Niveaux de productivité et compétitivité internationale du Canada et

Niveaux de productivité et compétitivité internationale
5
du Canada et des États-Unis
Frank C. Lee et Jianmin Tang
5.1 Introduction
OBJET DE LA PRÉSENTE ÉTUDE
est de comparer les niveaux de productivité
totale des facteurs (PTF) et la compétitivité internationale dans
33 industries canadiennes et américaines. Pour produire ces comparaisons,
nous devons d’abord estimer les parités de pouvoir d’achat (PPA) de la pro-
duction et des intrants, par industrie. Nous utilisons des données bilatérales
sur le prix des biens au Canada et aux États-Unis afin de calculer des PPA
pour la production et les intrants intermédiaires, et nous estimons des PPA
pour l’intrant capital en fonction des prix relatifs des biens d’investissement,
en tenant compte du flux des services du capital par unité de stock de capital.
Nous utilisons ensuite les taux de rémunération horaire de la main-d’œuvre,
désagrégés par catégorie de travailleurs dans les deux pays, pour estimer les
PPA de l’intrant travail. Ces PPA tiennent compte des différences dans la
composition de la production et des intrants de l’industrie entre le Canada et
les États-Unis, permettant ainsi des comparaisons entre pays tant au niveau
des prix que des quantités des produits et des intrants.
À l’exemple de Jorgenson et Nishimizu (1978), qui ont fait des comparaisons
entre le Japon et les États-Unis, nous utilisons une fonction de production
translog attribuable à Christensen, Jorgenson et Lau (1971, 1973) afin
d’estimer les niveaux relatifs de PTF au Canada et aux États-Unis. Ce modèle
a été utilisé abondamment par Jorgenson et ses collaborateurs, dont Jorgen-
son, Kuroda et Nishimizu (1987), Jorgenson et Kuroda (1995), et Kuroda et
Nomura (1999). Suivant cette tradition, nous pouvons supposer que les ni-
veaux relatifs de PTF traduisent des différences de niveau de technologie
puisque la qualité des intrants est déjà prise en compte dans ce modèle.
À l’aide d’un cadre commun comprenant des ensembles de données compara-
bles pour le Canada et les États-Unis
1
, nous avons obtenu des résultats qui
montrent qu’en 1995, 23 industries canadiennes sur 33 avaient un niveau de
PTF inférieur à celui de l’industrie correspondante aux États-Unis
2
. Nos résul-
tats indiquent également que le niveau relatif de PTF est un élément important
L
Lee et Tang
176
de la compétitivité internationale dans les diverses industries. De fait, les
industries canadiennes qui affichent des niveaux de PTF plus élevés que
leurs rivales américaines ont tendance à être plus concurrentielles en termes
de prix relatifs de la production. Avec le temps, toutefois, les mouvements de
taux de change semblent être le facteur le plus important de la compétitivité
internationale. Entre 1988 et 1995, la baisse du taux de change a aidé
neuf industries à devenir plus concurrentielles que leurs rivales américaines.
Par ailleurs, les mouvements de taux de change coïncident avec les mouve-
ments de prix relatifs de la production dans le secteur des entreprises pri-
vées des deux pays sur la période 1961-1995. Examinant une période plus
récente, c’est-à-dire 1976 à 1995, nous constatons que la compétitivi du
secteur des entreprises privées au Canada s’est améliorée par rapport à celle
du même secteur aux États-Unis, alors même que sa performance sur le plan
de la PTF stagnait — malgré une légère reprise amorcée depuis 1993.
Le reste du chapitre se présente ainsi. À la section 5.2, nous estimons des
PPA pour la production et les intrants, tandis que les sections 5.3 et 5.4 sont
consacrées à une comparaison des niveaux de PTF et de compétitivité inter-
nationale entre les industries canadiennes et américaines. À la section 5.5,
nous examinons l’évolution de la PTF et de la compétitivité dans le secteur
des entreprises privées au Canada et aux États-Unis. Enfin, nous présen-
tons nos conclusions à la section 5.6.
5.2. Parités du pouvoir d’achat pour la production et les intrants
D
ANS CETTE SECTION
,
NOUS EXAMINONS
les données et la méthodologie em-
ployées aux fins de construire des PPA bilatérales entre le Canada et les
États-Unis pour la production et les intrants, dans 33 industries. Dans ce
contexte, il est utile de garder à l’esprit que la valeur de la production est
définie dans la perspective du producteur, tandis que la valeur des intrants
est définie dans la perspective du producteur-acheteur. Cela a des consé-
quences pour l’élaboration des PPA, comme nous le verrons plus loin.
D'abord, nous regroupons les tableaux entrées-sorties du Canada et des États-
Unis pour l’année 1992
3
en 249 groupes communs de biens et 33 industries
4
.
Nous jumelons ensuite des PPA de 201 biens
5
aux prix des acheteurs, avec
les biens figurant dans les tableaux E-S. Parmi les 48 biens restants dans les
tableaux E-S, nous identifions 26 biens ayant des substituts rapprochés
Niveaux de productivité et compétitivité internationale
177
parmi les 201 biens déjà jumelés, en appliquant les PPA de leurs proches
substituts. Pour les 22 biens résiduels, nous utilisons le taux de change du
marché de 1993. Ce sont principalement des biens primaires (par exemple
les céréales, le blé, le cuivre, l’acier et les métaux précieux) qui font l’objet
d’un important commerce sur les marchés nord-américains ou mondiaux.
Les 249 PPA et les tableaux E-S sont utilisés aux fins d’estimer des PPA
pour la production et les intrants autres que le travail
6
.
5.2.1 Parités du pouvoir d’achat pour la production
La PPA de la production est définie comme étant le ratio du montant, exprimé
en dollars canadiens, reçu par les producteurs canadiens pour leur production
vendue au Canada, au montant, exprimé en dollars américains, reçu par les
producteurs américains pour vendre le même montant de production aux
États-Unis. Ainsi, les PPA de la production sont calculées aux prix des produc-
teurs, ce qui signifie que nous devons d’abord convertir les PPA des biens
établis aux prix des acheteurs, soit EPPP
j
, en PPA pour les mêmes biens éta-
blis aux prix des producteurs, soit PPP
j
, en « supprimant » les marges
d’imposition et de distribution (la marge de l’imposition indirecte des biens
et les marges du transport et du commerce), à l’aide des tableaux E-S des
deux pays
7
.
Nous procédons ensuite à l’élaboration des PPA de production pour chaque
industrie. La PPA de la production dans l’industrie i est obtenue par
l’agrégation de 249 PPA de biens sous forme translog, en utilisant les parts
nominales de la composition des biens comme facteurs de pondération pour
l’industrie i :
(1)
[]
=
+=
249
1
1/2
j
)()(
j
Q
ji,
Q
ji,
Q
i
PPP(US)v (Can)vPPP lnln
,
)(
,
Sv
Qji
est la part de la valeur du bien j, dans l’industrie i dans le pays S,
estimée à partir de la matrice de la production des tableaux E-S.
Lee et Tang
178
5.2.2 Parités du pouvoir d’achat pour les intrants intermédiaires
Les intrants intermédiaires englobent l’énergie, les matières et les services
achetés. Leurs PPA sont calculées de la même manière que les PPA de la
production, mais elles sont fondées sur les PPA des biens aux prix des ache-
teurs, qui comprennent les marges d’imposition, de transport et de com-
merce. En gardant cela à l’esprit, la PPA des intrants intermédiaires dans
l’industrie i est définie comme étant l’agrégat translog des PPA de 249 biens :
(2)
[]
=
+=
249
1
,,
)ln()()(2/1)ln(
jj
Mji
Mji
M
i
EPPPUSvCanvPPP
,
)(
,
Sv
Mji
est la part de la valeur des biens (ou des services) de la catégorie j
utilisés comme intrants intermédiaires dans l’industrie i, dans le pays S, esti-
mée à partir des matrices des utilisations des tableaux E-S. Ici, EPPP
j
est la PPA
aux prix des acheteurs du bien j, telle que définie précédemment.
5.2.3 Parités du pouvoir d’achat pour l’intrant capital
Comme au chapitre 4, l’intrant capital est ventilé entre quatre catégories
d’actif — les machines et le matériel (M et M), les structures non résidentiel-
les, les stocks et les terrains. Cependant, les données disponibles sur les prix
nous permettent seulement de construire des PPA d’investissement pour les
M et M et les structures. À l’exemple de Jorgenson et Kuroda (1995) et de
Kuroda et Nomura (1999), nous faisons l’agrégation de 249 PPA de biens afin
de construire les PPA de l’investissement pour l’investissement nouveau de
type k (M et M ou structures) dans l’industrie i, dans la perspective des ache-
teurs :
(3)
[]
=
+=
249
1
,,,,,
)ln()()(2/1)ln(
jj
Ijki
Ijki
Iki
EPPPUSvCanvPPP
,
)(
,,
Sv
Ijki
est la part de la valeur du bien d’investissement j de type k
dans l’industrie i estimée à l’aide des matrices de flux d’investissement des
tableaux E-S.
Nous dérivons ensuite la PPA de l’intrant capital, pour chaque catégorie
d’actif (M et M et structures) dans l’industrie i, en multipliant le ratio de cha-
Niveaux de productivité et compétitivité internationale
179
que catégorie de prix de location au Canada par rapport aux États-Unis par
la PPA de l’investissement correspondante,
(4)
Iki
Iki
K
ki
Iki
K
ki
K
ki
PPP
USPUSP
CanPCanP
PPP
,
,,
,,
,
)(/)(
)(/)(
=
,
)(
,
SP
K
ki
est le prix de l’intrant capital pour la catégorie d’actif k dans le pays S
et où )(
,
SP
I
ki
est l’indice de prix de l’investissement pour cette catégorie
d’actif. Pour chaque catégorie d’actif, le ratio du prix de l’intrant capital à
l’indice du prix de l’investissement est le prix de location de l’intrant capital
de cette catégorie d’actif. Tel qu’indiqué dans les chapitres précédents, le prix
de location de l’intrant capital est estimé en tenant compte du taux de ren-
dement du capital, des taux d’amortissement économique et des divers pa-
ramètres fiscaux de chaque pays. Ainsi, dans le calcul des PPA de l’intrant
capital, nous supposons implicitement que l’efficience relative des nouveaux
biens en capital, dans une industrie donnée, est la même au Canada et aux
États-Unis. Cependant, la baisse de l’efficience de l’intrant capital corres-
pondant à chaque composante est estimée séparément pour les deux pays.
Nous supposons que la PPA de l’intrant capital pour les terrains est la
même que pour les structures. En outre, nous supposons que la PPA de
l’intrant capital pour les stocks est identique à la moyenne pondérée des
PPA de l’intrant capital pour les M et M, les structures et les terrains.
La PPA de l’ensemble de l’intrant capital est ensuite obtenue en faisant
l’agrégation des PPA individuelles de l’intrant capital pour toutes les caté-
gories p (M et M, structures, terrains et stocks), en utilisant comme facteur
de pondération la rémunération moyenne dans les deux pays pour chaque
catégorie d’intrants capital :
(5)
[]
=
+=
p
k
K
ki
Kki
Kki
K
i
PPPUSvCanvPPP
1
,,,
)ln()()(2/1)ln(
,
)(
,
Sv
K
ki
est la part de la rémunération du capital de la catégorie de capi-
tal k, dans l’industrie i, dans le pays S.
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