Dans son livre Petit organon pour le théâtre, Bertolt Brecht explique

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Dans son livre Petit organon pour le théâtre, Bertolt Brecht explique une
nouvelle façon de percevoir et de faire le théâtre, il donne une définition très claire de
sa vision du théâtre :
«Le théâtre consiste à fabriquer des reproductions vivantes d’événements,
rapportés ou inventés, qui opposent des hommes, et cela aux fins de
divertissement. C’est en tout cas ce que nous entendrons dans ce qui suit quand
nous parlons de théâtre, de l’ancien ou du nouveau.»
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Bertolt Brecht est un dramaturge, metteur en scène et poète allemand, né en
1898 et mort en 1966, il a écrit plusieurs pièces dont Les tambours dans la nuit (1920),
L'Opéra de Quat'sous (1928) et Le cercle de craie caucasien (1945). Écrit en 1948,
son livre Petit organon pour le théâtre parle du contexte de l’ère scientifique de
l’époque et de son impact sur l’environnement, mais aussi sur l’être humain, il est
aussi question de ce qu'il appelle : le théâtre de l'ère scientifique. Étant un militant
marxiste, Brecht défend beaucoup les différences entre les classes sociales, entre la
classe bourgeoise et la classe ouvrière, il croit que plus ce changement de société, qui
est beaucoup tourné vers la production, prend de l’expansion, plus le creux entre ces
deux classes s’agrandit. De plus, l’auteur précise à plusieurs reprises au travers de son
livre qu’une des fonctions primaires du théâtre est d’être un divertissement et il en est
ainsi pour toutes les autres formes d’art sans exception.
Bertolt Brecht est le père d'une esthétique théâtrale que l'on appelle le théâtre
épique, qui a vu le jour en 1926, cette forme de théâtre, s'oppose surtout au courant
naturaliste, qui est du théâtre réaliste, qui nous permet de nous identifier aux
personnages et qui selon Brecht endort l'esprit critique. Brecht s'oppose donc aux
théories d'Aristote, qu'il qualifie de théâtre d'illusion. Contrairement aux pièces de
théâtre réaliste qui forment une unité, Brecht croit que l'on doit jouer et monter chaque
scène d'une pièce de théâtre épique de façon indépendante les unes des autres. Cette
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Brecht, Bertol. 1978. Petit organon pour le théâtre. Paris : L'Arche. p.11
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nouvelle esthétique amène des changements au niveau de l'écriture, de la mise en
scène, de la scénographie ainsi que sur le jeu des comédiens. Une autre critique qu'il
fait envers le naturaliste est que cette forme de théâtre tente de recréer un faux présent,
alors que le théâtre épique se base sur le passé, sur des faits historiques et le public est
conscient qu'il s'agit de représentation du passé. De plus, Brecht croit que plus une
scène de théâtre s'éloigne de nous socialement et historiquement, il est beaucoup plus
difficile de s'y identifier. Brecht croit que le théâtre naturaliste tente de faire passer
pour la réalité la représentation théâtrale de façon un peu hypnotique pour amener le
spectateur à s'identifier aux personnages. De plus, le théâtre épique procure un effet
totalement contraire à la théorie de la catharsis d'Aristote, parce que les spectateurs ne
doivent jamais s'identifier.
«La catharsis est l'épuration des passions par le moyen de la représentation
dramatique : en assistant à un spectacle théâtral, l'être humain se libère de ses
pulsions, angoisses ou fantasmes en les vivants à travers le héros ou les
situations représentées sous ses yeux. »
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Le théâtre épique est plus un théâtre de raison, que de sentiment, il a pour but de
conscientiser, de responsabiliser, de provoquer une transformation dans la société, il
tente aussi d'expliquer la place de l'être humain.
Une des notions les plus importantes du théâtre épique de Brecht est la
distanciation, il commence à utiliser ce terme vers 1936 qui désigne certains des
procédés utilisés dans le théâtre épique : «L'effet de distanciation. Une reproduction
qui distancie est une reproduction qui, certes, fait reconnaître l'objet, mais qui le fait en
même paraître étranger.»
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Les effets de distanciation concernent autant l'acteur que le
spectateur. Le spectateur ne doit pas trop s’identifier au personnage qu’il voit, il doit
prendre ses distances de ce qu’il voit, la distanciation empêche le spectateur de
confondre le théâtre et la réalité. Les procédés de distanciation peuvent créer un effet
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http://labourseoulavie.wordpress.com/2013/04/18/quest-devenue-la-catharsis/ (consulté le 30 octobre
2013)
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Brecht, Bertol. 1978. Petit organon pour le théâtre. Paris : L'Arche. P.57
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d'étrangeté chez les spectateurs, le terme que Brecht utilise pour définir la distanciation
en allemand est Verfremdung ou Verfremdungseffekt qui signifie : effet d'étrangeté.
Le théâtre épique a pour but de faire réfléchir librement le spectateur, on ne l'oblige
pas à avaler tout cru ce qui se déroule sur la scène. Le spectateur se doit de juger,
d'observer et de critiquer et on le force parfois à prendre des décisions, le théâtre
épique chercher à éveiller l'activité intellectuelle de son public. Brecht croit que sans la
participation active du spectateur, la représentation est incomplète. De plus, le public
se doit d'être attiré dans l'histoire : «Afin que le public ne soit surtout pas invité à se
jeter dans la fable comme dans un fleuve pour se laisser porter indifféremment ici ou
là, il faut que les divers événements soient noués de telle manière que les nœuds
attirent l'attention.»
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Il y a plusieurs façons de captiver cette attention du spectateur, tout d'abord, par
l’acteur, ce dernier ne doit pas être trop associé à son personnage, les spectateurs
doivent voir le comédien qui joue le personnage. Le comédien ne doit pas vivre son
personnage, mais plutôt le jouer, l'acteur raconte plus son personnage qu'il ne le joue.
Par contre, il ne faut pas croire que le comédien ne jouera pas les émotions intenses du
personnage, le comédien au théâtre épique ne reste pas de glace, il est seulement
important que ses sentiments personnels ne deviennent pas ceux du personnage. Le
seul moment où l’acteur a le droit de s’identifier à son personnage est lors des
répétitions, lorsqu’il travaille sur son personnage et se demande, par exemple,
comment son personnage réagirait dans telle situation, qu'est-ce qu'il répondrait à telle
affirmation, ce qui aide son personnage à se construire. Le personnage se construit
beaucoup avec l’observation, l’acteur observe les gestes, les réactions d’autrui, pour
s’aider à former son personnage, tout en passant par un stade de réflexion, pour que le
comédien n’imite pas ce qui a déjà été fait, mais qu'il crée plutôt sa propre version.
Aussi, il est très important pour le comédien de bien connaître son sujet, le contexte
historique et tout ce qu'y tourne autour de la pièce, s'il ne veut as faire qu'une banale
imitation de ce qui a déjà été fait. Un acteur ne peut pas rien montrer ni donner de piste
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Brecht, Bertol. 1978. Petit organon pour le théâtre. Paris : L'Arche. P. 89
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de réflexion à son public s'il ne connait rien. De plus, le comédien ne doit jamais
devenir totalement son personnage, il doit toujours garder une certaine distance par
rapport à son personnage, il joue le personnage, mais il ne l’est pas. L'acteur est sur
scène en tant que lui-même, mais aussi en tant que le personnage, il a donc deux
identités sur la scène. «Ses propres sentiments ne devraient pas être fondamentalement
ceux de son personnage, afin que ceux de son public non plus ne deviennent pas
fondamentalement ceux du personnage. Le public doit avoir là une entière liberté.»
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Cette non-identification créer un sentiment d’étrangeté chez le spectateur et lui permet
de prendre du recul sur ce qui se passe. C'est seulement si l'acteur se distancie de son
personnage, que le spectateur pourra à son tour, se distancier.
Un acteur doit faire beaucoup de travail avant de trouver la meilleure façon de
jouer son personnage dans l'esthétique épique. Il ne doit pas nécessairement de fier à
ce qu'il trouve comme étant le plus naturel, car le naturel ne permettra pas aux
spectateurs de voir le procédé de distanciation à l'œuvre, ils verront seulement un
personnage joué de façon réaliste. Aussi, il est important que tous les comédiens
travaillent ensemble à la construction de leur personnage, car une certaine unité sociale
est désirée et c'est en travaillant ensemble que les gens évoluent. Au théâtre épique, il
n'est pas vraiment question de personnage vedette qui se fait mettre en évidence par
tous les autres personnages. Les comédiens se doivent de travailler ensemble pour tous
se donner pour les autres. Brecht croit aussi qu'il est intéressant que lors des pratiques,
les comédiens essaient de jouer les rôles des autres et voir ce qu'ils peuvent y apporter.
Jouer aussi son personnage de plusieurs façons différentes, tant comiques que
tragiques peut aider à amener de nouvelles couleurs au personnage. Brecht appelle
gestus sociale, la façon, dont les personnages bougent, mais cela définit aussi leur
comportement, les gestes, les attitudes et les paroles de l'acteur.
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Brecht, Bertol. 1978. Petit organon pour le théâtre. Paris : L'Arche. P.64
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De plus, l'acteur n'a pas à cacher tous les mécanismes qui se cachent sous la
machine théâtrale :
«De même, le comédien n'a pas à faire accroire à son public que ce n'est pas lui,
mais le personnage de la fiction qui se tient sur le plateau, il n'a pas non plus à
lui faire accroire que ce qui se déroule sur le plateau n'a jamais été répété, mais se
produit pour la toute première et unique fois.»
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Lorsque les techniques de distanciation sont bien utilisés, à aucun moment, le
spectateur ne va oublier qu'il est au théâtre, le public est conscient que ce qui se passe à
ce moment précis n'est pas réel, il est donc inutile de tenter de lui faire croire le
contraire.
Une autre façon d'attirer l'attention du public peut être par la scénographie, car
dans le théâtre épique, les scénographes ont souvent une très grande liberté. Par
exemple, si la pièce se passe en ville, le décor n'a pas être très vrai en représentant tous
les détails d'une vraie rue, mais cela pourrait plutôt être des éléments qui rappel la
ville avec des diapositives ou des projections sur le fond de la scène. Le décor, tout en
restant simpliste et qui n'est obligatoirement réaliste, peut rappeler des éléments
sociaux ou historiques importants qui concerne la pièce ou alors une simple inscription
qui nous indique où a lieu la scène. La scène n'est pas richement décorée comme au
théâtre réaliste, il peut parfois y avoir que deux ou trois éléments de décors sur la
scène, car Brecht mise plus sur la projection pour installer une ambiance. Il arrive
parfois que pendant des changements de scène, le rideau se baisse seulement à la
moitié ou alors pas du tout, ce qui permet au spectateur de voir tous les changements
qui ont lieu sur la scène. Il peut arriver la même chose pour les costumes, alors qu'un
comédien change de costume à la vue de tous. Pour Brecht, les costumes sont une
façon de dire le texte. Du côté de l'éclairage, la scène n'est pas autant plongé dans le
noir, comme on peut le voir au théâtre réaliste, cette plus grande lumière permet au
spectateur d'être plus conscient de toute la magie qui s'opère durant la représentation.
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Brecht, Bertol. 1978. Petit organon pour le théâtre. Paris : L'Arche. P.67
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