jean-Jacques Quintin
MCF - Université Lumière Lyon 2
Juin 2013
Ce cours est strictement réservé à un usage privé aux étudiants inscrits en Master 1 à distance, en sciences de l’éducation et de la
formation, à l’université Lumière Lyon 2 ou à l’université de Rouen dans le cadre du campus numérique Forse. Cette cession temporaire
prend cours le 01 septembre 2013 et est valable pour une durée d’une année. Il est demandé de ne pas en diffuser son contenu, ni dans sa
totalité, ni en partie.
Sommaire
Introduction .............................................................................................................................. 1
Présentation du présent support de cours ................................................................................. 3
I. Le cadre épistémologique : paradigme et démarche adoptés dans la
recherche ........................................................................................................................... 5
1. Épistémologie, paradigme, approche, démarches : quelques définitions pour
commencer ................................................................................................................... 5
2. Adopter un paradigme de référence ............................................................................. 6
2.1 Le paradigme positiviste ....................................................................................... 7
2.2 Le paradigme constructiviste ................................................................................ 8
2.3 Paradigmes et construction de la connaissance scientifique ............................... 10
3. Suivre une démarche de recherche appropriée........................................................... 11
3.1 La démarche hypothético-déductive ................................................................... 11
3.2 Exemple d’une démarche hypothético-déductive de recherche .......................... 12
3.3 La démarche (holistico-)inductive ...................................................................... 14
3.4 Exemple de démarche holistico-inductive de recherche ..................................... 15
3.5 Démarche hypothético-déductive et holistico-inductive : points de
comparaison ........................................................................................................ 17
II. Approches qualitative et quantitative dans les recherches empiriques ........................... 19
1. Approche quantitative ................................................................................................ 21
2. Approche qualitative .................................................................................................. 23
2.1 Le travail et l’importance du questionnement..................................................... 25
2.2 Savoir local et savoir générique .......................................................................... 26
2.3 L’itération caractéristique de l’approche qualitative .......................................... 27
2.4 Petit détour analogique : l’enquête policière....................................................... 28
2.5 Qualités d’une recherche « qualitative » ............................................................. 28
2.6 Exemples d’approche qualitative de la recherche ............................................... 29
3. Complémentarité entre recherches, complémentarité entre approches ...................... 29
III. Démarche scientifique .................................................................................................... 31
1. Une recherche appréhendée comme une « entreprise scientifique » ......................... 31
2. Les exigences d’une démarche scientifique rigoureuse ............................................. 32
2.1 La validité ........................................................................................................... 32
2.2 La fidélité ............................................................................................................ 33
IV. Du questionnement initial (QI) à la question de recherche (QR), les
premières étapes essentielles d’une recherche ................................................................ 34
1. Une recherche, c’est avant tout une question que l’on pose ...................................... 34
2. L’élaboration progressive d’une question de recherche............................................. 34
3. Problématiser sa question de recherche ..................................................................... 35
4. Question de recherche (QR) ....................................................................................... 37
5. Hypothèse (H) ............................................................................................................ 39
V. Types de recherche empiriques en sciences de l’éducation ............................................ 40
Bibliographie.......................................................................................................................... 43
Index
A
Approche (de la recherche), 5
C
Constructiviste (paradigme), 9
D
Démarche, 5
Données, 19
E
Epistémologie, 5
F
Fidélité, 33
H
Holistique (démarche holistico-inductive), 15
Hypothèse, 39
Hypothético-déductive (démarche), 12
I
Idiographique (recherche), 23
Inductive (approche, démarche), 14
Itération (concrète ou abstraite), 27
N
Nomothétique, 8
P
Paradigme, 5
Positiviste (paradigme), 7
Problématique, 35
Q
Qualitative (analyse), 24
Question de recherche, 37
R
Relativisme, 9
S
Savoir générique, 26
Savoir local, 26
Scientifique (entreprise), 31
Subjectivisme, 10
T
Triangulation, 30
Types de recherche empirique, 40
V
Validité, 32
Validité écologique, 33
Validité externe, 33
Introduction
La recherche en éducation vise, comme toutes recherches scientifiques, à produire de nouvelles
connaissances. En cela, comme le souligne Jean-Marie Van der Maren (1996), elle vise
immanquablement à mettre en doute, à questionner, voire à bousculer nos idées acquises, nos
inévitables certitudes ; celles qui sont issues de nos expériences quotidiennes, de nos « croyances » en
lien avec nos valeurs (nous voulons croire parce que c’est bien) mais aussi celles qui nous sont
transmises par ces auteurs « qui font autorité »1, œuvre nettement plus rare mais néanmoins salutaire.
En somme, nos recherches, aussi humbles soient-elles, ont le devoir de « transgresser »2 les
connaissances acquises. Entendons-nous, dans la situation d’un chercheur novice, il s’agit avant tout
de dépasser ses connaissances personnelles ainsi que celles partagées par son entourage immédiat. Ce
but, contestataire si l’on peut dire, ne doit pas non plus amener le chercheur à produire une
connaissance elle-même érigée en vérité absolue. Ainsi, le chercheur est un être qui doute des acquis
engrangés par sa communauté de référence, mais aussi, et plus que tout, de ces propres certitudes ainsi
que par les résultats qu’il obtient. Un autre risque que rencontre particulièrement le « jeune »
chercheur réside dans une motivation forte à produire des résultats totalement originaux. Outre le
caractère présomptueux de cet objectif et les déconvenues auxquelles le chercheur novice se prête
ainsi, ce but n’est que rarement atteint en sciences humaines et sociale. Humilité oblige, l’important
est de produire des connaissances aussi réduite soit-elle et d’apporter ainsi sa (petite) pierre à l’édifice.
Rassurez-vous, « il n’est pas possible de ne pas produire de connaissances ». Reste à savoir si cette
connaissance est scientifiquement acceptable. C’est l’objet de nos formations de vous aider à y
arriver.
Le scepticisme, le doute et l’humilité, ne suffisent pas à convertir un « être pensant » en
« chercheur » scientifique. Comme l’illustre les quelques témoignages ci-après, recueillis par
l’université de Montréal3, le chercheur doit faire preuve de multiples qualités parmi lesquelles sont
souvent citées celles d’être certes méthodique et rigoureux – c’est l’objet de ce cours et de tous ceux
relatifs à la méthodologie de la recherche de vous sensibiliser à leur importance – mais aussi de se
montrer créatif, imaginatif et, oui, un peu rebelle aussi. Vous le lirez ci-après, selon les répondants, ce
chercheur est parfois également perçu comme un explorateur, à la recherche de nouvelles contrées ou
comme un détective, en quête d’indices. Que de belles perspectives !
1
2
3
Voir à cet égard l’article intéressant d’Anne Kupiec (2006). La construction de la vérité scientifique », BBF, n° 3, p. 9394, disponible en ligne http://bbf.enssib.fr/ [Consulté le 18 juin 2013]
Dans le sens d’aller au-delà du lieu commun, de l’évidence, de ce qui paraît naturel, établi et consensuel.
Université
de
Montréal,
Rubrique
Recherche
–
Nos
chercheurs,
disponible
en
ligne :
http://www.nouvelles.umontreal.ca/recherche/nos-chercheurs/quest-ce-quun-chercheur.html [Consulté le 17 Juin 2013]
1
Qu'est-ce donc qu'un chercheur ?
Université de Montréal. (2009). Qu’est-ce qu’un chercheur ? [Vidéo disponible en ligne sur
http://www.youtube.com/watch?v=Jqz4lpummCM, consultée le 17 Juin 2013]
« La science, c'est aussi une affaire d'idées, de créativité et de méthodes qui dépendent beaucoup
des hommes et des femmes qui la font […] Afin de dissiper l'aura de mystère qui flotte autour de
l'activité scientifique, Forum a posé la question suivante à cinq chercheurs [ci-après R1 à R5]
renommés de l'UdeM [Université de Montréal] : qu'est-ce qu'un chercheur ? »
R1 : « Un chercheur, c'est une personne à la recherche de nouvelles connaissances comme
l'explorateur de jadis était à la recherche de nouveaux horizons et de nouveaux mondes […]
R2 :
Être chercheur est une façon de penser et d'agir. […] [Le chercheur] est avant tout
curieux, créatif et un peu rebelle. Rebelle en ce sens qu'il lui faut parfois remettre en question des
choses qui semblent évidentes. En recherche, rien ne doit être tenu pour acquis.
R3 :
La démarche du chercheur s'apparente un peu à celle du détective. Devant un
problème, il doit émettre des hypothèses et s'interroger sur la meilleure méthodologie à utiliser pour
les démontrer ou les infirmer. Comme le détective, il doit, après l'analyse des données, parfois
retourner en arrière pour explorer d'autres pistes afin de pouvoir expliquer le phénomène à l'étude.
C'est donc quelqu'un qui accepte les bifurcations.
R4 :
Pour moi, un chercheur, c'est un curieux obsessionnel. Un curieux parce qu'il s'agit de
quelqu'un qui ne se satisfait pas de ce qu'on sait déjà et qui essaie d'en apprendre davantage […] Dans
cette optique, le chercheur doit forcément posséder un grand bagage d'informations, notamment pour
ce qui est des théories, des concepts et des constats de ses prédécesseurs. En recherche, on ne construit
pas sur rien. Au contraire, on bâtit à partir de ce qui existe déjà.
R5 :
Un chercheur, c'est quelqu'un qui travaille essentiellement à l'avancement des
connaissances et des savoir-faire. Dans chaque domaine, la recherche doit intégrer l'état des
2
connaissances actuelles mais également la technologie et les procédés qui s'offrent aux chercheurs
pour répondre aux questions qu'ils se posent ».
Présentation du présent support de cours
Le texte qui suit s’adresse aux chercheurs qui s’engage dans une étude que l’on peut qualifier
d’empirique dans la mesure où les éléments de réponse qu’il tente de trouver aux questions qu’il se
pose se fonde sur des faits observés sur son « terrain » d’investigation. Nous devrions dire « se fonde
en partie sur des faits observés » car ce type de recherche ne peut faire l’économie du mouvement,
inévitable nous semble-t-il, entre les faits observés et analysés (son terrain d’étude) et : d’une part, les
résultats engrangés par d’autres chercheurs du domaine et, d’autre, part la « théorie » scientifique qui
permet de « faire sens » aux résultats obtenus.
Résultats
antérieurs
Théorie
Terrain
Même si la fonction que prennent ces trois pôles dans le travail de recherche dépend du « type »
d’étude empirique adopté – rôle qui varie selon la démarche et l’approche adoptées ainsi que d’après
le paradigme de référence – une confrontation entre résultats obtenus (« terrain »), théorie et résultats
antérieurs est très souvent4 requise à un moment déterminé du cheminement emprunté dans la
recherche.
Se limiter à relayer et à questionner la théorie, revient à placer son étude dans le champ des
recherches théoriques qui vise à produire des énoncés théoriques à partir de l’analyse et la critique
argumentée d’autres énoncés théoriques. Son propos n’est pas de confronter ces énoncés aux « faits ».
Ces recherches sont indispensables à l’avancement des connaissances, mais ce ne sont pas des
recherches empiriques
Se limiter à relayer et à questionner les résultats obtenus antérieurement par d’autres recherches
revient à placer son étude dans le champ de la revue de la littérature (empirique). Même si elle est
indispensable dans votre recherche, cette dernière ne peut se contenter d’analyser les résultats obtenus
antérieurement dans votre domaine d’étude.
4
Cette confrontation est recommandée même si certains chercheurs adoptent – de manière légitime nous le pensons - une
approche qui se fonde exclusivement sur les « faits observés ».
3
Se limiter à étudier son (ou ses) terrains en vase-clos est théoriquement acceptable dans une
recherche empirique et même revendiqué par d’aucuns5. Cependant, cette posture n’est pas conseillée
dans votre formation car elle vous priverait 1) de l’ancrage de votre démarche (questionnement et
méthodologie) dans une approche confortée par d’autres auteurs et 2) d’une confrontation de vos
résultats avec ceux obtenus par d’autres études (partie d’un rapport de recherche fréquemment intitulée
« Discussion »).
» Notre position : Il s’agit à tout le moins d’éviter que votre étude fasse l’objet des critiques
formulées en son époque par l’école de Chicago à l’encontre de certaines recherches,
critiques que Anne Laperièrre (1982, p. 32) présente comme un regrettable « divorce entre
la recherche théorique et la recherche empirique, [l’école de Chicago] reprochant à la
première son absence de références empiriques systématiques et à la seconde, la pauvreté de
ses raccordements théoriques ».
Le présent document est destiné à vous offrir un cadre théorique qui vous permettra de situer et
de positionner votre étude dans une approche cohérente ainsi qu’à vous aider à élaborer votre
démarche de recherche.
5
Il s’agit souvent de chercheurs confirmés qui disposent par ailleurs de références théoriques solides.
4
I.
Le cadre épistémologique : paradigme et démarche adoptés dans la recherche
» Cette partie est amplement développée dans le premier chapitre du cours de licence (Desmet,
H., Lescouarch, L. & Pourtois, J.-P. (2009). Méthodes qualitatives, Cours, Campus Forse,
Cned, Université Lyon 2, Université de Rouen). Sa lecture ou relecture attentive constitue un
préalable précieux à ce cours de niveau Master 1.
1.
Épistémologie, paradigme, approche, démarches : quelques définitions pour commencer
» L’épistémologie, une branche de la philosophie des sciences, est la théorie de la science et
concerne plus particulièrement les méthodes de construction et de validation de la
connaissance. Selon Nadeau (1999, p. 209), elle « étudie de manière critique la méthode
scientifique, les formes logiques et modes d'inférence utilisés en science, de même que les
principes, concepts fondamentaux, théories et résultats des diverses sciences, afin de
déterminer leur origine logique, leur valeur et leur portée objective ». Elle conduit à se poser
des questions telles « Qu’est-ce que la connaissance ? » (Gnoséologie) ; « Comment se
constitue-t-elle ? » (Méthodologie) ; « Comment évaluer sa valeur ou sa validité ? » (Pour
plus de détails, voir Pesqueux, 2010)
» Selon Kuhn (1962, cité par Raynal & Rieunier, 2003, p. 260), un paradigme représente « un
ensemble de croyances, de valeurs reconnues et de techniques qui sont communes aux
membres d’une groupe donné ».
» Par approche « il faut entendre […] une façon de concevoir et d'aborder les composantes ou
les étapes de la recherche » (De Ketele & Maroy, 2006, p. 225, nous soulignons).
»
Nous utiliserons le terme démarche dans un sens plus général que celui d’approche pour
désigner le « mouvement » générale de la recherche, soit essentiellement déductive lorsque
la recherche vise à vérifier une théorie par l’entremise des hypothèses que l’on pose au
préalable (démarche hypothético-déductive), soit globalement inductive quand le chercheur
participe à la construction de nouvelles connaissances scientifiques en partant des « faits »
observés sur le terrain d’étude.
Si l’on convient aisément que, pour conduire son étude, un chercheur doit forcément suivre des
étapes et, par-là, adopter – de manière consciente on peut l’espérer – une démarche déterminée, une
inscription éclairée et consciente dans un paradigme est loin de constituer la règle générale. Or, situer
sa recherche dans un paradigme – d’inspiration positiviste ou constructiviste par exemple – présente
des avantages indéniables. Nous citerons d’abord celui de la transparence vis-à-vis des lecteurs : même
si le paradigme du chercheur est rarement explicité dans ses écrits, il devrait néanmoins pouvoir
s’induire de l’approche décrite par l’auteur du texte. Avoir clairement conscience du paradigme dans
5
lequel s’inscrit l’étude présente un autre avantage, tout au bénéfice de la qualité de la recherche.
Assumer un paradigme ou un autre permet en effet à la fois de garantir une meilleure cohérence de la
démarche adoptée et surtout d’en fixer la portée. Ainsi, nous verrons dans la suite de ce texte que le
positivisme, né des sciences de la nature, vise à établir des lois et des principes généraux, valables
pour l’ensemble des éléments-phénomènes d’une classe ; que pour les « trouver » il s’agit d’appliquer
des méthodes rigoureuses appliquées sur une réalité unique qui transparaît à travers des relations
stables entre des faits objectifs et que les sujets impliqués sont soumis aux lois et principes généraux
qu’il s’agit donc de « découvrir ». A l’inverse, pour les tenants du paradigme constructiviste les
« faits » dont rend compte la recherche ne peuvent être dissociés de l’observation et des
représentations ou des perceptions de l’observateur. La réalité est complexe et se présente sous des
formes diverses, voire, pour certains, n’existe pas isolément de ceux qui la vivent et la perçoivent. La
prise en compte de cette relativité induit l’acceptation de lectures diverses et l’application de
démarches de recherche qui prennent « plus largement en compte la complexité des situations, leurs
contradictions, la dynamique des processus et les points de vue des agents sociaux » (Desmet et al.,
2009, p. 12).
Adopter un paradigme de recherche c’est aussi s’affilier à une école de pensée, en adopter ses
valeurs, ses traditions et, dirions-nous, ses us et coutumes. C’est aussi s’inscrire in fine dans une
communauté scientifique dont on accepte un préalable contractuel rarement explicité : son paradigme
de référence. Inévitablement, le rapport au paradigme a un caractère social mais aussi affectif comme
l’illustre l’anecdote narrée par Nuttin (1980, cité par Raynal & Rieunier 2003, p. 261) :
Pour l'auteur de ces lignes [c’est Nuttin qui écrit], une expérience du début de sa carrière lui
est restée comme illustration du veto scientifique contre l'interprétation cognitive dans
certains milieux académiques. Lorsqu'en 1941 – le temps n'était pas encore aux théories
cognitives – il apportait sa dissertation doctorale à un membre de la commission d’examen,
une conversation s'engagea entre le professeur et le candidat sur les résultats de ses
expériences au sujet de l'interprétation de la loi de l'effet. Le professeur qui, au cours d’un
séjour aux États-Unis, avait travaillé quelque peu avec Thorndike [l’un des pères du
béhaviorisme], manifestait un attachement affectif à l’interprétation orthodoxe de la loi.
Apprenant que les résultats du jeune candidat l’avaient amené à proposer, à l'encontre de
Thorndike, une explication cognitive de l’influence de la récompense, le professeur, indigné,
refusait d’admettre le caractère scientifique d’un tel travail et, avant d'y avoir jeté un coup
d’œil, déclarait qu'il serait de son devoir de le « démolir ». Perspective peu encourageante
pour un candidat !
2.
Adopter un paradigme de référence
» Avertissement : Tout comme dans la situation où un auteur est invité à synthétiser les
singularités d’une approche, d’un courant, voire d’une école de pensée, un paradigme qu’il
soit constructiviste, positiviste ou autre, ne constitue aucunement un corps unifié. Différents
courants, conceptions, sensibilités, le traversent. En présenter les traits caractéristiques est
une œuvre simplificatrice. Le texte qui suit constitue certainement une synthèse un peu
6
simplifiée des vues des théoriciens se déclarant de l’un ou de l’autre des deux paradigmes
présentés.
2.1
Le paradigme positiviste
Développé essentiellement par Auguste Comte, le cadre épistémologique positiviste a
longtemps dominé les sciences à partir de la seconde moitié du XIXème siècle. A cette époque, la
science est envisagée comme un ensemble de connaissances et d’études « d’une valeur universelle,
caractérisées par un objet et une
méthode
déterminés, et fondés
sur des relations objectives
vérifiables » (Rey & Rey-Debove, 2002, cités par Nguyên-Duy & Luckerhoff, 2007, p 13, nous
soulignons). Dans ce cadre épistémologique, les chercheurs fixent à la science le but de découvrir les
lois qui régissent les rapports, stables, entre les phénomènes et qui en autorisent leur prédiction ainsi
que leur explication.
Fondées sur l’expérimentation scientifique, les recherches qui s’inscrivent dans ce paradigme
répondent à des critères « précis de rigueur, d'objectivité, de quantification et de cohérence » (ibid.)
dans le but « d'expliquer les phénomènes et de formuler les lois qui les régissent » (idid., nous
soulignons). Selon ce paradigme, c’est en formulant et en testant différentes hypothèses, à la recherche
de régularités, que le chercheur découvrira cette réalité (D’Amboise, 1996).
Le rapport à ce réel distingue le positivisme d’autres paradigmes comme le constructivisme.
Relayant les propositions de Avenier et Thomas (2011), nous pouvons considérer que les hypothèses
épistémologiques fondatrices sur lesquelles repose historiquement le positivisme se présentent, à cet
égard, de la façon suivante :
1)
Le « réel » a une essence unique, indépendante de l’attention que peut lui porter un
observateur qui la décrit.
2)
La « réalité sociale » est extérieure à l’individu.
3)
Le « réel » est régi par des lois naturelles universelles immuables, dont beaucoup prennent
la forme de relations : « à chaque fois que A alors B » (ibid. p. 6).
Comme le soulignait, dès la fin du XIXème siècle, Halleux (1896), les positivistes ont
indubitablement rendu services « aux hommes de sciences en leur rappelant la nécessité d’avoir
recours à la méthode expérimentale, et en mettant l’esprit humain en garde contre les théories a
priori ». En réaction aux théories spéculatives qui ne s’appuient que sur la raison, indépendamment de
l’expérience des faits, « le positivisme nie toute évidence qui ne se dégage pas immédiatement des
données de l’expérience : ce qui est constaté est seul certain ». Pour Desmet et al. (cf. cours de licence
Forse, 2009), cette approche nomothétique de l’élaboration de la connaissance fut effectivement
salutaire par sa volonté de rigueur susceptible d’aboutir à une « épistémologie scientifiquement
7
éprouvée » (idid, p. 12) s’écartant des approches aboutissant aux affirmations trop théoriques car trop
détachées de l’observation des faits (i.e. théories dites « spéculatives »).
» Nomothétique se dit d’une science ou d’une discipline « dont l'objet et la méthode permettent
d'établir des lois générales ou universelles, représentées par des relations constantes entre les
phénomènes observés » (CNTRL, en ligne)6.
Pour Auguste Comte en effet, on ne peut accepter pour vrai que ce qui a été démontré
scientifiquement par l’analyse de faits observés. Cette position est celle adoptée par un ensemble vaste
de courants de recherches pour lesquels une théorie ne peut se construire en dehors des faits, voire,
pour lesquels « seuls les faits comptent » (par exemple, le pragmatisme américain, à l’origine avec
l’interactionnisme, de la théorie ancrée plus récemment). La manière préconisée par A. Comte pour
mener cette démonstration scientifique en sciences humaines et sociales est, par contre, sujette à
discussion. Ainsi, pour le philosophe rationaliste les phénomènes sociaux, quoique d’une complexité
extrême, doivent être étudiés de la même manière que les phénomènes physiques. Cette affirmation
radicale, encore associée au positivisme historique, a été, par la suite, fortement remise en cause.
2.2
Le paradigme constructiviste
Même si le monde (ou ses « morceaux ») est au sens propre in-connaissable, en dernière
instance opaque ou incertain, et philosophiquement inaccessible comme réalité externe, les
sciences sociales reposent sur un pari : « malgré tout », le monde peut-être l’objet d’une
certaine connaissance raisonnée, partagée et communicable (Olivier de Sardan, 2008, p. 8).
Dans le cours de licence (Desmet et al., 2009, p. 12), vous avez découvert les critiques que
certains chercheurs avancent à l’encontre du paradigme positiviste, du moins vis-à-vis d’une
épistémologie radicale du positivisme telle qu’elle peut être adoptée dans les recherches en sciences
humaines et sociales. A cet égard, les auteurs de cours soulignent en particulier que :
les « faits » sur lesquels se fonde l’expérience scientifique ne peuvent être dissociés des
conceptions, des représentations ou des perceptions qui sont associées à l’observation des
« faits »
Les « faits » observés seraient donc a minima altérés par la perception et les (pré-)
représentations du chercheur amené à choisir, sélectionner, privilégier, transcrire et interpréter le
matériel « recueilli » (ou, dirait les tenants d’un paradigme constructiviste, directement « produit » par
l’observateur).
Pour ces auteurs, l'acceptation de la relativité des « faits » va rendre possible des lectures
diverses et autoriser une approche plus riche de la « réalité » et va « susciter la mise en œuvre d'une
démarche prenant plus largement en compte la complexité des situations, leurs contradictions, la
dynamique des processus et les points de vue des agents sociaux » (ibid.).
6
CNTRL, disponible en ligne : http://www.cnrtl.fr/definition/nomoth%C3%A9tique [Consulté le 24 Août 2012]
8
Ainsi, tout au long du XXème siècle, le paradigme positiviste s’est vu l’objet de critiques et s’est
vu contester sa situation de monopole. Sont alors apparues des alternatives épistémologiques parmi
lesquelles nous retiendrons tout particulièrement le constructivisme sur laquelle se fonde des
chercheurs de plus en plus nombreux en sciences humaines et sociales.
Le paradigme constructiviste peut se comprendre à partir de la notion de relativisme et de celle
de subjectivisme, qui lui est complémentaire.
Le relativisme indique que, pour les tenants de ce paradigme épistémologique, nous ne pouvons
accéder directement au réel. Ce qui « est connaissable » se limite à « l’expérience du réel » et l’on ne
pourra jamais être certain que ces expériences recouvrent rationnellement un réel, si tant est qu’il
existe indépendamment de ceux qui l’observent (Avenier & Thomas, 2011). Ce qu’on appelle
« réalité » dans le sens habituel du terme est donc envisagé à tout le moins comme des « réalités
perçues ». Ainsi, comme nous ne percevons pas forcément les mêmes choses de la même manière, ces
« réalités » sont multiples. La démarche scientifique intervient dans ce contexte aux fins de construire,
avec rigueur, une connaissance « rationnelle » reconnue et partagée par une communauté sociale (la
communauté scientifique et, à partir de cette communauté, la société civile).
A cet égard, on utilise souvent le terme d’objectivation qui met l’accent sur la rigueur de la
démarche et sur la rationalité de l’entreprise scientifique ainsi que sur celui d’intersubjectivité quand
on désire placer la focale sur le caractère « partagé » de la démarche, des outils et des connaissances
élaborées au sein d’une communauté.
La question de savoir si un réel existe indépendamment de l’observateur est certes débattue
parmi les constructivistes mais ne remet pas en cause les fondements, méthodologiques du moins, de
ce paradigme.
Ainsi, pour certains chercheurs comme Olivier de Sardan (2008), il existe bel et bien un « réel
de référence » relativement et partiellement connaissable par la recherche scientifique. L’auteur ajoute,
pour lever toute ambiguïté de ses positions avec celles défendues par le positivisme que :
L’hypothèse réaliste, qui postule l’existence d’un réel de référence relativement et
partiellement connaissable par l’enquête, ne doit pas être confondue avec l’illusion réaliste,
qui croît en un accès direct et objectif à ce réel de référence, et oublie que ce dernier est une
construction sociale. L’illusion réaliste est l’expression de la posture positiviste classique
(ibid., p. 9).
Pour d’autres, « il n’existe pas de réalité objective, mais de multiples réalités socialement
construites » (Avenier & Thomas, 2011, p. 10). A la limite, il y aurait de ce fait autant de « réalités que
d’individus différents, à moins qu’ils ne partagent le même schème d’interprétation de la réalité »
(d’Amboise, 1996, p. 15).
Enfin, certains chercheurs ne se prononcent tout simplement pas, soutenant que ce qui est
important en définitive c’est la question de la construction rationnelle d’une connaissance partagée.
9
En somme, pour les chercheurs constructivistes, l’essentiel se cristallise autour de la question du
schème d’interprétation « partagé » dont parle d’Amboise et qu’il s’agit pour le chercheur de
découvrir. Élaboré de manière rationnelle, ce schème doit rendre compte d’un même « réel de
référence », tout en acceptant l’inévitable relativisme qui caractérise cette entreprise.
Enfin, pour les chercheurs qui se positionnent dans un paradigme constructiviste, le sens se
construit par le sujet observant dans la relation qu’il entretient avec le sujet observé. Ce subjectivisme
ne doit pas être confondu avec le relativisme dont on a parlé ci-avant (le relativisme spécifie une
relativité de perception et d’interprétation, variables selon le sujet observateur). Il renvoie plutôt à
l’idée d’un chercheur nécessairement sujet à part entière de la relation qu’il établit, dans sa quête de
compréhension, avec les acteurs de terrain. Elle s’oppose à la conception positiviste de sujet neutre,
« en dehors » de la relation et, à ce titre, cherchant à ne pas l’influencer dans sa quête d’objectivité
» objectivité : « qualité de ce qui donne une représentation fidèle de la chose observée, voire
qui « existe en soi », indépendamment du sujet pensant » (CNTRL, nd)7
2.3
Paradigmes et construction de la connaissance scientifique
Pour les tenants d’un positivisme strict, la connaissance est issue de la vérification d’hypothèses
qui aboutit à la découverte de principes ou de lois d’ordre général. Plus prudents, les post-positivistes
considèrent que la connaissance s’élabore à partir d’hypothèses non réfutées (mais réfutables) qui
peuvent être considérées comme des lois probables (jusqu’à leur réfutabilité).
Les constructivistes par contre estiment que la connaissance relève d’une « construction » par
rapport auxquelles les scientifiques « savants » ont tendance à s’accorder (consensus). Ces
« constructions » sont sujettes à une révision continue (Guba & Lincoln, 1994, p. 114).
Axiome sur
Quelle est la
nature ou le
statut de la
« réalité » ?
(ontologie)
Paradigme positiviste
Une réalité connaissable
existe. Elle s’explique par
des lois et par des
mécanismes naturels et
immuables (réalisme
naïf)
Comment
Les connaissances
appréhender
« découvertes » sont
cette réalité ?
vraies (objectivité)
(épistémologie)
7
Paradigme postpositiviste
Paradigme constructiviste
Une réalité connaissable
existe mais ne peut être
appréhendée que de
manière partielle et
probabiliste (réalisme
critique)
Les réalités sont locales,
socialement construites,
(relativisme)
Les connaissances
« découvertes » ne sont
que « probablement »
vraies (objectivité).
La réalité est unique mais
souvent dissimulée sous
des relations complexes
et des variables multiples
Les connaissances sont
co-construites
(intersubjectivité).
La connaissance est
construite d’après les
expériences et les
interactions entre les
individus et
CNTRL, disponible en ligne : http://www.cnrtl.fr/definition/objectivit%C3%A9 [Consulté le 18 juin 2012]
10
Quelles
démarches et
techniques
adopter pour
appréhender
cette réalité ?
(méthodologie)
qui empêchent d’obtenir
des réponses aisées,
uniques et pleinement
satisfaisantes
l’environnement
Manipulation et contrôle
de variables (plan
expérimental)
Manipulation et contrôle
de variables (plan
expérimental)
Non manipulation, ni
contrôle de variables
Vérification d’hypothèses
« Falsification »
d’hypothèses
Recherche de relations
causales
Principalement des
techniques quantitatives
sur des données
quantitatives
Techniques quantitatives
ou qualitatives sur des
données quantitatives ou
qualitatives
Etude en contexte (plan
écologique)
Questionnement-question
de recherche (pas de
vérification ou de mise à
l’épreuve d’hypothèses)
Principalement des
techniques qualitatives
sur des données
qualitatives (mais
également des techniques
quantitatives sur des
données quantitatives)
Tableau 1 : Positions des paradigmes positiviste, post-positiviste et constructiviste, adaptés de Lincoln & Guba
(1994) et Lincoln, Lynham & Guba (2011)
3.
Suivre une démarche de recherche appropriée
3.1
La démarche hypothético-déductive
Historiquement, la démarche hypothético-déductive a été longtemps associée au paradigme
positiviste. Ceci s’explique en grande partie par leur origine. Il est important de garder à l’esprit en
effet que le positivisme et la démarche hypothético-déductive sont issus des sciences de la nature
(physique, chimie, biologie…) et qu’ils ont représenté par la suite, durant la majeure partie du XXème
siècle, la référence épistémologique et méthodologique en sciences humaines et sociales. A ce titre,
Mill (1856, cité par d’Amboise, 1996, pp. 13-14) le dit sans ambages : « The backward state of the
Moral [i.e. human] sciences can only be remedied by applying to them the methods of Physical
science, duly extended and generalized ». C’est la position dominante des chercheurs durant la
première moitié du XXème : les faits sociaux se traitent comme les phénomènes de la nature. Comme le
déclare d’Amboise (ibid.), en somme, « l’être humain y est considéré comme un organisme vivant
répondant à des lois de la nature, au même titre que les plantes ou les insectes ».
!
Soulignons d’emblée cependant que, même si le paradigme positiviste et la démarche
hypothético-déductive ont longtemps constitué les « deux mamelles » de la « vérité
scientifique », les démarches hypothético-déductives adoptées actuellement, dans les
recherches contemporaines en sciences humaines et sociales, ne reposent plus sur un
11
paradigme strictement positiviste mais plutôt post-positiviste (cf. tableau 1 ci-avant). Par
ailleurs, tout un courant de recherche, affilié à l’approche qualitative, repose sur un
paradigme opposé, le paradigme constructiviste et adopte une démarche alternative dans
leurs études, démarche que l’on pourrait qualifier d’holistico- (ou empirico-) inductive.
Les positivistes (ou les post-positivistes) prônent un raisonnement scientifique de type
hypothético-déductif qui prend naissance avec une question (ou un problème) se traduisant par une
hypothèse soutenant provisoirement une théorie qu’il s’agira de tester en confrontant cette dernière
aux « faits ». Le terme hypothético-déductif qualifie également une démarche qui s’appuie « sur des
propositions hypothétiques pour en déduire des conséquences logiques » (Université de Genève, nd)8.
Cette démarche doit permettre d’identifier des lois, à caractère universel, ou de construire
progressivement des théories générales et des modèles explicatifs que la communauté scientifique a
pour mission de chercher à conforter ou à réfuter en la mettant à l’épreuve des tests empiriques. Les
résultats « positifs » conforteront les lois, les théories ou les modèles alors que des résultats
« négatifs » les invalideront.
3.2
Exemple d’une démarche hypothético-déductive de recherche
A titre illustratif, nous présentons ci-après un exemple de démarche de recherche de type
hypothético-déductif qui, à certains égards, reposent sur une conception (post-)positiviste de la
construction de la connaissance. Les commentaires placés à la droite du tableau sont destinés à vous
fournir de premières indications sur les termes utilisés pour désigner les grandes étapes d’une
recherche hypothético-déductive.
8
1
Un chercheur s’intéresse à la relation qui peut exister entre le
style de leadership d’un dirigeant et la satisfaction au travail de
ses employés.
Idée de départ
d’après expérience, intérêt et
exploration de la littérature
2
Son analyse de la littérature lui indique l’existence de résultats
empiriques qui soutiennent qu’un style de leadership centré sur
les relations humaines tend à augmenter la satisfaction au travail
des employés.
Analyse de la littérature
3
Conforté par les résultats convergents relayés dans la littérature,
ce chercheur émet l’hypothèse opérationnel de recherche que :
« La satisfaction au travail des employés est positivement
associée à un style de leadership axé sur les relations
humaines ».
Le chercheur décide de tester cette relation positive entre style
(variable 1) et satisfaction (variable 2) auprès d’un échantillon
représentatif de PME.
Hypothèse
(ce pourrait être une question
de recherche, certes tout
autant « opérationnelle »
mais plus large cependant
qu’une hypothèse)
Université de Genève, Méthodologie, Lexique : http://www.unige.ch/fapse/pegei/Methodologie/Lexique.html [Consulté
le 22 juin 2012]
12
4
Avant de recueillir les données, il aura élaboré (ou identifié) les
outils de recueil de données dont le traitement permettra de
rendre précisément et exactement (validité interne) compte du
« style de leadership » et de la « satisfaction au travail »
Méthodologie
5
Comme le chercheur part du principe qu’il existe une réalité,
unique définissant le style de leadership et la satisfaction au
travail, il estime que ses outils (questionnaire dans cette
situation) lui fourniront des évaluations précises et authentiques
des concepts (style de leadership et satisfaction).
» paradigme (post-)
positiviste
6
Il procède alors à la collecte de données auprès d’un échantillon
représentatif (10 PME) de la population de référence
(l’ensemble des PME manufacturières québécoises).
Recueil des données
7
Une fois les données recueillies, il les soumet à des analyses
statistiques dans le but de mettre au jour la relation entre les
deux variables.
La force de cette relation possible est évaluée par un indice
statistique appelé corrélation.
Traitement des données
8
Si les résultats sont concluants, la théorie générale est confortée
et le chercheur peut avancer que cette théorie s’applique aussi
au cas spécifique des PME manufacturières québécoises.
Analyse des résultats et
interprétation
Si au contraire les résultats infirment la théorie, le chercheur
doit alors voir si la théorie ne peut pas être révisée de manière à
expliquer ses résultats ou si, ultimement, il ne faudrait pas
rejeter complètement la théorie pour la remplacer par une
nouvelle qui expliquerait un plus grand nombre de situations
particulières
Tableau 2 : Exemple d’une démarche de recherche hypothético-déductive d’inspiration positiviste, librement
adapté de d’Amboise (1996, pp. 14-15)
Le chercheur s’appuie ici sur un paradigme d’inspiration (post-)positiviste dans la mesure où il
part du principe que l’étude, dans un contexte particulier, du phénomène retenu est révélatrice d’une
réalité concrète, objective et que, dans cette mesure, elle permet de confirmer ou d’infirmer une règle
générale (on dit que le « terrain vérifie ») qui tend à établir une association entre le style de leadership
et la satisfaction.
1)
Si les expériences répétées confortent la « théorie », il sera possible d’établir
progressivement une loi générale valable pour toutes les situations rencontrées dans un
contexte déterminé, voire dans tous les contextes possibles. Il s’agit dans ce dernier cas
d’une loi générale (vérificabilité de la théorie).
2)
Si l’expérience particulière infirme la « théorie », il faudra soit définitivement l’écarter soit
la revoir (falsifiabilité de la théorie).
» Le principe de « vérificabilité » avancé par les positivistes (point 1) a été remis en question
par Karl Popper (1979), célèbre épistémologue, pour lequel il n’est pas possible de vérifier si
une théorie est vraie. Il peut toujours exister un cas, non testé, pour lequel la théorie ne
13
« tient pas », quel que soit le nombre de cas étudiés (« peu importe le nombre de cygnes
blancs que nous puissions avoir observés, il ne justifie pas la conclusion que tous les cygnes
sont blanc » op.cit., p. 23). Seule la « falsifiabilité » (point 2) d’une théorie la rend
scientifique, c’est-à-dire, la possibilité de la réfuter par l’expérience des faits. Une théorie
n’est donc pas scientifique selon Popper si elle ne peut être réfutée : c’est une idéologie,
écrit-il, comme par exemple le marxisme ou la psychanalyse.
Ainsi, pour Popper, une théorie est scientifique dans la mesure où il est possible de la réfuter
(falsifiabilité).
Dans l’exemple ci-avant, le chercheur s’appuie d’autre part sur une démarche hypothéticodéductive qui va effectivement du général (une théorie, une loi, une règle ou un ensemble de résultats
antérieurs dont la convergence soutient une tendance générale) au particulier (expérience menée sur un
échantillon représentatif de la population, permettant ainsi d’obtenir des résultats « locaux », mais
généralisables).
Ainsi, « le chercheur formule une question de recherche en s’inspirant d’une théorie de portée
générale, émet des hypothèses concernant une situation particulière et teste ces hypothèses afin de les
infirmer ou confirmer et ainsi supporter ou ajouter à la théorie initiale » (d’Amboise, 1996, p.14).
3.3
La démarche (holistico-)inductive9
Dans la démarche (holistico-)inductive, le chercheur tente de faire abstraction de ses
préconceptions lors des contacts qu’il entreprend avec son terrain d’étude. A cet égard, les chercheurs
parlent de « suspendre » temporairement leur préconception. Cette posture l’invite par-là à écarter,
provisoirement, le temps du travail empirique, tout présupposé théorique qui risquerait de l’influencer
lors de la collecte des données10, de leur analyse, et de leur interprétation. Le chercheur « part du
terrain » dans lequel il s’immerge de manière à en comprendre pleinement les processus, les enjeux,
les « tenants et aboutissants ». Elle est donc inductive en ce sens qu’elle privilégie les informations qui
proviennent du terrain et tente, seulement par après, de construire un modèle compréhensif, particulier
au milieu étudié. Cette démarche mène à un savoir particulier (ou « savoir local ») qui ne peut
immédiatement se généraliser à d’autres contextes. D’autres études, complémentaires, parfois appelées
« études intersites », peuvent, par la confrontation des résultats obtenus pour chaque site, construire
progressivement un « savoir générique », valable dans différents contextes.
9
10
Dans la littérature, est également fréquemment utilisé le terme d’empirico-inductif ou tout simplement celui d’inductif.
Nous verrons par la suite que l’adoption du vocable « holistique » n’est pas sans conséquence.
En cohérence avec le paradigme de référence adopté dans cette approche (i.e. le constructivisme), les chercheurs
qualifient habituellement cette opération de « production » de données plutôt que de « collecte » ou de « recueil », voire
encore de l’amusante « cueillette » de données.
14
Comme le précise d’Amboise (1996), le terme « holistico » fait référence au souci du chercheur
de comprendre le phénomène « en profondeur » et dans toutes ses manifestations, dans son contexte et
dans son environnement naturel. Au niveau méthodologique, ceci se traduit par une attitude qui doit
permettre au chercheur de laisser « venir à lui toutes les informations susceptibles de jeter un éclairage
sur le phénomène [étudié], quitte à les éliminer plus tard si elles ne s’avèrent pas utiles » (op. cit., p.
76). A cet égard, on qualifie souvent la démarche holistico-inductive d’intensive pour mettre l’accent
sur la tentative du chercheur de comprendre en profondeur « ce qui se passe » (le phénomène).
Ces traits singuliers distinguent assez nettement la démarche holistico-inductive de la démarche
hypothético-déductive à l’occasion de laquelle il s’agit, au contraire, d’isoler – souvent même avant
les premières collectes et analyse de données – un petit nombre de variables caractéristiques du
phénomène étudié, conduisant le chercheur à pleinement se concentrer sur ces variables. Cette
démarche est souvent qualifiée d’extensive.
3.4
Exemple de démarche holistico-inductive de recherche
A l’instar de l’exemple que nous avions présenté ci-avant pour la démarche hypothético-
déductive, nous présentons ci-dessous une illustration d’une recherche dont la démarche est à l’inverse
de type inductif.
1
Le confrère du chercheur de l’exemple précédent décide d’étudier
un sujet semblable mais en favorisant la démarche holisticoinductive.
Au cours de ses lectures exploratoires, il a découvert qu’il existe
une théorie expliquant la productivité au travail des employés, en
lien avec le style de leadership et de la satisfaction des employés.
Cette théorie lui donne des idées et émoustille sa curiosité, mais il
se détache pour l’instant des hypothèses qui y sont formulées.
Ses lectures, ainsi que son intuition, ses facultés de raisonnement,
ses expériences antérieures le conduisent à élaborer un premier
questionnement très général autour de la productivité au travail. Ce
questionnement se rapporte, de manière assez large, sur les
relations au travail et la productivité.
Idée et questionnement
de départ
L’idée de départ, ainsi
qu’un premier
questionnement général,
émergent des intérêts du
chercheur – y compris
donc de son
expérience – et d’une
exploration de la
littérature.
2
Il choisit quatre entreprises manufacturières québécoises (ce
pourrait être une seule). Il s’assure ainsi la possibilité de comparer
(étude inter sites) des situations aux contextes probablement
différents, ce qui lui permettrait de dépasser quelque peu la
production d’un savoir strictement localisé.
Identification du terrain
d’étude
3
Il décide de découvrir ce milieu en se centrant plus
particulièrement sur les relations entre employés et entre supérieurs
hiérarchiques et employés. Il interroge quelques personnes clés
(appelés « informateurs privilégiés » en anthropologie).
Méthodologie
(production et analyse
des données selon une
dynamique circulaire)
Il passe de longues heures à recueillir les propos des employés et
des supérieurs hiérarchiques mais également d’autres acteurs
15
susceptibles de l’informer (des représentants syndicaux, des
représentants des dirigeants, le personnel d’entretien etc.).
1)
Enquête exploratoire
Il observe également les relations de travail, il s’immerge dans le
milieu pour en saisir le climat, les relations, comprendre
éventuellement les enjeux de pouvoir, les processus de
négociations etc.
Il consulte différents rapports internes susceptibles de l’informer
sur la productivité de la PME, des relations ou du climat.
La recherche et l’analyse des données se fait sans discrimination : il
note « plus qu’il n’en faut », quitte à éliminer de l’information plus
tard si certaines informations ne sont pas importantes.
Suite à ces premiers contacts avec le terrain, et à l’analyseinterprétation de ce premier matériel, le chercheur précise son
questionnement.
Ainsi, il lui semble opportun et intéressant d’aborder plus
précisément la question des relations entre les employés et leur
supérieur hiérarchique immédiat et leur relation éventuelle avec le
climat de travail de ces employés.
Il s’engage à ce stade vers une nouvelle prise d’informations, plus
ciblée sur ce nouveau questionnement.
5
Il interviewe de manière plus ciblée et approfondie une sélection
d’employés et de supérieurs hiérarchiques et essaye ainsi de
comprendre la manière dont les acteurs perçoivent les relations au
travail, le climat etc.
2)
Enquête de terrain
Il cherche à obtenir le portrait le plus global (holistique) du
phénomène qu’il étudie.
Peu à peu, à force de comparaisons constantes au cours desquelles
le chercheur confronte les témoignages des différents acteurs à des
propositions émises provisoirement sur la base de l’intuition du
chercheur et des théories existantes, des constantes émergent. Pour
y arriver, il doit donc ouvrir le champ de l’interprétation en
consultant abondamment la littérature.
Il découvre que le style de management adopté par le supérieur
direct est important, pour certains employés, dans la perception du
climat de travail.
Par la comparaison des différentes situations (les « cas » constitués
par les quatre PME), il semble que ce style affecte la motivation, la
perception du climat, le stress ressenti et/ou l’engagement dans les
tâches à réaliser.
6
Le temps est venu d’arrêter ces va-et-vient entre le terrain et
l’analyse exploratoire des données produites.
Analyse des résultats et
interprétation
Vient le temps de l’analyse plus systématique des données.
Progressivement, le chercheur construit un modèle de
compréhension qui rend compte du phénomène étudié dans les
quatre milieux étudiés. Il confronte ce modèle aux théories
existantes (littérature).
Tableau 1 : Exemple de démarche holistico-inductive, librement adapté de d’Amboise (1996, pp. 16-17)
16
Comme nous pouvons le deviner par cet exemple, les risques rencontrés par un chercheur
impliqué dans une telle démarche sont multiples. Nous en citerons quelques-uns auxquels nous
invitons l’apprenti chercheur à être très attentif :

Le risque de se trouver rapidement submergé par la quantité abondante d’informations.

Le risque de vouloir toujours en savoir plus du terrain ce qui renforce outre le premier
risque énoncé, celui 1) d’entraver l’identification des tendances (se noyer dans les détails)
et 2) d’alimenter le confort que le chercheur ressent à rester sur le terrain (il faut pouvoir
décider de « sortir du terrain » et d’arrêter de prendre de nouvelles informations).

Le risque de se laisser entraîner dans des voies peu fructueuses en se laissant guider par des
événements qui le détournent du questionnement principal.
3.5
Démarche hypothético-déductive et holistico-inductive : points de comparaison
Nous proposons ci-dessous une comparaison schématique des deux démarches abordées ci-
avant.
11
Démarche de recherche de type
hypothético-déductif
Démarche de recherche de type
holistico-inductif
Cette démarche est caractéristique de ce qu’on
appelle l’approche quantitative de la recherche,
également intitulée recherche quantitative
Cette démarche est privilégiée dans ce qu’on
appelle l’approche qualitative de la recherche,
également intitulée recherche qualitative
Les variables révèlent le phénomène, étudié de
préférence avec un certain détachement du
contexte, du milieu, l’idéal étant que ce dernier
soit trans-contextuel de manière à favoriser la
généralisation des résultats.
Le milieu révèle le phénomène, étudié dans le
milieu naturel et donc singulier.
Approche explicative et extensive du phénomène
aboutissant à élaborer ou à conforter des règles,
des principes ou des lois à caractère général.
Approche compréhensive, holistique et
intensive du phénomène étudié.
Démarche déductive
(du général au particulier)
Démarche inductive
(du particulier au général)
Centration sur un nombre généralement restreint
de variables précises définies avant la « collecte »
des données.
Centration sur le milieu
Faible contextualisation et études faiblement
ouvertes à l’imprévu.
Études fortement contextualisées et ouvertes à
l’imprévu.
Démarche « en cascade »11 relativement linéaire
Démarche itérative12 (cyclique)
Nous entendons par là une démarche composée d’étapes qui se succèdent temporellement, sans retour à une étape
précédente (exception faite de la classique « discussion » qui, en fin de rapport de recherche, permet à l’auteur de
« revenir » sur les résultats obtenus en les confrontant à ceux obtenus par d’autres études menés dans le domaine).
17
Vise essentiellement à produire, conforter ou
invalider un savoir générique
Vise à produire un savoir, d’abord local,
rendant compte du complexe
Vise à vérifier (tester, valider…) des hypothèses
Vise à produire des hypothèses (explicatives)
Tableau 4 : Comparaison synthétique entre une démarche hypothético-déductive et holistico-inductive
12
Il serait plus exact d’écrire à cet égard « réitératif » de manière à bien préciser que cette démarche procède souvent selon
des phases cycliques composées de questionnements, de travail sur le terrain (production/collecte de données) et
d’analyse/interprétation.
18
II.
Approches qualitative et quantitative dans les recherches empiriques
» Sera abordée dans cette partie la manière opérationnelle dont les deux démarches présentées
ci-avant peuvent prendre corps à l’occasion de recherches effectivement menées sur le
terrain de l’empirique.
» Nous verrons que l’on peut établir une association entre chacune des deux démarches
présentées dans la partie antérieure, la démarche hypothético-déductive et la démarche
holistico-inductive, et chacune des deux approches de recherche développées dans cette
partie : l’approche quantitative (en lien avec la démarche hypothético-déductive) et
l’approche qualitative (en lien avec la démarche holistico-inductive). A ce titre, les exemples
de recherche ci-avant (cf. tableaux 2 et 3) restent tout à fait valables pour illustrer l’approche
quantitative pour l’un et qualitative pour l’autre.
» A l’inverse, une association stricte entre un paradigme épistémologique (positiviste ou
constructiviste) et une démarche (hypothético-déductive ou holistico-inductive) ou une
approche de la recherche (approche qualitative ou quantitative) est plus hasardeuse comme
nous l’avons déjà souligné. Moyennant quelques précautions, une approche quantitative (qui
adopte, par définition, une démarche hypothético-déductive) peut très bien prendre le contrepied des postulats d’un paradigme positiviste pour s’inscrire dans un paradigme
constructiviste. Bien entendu ce changement de paradigme ne se fait pas sans conséquence
(impact en particulier sur la posture du chercheur, sur l’interprétation et la généralisation des
résultats).
Il est d’usage de distinguer les recherches empiriques en sciences humaines et sociales – dont
les sciences de l’éducation – selon qu’elles s’inscrivent dans une approche qualitative ou quantitative.
Contrairement à une idée largement répandue, cette distinction ne tient pas au type de données,
qualitatif (matériel non numérisé tel le discours écrit ou oral par exemple) ou quantitatif (matériel
numérique tel le nombre d’occurrences d’un thème que l’on retrouve dans un discours), que le
chercheur est amené à produire et, par la suite, à analyser et à interpréter. Ainsi, il ne suffit pas de
« traiter » des données qualitatives pour considérer que l’on se situe dans une approche qualitative. De
même, une approche quantitative ne se caractérise pas fondamentalement par le type de données
(quantitatives) qu’elle permet de produire et qu’elle s’apprête à analyser.
» Qu’entend-on par « données » ? : Rejoignant les conceptions d’Olivier De Sardan (2008),
nous considèrerons que les données « ne sont pas des « morceaux de réel » cueillis et
conservés tels quels par le chercheur (illusion positiviste), pas plus qu’elles ne sont de pures
constructions de son esprit ou de sa sensibilité (illusion subjectiviste). Les données sont la
transformation en traces objectivées de « morceaux de réels », de fragments du réel de
19
référence tels qu’ils ont été sollicités, sélectionnés et perçus par le chercheur. » (Olivier De
Sardan, 2008, p. 5013)
Comme nous le verrons par la suite, une approche déterminée, quantitative par exemple, peut
très bien conduire le chercheur, pour répondre aux buts qu’il poursuit, à recueillir (ou à « produire »),
et à analyser par la suite, des données à la fois quantitatives et qualitatives (méthode mixte d’analyse
des données). Ainsi, il n’est pas rare qu’à l’occasion d’une recherche dite quantitative (i.e. s’inscrivant
dans une approche quantitative, démarche hypothético-déductive), on analyse des données
quantitatives et, après leur interprétation, on mobilise ensuite des données qualitatives
complémentaires pour affiner, préciser ou mettre à l’épreuve ses premiers résultats par l’analyse de
données de nature qualitative.
Par commodité, l’opposition entre « qualitatif » et « quantitatif » est néanmoins régulièrement
mise en avant sans savoir précisément si l’on se réfère aux types de données analysées (discours vs
nombre par exemple), aux techniques de recueil ou de production de données (observation informelle
vs observation structurée par exemple ou questions à réponses ouvertes vs à réponses fermées,
entretien vs test, etc.), à la méthode d’analyse (interprétation strictement qualitative vs dénombrement
par exemple) ou à l’approche générale adoptée dans la recherche. La position prise dans ce texte
consiste, au contraire, à toujours bien préciser si l’on désire qualifier l’un (approche générale de la
recherche empirique) ou l’autre (analyse des données).
La distinction qui nous paraît la plus appropriée pour distinguer l’approche quantitative de
l’approche qualitative tient essentiellement de celle mise en avant antérieurement dans ce texte entre
démarche hypothético-déductive et holistico-inductive.
Dans les lignes qui suivent, nous présenterons plus en détails ce qui caractérise l’une et l’autre
de ces deux approches. En guise d’introduction, nous relayons les grandes différences que des auteurs
comme Depover (2009) entrevoient entre ces deux types de recherches :
[…] le point de départ d’une recherche [dite « quantitative »] est généralement la
formulation d’hypothèses et de questions de recherche qu’il s’agit de vérifier. Comme nous
l’avons déjà souligné, la démarche basée sur la formulation d’hypothèses et leur vérification
à partir des données recueillies est fondamentalement de nature déductive alors que les
tenants des approches qualitatives s’inscrivent davantage dans un cheminement inductif.
Dans les ouvrages anglo-saxons, on parle de « Theory-driven research » (Recherche orientée
par la théorie) pour l’approche déductive et de « Theory-building research » (Recherche
visant à construire une théorie) pour les recherches inductives.
L’approche inductive en matière de recherche implique une appréhension directe des
phénomènes et des acteurs impliqués sans représentation préalable de ceux-ci par le
chercheur. Plutôt que d’aborder les choses à partir d’instruments de récolte et d’analyse des
données préstructurés, l’ambition du chercheur sera plutôt de rester ouvert à l’ensemble des
manifestations d’une réalité afin de l’appréhender sous ses différentes facettes. Ainsi, alors
que pour une recherche quantitative, le chercheur se dotera d’outils d’observations finement
13
Olivier De Sardan, J.-P. (2008). La rigueur du qualitatif, Louvain-La-Neuve : Bruylant-Academia.
20
calibrés (questionnaire d’opinion, grille d’observation…), une approche qualitative
privilégiera la capacité du chercheur à saisir la dynamique des acteurs et la variabilité des
contextes étudiés. C’est pour ces raisons que le chercheur, qui se réfère à la recherche
qualitative, évitera d’établir des hypothèses avant de collecter ses données de manière à
éviter d’aborder les phénomènes étudiés avec une représentation déjà préconstituée de ceuxci.
!
Avant d’aborder plus en détails les approches quantitative et qualitative, rappelons
l’esprit dans lequel nous envisageons la conduite d’une recherche. A l’instar de De
Ketele & Maroy (2006, p. 225), nous considérons en effet que « si la fonction de la
recherche est unique et commune à toutes les recherches qualifiables de scientifiques
(développer un corps de connaissance à partir de divers ensembles de recherches), la
recherche comme processus et la recherche comme produit supposent de nombreuses
approches, diversifiées et complémentaires. Et il est vain de vouloir établir une
hiérarchie entre les diverses approches » (nous soulignons).
1.
Approche quantitative
Nous l’avons souligné, une approche quantitative ne s’inscrit pas nécessairement dans un
paradigme positiviste même si, historiquement, les deux sont intimement liés. Par contre, la démarche
adoptée par une approche quantitative est essentiellement hypothético-déductive en ce sens qu’elle
commence classiquement par une hypothèse (H) ou une question de recherche (QR) habituellement
construite sur la base d’une analyse de la littérature14 et qu’elle se poursuit par l’élaboration et
l’application d’un plan de recherche destiné à éprouver15 l’hypothèse ou à répondre16 à la question
posée. Le terme déductif signifie que le mouvement de la recherche est foncièrement descendant,
partant du général (une théorie, une loi, un principe, une « tendance » de résultats empiriques
convergents) que l’on veut aborder vers le particulier (une étude contextualisée, une expérience
spécifique) susceptible de confirmer, d’infirmer ou de revoir ce « général ». Ce mouvement
descendant part des acquis déjà engrangés par les recherches précédentes autorisant le chercheur à
formuler une nouvelle interrogation et se dirige – dans un second temps – vers une prise
d’informations auprès du terrain d’étude.
Nous pouvons schématiser ce mouvement sous cette forme :
Théorie spéculative ou fondée par des recherches antérieures
14
15
16
Pas seulement, l’expérience accumulée du chercheur (ou de l’équipe de recherche) peut également contribuer utilement à
élaborer une hypothèse ou une question de recherche pertinente.
Dans la littérature, les auteurs utilisent fréquemment les termes « tester » ou « valider » une hypothèse
De manière plus nuancée, il s’agit plutôt d’alimenter la question en éléments de réponse de manière à souligner qu’une
question, dans la recherche scientifique en sciences humaines et sociales, ne donne que très rarement lieu à « une »
réponse, définitive de surcroît.
21
» Interrogation
» (Nouvelle) Etude contextualisée
De manière plus détaillée, les étapes qui ponctuent une recherche caractéristique d’une approche
quantitative se présentent de la manière suivante :
Phase de préparation
de la recherche
Phase d’exécution de
la recherche
1
Analyse de la littérature et problématisation du sujet traité
2
Élaboration d’hypothèses ou de questions de recherche
3
Construction de la méthodologie : plan de recherche, protocole de
production des données, méthodologie d’analyse des données...
4
Production/recueil des données
5
Analyse des données - interprétation et discussion des résultats
6
Conclusions, limites de la recherche et perspectives
Comme nous le verrons par la suite, une approche quantitative se distingue d’une approche
qualitative par la plus grande linéarité des étapes qui rythment le déroulement de la recherche. En
théorie du moins, les étapes se succèdent, les unes après les autres, dans l’ordre qui est présenté cidessus. Durant la phase préparatoire essentiellement, il est toutefois courant – et conseillé – de tirer
parti des enseignements issus d’une étape déterminée et de « revenir en arrière », de façon à rectifier
ou à approfondir quelque peu les résultats d’une étape antérieure. Une hypothèse ou une question de
recherche s’élabore ainsi progressivement, non seulement en regard de la littérature mais également
par sa confrontation à la méthodologie envisagée. Les questions qui se posent peuvent se formuler en
ces termes (pour une question de recherche par exemple) : « Vais-je pouvoir répondre à la question de
recherche telle que je l’ai formulée et telle que j’ai prévu de mettre en œuvre ma méthodologie ? » ;
« Est-ce réaliste ? Est-ce « faisable » ? » ; « Ne dois-je pas reformuler l’une (la question) et/ou revoir
l’autre (la méthodologie) ? ».
Dans une approche quantitative cependant, les deux phases – de préparation et d’exécution –
sont relativement17 étanches, le point de non-retour se situant au moment où le chercheur entame
l’étape de collecte/production des données auprès de son échantillon. De cette caractéristique de
l’approche quantitative, il s’agit surtout de retenir qu’il est déconseillé de modifier les règles
méthodologiques que l’on s’est fixé pour collecter/produire les données ou pour les analyser durant les
étapes de collecte/production et d’analyse des données. En somme, on ne peut pas « changer les règles
en cours de jeu ». Cette contrainte est bien plus souple dans une approche qualitative, les
modifications apportées en « cours de route » à la méthodologie étant autorisées – voire même
17
« Relativement » car là aussi, certaines étapes, dont la discussion en particulier demandera très souvent de retourner à la
littérature afin de confronter les résultats de la recherche avec ceux obtenus par d’autres chercheurs. Cette confrontation
est l’objet de la partie « Discussion » du rapport de recherche.
22
souhaitées dans cette approche – si, du moins, elles sont 1) dument justifiées par les visées
(compréhensives) de l’étude et 2) explicitement traduites dans le rapport de recherche.
Le but principal, et dirions-nous unique, poursuivi par une recherche quantitative est d’aboutir,
par l’étude de régularités ou par la comparaison de situations contrastées, à une connaissance
transférable à des terrains autres que celui qui a fait l’objet de la recherche, voire à des contextes
sensiblement différents. Elle vise à construire de ce fait un « savoir générique ».
Ce n’est, par contre, pas le but premier ou unique d’une recherche s’inscrivant dans une
approche qualitative comme nous le verrons par la suite.
Dans une approche quantitative, ce « transfert » – cette « généralisation » des résultats à un
ensemble plus vaste de situations – ne peut s’effectuer que si des conditions strictes ont été respectées
durant l’étude. Outre le respect des conditions statistiques inhérentes à l’analyse de données
quantitatives18, la méthodologie doit permettre :

d’assurer à l’échantillon sa représentativité de la population vers laquelle on veut
généraliser les résultats ;

de contrôler les effets possibles des variables autres que celles étudiées susceptibles d’agir
sur le phénomène analysé ;

2.
de garantir la validité et la fidélité des mesures effectuées (cf. supra).
Approche qualitative
Selon la plupart des chercheurs, la recherche qualitative ne se caractérise pas par les
données, puisqu’elles peuvent aussi être quantifiées […] Selon Deslauriers (1991), si tous les
auteurs ne s’entendent pas sur la définition de la recherche qualitative, la plupart lui
attribuent des caractéristiques semblables (Bogdan & Biklen, 1982; Denzin, 1978; Taylor &
Bogdan, 1984; Van Maanen, 1983). On considère que [l’approche] qualitative traite des
données difficilement quantifiables, qu’elle recourt à une méthode d’analyse souple et
davantage inductive et qu’elle s’inspire de l’expérience de la vie quotidienne et du sens
commun qu’elle essaie de systématiser (Douglas, 1976) (Nguyên-Duy & Luckerhoff, 2007,
p.8)
Une approche qualitative se distingue essentiellement d’une approche quantitative dans la
mesure où elle procède, schématiquement, de manière inductive (en réalité, elle procède souvent de
manière « circulaire », nous y reviendrons). Ainsi, la dynamique adoptée dans cette première approche
tend, d’une manière générale, à « partir » de la découverte et de l’étude approfondie d’un « terrain »
spécifique d’étude, sans que le chercheur n’ait, au départ, d’hypothèse précise et, encore moins,
définitive19. Ces recherches se consacrent généralement à l’étude d’un ou de quelques cas singuliers.
18
19
Ces conditions, parfois complexes, sont abondamment détaillées dans les cours de statistiques inférentielles.
Dans ces recherches, la formulation d’hypothèses est par ailleurs délaissée au profit de celle de questions de recherche,
voire même d’un seul questionnement à caractère relativement général.
23
On parle à cet égard de recherches idiographiques (idiographic research). Elles procèdent dans bien
des cas à des études de cas fondées sur l’analyse de données qualitatives (discours, observation…)
dont elles tentent de comprendre le sens en regard du contexte. Ce sont foncièrement des études
réalisées en milieux « écologiques », réalisées sur le « terrain », avec un souci constant d’éviter, par les
interventions du chercheur, d’en altérer ses caractéristiques20. Ces recherches privilégient21 l’analyse
qualitative des données, à savoir l’analyse du matériel étudié sans « quantification ». Cette analyse
s’opère, dans cette situation, sans transformation numérique des données de départ.
La « recherche qualitative » privilégie ainsi une attitude naturaliste en se donnant pour but
premier de décrire et de comprendre les phénomènes étudiés dans leur contexte « naturel »
d’observation (Nguyên-Duy & Luckerhoff, 200, p.8).
Le parti-pris naturaliste des [approches] qualitatives les a conduits à privilégier une
méthode souple qui fait la part belle à l’induction, à l’enquête terrain et aux descriptions
détaillées, holistiques et compréhensives (ibid.).
Si, comme le soulignent Avenier & Thomas (2011), ces recherches peuvent s’alimenter de
données quantitatives, ces dernières, tout comme les données qualitatives, ne concernent que le ou les
cas étudiés et ne modifie pas le caractère foncièrement idiographique – et donc qualitatif – de l’étude.
Comme le précise Depover (2009), l’approche qualitative, fondamentalement inductive,
implique une appréhension des phénomènes étudiés en limitant les représentations préalables de ceuxci par le chercheur. Plutôt que d’aborder l’étude des phénomènes à partir d’instruments préstructurés et
de méthodes préétablies, la posture du chercheur est au contraire de rester ouvert et attentif aux
nouvelles informations, parfois inattendues, dans le but d’appréhender l’objet d’étude sous ses
différentes facettes.
Ainsi, alors que pour une recherche quantitative, le chercheur se dotera d’outils
d’observations finement calibrés (questionnaire d’opinion, grille d’observation…), une
approche qualitative privilégiera la capacité du chercheur à saisir la dynamique des acteurs et
la variabilité des contextes étudiés. C’est pour ces raisons que le chercheur, qui se réfère à la
recherche qualitative, évitera d’établir des hypothèses avant de collecter ses données de
manière à éviter d’aborder les phénomènes étudiés avec une représentation déjà
préconstituée de ceux-ci (Depover, 2009).
Bien au contraire en effet, le chercheur tient à rester ouvert à de nouvelles voies qui se
dégageraient progressivement, au fur à mesure de la découverte de son terrain d’étude.
20
21
Excepté dans le cas d’une étude de type « recherche-action » pour laquelle le but des partenaires de la recherche consiste
à améliorer l’état d’une situation, à transformer la réalité. Dans cette optique, l’implication du chercheur dans son terrain
est réelle, et pleinement assumée.
Elles « privilégient » ce type d’analyse, ce qui ne veut absolument pas dire qu’elles excluent l’analyse quantitative. Bien
au contraire, nous pensons que ces deux types d’analyses, qualitative et quantitative, sont réellement complémentaires.
Dans bien des situations, elles sont susceptibles de s’enrichir mutuellement.
24
2.1
Le travail et l’importance du questionnement
Sans questions préalables, sans curiosité intellectuellement préprogrammée, sans
problématique initiale, le chercheur ne peut produire des données significatives (Olivier de
Sardan, 2008, p. 50).
Il est important de souligner que le chercheur qui s’engage à découvrir son terrain d’étude est
conduit par un questionnement – général d’abord, plus précis par la suite – qui le guide tout au long du
chemin. Ce questionnement initial – nourri par la littérature, les intérêts et l’expérience du chercheur,
voire par son intuition de départ – est amené à se préciser au contact du terrain. Le chercheur
« qualitatif » n’est donc pas un individu totalement naïf, dénué de toutes préconceptions. Il ne part pas
à la découverte de son terrain sans un travail préalable de réflexion et de recherche – ce qui lui permet
d’entamer sa découverte du terrain avec un questionnement, une orientation de recherche – mais tente
de ne pas se laisser conduire par des préconceptions susceptibles d’affecter une compréhension large
et fine des phénomènes observés. En somme, le chercheur « qualitatif » reste ouvert à la découverte de
nouveaux éléments, de nouvelles relations, de nouveaux enjeux. On dit habituellement que le
chercheur engagé dans une approche qualitative « suspend » provisoirement le recours à ses cadres
théoriques. Autrement dit, il se garde d’interprétation hâtive induite par ses préconceptions théoriques
ou expérientielles.
» Retenons que la question initiale du chercheur qualitatif s’affine et se précise
progressivement « au contact » du terrain, pour aboutir in fine à l’élaboration d’une question
de recherche (progressivement) plus précise et plus opérationnelle.
Comme l’illustre la figure ci-contre, quelque peu schématique à vrai dire, ce
travail d’élaboration préalable suit une dynamique circulaire qui engage le
chercheur à confronter constamment ses pistes de compréhension aux données
du terrain.
Cette approche qualitative privilégie ainsi la compréhension d’une situation
complexe dans laquelle de multiples facteurs interviennent sur les observations qui sont menées. Il
n’est donc pas aisé de distinguer ce qui, dans la situation étudiée, relève du spécifique et du « partagé »
avec d’autres situations vis-à-vis desquelles on prétendra, le cas échéant, étendre ses conclusions (i.e.
généralisation).
25
2.2
Savoir local et savoir générique
L’intervention de multiples sources de variations non contrôlées aboutit à un savoir plus
« local » que dans les recherches dites quantitatives car la connaissance construite est souvent
intimement liée aux particularités du terrain, ce qui rend les résultats plus valides (meilleure validité
interne) mais peu transférables à des situations et à des contextes différents de ceux étudiés (faible
validité externe). Cette limitation n’enlève cependant pas l’intérêt qu’il y a d’opter pour une telle
approche quand la préoccupation du chercheur est de mieux « comprendre » un phénomène social « en
situation ». De plus, ces savoirs locaux, construits à partir d’études de cas singuliers, peuvent élaborer
progressivement des savoirs génériques, par la comparaison, la confrontation ou la mise en relation de
savoirs locaux dans différents contextes, ce qui devrait rendre possible, selon Avenier & Thomas
(2011), la mise en évidence de méta-relations entre savoirs locaux.
» La prise de conscience assumée de la distinction entre savoir « local » et « générique » nous
semble particulièrement utile dans la mesure où elle permet de se garder d’une généralisation
abusive de résultats observés dans une situation singulière en avançant des tendances
générales présumées pour un ensemble de situations différentes (savoir générique). Cette
prudence est également de mise pour les recherches dites « quantitatives ».
» Savoir local : Un savoir sera dit local lorsqu’il est élaboré à partir de cas singuliers et qu’il
constitue une connaissance. Comme l’indique Avenier & Albert (2009, p.9), cette
dénomination « vise à souligner le caractère local et situé de leur élaboration et de leur
légitimation. En effet, les savoirs locaux ont pour principale légitimation le fait d'avoir été
élaborés par le chercheur à partir de sa compréhension d'informations obtenues au cours du
travail empirique mené dans des organisations qui opèrent dans certains contextes, à partir
de l’étude de certains documents, ainsi que de certains entretiens et observations réalisés à
une certaine date, avec certains acteurs à un certain moment de leur histoire, etc. etc. ».
Exemple (de Avenier & Albert, 2009) : « La triangulation et la comparaison d’informations
recueillies par différentes techniques, ont fait
apparaître deux types de management
différents sur des sites différents de l’entreprise étudiée : l’un
assez proche d’un
management tel que présenté dans la littérature concernant les entreprises de la grande
distribution ; l’autre y associant la typicité des entreprises familiales. Dans cette seconde
forme de management, certains phénomènes ont été interprétés comme témoignant de la
possibilité de combinaison d’engagement interne et d’engagement externe ».
» Savoir générique : Un savoir générique exprime des connaissances qui ont trait à des
« genres » de phénomènes (Dewey, 1938). Ce savoir est construit à partir d’un travail qui
porte sur un ensemble de savoirs locaux. Selon Prasada (2000, cité par Avenier & Albert
2009, p.9), un savoir générique tente de rendre compte des propriétés considérées
26
essentielles pour caractériser le phénomène étudié, « ceci alors que ce savoir n'est pas rendu
invalide par l'existence de ce qui pourrait être considéré comme un contre-exemple. Par
exemple, le fait que certains chiens n'aient que trois pattes ne rend pas invalide l'énoncé
selon lequel les chiens sont des animaux à quatre pattes. En outre, lorsqu'un certain genre de
phénomène a certaines propriétés, ceci n'est pas considéré comme résultant nécessairement
de mécanismes sous-jacents cachés » (op. cit, p. 10).
Exemple : « Si l’on adopte une attitude d’ouverture à l’autre, si les objectifs de l’organisation
sont compatibles avec les objectifs des individus, l’engagement externe et l’engagement
interne peuvent se développer au travers d’une boucle récursive, et permettre ainsi à la fois
aux individus de vivre positivement l’engagement externe et aux organisations d’améliorer
leur situation » (ibid.).
Dans une approche qualitative, l’élaboration d’un savoir générique s’effectue par un double
processus complémentaire de décontextualisation du savoir constitué localement – mené par
la comparaison de multiples savoirs locaux « situés » dans des contextes différents – ainsi
que par la confrontation des tendances qui se dessinent avec les savoirs publiés.
2.3
L’itération caractéristique de l’approche qualitative
Une caractéristique d’une recherche dite qualitative réside également dans la coexistence
temporelle de la phase de production de données et celle de leur analyse. Alors que dans une approche
quantitative les deux étapes sont généralement distinguées, l’analyse de l’ensemble des données
suivant chronologiquement leur recueil, le « chercheur qualitatif » procède le plus souvent par va-etvient entre collecte et analyse, ce qui lui permet de retourner au terrain après avoir dégagé
éventuellement les premières tendances – toute provisoires – qui se dégagent de l’analyse d’une
première prise d’informations. Dans cette approche en somme, le savoir se construit progressivement,
par un processus circulaire, et non linéairement. Olivier De Sardan (2008, p. 82) parle d’un travail
d’itérations, concrètes et abstraites, en ces termes :
L’enquête de terrain procède par itération, c’est-à-dire par allers et retours, va-et-vient. On
pourrait parler d’itérations concrètes (l’enquête progresse de façon non linéaire entre les
informateurs et les informations) et d’itérations abstraites (la production de données modifie
la problématique qui modifie la production de données qui modifie la problématique).
Enfin, le « chercheur qualitatif » se trouve dans une posture, assumée, d’acteur
immanquablement « immergé » dans le contexte qu’il observe alors que dans une approche
quantitative, il convient plutôt d’adopter une position de neutralité distante de manière à ne pas influer
sur les phénomènes qu’il observe.
27
2.4
Petit détour analogique : l’enquête policière
Mener une recherche qualitative est similaire, à certains égards, à mener une enquête policière à
l’exception près toutefois que très rarement le chercheur en sciences de l’éducation aboutit à la
découverte d’un coupable. Il doit souvent se contenter d’indices qui, dans la meilleure des situations,
convergent pour indiquer des tendances ou des pistes que d’autres pourront explorer à leur tour.
La démarche d’investigation (et les risques que présenteraient ses dérives) que mène un
enquêteur est bien décrite dans le passage ci-après d’un thriller à succès (Verdon, 2010, pp. 171-172).
Il nous semble intéressant de relever dans cet extrait les mouvements multiples auquel le héros du
roman procède dans son cheminement intellectuel, mouvement qui se déplace constamment de
l’inductif au déductif, de l’intuition à l’observation.
Ce que faisaient les bons détectives – ce que faisait le détective sur le seuil, Gurney n’en
doutait pas –, c’était une sorte de va-et-vient inconscient entre les démarches inductive et
déductive. Qu’est-ce que je vois ici, et quelle succession d’événements ces différentes
données suggèrent-elles ?
La clé, Gurney en avait acquis la certitude après bien des tâtonnements et des faux pas,
c’était de maintenir un bon équilibre entre observation et intuition. Le plus grand danger
résidait dans l’ego. Un enquêteur hésitant sur l’explication possible des éléments d’une scène
de crime risquait de gaspiller du temps en n’orientant pas assez vite les efforts de son équipe
dans une direction précise, mais le type qui savait au premier coup d’œil – et le clamait haut
et fort –ce qui s’était passé dans une pièce éclaboussée de sang et qui mettait tout le monde
sur les dents pour prouver qu’il avait raison pouvait finir par causer de très sérieux
problèmes – le moindre étant le temps perdu.
2.5
Qualités d’une recherche « qualitative »
Selon Groulx (1999, cité par Charmillot & Dayer, 2007), une recherche de qualité qui vise la
« plausibilité » des données et la « crédibilité » des analyses doit respecter trois conditions.
Si, dans une telle approche qualitative, le chercheur doit s’immerger dans le contexte pour
comprendre les phénomènes dans toute leur finesse et leur complexité mais également
pour
interpréter « justement » la signification et le sens du discours des acteurs (condition 1) (voir Olivier
De Sardan, 2008), il doit également se détacher suffisamment de façon à développer une analyse
« neutre » de ce qui est observé (condition 2). Enfin, troisième condition, le chercheur doit
« questionner ses interprétations par un retour constant à son matériel » (Charmillot & Dayer, 2007, p.
128) de même que d’éprouver les conclusions provisoires par de nouvelles données.
28
2.6
Exemples d’approche qualitative de la recherche
En guise d’illustration d’une approche qualitative possible de la recherche, nous livrons ci-
dessous le résumé d’une étude sur les pratiques professionnelles qui a porté sur un groupe restreint
d’enseignantes :
Cette contribution vise à rendre compte d’une avancée méthodologique réalisée dans le
cadre d’une recherche doctorale qui a documenté les « manières de faire » l’évaluation
formative des apprentissages de cinq enseignantes du primaire. La prise en compte de
l’interaction entre les participantes lors des entretiens de groupe, effectuée à partir d’une
thématisation du contenu discursif ainsi que d’une analyse de conversations, a en effet
permis de dégager un cadre d’analyse susceptible d’éclairer différentes pratiques
professionnelles. Ainsi ont été dégagés des conventions d’une culture professionnelle à
partir des « manières de faire partagées », des routines et théories-en-usage singulières à
partir des « manières de faire admises » et des accords pragmatiques qui montrent comment
des praticiennes s’« arrangent » au quotidien avec certaines contraintes institutionnelles ou
pressions sociales à partir des « manières de faire contestées ». Cette avancée
méthodologique est donc tributaire de la posture interactionniste assumée dans le cadre de
cette recherche (Morrissette, 2011, p. 10)
3.
Complémentarité entre recherches, complémentarité entre approches
Si la fonction de la recherche est unique et commune à toutes les recherches qualifiables de
scientifiques (développer un corps de connaissance à partir de divers ensembles de
recherches), la recherche comme processus et la recherche comme produit supposent de
nombreuses approches, diversifiées et complémentaires. Et il est vain de vouloir établir une
hiérarchie entre les diverses approches (De Ketele & Maroy, 2006, p. 225, nous
soulignons).
En sciences humaines et sociales en particulier, une recherche isolée est toujours une œuvre
inachevée. Elle ne prend tout son sens que dans un ensemble plus vaste de recherches qui, dans un
champ d’étude déterminé, concourent, par des résultats convergents, à dégager d’abord et à consolider
ensuite des tendances. On parle parfois de triangulation séquentielle pour qualifier la démarche
entreprise par les recherches qui sont conduites les unes après les autres afin de conforter une théorie.
Ces recherches n’adoptent pas nécessairement la même méthodologie, le contraire, comme nous le
verrons par la suite, est même souhaitable.
Un devoir de grande humilité s’impose donc au chercheur qui ne peut, seul et de surcroît en une
seule recherche, quelles qu’en soient ses qualités, aboutir à des résultats définitifs. De Ketele et Maroy
(2006, p. 224) traduisent très bien, dans l’extrait qui suit, l’état forcément lacunaire d’une recherche
isolée.
La tentation, bien humaine, du chercheur qui veut à tout prix montrer que la conclusion de sa
recherche est une conclusion incontournable n'est pas raisonnable, car c'est nier le principe de la
réfutabilité et le fait que toute conclusion peut être contredite ou relativisée par les recherches
ultérieures, comme le montre bien l'histoire de la science. Dans cinquante ans, quels sont les
chercheurs de la moitié de notre siècle qui se souviendront encore des chercheurs qui ont
contribué à cet ouvrage ? Il est peu probable qu'un seul d'entre nous passe à la postérité. Et
29
cependant, puisque la recherche est un processus qui se construit dans un temps très long et qui
se fait autant par de nombreuses et minutieuses études très vite oubliées que par de rares études
qui deviendront célèbres, il importe de reconnaître l'importance de ces chercheurs de l'ombre et
de leurs travaux. C'est en grande partie grâce à eux et à leurs travaux que certains chercheurs et
certaines études pourront être distingués et passer à la postérité.
En outre, c’est bien souvent à partir de recherches méthodologiquement différentes que les
tendances, un jour esquissées, sont progressivement consolidées ou écartées. On parle, à cet égard, de
triangulation. L’approche par triangulation vise à conforter les résultats d’une recherche en multipliant
les méthodes utilisées (diversité méthodologique), les chercheurs impliqués (diversité des points de
vue) et les sources de données (diversité des données) (Quintin, 2008).
Pour Olivier De Sardan (2008, p. 79-80), la triangulation est le principe de base de toute
enquête. « Qu’elle soit policière ou ethnographique, il faut recouper les informations ! Toute
information émanant d’une seule personne est à vérifier ; c’est vrai pour un alibi comme pour une
représentation rituelle. Ceci semble relever du bon sens, et les historiens ont mis (en œuvre ce principe
depuis longtemps ».
30
III.
Démarche scientifique
Quel que soit le paradigme adopté et quelle que soit la démarche ou l’approche appliquée, une
recherche scientifique doit, en tout état de cause, répondre à une série de critères que nous abordons
dans cette partie. Ces qualités sont d’abord envisagées de manière générale à partir de la notion
d’entreprise scientifique (voir ci-après). Nous entrerons ensuite dans le détail des qualités intrinsèques
dont doit ou devrait faire preuve tous types de recherches : validité et fidélité essentiellement.
1.
Une recherche appréhendée comme une « entreprise scientifique »
Au-delà des différences formelles et opérationnelles entre approches, dont le rattachement est
certes bien utile à différents égards dont celui d’annoncer clairement la démarche adoptée, une
approche, qu’elle soit quantitative, qualitative ou mixte, doit en définitive répondre à un critère
incontournable, unanimement accepté dans la communauté des chercheurs. L’approche adoptée ne
pourrait en effet être qualifiée de recherche si elle ne s’inscrivait dans une démarche scientifique. En
somme, comme le font remarquer Huberman & Miles (1991, cités par De Ketele & Maroy, 2006), il
n’est pas tant important de « choisir » entre une approche au dépend d’une autre mais de « faire de la
bonne recherche ». Une recherche digne de ce nom s’apparente selon ces auteurs à une entreprise
scientifique que De Ketele et Maroy (2006, p. 222) définissent comme une « tentative d'objectivation
du réel soumise à un certain contrôle empirique et social, ce qui suppose une procédure transparente et
méthodique ».
Le but d’une telle entreprise scientifique est de faire progresser la connaissance d’une
communauté sociale et d’augmenter les possibilités d’actions dont elle dispose pour modifier ou
préserver l’existant. Les produits d’une telle entreprise sont donc les nouvelles connaissances
produites à partir d’observations et d’actions sur le réel de référence de manière à « faire émerger des
relations entre les phénomènes et donner du sens à des phénomènes particuliers » (op. cit., p. 223).
Une recherche est une entreprise car, selon ces auteurs, elle :

procède en agissant sur le réel pris comme référence (le « réel de référence »22) – non
seulement regarder ou observer – en vue de réaliser un produit qui répond à un objectif
spécifié ;

suppose une organisation : de ressources humaines (ayant les compétences requises pour
réaliser les objectifs poursuivis), des « objets » matériels ou immatériels sur lesquels on
agit, des outils pertinents, des destinataires des produits construits (en l'occurrence dans la
recherche scientifique: des connaissances produites) ;
22
Olivier De Sardan (2008)
31

développe (et s’inscrit dans) une culture déterminée.
Une recherche est également scientifique dans la mesure où :

son but est de produire de nouvelles connaissances obtenues selon une démarche
rigoureuse, reconnue par une communauté de chercheurs ;

elle produit en outre des résultats selon une démarche qui est explicitée (généralement par
écrit, dans un article, un ouvrage, un rapport…) ;

elle repose sur un certain nombre de critères parmi lesquels l’un des plus importants est
probablement celui de répondre à la condition de réfutabilité (ou « falsifiabilité », terme
proposé par Karl Popper, 1973) des propositions émises. Une recherche scientifique doit
donc offrir la possibilité d’une réfutation de ses propositions ou de ses résultats, alors que
les propositions ou résultats issus d’une recherche non scientifique ne permettent pas une
mise à l’épreuve par les faits qui pourrait les réfuter (Van der Maren, 2003) ;

elle nécessite des compétences (et donc une formation), des équipements, des outils
d'observation et d'analyse, des organes de communication et de validation des produits de
la recherche.
2.
Les exigences d’une démarche scientifique rigoureuse
Bien que nous détaillions ces notions dans les supports de cours consacrés à l’analyse de
données quantitatives et qualitatives, nous présenterons d’emblée les deux critères de qualité
auxquelles tend toute recherche scientifique dans les lignes qui suivent.
Ainsi, deux exigences principales sont reconnues comme incontournables pour tous types de
recherche scientifique, qu’elle s’inscrive dans une approche quantitative ou qualitative. Il s’agit des
exigences de validité et de fidélité.
2.1
La validité
D’une manière générale, la validité porte d’une part sur la qualité de la prise d’informations et,
d’autre part, sur la qualité de la démarche adoptée par la recherche.
Dans le premier cas, la validité d’une recherche indique que les outils adoptés pour « recueillir »
les données, leur mise en œuvre et l’analyse des données permettent d’obtenir des résultats qui
révèlent correctement le phénomène que le chercheur veut et déclare étudier. Ainsi, au cours d’un
entretien, les réponses d’un sujet peuvent être influencées par le désir, souvent inconscient, de se
présenter sous un jour favorable ou à apporter des réponses que le sujet imagine conformes aux
attentes de l’interviewer. Ce biais, que l’on nomme désirabilité sociale, affecte la validité des données
obtenues.
32
Dans le second cas, la validité désigne, de manière plus globale, la qualité de la démarche qui
est adoptée, au niveau méthodologique, par la recherche. Se pose à ce niveau la question de la
cohérence de la méthodologie qui est mise en œuvre pour répondre à la question de recherche ou pour
tester les hypothèses (« Les moyens mis en œuvre permettent-ils effectivement de répondre à la
question annoncée ou de tester l’hypothèse formulée ? ») et de l’analyse des données au sens général
(« Au vu de l’analyse des données et de ses résultats, peut-on effectivement aboutir aux conclusions
annoncées ? » ; « Les résultats et conclusions sont-ils bien attribuables aux facteurs mis en évidence
ou peuvent-ils être attribués à d’autres facteurs ? »).
Cette validité est une exigence de qualité pour évaluer les recherches inscrites dans une
approche quantitative ou qualitative.
Enfin, les chercheurs impliqués dans une approche quantitative utilisent le terme validité
externe pour qualifier et évaluer la capacité de la recherche à généraliser les résultats obtenus à
d’autres échantillons ou à d’autres contextes alors que les chercheurs « qualitatifs » accordent une
importance plus grande à ce qu’on nomme la validité écologique, à savoir la proximité entre la
situation étudiée dans la recherche et celles que l’on rencontre sur le terrain. Les deux concepts ont
donc trait à la généralisation des résultats de l’étude, mais la validité externe, dans le droit fil de la
logique propre à l’approche quantitative, repose plutôt sur la qualité de représentativité de
l’échantillon, alors que la validité écologique fonde cette capacité de généraliser les résultats de la
recherche qualitative sur la proximité entre les situations.
2.2
La fidélité
La fidélité, parfois appelée fiabilité, traduit, d’une manière ou d’une autre, la stabilité des
résultats (d’une recherche, d’un outil de collecte/production de données, d’une méthode d’analyse ou
d’un instrument de mesure).
La fidélité d’une recherche est élevée lorsque la réplication de la recherche aboutit à des
résultats semblables.
La fidélité d’un outil de recueil de données (questionnaire par exemple) ou d’un instrument de
mesure (test d’intelligence par exemple) peut être vérifiée en répliquant la prise d’informations sur les
mêmes sujets (test-retest) ou sur des groupes jugés équivalents. La fidélité de l’outil est élevée lorsque
les données aboutissent à des résultats semblables.
La fidélité d’une méthode de codage (observation par exemple) ou d’analyse (analyse de
contenu ou thématique par exemple) se mesure généralement à partir de la fidélité inter-codeurs. On
mesure la différence entre les résultats obtenus par plusieurs chercheurs indépendants. Si cette
différence est faible, la fidélité de la méthode est considérée comme élevée.
33
IV.
Du questionnement initial (QI) à la question de recherche (QR), les premières étapes
essentielles d’une recherche
1.
Une recherche, c’est avant tout une question que l’on pose
Le but d’une recherche aussi humble soit-elle consiste à apporter un complément de
connaissance à ce que l’on sait déjà (ou une rectification de ce que l’on croit savoir). Une recherche se
cristallise ainsi autour d’une question à laquelle on veut apporter des éléments de réponse ou, à tout le
moins, un certain éclairage. Au contraire de ce qu’on pourrait imaginer de prime abord, une « bonne »
question ne surgit pas du tréfonds de son imaginaire. Tout à l’inverse, même si l’intuition ou la
créativité – souvent nourries de multiples lectures, de longues réflexions et d’une bonne expérience –
participent à l’élaboration d’une question de qualité, sa définition est très souvent le fruit d’un
véritable travail d’élaboration, minutieux, systématique, souvent assez long et parfois fastidieux. Nulle
doute que doté d’une bonne question, le chercheur a déjà parcouru une bonne partie du chemin,
certainement l’une des plus délicates. L’inverse est malheureusement bien souvent rencontré : en
l’absence d’une question judicieusement posée, la recherche perd d’emblée toute portée, celle-ci ayant
été orientée dans une direction incertaine, confuse, imprécise, voire sans intérêt. A cet égard, nous
pourrions avancer que la qualité principale d’une question de recherche, au côté de celles plus
formelles en rapport à sa clarté ou à sa précision par exemple, est sa pertinence. La question de la
pertinence peut se formuler en ces termes « Ma question me permettra-t-elle réellement, dans le temps
imparti et avec les moyens disponibles (faisabilité), d’apporter des éléments de réponse qui, dans mon
contexte d’étude, apporte une connaissance – aussi petite soit-elle, pour la communauté scientifique
ou, le cas échéant, pour moi-même et mes pairs – en rapport à ce que d’autres avant moi ont
entrepris ? ».
2.
L’élaboration progressive d’une question de recherche
Dans une démarche inductive propre à une approche qualitative de la recherche, il est conseillé
que le chercheur parte à la découverte de son terrain avec un premier questionnement (questionnement
initial, QI), même si ce celui-ci est, à ce stade de l’étude, large et ouvert. Dans ce mouvement inductif
qui part de l’observation de « faits », ce premier questionnement sera immanquablement revisité au fur
et à mesure que le chercheur apprend à connaître son terrain d’étude. Le but premier de cette phase
exploratoire de la recherche est ainsi d’amener le chercheur à progressivement préciser son
questionnement initial de manière à aboutir à une question de recherche, précise et opérationnelle, en
phase avec la réalité du terrain et susceptible de traduire sa quête de compréhension du phénomène
étudié.
Dans une démarche hypothético-déductive propre à l’approche quantitative de la recherche, le
chercheur élabore sa question de recherche, non pas à partir d’une première découverte du terrain,
34
mais à partir d’une analyse de la littérature qui le conduit à préciser, progressivement, sa première idée
de question (questionnement initial). Dans bien des cas, la question de recherche à laquelle le
chercheur aboutit est traduite en une ou plusieurs hypothèses que l’étude se destine à éprouver.
3.
Problématiser sa question de recherche
» Extrait de Depover (2009, en ligne) : L’élaboration de la problématique de recherche
consiste à synthétiser la revue de la littérature […] en vue de mettre en évidence les débats,
les divergences de points de vue ou d’interprétation qui existent au sein du champ conceptuel
considéré afin de dégager précisément les éléments qui justifient la recherche que le
chercheur se propose de réaliser.
Que le chercheur soit impliqué dans une démarche déductive ou inductive, la question qu’il
élabore à l’issue d’une analyse approfondie de la littérature (démarche hypothético-déductive) ou de
l’exploration du terrain (démarche holistico-inductive) doit être confrontée à la littérature de manière à
aboutir à une véritable question de recherche (QR) qui adopte un langage scientifique partagé par la
communauté de recherche. Ce cadrage théorique permet à la fois d’élaborer une question de recherche
mobilisant le vocabulaire adéquat (les concepts en vigueur dans la communauté scientifique) mais
aussi d’inscrire la QR en regard des approches théoriques et méthodologiques du domaine traité.
Pour qualifier cette étape de confrontation à la littérature, les auteurs parlent fréquemment de
« problématique ». Problématiser son sujet de recherche c’est préciser, en regard de l’état de la
connaissance que l’on peut déceler dans la littérature (les théories, les approches et les résultats déjà
engrangés), l’écart entre ce que nous savons déjà d’un phénomène, souvent dans un contexte
déterminé, et ce que nous nous proposons de découvrir. Ce « problème » posé doit ainsi se
comprendre dans le sens d’un « manque » de compréhension et de connaissance relativement au
phénomène choisi. Autrement dit, la problématique est la mise en perspective, le questionnement et
l’articulation des éléments issus des travaux antérieurs menés dans le domaine (modèles, approches,
concepts, résultats…) en vue de construire le « problème » auquel s’attaquera le chercheur et
d’appuyer la manière dont ce problème sera traité.
Une problématique se réalise donc à partir d’une revue et d’une analyse de la littérature. Elle ne
peut s’envisager comme une simple synthèse de la littérature dans la mesure où elle tend à dépasser le
simple recensement des écrits (point 1 ci-après) pour des objectifs propres à la problématique (points 2
et 3) :
1.
Présenter un état de la connaissance sur le domaine (très large), sur la thématique (large) ou
sur le sujet (restreint) abordé. En somme, répondre à la question « Où en sommes-nous ? »
dans notre état de la connaissance scientifique.
2.
Pointer, en regard de cet état des lieux, les lacunes, les zones d’ombres, les questions qui
subsistent et qui justifient que l’on s’intéresse à la question de recherche (l’idée est donc de
justifier et d’asseoir le choix de « son » sujet).
35
3.
Relever si possible les débats et les divergences d’approches (théoriques et
méthodologiques) entre les auteurs et se positionner par rapport à ceux-ci.
En somme, dans la construction de sa problématique, l’auteur doit clairement montrer « en quoi
sa recherche apporte quelque chose de nouveau, c’est-à-dire justifier l’intérêt de sa recherche »
(Depover, 2009, en ligne).
Exemple d’une problématique : extrait, en guise d’illustration (Quintin, 2008b) :
Dans le champ de la psychologie sociale, de nombreuses recherches principalement
expérimentales ont été menées sur la dynamique de travail en groupe restreint. Certaines
d’entre elles se sont penchées spécifiquement sur les modalités d’accompagnement
présentiel de sujets engagés dans une activité collective. Rappelons à titre d’exemple les
recherches entamées à la fin des années trente par Lewin, Lippit et White (1938) sur les
styles de leadership autocratique, démocratique et laisser-faire. En revanche, comme le
soulignent Nielsen et al. (2005), très peu d’études empiriques ont porté en psychologie
sociale sur le travail collectif à distance. Cette voie mériterait ainsi d’être examinée afin
d’identifier les variables qui, dans ces conditions particulières, sont en relation avec
l’efficacité des groupes restreints (ibid.). Dans le domaine de la recherche en formation à
distance, certains travaux, peu nombreux cependant, se sont penchés sur les effets de
l’accompagnement tutoral, ceux-ci étant appréciés sur l’accès aux aides (De lièvre, 2000), la
perception du rôle des tuteurs (Gagné et al., 2001), (Heuer & King, 2004), le nombre et la
nature des échanges entre les participants (Bernatchez & Marchand, 2005), la satisfaction ou
la motivation (Gagné et al., 2001), (Pettigrew, 2001) ou encore les résultats individuels
obtenus par les étudiants au terme de la formation (Quintin, 2005). À ce jour, les études se
sont principalement focalisées sur la comparaison entre deux modalités d’intervention
tutorale : proactive et réactive. Les résultats obtenus indiquent que la proactivité inciterait les
étudiants à utiliser les aides disponibles (De Lièvre, 2000) et à augmenter le nombre de leurs
interventions (Bernatchez & Marchand, 2005) et qu’elle permettrait d’obtenir de meilleurs
résultats individuels (Quintin, 2005).
Par la présente recherche, nous entendons, d’une part, confirmer les éléments antérieurement
mis en évidence (Quintin, op. cit.) et, d’autre part, évaluer l’efficacité de cinq modalités
d’intervention tutorale (MiT) appliquées dans le cadre d’une formation à distance.
[…]
Le but de la recherche expérimentale dans laquelle s’inscrit cette étude est de comparer, par
effet de contraste, l’impact sur l’apprentissage de cinq modalités d’intervention tutorale
(MiT). Les MiT étudiées ont été élaborées en considérant les dimensions d’intervention qui,
au vu de la littérature, participent à l’accompagnement tutoral, soit les composantes
pédagogiques (P), socio-affectives (S) et organisationnelles (O). En complément de ces trois
"MiT ciblées", deux modes d’intervention tutorale non ciblés ont été intégrés en guise de
modalités de référence : une "MiT réactive" et une "MiT proac-tive non ciblée".
Commentaires
Dans la rédaction de cette problématique, l’auteur a mis en évidence (de manière très
synthétique dans cet exemple issu d’un article relativement court) les éléments pertinents
issus des recherches antérieures sur lesquels il s’appuie pour fonder son projet de recherche.
La formulation retenue permet d’identifier les éléments sur lesquels la recherche s’appuie et
qui sont détaillés dans la revue de la littérature ainsi que les lacunes dans la compréhension
du phénomène que le projet de recherche se propose de combler. L’auteur annonce
également qu’il se propose, pour rencontrer ses objectifs, de s’appuyer sur un plan de
recherche déterminé, de type expérimental.
36
Même si globalement la problématique se présente de la même manière quelle que soit
l’approche adoptée, quantitative ou qualitative, quelques nuances doivent néanmoins être apportées.
Ainsi, comme l’indique Paillé (2004, p. 195-196), dans une démarche hypothético-déductive la
recension des écrits relevés dans la problématique est relativement exhaustive et aboutit à des
hypothèses très précises et fines alors que dans une démarche inductive propre à une recherche
qualitative, « la conceptualisation de l’objet est toujours en partie, une affaire de terrain, d’examen in
situ du matériau empirique. […] L’argumentation en forme d’entonnoir qui caractérise toute
problématique se termine, dans le cas de la recherche qualitative, par un goulot relativement large ».
4.
Question de recherche (QR)
L’élaboration et la définition de la question de recherche (QR), accompagné le cas échéant
d’hypothèses est la phase la plus sensible et la plus critique pour un chercheur. Ainsi, dans bon
nombre de travaux réalisés par des étudiants menant pour la première fois un travail de recherche, un
défaut d’articulation et de cohérence est observée entre, d’une part la manière dont est posée la
question de recherche et, d’autre part :

l’état des lieux et l’analyse des recherches menées dans le domaine (la littérature) ;

le protocole de la recherche (ou la « méthodologie » dans son sens large) établie pour tenter
d’apporter des éléments de réponses à la QR ou d’éprouver les H ;

les résultats eux-mêmes que l’auteur met en évidence.
A cet égard, la question de recherche représente en quelque sorte la pierre angulaire de
l’ensemble de l’édifice. Sa formulation doit permettre d’en induire le projet dans son ensemble, le
sujet principal ainsi que l’objet de recherche sur lequel porte l’étude. Elle fournit également le fil
conducteur du rapport de recherche que le lecteur devra pouvoir clairement trouver tout au long de sa
lecture.
Comme le terme l’indique, la question de recherche se formule sous la forme d’une
interrogation à laquelle le chercheur tient à apporter des éléments de réponse ou, à tout le moins, un
éclairage. Elle se prête particulièrement bien à une recherche exploratoire s’inscrivant dans une
démarche holistico-inductive. Dans cette démarche, elle se suffit à elle-même et ne doit pas
nécessairement être accompagnée d’hypothèses de travail. Dans une démarche hypothético-déductive,
il est fréquent par contre que le chercheur traduise son sujet sous la forme d’hypothèses. Dans cette
situation, nous suggérons de les faire précéder malgré tout d’une question de recherche qui les
englobe.
Dans tous les cas de figure, une question de recherche, tout comme une hypothèse, doit être
plausible et, à ce titre, être accompagnée d’un développement discursif qui indique qu’elle est
37
soutenue par la littérature et par les résultats engrangés par d’autres chercheurs ou encore que le
chercheur a obtenu lui-même dans une phase préalable de sa recherche.
A ce titre, nous dirons que la QR tout comme l’H doit être fondée.
D’autres qualités sont également recherchées, parmi lesquelles, nous citerons :

sa pertinence : son utilité en termes d’apport potentiel de connaissances ;

son opérationnalité : la possibilité d’apporter effectivement des éléments de réponse en
rapport direct avec la question qui est posée ;

sa faisabilité : le réalisme de l’entreprise qu’implique la recherche d’éléments de réponse à
la question posée ;

sa lisibilité et sa précision : son caractère univoque, clair et concis (la QR doit, autant que
possible, se suffire à elle-même ; même une question de recherche est très souvent plus
« ouverte » qu’une hypothèse, elle doit permettre au lecteur d’obtenir tous les éléments de
compréhension sur son projet de recherche).
Dans une recherche qualitative, il n’est pas rare qu’une question de recherche (principale ou
majeure) soit décomposée en questions plus spécifiques (ou sous-questions). Sorte d’équivalences aux
hypothèses adoptées dans une approche quantitative en termes de précision, il faut néanmoins veiller,
à formuler ces questions de recherche dites « spécifiques » de manière suffisamment ouverte de façon
à permettre au terrain de révéler de nouvelles données. Comme le souligne Depover (2009, en ligne),
« contrairement aux hypothèses de recherche, il ne s’agit pas ici de spécifier ce à quoi on s’attend mais
de conserver un regard le plus ouvert possible pour ne pas courir le risque de passer à côté d’une
donnée non prévue mais présentant néanmoins un grand intérêt pour la recherche qu’on a choisi de
mener ».
A partir de la question de recherche générale proposée par Miles et Huberman (1994/2003,
p.75) « De quelle façon les personnes [enseignants] ont-elles redéfini, réorganisé ou réinventé le
nouveau programme pour l’utiliser avec succès ? », on pourrait se poser des questions plus
spécifiques, comme par exemple (entre parenthèses le type d’outil que l’on pourrait envisager pour
collecter ou produire les données) :

Quelles sont les particularités du nouveau programme en question en comparaison de
celui que les enseignants appliquaient précédemment ? (analyse de documents)

Quelle est la perception des enseignants du nouveau programme proposé ? (entretiens)

De quelle manière les enseignants appliquent-ils le nouveau programme en classe ?
(observation)

etc.
38
5.
Hypothèse (H)
Une hypothèse est une affirmation temporaire mais précise que l’on pose sur la base des
résultats de recherches antérieures, d’une théorie, d’affirmations argumentées, d’expériences ou
d’observations antérieures menées sur le terrain. A partir d’une hypothèse le chercheur indique ce qu’il
suppose rencontrer dans la réalité des faits qu’il observera ultérieurement.
De même que pour une question de recherche, une hypothèse n’est pas le fruit de son
imagination. Même si l’intuition et l’expérience du chercheur peuvent parfaitement contribuer à
formuler une « bonne » hypothèse, celle-ci doit être « plausible ». Cette qualité doit être démontrée
dans le rapport de recherche afin d’en convaincre le lecteur. Nous l’avons souligné (cf.
problématique), pour assurer cette plausibilité, l’hypothèse sera présentée en lien avec une analyse
argumentée de la littérature et/ou une présentation articulée de résultats que le chercheur a obtenu dans
une phase préalable d’exploration du terrain. Ainsi, une hypothèse, comme une question de recherche,
repose nécessairement sur une analyse de la littérature ou sur une analyse des résultats déjà obtenus
sur le terrain étudié.
Le terme « hypothèse » est avant tout associé à une démarche « hypothético-déductive ». En la
posant on s’inscrit traditionnellement dans une démarche de recherche qui met en place un protocole
(ou plan) de recherche qui est destiné à éprouver (vérifier, tester, valider…) l’hypothèse. Dans cette
démarche, nous dirons que le « terrain vérifie » l’hypothèse et, par là, la théorie dont elle est issue. A
cette fin, l’hypothèse sera confrontée aux résultats des observations menées sur le terrain, à partir des
techniques de collecte et d’analyse des données (test, questionnaire, entretien, observation directe ou
indirecte etc.). Elle se présente dans cette situation sous la forme d’une proposition affirmative qui met
classiquement en relation deux variables. Dans une recherche quantitative, l’hypothèse doit être
« réfutable » ou « falsifiable » par le chercheur lui-même mais également par d’autres après lui.
Même si, pour notre part, nous sommes enclins à délaisser l’usage d’hypothèse(s) dans une
démarche inductive au profit de la seule formulation de questions de recherche (quitte à les
décomposer en une question de recherche principales et des questions spécifiques), certains chercheurs
« qualitatifs » utilisent le terme « hypothèse » de manière à traduire sous une forme synthétique les
résultats que le chercheur s’attend à retrouver dans son étude de terrain. Pour éviter les malentendus,
nous suggérons dans ce cas d’adopter le terme hypothèse de travail ou pistes de recherche pour éviter
les confusions possibles avec le terme hypothèse mobilisé dans une approche quantitative et les
implications méthodologiques qu’elle engendre (plan expérimental).
39
V.
Types de recherche empiriques en sciences de l’éducation23
Pour terminer, vous trouverez dans le tableau qui suit une proposition de classification des
recherches habituellement rencontrées en sciences de l’éducation, réparties en cinq grandes catégories.
Cette typologie vous est livrée à titre illustratif de manière à vous permettre de mieux situer votre
recherche et ainsi d’en cerner quelques implications méthodologiques. Dans le droit fil de ce qui a été
présenté dans ce texte, ces cinq classes de recherche peuvent être associées à une approche
(quantitative ou qualitative) et une démarche (hypothético-déductive ou holistico-inductive) dotées
d’outils de collecte ainsi que de techniques d’analyse de données privilégiées même si, nous le
soulignons encore, ces choix n’excluent pas, bien au contraire, d’adopter des approches, des
démarches et des outils complémentaires. Ainsi, une approche mixte de la recherche peut, par
exemple, mobiliser, dans une première phase de l’étude, une démarche inductive permettant d’explorer
le phénomène étudié à partir d’un terrain choisi et, ainsi, de préciser ou de consolider les premières
questions et pistes de recherche (cf. étude de cas ci-après) , et, dans un second temps, envisager une
approche quantitative inter-sites plus « classique » (cf. recherche quasi-expérimentale). L’inverse est
tout aussi intéressant. Une recherche quantitative (temps 1) peut aboutir à des résultats dont une
compréhension plus fine demande au chercheur de « retourner » sur le terrain afin d’y mener, par
exemple, des entretiens ou des observations complémentaires (temps 2).
Type de
recherche
Recherche
expérimentale
Manipulation,
contrôle des
variables,
échantillonnage
Manipulation
d’au moins une
variable
indépendante et
prise de mesures
sur le/les
variable(s)
dépendante(s).
Contrôle des
autres variables
susceptibles
d’exercer une
influence sur les
mesures.
Echantillonnage :
Affectation
aléatoire des
sujets dans les
groupes
expérimentaux.
23
But
Vérifier une
théorie,
opérationnalisée
sous la forme
d’hypothèses.
Démarche et
approche
privilégiées
hypothético
déductive
quantitative
Types de
techniques
privilégiées
test
observation
structurée
questionnaire
Mise en évidence
de la présence ou
l’absence de
relations (causales
ou non).
analyse de traces
Techniques
qualitatives
utilisées de
manière
complémentaire
dans le but, par
exemple, de
mieux comprendre
les résultats
obtenus.
Question
prototypique
posée :
Quels sont les
effets d’une
modification
apportée à telle
variable
(indépendante) sur
telle variable
(dépendante) ?
Note
Centration sur un
nombre restreints
de variables.
A pour vocation
d’aboutir à des
résultats
généralisables à
un ensemble de
contextes (savoir
générique).
Etude extensive
Cette typologie est fournie à titre illustratif. Elle est inspirée du cours - librement accessible à l’adresse
http://ute.umh.ac.be/methodes/partie1.htm#types - Méthodes et outils de recherche en sciences de l’éducation, rédigé par
Christian Depover, professeur à l’université de Mons (2009)
40
Type de
recherche
Recherche
quasi
expérimentale
Manipulation,
contrôle des
variables,
échantillonnage
Pas de
manipulation de
variable(s) mais
« simple »
mesure de
celle(s)-ci.
Echantillonnage
occasionnel : pas
d’affectation
aléatoire des
sujets dans
différents
groupes (on
étudie les
« groupes » tels
qu’ils se
présentent dans la
« réalité » du
terrain).
Enquête à
grande
échelle (ou
« survey »)
Pas de
manipulation de
variable.
But
Démarche et
approche
privilégiées
Ce type de
recherche vise
globalement les
mêmes buts que la
recherche
expérimentale
même si la
moindre rigueur de
ce plan de
recherche ne
permet pas
d’aboutir à des
résultats dotés
d’une même
puissance
généralisatrice.
hypothético
déductive
Obtenir l’état
d’une « situation »
à un moment T.
Ni strictement
hypothético
déductive, ni
strictement
inductive, ce
type d’études
cherche à
dresser un état
des lieux
relativement à
un
« phénomène ».
Echantillonnage
représentatif de la
population
étudiée
(échantillonnage
stratifié pondéré
par exemple).
quantitative
Types de
techniques
privilégiées
Idem :
test
observation
structurée
Ni manipulation,
ni contrôle de
variables
Pas
d’échantillonnage
Recherche de
solutions
opérationnelles
susceptibles de
« transformer »
l’état d’une
situation et
d’améliorer la
connaissance sur
ces
transformations.
Idem (voir
remarque cicontre relative à la
généralisation des
résultats obtenus).
questionnaire
analyse de traces
Techniques
qualitatives
utilisées de
manière
complémentaire
dans le but, par
exemple, de
mieux comprendre
les résultats
obtenus.
questionnaire
sondage
test
Note : dans
certains cas, des
interviews sont
également
utilisées.
quantitative
Rechercheaction
Note
inductive
qualitative
Importance des
techniques
d’échantillonnage.
Etude extensive
observation
participante
observation libre
entretien libre,
généralement en
groupe (focus
group, TrainingGroup ou « TGroup »…).
« La rechercheaction tente de les
confronter pour
mieux pénétrer la
complexité :
accroître le savoir
par l’action et
rendre l’action
plus efficace par le
savoir » (Pourtois
et al., 2013, p. 27).
Collecte et
analyse
systématique
d’informations
auprès
d’échantillons très
larges et
représentatifs
d’une population.
Implication du
chercheur dans la
recherche de
solutions.
Résultats pas
directement
généralisables
(savoir local),
sauf si étude intersites (vers un
savoir générique).
Etude intensive
41
Type de
recherche
Etude de cas
Manipulation,
contrôle des
variables,
échantillonnage
Ni manipulation,
ni contrôle de
variables.
Pas
d’échantillonnage
But
Mieux comprendre
un phénomène, en
profondeur (étude
intensive).
Démarche et
approche
privilégiées
Types de
techniques
privilégiées
(holistico-)
inductive
entretien (libre,
structurée)
qualitative
observation (libre,
structurée)
Saisir les
interrelations
multiples et
complexes entre
les variables
(holistique).
… (y compris le
recours
complémentaire à
des techniques
quantitatives).
Note
N’a pas pour
vocation première
de généraliser les
résultats en
dehors des
contextes étudiés
(savoir local) sauf
si étude inter-sites
(vers un savoir
générique).
Etude intensive
42
Bibliographie
Avenier, M., & Albert, M.-N. (2009). Légitimation de savoirs académiques en GRH tirant
parti de l’expérience de praticiens dans une épistémologie constructiviste. Actes du
congrès AGRH 2009. Toulouse. Consulté le : Septembre 18, 2012, sur
http://www.reims-ms.fr/agrh/docs/actes-agrh/pdf-des-actes/2009avenier-albert006.pdf
Avenier, M.-J., & Thomas, C. (2011). Mixer quali et quanti pour quoi faire ? Méthodologie
sans épistémologie n'est que ruine de la réflexion ! Cahier de Recherche(06). Consulté
le : Avril 10, 2012, sur http://halshs.archivesouvertes.fr/docs/00/64/43/03/PDF/CR_2011-06_E4.pdf
Bachelard, G. (1934). Le nouvel esprit scientifique. Paris: Presses Universitaires de France.
Charmillot, M., & Dayer, C. (2007). Démarche compréhensive et méthodes qualitatives,
Clarifications épistémologiques. Actes du colloque Bilan et prospectives de la
recherche qualitative. Association pour la recherche qualitative.
D’Amboise, G. (1996). Le projet de recherche en administration, Un guide général à sa
préparation. Consulté le : Juillet 25, 2012, sur Faculté des sciences de
l’administration, Université Laval: http://www.fsa.ulaval.ca/personnel/damboisg/liv1/
De Ketele, J.-M., & Maroy, C. (2006). Quels critères de qualité pour les recherches en
éducation ? Dans L. Paquay, M. Crahay, & J.-M. De Ketele, L’analyse qualitative en
éducation. Des pratiques de recherche aux critères de qualité (pp. 219-249).
Bruxelles: De Boeck Universités.
Depover, C. (2009). Méthodes et outils de recherche en sciences de l’éducation. Consulté le :
Septembre 20, 2012, sur DESTE, Université de Mons, Mons:
http://ute.umh.ac.be/methodes/
Glaser, B., & Strauss, A. (1967/2010). La découverte de la théorie ancrée, Stratégies pour la
recherche qualitative. Paris: Armand Colin.
Guba, E. G., & Lincoln, Y. D. (1994). Competing paradigms in qualitative research. In N. K.
Denzin, & Y. S. Lincoln, Handbook of qualitative research (pp. 105-117). Thousand
Oaks, CA: Sage.
Halleux, M. (1896). Les Principes du positivisme contemporain. Exposé et critique par M. J.
Halleux. Revue néo-scolastique, 3(9), pp. 101-103.
Kupiec, A. (2006). La construction de la vérité scientifique. Bulletin des Bibliothèques de
France, 51(3), pp. 93-94. Consulté le : Juin 18, 2013, sur http://bbf.enssib.fr/
Laperrière, A. (1982). Pour une construction empirique de la théorie : la nouvelle école de
Chicago. Sociologie et sociétés, 14(1), pp. 32-40.
Lincoln, Y. S., Lynham, S. A., & Guba, E. G. (2011). Paradigmatic Controversies,
Contradictions, and Emerging Confluences, Revisited. In N. K. Denzin, & Y. S.
Lincoln, The Sage Handbook of Qualitative Research (pp. 97-128). Thousand Oaks,
CA: Sage.
Miles, M. B., & Huberman, A. (1994/2003). Analyse des données qualitatives (éd. 2ème).
Bruxelles: De Boeck.
Morrissette, J. (2011). Vers un cadre d’analyse interactionniste des pratiques professionnelles.
Recherches qualitatives, 30(1), pp. 10-32.
Morrissette, J., Guignon, S., & Demazière, D. (2011). De l’usage des perspectives
interactionnistes en recherche. Recherches qualitatives, 30(1), pp. 1-7.
Nadeau, R. (1999). Vocabulaire technique et analytique de l’épistémologie. Paris: Presses
Universitaires de France.
Nguyên-Duy, V., & Luckerhoff, J. (s.d.). Constructivisme/positivisme : où en sommes-nous
avec cette opposition ? Recherche Qualitative(5), pp. 4-17.
43
Olivier De Sardan, J.-P. (2008). La rigueur du qualitatif. Louvain-La-Neuve: BruylantAcademia.
Paillé, P. (2004). Problématique d'une recherche qualitative. Dans A. Mucchielli, Dictionnaire
des méthodes qualitatives en sciences humaines (éd. 2ème, pp. 195-197). Paris:
Armand Colin.
Pesqueux, Y. (2010). Pour une épistémologie des organisations. hal.archives-ouvertes.
Consulté le : Juin 18, 2012, sur hal.archives-ouvertes: http://hal.archivesouvertes.fr/docs/00/51/08/60/PDF/ConfA_pistA_moorgED415.pdf
Poper, K. (1973). La logique de la découverte scientifique. Paris: Payot.
Pourtois, J.-P., Desmet, H., & Humbeek, B. (2013). La recherche-action, un instrument de
compréhension et de changement du monde. Recherches Qualitatives, Hors Série(15),
pp. 25-35. Consulté le : Juillet 10, 2013, sur http://www.recherchequalitative.qc.ca/Revue.html
Quintin, J.-J. (2008a). Accompagnement tutoral d’une formation collective via Internet Analyse des effets de cinq modalités d’intervention tutorale sur l'apprentissage en
groupes restreints. Thèse de doctorat, Université de Mons-Hainaut & Université
Stendhal Grenoble 3, Faculté de Psychologie et des Sciences de l’Education &
Laboratoire LIDILEM, Mons. Consulté le : Juillet 01, 2013, sur http://tel.archivesouvertes.fr/tel-00349013/
Quintin, J.-J. (2008b). Accompagnement d’une formation asynchrone en groupe restreint :
modalités d'intervention et modèles de tutorat. STICEF, 15. Consulté le : Juillet 05,
2013, sur http://sticef.univ-lemans.fr/num/vol2008/04quintin/sticef_2008_quintin_04p.pdf
Raynal, F., & Rieunier, A. (2003). Pédagogie : dictionnaire des concepts clés (éd. 3ème).
Paris: ESF.
Université de Genève. (2007). Méthodologie, Lexique. Consulté le : Juin 22, 2012, sur
Politique, Economie, Gestion de l'Education (PEGEI):
http://www.unige.ch/fapse/pegei/Methodologie/Lexique.html
Université de Montréal. (2009). Nos chercheurs. Consulté le : Juin 17, 2013, sur Rubrique
Recherche: http://www.nouvelles.umontreal.ca/recherche/nos-chercheurs/quest-cequun-chercheur.html
Van Der Maren, J.-M. (1996). Méthodes de recherche pour l'éducation (éd. 2ème). Bruxelles:
De Boeck.
Verdon, J. (2010). 658. Paris: Grasset.
44
Téléchargement