Introduction à la philosophie du langage

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La philosophie du langage dans l’Antiquité grecque
Introduction à la philosophie du langage
Alain Lecomte
Cours SDL - L3 - Université Paris 8
Septembre 2011
Alain Lecomte
Introduction à la philosophie du langage
La philosophie du langage dans l’Antiquité grecque
Table of Contents
1
La philosophie du langage dans l’Antiquité grecque
De Platon à Aristote
Les catégories
Le discours
De l’interprétation
Alain Lecomte
Introduction à la philosophie du langage
La philosophie du langage dans l’Antiquité grecque
De Platon à Aristote
Les catégories
Le discours
De l’interprétation
Cratyle
Y a-t-il quelque chose que tu appelles dire vrai ou dire faux? Hermogène
répond "oui" et le dialogue se continue
Socrate : Il y aurait donc un discours vrai et un discours faux?
Hermogène : Certainement
S : celui qui dit les choses comme elles sont est vrai, et celui qui les dit
comme elles ne sont pas est faux?
H : oui
S : il est donc possible de dire par le discours ce qui est vrai et ce qui ne
l’est pas?
H : certainement
S : mais le discours vrai, est-il vrai dans son entier, tandis que ses parties
ne sont pas vraies?
H : non, ses parties sont vraies aussi
S : Est-ce que les grandes parties sont vraies et les petites non ou bien
est-ce qu’elles le sont toutes?
H : toutes, je pense
Alain Lecomte
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De Platon à Aristote
Les catégories
Le discours
De l’interprétation
S : et maintenant, selon toi, y a-t-il partie plus petite que le
nom?
H : non, c’est la plus petite
S : alors le nom qui fait partie du discours vrai s’énonce aussi
H : oui
S : est-il vrai selon toi?
H : oui
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De Platon à Aristote
Les catégories
Le discours
De l’interprétation
Nature ou convention?
Mais comment un nom peut-il être vrai?
Les noms sont-ils attachés aux choses de manière naturelle?
Ex: Oros (montagne) → Oreste
Agamemnon = “admirable par sa persévérance”
Problème philosophique: les noms propres ont-ils (toujours) un
sens?
et les noms communs? sont-ils de façon naturelle attribués aux
choses?
Aristote: une matière de convention
→ XXème siècle, Saussure : arbitrarité du signe
Alain Lecomte
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La philosophie du langage dans l’Antiquité grecque
De Platon à Aristote
Les catégories
Le discours
De l’interprétation
“Théorème de Platon”
Nous apprenons tous à l’école que nos langues disposent de différents
éléments, par exemple des noms, des verbes ou des articles. Derrière la
théorie des parties du discours, il faut reconnaître quelque chose qui est la
propriété essentielle du langage humain et qu’on peut énoncer comme étant
sa nature catégorielle: une liste n’est pas un langage, une expression
linguistique ne correspond pas simplement à la concaténation d’unités
indifférenciées, c’est-à-dire que le langage humain n’est pas simplement un
monoïde libre. Les mots doivent être catégorisés et leurs possibilités
d’association dépendent de leur appartenance aux différentes catégories.
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De Platon à Aristote
Les catégories
Le discours
De l’interprétation
Il s’agit là d’une découverte essentielle pour l’histoire scientifique de
l’humanité, quelque chose d’aussi important que le sont dans le domaine
des mathématiques les théorèmes de Thalès et de Pythagore. On peut
attribuer cette découverte à Platon; dans le Sophiste, le “théorème de Platon”
est ainsi formulé:
Des noms tout seuls énoncés bout à bout ne font donc jamais un
discours, pas plus que des verbes énoncés sans
l’accompagnement d’aucun nom (362a).
Sylvain Auroux - La philosophie du langage - p. 25
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De Platon à Aristote
Les catégories
Le discours
De l’interprétation
Aristote - Les catégories
La proposition est donc caractéristique du langage.
Selon Aristote: elle est composée d’un Sujet (onoma) et d’un Prédicat
(rhêma)
Le Sujet désigne la réalité susceptible de recevoir des qualités
(sujet = subjectum = ce qui est sous-jacent)
Le langage est relié à une ontologie
ce qui est est réparti en catégories
substances
substances premières
substances secondes
accidents
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De Platon à Aristote
Les catégories
Le discours
De l’interprétation
La question de l’être
Ce qui anime la philosophie grecque
Il y a une science qui contemple l’être par où il est être
Aristote - Métaphysique, livre IV
Le Poème de Parménide
Les Idées de Platon
Aristote : l’équivocité de l’être
En principe, l’être est un (Parménide), mais il se difracte en
catégories.
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De Platon à Aristote
Les catégories
Le discours
De l’interprétation
Substances et accidents
parmi les êtres, certains sont affirmés d’un sujet, d’autres sont
dans un sujet
affirmés d’un sujet (sans être dans un sujet), ex : homme
(qui peut être affirmé de tout individu particulier qui est un
homme : Socrate est homme)
dans un sujet (sans être affirmés d’un sujet), ex: la
blancheur (qui est dans la neige sans être affirmée de la
neige: la neige n’est pas blancheur)
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De Platon à Aristote
Les catégories
Le discours
De l’interprétation
Substances et accidents
dans un sujet et affirmés d’un sujet, ex: la Science (qui
est dans un sujet, l’âme, et affirmée d’un sujet: p.ex. la
grammaire)
ni affirmés d’un sujet ni dans un sujet, ex : des termes
singuliers et concrets comme cet homme, ce cheval,
Socrate etc. Ce sont les substances premières
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De Platon à Aristote
Les catégories
Le discours
De l’interprétation
Autres catégories
Les mots pris isolément signifient diverses choses:
la substance, la quantité, la qualité, la relation, le temps, le
lieu etc.
Par exemple,
homme, cheval désignent des substances,
deux coudées une quantité, blanc une qualité, double une
relation, au Forum un lieu etc.
Aucun de ces termes en lui-même et par lui-même, n’affirme
rien ni ne nie rien, c’est seulement par la liaison entre eux
que se produit l’affirmation ou la négation.
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De Platon à Aristote
Les catégories
Le discours
De l’interprétation
On appelle substances secondes les espèces qui contiennent
les substances premières, auxquelles s’ajoutent les genres de
ces espèces.
Par exemple cet homme est une substance première, il
appartient à l’espèce homme, qui est donc substance seconde.
Mais homme appartient lui-même à un genre: animal, qui est
aussi vu comme substance seconde.
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Les catégories
Le discours
De l’interprétation
Noms et verbes
En eux-mêmes, les noms et les verbes sont semblables à
la notion qui n’a ni composition ni division: tels sont
l’homme, le blanc, quand on n’y ajoute rien, car ils ne sont
encore ni vrais ni faux.
Le nom est un son vocal, possédant une signification
conventionnelle, sans référence au temps, et dont
aucune partie ne présente de signification quand elle est
prise séparément.
Signification conventionnelle en ce que rien n’est par
nature un nom, mais seulement quand il devient
symbole (c’est-à-dire traduction de ce qui se passe dans
l’esprit)
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De Platon à Aristote
Les catégories
Le discours
De l’interprétation
Le Verbe
“ce qui ajoute à sa propre signification celle du temps:
aucune de ses parties ne signifie rien prise séparément, et
il indique toujours quelque chose d’affirmé de quelque
autre chose".
Par exemple, santé est un nom, tandis que est en bonne
santé est un verbe, car il ajoute à sa propre signification
l’existence actuelle de cet état.
De plus le verbe est toujours le signe de ce qu’on dit d’une
autre chose, savoir de choses appartenant à un sujet ou
contenues dans un sujet.
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De Platon à Aristote
Les catégories
Le discours
De l’interprétation
Le discours : affirmation et négation
Une affirmation est la déclaration qu’une chose se
rapporte à une autre chose;
une négation est la déclaration qu’une chose est séparée
d’une autre chose.
Une contradiction est l’opposition d’une affirmation et d’une
négation.
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Les catégories
Le discours
De l’interprétation
Le “Logos apophantique”
On peut alors considérer au départ, deux types de propositions
les universelles : est universel ce dont la nature est
affirmée de plusieurs sujets
les singulières : est singulier ce qui ne le peut
Ex : homme est universel car peut s’appliquer à tous les
hommes pris individuellement, mais l’homme (qui passe dans
la rue en ce moment) ou bien cet homme est singulier).
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Les catégories
Le discours
De l’interprétation
On peut énoncer universellement d’un universel qu’une chose lui
appartient, par exemple : tout homme est blanc. Homme est un
universel, tout ajoute l’idée qu’une propriété (être blanc) est
universellement attribuée.
Sous forme négative: nul homme n’est blanc exprime universellement
d’un universel qu’une certaine chose ne lui appartient pas.
Ces deux formes sont contraires l’une de l’autre.
On peut aussi énoncer non universellement d’un universel qu’une
chose lui appartient
Ex: un cheval est blanc
L’opposition dite “de contradiction"est celle qui existe entre une affirmation
exprimant une prédication universelle sur un sujet universel et une négation
qui exprime la négation de cette prédication appliquée à un sujet non
universel (donc particulier).
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De Platon à Aristote
Les catégories
Le discours
De l’interprétation
La philosophie du langage dans l’Antiquité grecque
Tout homme est blanc
Nul homme n’est blanc
vs
vs
Quelque homme n’est pas blanc
Quelque homme est blanc
On voit ici apparaître un troisième type de proposition: les
particulières. Est particulier ce dont la nature est affirmée de
certains sujets à l’exclusion d’autres.
L’opposition dite de contrariété est celle de l’affirmation d’un
sujet universel à la négation d’un sujet universel:
Tout homme est blanc
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vs
Nul homme n’est blanc
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Les catégories
Le discours
De l’interprétation
Le carré des oppositions
∀x P(x)
∀x ¬P(x)
HH H
HH
HH ∃x ¬P(x)
∃x P(x)
H
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De Platon à Aristote
Les catégories
Le discours
De l’interprétation
Applications à la sémiotique
mort
H H
HH
HHnon-vivant
non-mort
vie
HH
En sémiotique, on fait surgir de nouvelles catégories en
interprétant les côtés du carré!
Exemples :
mort + vivant = mort-vivant (les vampires)
ni mort ni vivant (comateux?)
voir avec {homme, femme}, {être, paraître},{beau, laid}, etc.
... pas très sérieux!
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De Platon à Aristote
Les catégories
Le discours
De l’interprétation
La critique de Benvéniste des Catégories d’Aristote
Il pensait définir les attributs des objets; il ne pose que des
êtres linguistiques: c’est la langue qui, grâce à ses propres
catégories, permet de les reconnaître et de les spécifier.
(E. Benvéniste - Problèmes de Linguistique générale)
Croyant classer des notions, Aristote a classé en réalité des
catégories de langue, en sorte que les particularités de la
langue grecque ont dominé le destin de la philosophie en
Occident.
(J. Vuillemin - Cinq études sur Aristote)
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De Platon à Aristote
Les catégories
Le discours
De l’interprétation
Les futurs contingents
Des propositions contradictoires sont toujours telles que
l’une soit vraie et l’autre fausse
si cela s’applique également au futur:
de telle chose sera et de la même chose ne sera pas, l’une
des deux, nécessairement, est vraie et l’autre fausse
mais cela signifie qu’au moment où on la dit, une de ces
deux phrases est (déjà!) vraie, ce qui enlève toute
possibilité d’indétermination
conclusion : "il n’y aurait plus ni à délibérer, ni à se donner
de la peine dans la croyance que, si nous accomplissons
telle action, tel résultat suivra, et que si nous ne
l’accomplissons pas, ce résultat ne suivra pas"
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De Platon à Aristote
Les catégories
Le discours
De l’interprétation
"L’expérience nous montre, dit encore Aristote, que les choses
futures ont leur principe dans la délibération et dans l’action, et
que, d’une manière générale, les choses qui n’existent pas
toujours en acte renferment la puissance d’être ou de n’être
pas, indifféremment; ces choses-là peuvent aussi bien être que
ne pas être, et par suite arriver ou ne pas arriver".
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De Platon à Aristote
Les catégories
Le discours
De l’interprétation
Exemple de la bataille navale
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De Platon à Aristote
Les catégories
Le discours
De l’interprétation
Exemple de la bataille navale
Si, lorsque nous disons qu’une bataille navale aura lieu demain, nous étions
dans le cas où cette assertion est soit vraie soit fausse, alors cela signifierait
que, dans le cas où elle est vraie, elle aurait été également vraie aussi bien il
y a dix mille ans et que donc aucun des évènements produits entre temps
n’aurait eu d’influence sur sa véracité. De même si elle était fausse. En ce
cas, que "une bataille navale aura lieu demain" soit vrai signifierait que
l’existence de cette bataille est nécessaire, de même que le fait qu’elle soit
fausse signifierait que sa non existence est également nécessaire. Et ainsi,
supposons que la bataille ait effectivement lieu (resp. n’ait pas lieu), alors il
s’ensuivrait que la phrase au futur était vraie (resp. fausse) et que donc la
bataille était nécessairement vraie (resp. fausse). Mais, dit Aristote, on ne
saurait passer de ce qui est à ce qui est nécessairement. D’où le besoin
d’introduire une distinction modale faisant la différence entre p est vraie et p
est nécessairement vraie, en langage moderne entre p et p.
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