Salles d’opération : caractéristiques,
évolution et utilisation des
infirmières auxiliaires
Gaétan Lévesque
Directeur
Service de la recherche
Octobre 2008
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Nous tenons à souligner l’aide appréciable que nous a apporté Monsieur Conrad Normand, infirmier auxiliaire
au bloc opératoire de l’Hôpital Saint-Sacrement du Centre hospitalier universitaire de Québec (CHUQ) pour
comprendre l’abc du champ d’activités « salle d’opération ». N’eut été de son généreux apport, nous aurions eu
beaucoup de difficultés à traiter adéquatement de ce dossier.
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Sommaire
La main-d’œuvre professionnelle (excluant les médecins) en salle d’opération se compose
d’infirmières, d’infirmières auxiliaires et d’inhalothérapeutes. D’après les données des ordres
professionnels, l’OIIQ, l’OIIAQ et l’OPIQ, en 2006-2007 on comptait 2 620 infirmières, 85
infirmières auxiliaires (122 en 2007-2008) et 960 inhalothérapeutes (en 2005-2006), ces
dernières agissant en tant qu’assistantes en anesthésie.
Le personnel infirmier professionnel en salle d’opération œuvre principalement dans la région
de Montréal, 35,6 %, suivie des régions de la Capitale-Nationale et de la Montérégie, 13,9
% et 10,4 % respectivement. On en trouve dans toutes les régions répondant ainsi aux besoins
chirurgicaux de leurs populations respectives. Par contre, les infirmières auxiliaires sont plus
fortement concentrées dans la région montréalaise où 52 % d’entre elles exercent leur
profession. Elles sont absentes ou pratiquement absentes en 2007-2008 des salles d’opération
des régions du Bas-Saint-Laurent, de l’Abitibi-Témiscamingue, de la Côte-Nord, du Nord-du-
Québec, de Laval, de Lanaudière, des Laurentides, et du Centre-du-Québec. La région du
Saguenay-Lac-Saint-Jean utilise proportionnellement plus les infirmières auxiliaires en salle
d’opération que ne le font les autres régions ressources du Québec.
La croissance annuelle moyenne du personnel infirmier professionnel entre 2000-2001 et
2006-2007 fut de 1,7 %, soit de 2,0 % chez les infirmières et de – 5,3 % (et de 0,5 % si on
inclut l’année 2007-2008) chez les infirmières auxiliaires. En guise de comparaison,
soulignons que la croissance annuelle moyenne de l’ensemble de l’effectif des infirmières et
des infirmières auxiliaires pour la même période fut de 1,4 % et de 5,2 %. Ce champ
d’activités salle d’opération des infirmières auxiliaires devrait connaître tout probablement
dans les prochaines années une croissance supérieure à celle observée dans les dernières
années due notamment à l’offre de formation d’instrumentistes aux infirmières auxiliaires si
on en juge par la forte progression observée en 2007-2008 (44 % d’augmentation sur 2006-
2007).
On constate que l’âge moyen des infirmières auxiliaires oeuvrant en salle d’opération, 46,9
ans, qui était en 2006-2007 nettement supérieur à celui de l’ensemble de l’effectif de l’Ordre,
42,5 ans, a fortement chuté en 2007-2008 à 42,9 ans. Les 50 ans et plus qui représentaient
51,7 % de l’effectif en salle d’opération en 2006-2007 a fortement chuté à 33,6 % en 2007-
2008. Les infirmières auxiliaires oeuvrant en salle d’opération, qui étaient nettement plus
âgées que la moyenne de l’effectif total de l’Ordre, ont dans une seule année de forte
croissance (2007-2008) modifié substantiellement à la baisse une caractéristique
démographique essentielle, soit l’âge.
À l’échelle canadienne, l’utilisation relative des infirmières auxiliaires en salle d’opération,
exprimée par le ratio I/IA, est de 17,5 ce qui signifie que les infirmières auxiliaires sont
relativement peu présentes dans ce secteur d’activités par rapport à leur implication dans
d’autres champs d’activités. Par contre, on remarque que le ratio I/IA diffère grandement
selon les provinces. Il est de 84 au Manitoba et de 40 en Colombie-Britannique mais de 5 en
Saskatchewan et de 7 au Nouveau-Brunswick. Dans le cas du Québec, il est supérieur à la
moyenne canadienne (30 vs 18). Il est nettement plus élevé au Québec qu’en Ontario (15)
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indiquant ainsi que l’infirmière auxiliaire ontarienne est relativement plus impliquée en salle
d’opération que ne l’est sa consoeur québécoise.
Près de 465 000 chirurgies ont été effectuées au Québec en 2006-2007 dont 40 % auprès des
patients hospitalisés et 60 % en chirurgies d’un jour. C’est aux mois de mai et novembre
qu’on a effectué le plus de chirurgies ; les mois de juillet et de décembre étant les moins
achalandés.
Les dépenses des salles d’opération se chiffrent à 505 millions de dollars en 2006-2007
comparativement à 400 millions de dollars en 2002-2003. La hausse annuelle moyenne des
dépenses des salles d’opération de 2002-2003 à 2006-2007 s’établit à 6,0 % comparativement
à 6,6 % pour le programme-service de la santé physique et à 5,3 % pour l’ensemble des
dépenses du réseau de la santé et des services sociaux. La part relative des dépenses des
salles d’opération comparativement à celles du programme-service de la santé physique est
d’environ 10 % par rapport à l’ensemble de la période et de 3,4 % par rapport à l’ensemble
des dépenses du réseau.
On compte dans le réseau de la santé au Québec 537 salles d’opérations pour 6,7 salles
d’opération par établissement disposant d’un bloc opératoire. La dépense moyenne par salle
d’opération est de 965 000 $ pour l’année 2006-2007.
Le taux d’utilisation moyen des salles d’opération dans les hôpitaux au Québec en 2005-2006
serait de 46 %. Il serait de 68 % dans les hôpitaux américains. Les salles d’opération
seraient donc systématiquement sous-utilisées au Québec puisque l’objectif à atteindre est de
75 % à 85 % selon des barèmes internationaux. Le taux d’utilisation moyen en France serait
de 62 % avec des écarts variant de 45 % à 77 %. Une augmentation de la productivité des
salles d’opération au Québec est à l’ordre du jour.
Œuvrer en salle d’opération nécessite un personnel expérimenté, peu sensible au stress du
travail et susceptible d’avoir des facultés de grande résistance et de récupération. Les
caractéristiques principales du travail en salles d’opération sont l’attention constante nécessité
par un travail intense, un sens développé du travail en équipe et une valorisation du travail
qui prend appui à la fois sur l’expertise professionnelle et sur un sens pratique aigu.
La rétention de la main-d’œuvre infirmière en salle d’opération est un enjeu capital de
l’hôpital. Plusieurs études montrent que le temps requis pour combler un poste d’infirmière
en salle d’opération est d’environ quatre mois. C’est le délai le plus élevé de tous champs
d’activités pour combler un poste d’infirmière.
La sécurité du patient est la préoccupation centrale dans une salle d’opération. Elle est liée à
des facteurs entourant l’environnement du travail tels que les décisions concernant la gestion
du travail et la communication entre les membres de l’équipe de soins. Les infirmières en
salle d’opération sont généralement expérimentées. Elles ont développé des spécialisations
qui les amènent à travailler en étroite collaboration avec les chirurgiens. Cette spécialisation
est généralement reconnue comme étant bénéfique à la fois à la sécurité du patient et à un haut
niveau de productivité. Les équipes fonctionnent sur la base de la confiance mutuelle et de la
coopération entraînant ainsi un sentiment d’appartenance. La sécurité du patient peut être
menacée par divers facteurs dont l’instabilité de l’équipe de soins. La stabilité des équipes
est perçue comme étant aussi importante que l’habilité et la compétence des membres qui
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composent l’équipe. La stabilité des équipes et la spécialisation des individus qui composent
l’équipe minimisent les possibilités d’erreurs et maximisent ainsi la sécurité du patient.
Le ratio infirmière en salle d’opération/patient (le ratio n’inclut pas l’infirmière auxiliaire) en
service externe (circulating nurse en anglais) proposé par l’Association of PeriOperative
Registered Nurses (AORN) est de 1 : 1. Le service interne nécessite également un ratio de 1 :
1. La personne qui a la responsabilité du service interne peut être une infirmière, une
infirmière auxiliaire ou un technicien chirurgical. Les normes proposées par l’AORN
concernent principalement le service externe qui, selon l’association, devrait obligatoirement
être assumé par les infirmières périopératoires durant toute la durée de l’opération. Les
normes fédérales américaines (Medicare et Medicaid) précisent quant à elles que le service
externe doit être assumé obligatoirement par une infirmière (et non par une infirmière
périopératoire). Par contre, selon la même législation, si une infirmière auxiliaire, ou un
technicien chirurgical, assume, par délégation, la responsabilité du service externe, elle doit
être supervisée par une infirmière (et non obligatoirement une infirmière périopératoire) qui
doit être physiquement présente durant tout le cours de l’opération.
L’AORN recommande que les gestionnaires des salles d’opération maintiennent un ratio
minimal de deux infirmières pour une infirmière auxiliaire ou un technicien en chirurgie.
L’infirmière auxiliaire ou le technicien en chirurgie doit être en service interne. L’une des
deux infirmières doit être une infirmière périopératoire de sorte que toutes les activités
principales des soins en salle d’opération seront assumées par celle-ci dans son rôle en
service externe. Le rôle de l’infirmière auxiliaire se limite, selon l’AORN, à œuvrer en
service interne.
Le Regroupement des directrices et directeurs de soins infirmiers de Montréal considère que
le service externe devrait être réservé à l’infirmière mais va dans le même sens que la
législation américaine en précisant que si l’infirmière auxiliaire contribue au service externe
qu’elle le fasse sous la responsabilité directe d’une infirmière en service externe qui est en
disponibilité immédiate. La composition de l’équipe de soins suggérée par le Regroupement est de
85/15 soit 85 infirmières pour 15 infirmières auxiliaires ou un ratio infirmières/infirmière auxiliaire de
5,7/1, ces dernières n’étant utilisées qu’en service interne. Cet objectif du Regroupement rejoindrait
les ratios observés en Saskatchewan (5,0) et au Nouveau-Brunswick (7,1). L’AORN considère qu’on
peut atteindre, dans des circonstances particulières, un ratio minimal de 2 infirmières pour 1 infirmière
auxiliaire (ratio de 2/1) en salle d’opération. Sur ce plan, la position du Regroupement est
apparemment moins ouverte aux infirmières auxiliaires québécoises que celle de l’AORN pour les
infirmières auxiliaires américaines mais permettrait tout de même une meilleure utilisation des
infirmières auxiliaires québécoises. Les 37 infirmières auxiliaires qui se sont ajoutées en salle
d’opération en 2007-2008 nous révèlent qu’il existe un réel besoin et que l’infirmière auxiliaire
dispose de la compétence nécessaire.
Un document produit conjointement par l’OIIQ et l’OIIAQ en août 2008, s’inspirant des travaux
antérieurs, établit les activités que pourront effectuer les infirmières auxiliaires en salle d’opération en
service interne et leur contribution en service externe ainsi que les types de chirurgies auxquelles les
infirmières auxiliaires pourront être affectées après avoir eu une formation de base répondant aux
normes et aux attentes des différents intervenants du réseau.
L’approche québécoise est rationnelle et prudente. Elle est axée sur le long terme. Elle permettra une
utilisation progressive de l’infirmière auxiliaire en salle d’opération tant aux plans quantitatif que
qualitatif. L’acceptation par les infirmières de l’apport des infirmières auxiliaires créera un meilleur
esprit d’équipe qui favorisera la rétention du personnel et une productivité accrue.
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