Psychiatrie pénitentiaire Systèmes de soins en milieu pénitentiaire Psychiatrie pénitentiaire (juin 2005) Article 43 du Code Pénal Suisse: le cadre légal des soins pénalement ordonnés • • • • • Le code pénal suisse Situation clinique Structures de soins dans les prisons suisses L’activité du SMPP Pathologies rencontrées en prison Problématiques du soin en milieu pénitentiaire • • Art. 10: N'est pas punissable celui qui atteint d'une maladie mentale, de faiblesse d'esprit ou d'une grave altération de la conscience, ne possédait pas, au moment d'agir , la faculté d'apprécier le caractère illicite de son acte ou de se déterminer d'après cette appréciation. Les mesures prévues aux articles 43 et 44 sont réservées. Art. 11 Le juge pourra atténuer librement la peine , si, par suite d'un trouble dans sa santé mentale ou dans sa conscience , ou par suite d'un développement mental incomplet, le délinquant , au moment d'agir, ne possédait pas pleinement la faculté d'apprécier le caractère illicite de son acte ou de se déterminer d'après cette appréciation. Les mesures prévues aux articles 42 à 44 et 100bis sont réservées Le devenir pénal des malades psychiques délinquants en Suisse Le parcours pénitentiaire • Inculpation u Irresponsabilité u Mesure et libération art 43 de toute peine • Ch 1 al 1: renvoi dans un hôpital ou traitement ambulatoire, si le délinquant n’est pas dangereux • Ch 1 al 2: internement dans un établissement approprié, si le danger est associé à la pathologie • La peine est suspendue, la mesure a une durée indéterminée, renouvelable d’année en année • Arrestation u Hospitalisation u Traitement u Peine privative de liberté suspendue au profit d'une mesure au sens de l'article 43 al 1 Expertise Semi-liberté Détention préventive Prison fermée Prison ouverte (foyer ou domicile) Libération condition nelle u Peine Jugement privative de liberté suspendue au profit d'une mesure au sens de l'article 43 al 1 ch 2 u Peine privative de liberté + traitement ambulatoire u Peine • Les sujets « internés » sont incarcérés dans des établissements pour peine ou dans de rares établissements semi-ouverts • Des structures de psychiatrie légale comme en Allemagne ou en Hollande n’existent, pour ainsi dire, pas • Il n’existe que quelques petites structures La Suisse est une confédération de cantons souverains • Chaque canton possède sa propre organisation judiciaire et pénitentiaire • De nombreuses disparités existent entre les cantons, plusieurs modèles coexistent • Peu de cantons peuvent véritablement se prévaloir d’une organisation sanitaire cohérente en milieu pénitentiaire (Vaud, Genève, Zurich, Bâle) ambulatoire u Hospitalisation u Placement u Internement u Allégement progressif u Détention + traitement privative de liberté avec sursis et traitement ambulatoire L’établissement approprié n’existe pas en Suisse u Traitement u Traitement ambulatoire REPARTITION DES DIFFERENTES COMPETENCES JUDICIAIRES, PENITENTIAIRES, et POLICIERES en SUISSE CANTONS CONCORDAT ROMAND (Vaud, Genève, Valais , Fribourg, Neuchatel, Jura) CONFEDERATION code de procédure pénale Code Pénal tribunaux correctionnels et criminels (première instance et recours) Tribunal fédéral (cour de cassation) prisons préventives application et exécution des peines police et gendarmerie établissements d’exécution de peine (après jugement) Principales structures de soins dans les prisons suisses • Section psychiatrique du pénitentier de Pöschwies (Zürich): programme de soins intensifs pour délinquants sexuels • Unité psychiatrique légale de Bâle • Quartier cellulaire hospitalier Berne (soins aigüs) Service de Médecine et Psychiatrie Pénitentiaires • Assure les soins dans les 4 prisons du canton de Vaud: 600 détenus, tous régimes (de la détention préventive à la réclusion de haute sécurité) Principales structures de soins dans les prisons suisses Principales structures de soins dans les prisons suisses • Service de Médecine et Psychiatrie Pénitentiaires (Vaud) : • Service de Médecine Pénitentiaire (Genève): - Quartier cellulaire psychiatrique - Unité de sociothérapie de la Pâquerette à Champ-Dollon: acceuille des détenus condamnés à de très longues peines, présentant des troubles sévères de la personnalité. Programme basé sur la responsabilisation individuelle Prisons vaudoises • Est un service du Département de Psychiatrie-CHUV • Est indépendant des directions des établissements pénitentiaires et du Service pénitentiaire Légende Exécution de peines, hommes Maisons d’arrêt et de préventive, hommes Préventive, hommes Tous régimes pénitentiaires, femmes Prisons Vaudoises EPO La Croisée Pôle d’Orbe: • Semi-détention: - La prison des « Tulipiers » à Morges Bois-Mermet (Lausanne) Pôle du Léman: La Tuilière • Gère 2 unités de soins psychiatriques (EPO, La Tuilière) - La prison des « Escaliers du Marché » à Lausanne (Lonay) JPhD, 14.06.2000 Service de Médecine et Psychiatrie Pénitentiaires • Assure une consultation ambulatoire (prise en charge des délinquants sexuels) • Assumme la référence psychiatrique pour la Fondation du Levant (toxicomanes) • Recherche: Traitement des délinquants sexuels, Epidémiologie des maladies infectieuses en milieu pénitentiaire Le rattachement à l’institution hospitalière • Protège les soignants et leur évite d’être perçus comme les rouages de l’institution • Importe la tradition hospitalière • Permet une reconnaissance de la discipline • Permet une meilleure gestion financière des soins • Facilite la mise en place de programmes de recherche • Favorise le lien avec les structures hospitalières, à condition de ne pas rester dans des positions figées: une vraie psychiatrie de secteur et de liaison Quelques chiffres, en 2003 (prisons vaudoises) • 2568 détenus admis dans les différentes prisons • 534 suisses, 820 venant du reste de l’Europe, 86 d’Amérique, 100 d’Asie, 497 d’Afrique • 540 toxicomanes (485 hommes, 55 femmes), 79 ayant bénéficié d’un sevrage, 157 d’un traitement de méthadone • 117 délinquants sexuels NOMBRE DE CONSULTATIONS PSYCHIATRIQUES PAR RAPPORT AU NOMBRE DE PATIENTS Soins somatiques 2003 3500 Personnel du SMPP au 1er 09 2003 (prisons vaudoises) 3146 3054 3050 3000 2657 2608 • 1273 détenus ont bénéficié d’une visite médicale d’entrée • 1553 détenus ont bénéficié d’au moins une consultation médicale dans l’année • 3452 consultations méd.ont été dispensées • 12704 consultations inf. et 2886 orientations inf. • 491 consultations externes ont été organisées • 48 détenus ont été hospitalisés • 36 détenus sont HIV+, 170 ont une hépatite aigüe ou chronique • 453 détenus ont bénéficié d’une radiographie pulmonaire n % ETP Psychiatres 7 650% Psychologues 2 160% Internistes 10 160% Ergothérapeutes 2 100% Infirmiers 27 2260% 7 590% Techn. Radiol 1 50% 57 3970% 2496 1955 N o m b re 2000 Secrétaires 2561 2518 2500 1863 1500 1252 1000 578 500 483 483 432 321 356 443 387 487 405 564 549 149 0 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 Années Nombre de consultations Nombre de patients DIAGNOSTICS PSYCHIATRIQUES CIM 10 1997/1998/1999/2000 350 321 Psychose Troubles de l’humeur maladie mentale caractérisée par des symptômes psychotiques tels délire, hallucination, désorganisation de la pensée, etc... • délire : ensemble pathologique d’idées et de croyances absurdes et déraisonnables, sans rapport avec la réalité et qui s’écartent du sens commun. Ces idées ou croyances représentent des convictions inébranlables pour le patient. hallucination : perception sans objet ( peut concerner les cinq sens) • La schizophrénie est une forme de psychose. • L’humeur est définie comme une tonalité affective fondamentale qui varie de la tristesse au bonheur. • Les troubles de l’humeur se caractérisent par des sentiments anormaux de dépression ou d’euphorie. 300 287 284 276 257 261 250 218 203 200 170 170 Nombre 1997 1998 1999 150 2000 96 100 84 67 65 56 44 50 45 42 45 38 11 14 10 14 8 14 13 12 0 Dependances Schiz.&tr.schizotypiques tr. de l'humeur tr. De l'adaptation Syndr.comport. tr. De la personnalité retard mental Diagnostics CIM-10 Troubles de l’adapation Syndrome de dépendance au moins trois des manifestations suivantes: • Un événement particulièrement stressant entraînant une réaction aigüe, comportant des conséquences désagréables et durables et conduisant à un trouble de l’adaptation • L’événement stressant ou les circonstances pénibles persistantes constituent le facteur causal primaire et essentiel, en l’absence duquel le trouble ne serait pas parvenu • Désir puissant ou compulsif d’utiliser une substance psycho-active • Difficulté à contrôler l’utilisation de la substance • Syndrome de sevrage physiologique en cas d’arrêt ou de diminution de la substance • Tolérance • Abandon progressif d’autres sources de plaisir et d’intérêts au profit de l’utilisation de la substance • Poursuite de la consommation de la substance malgré la survenue de conséquences manifestement nocives Trouble de la Personnalité • modalités de comportement profondément enracinées et durables, consistant en des réactions inflexibles à des situations personnelles et sociales de nature très variée. Ils représentent des déviations extrêmes ou significatives des perceptions, des pensées, des sensations et particulièrement des relations avec autrui par rapport à celles d’un individu moyen d’une culture donnée. Ils sont souvent associés à une souffrance subjective et à une altération du fonctionnement et des performances sociales d’intensité variable. Exemple : Personnalité émotionnellement labile type borderline, personnalité histrionique, personnalité dyssociale, etc. Problématique du soin en milieu carcéral • De la difficulté d’être soignant dans un lieu de sanction Le respect de la confidentialité dans le contexte carcéral reste une question lancinante • Le secret médical Problématiques du soin en milieu pénitentiaire Principes fondamentaux de l’organisation de la médecine en prison • Principes fondamentaux de l’organisation de la médecine en prison (réaffirmés par les directives de l’Académie Suisse des Sciences Médicales) • Droit à la santé et accès aux soins pour les détenus • Principe d’équivalence des soins • Refus d’associer les équipes médicales aux aspects de contrôle sécuritaire • Respect du secret médical • Indépendance statutaire et budgétaire des équipes de soin Le secret médical en Suisse En prison: directives éthiques, novembre 2002 • Si le patient donne son autorisation, le médecin peut donner des informations et ne sera pas puni. Il reste cependant libre de ne pas révéler l’information • Si le patient ne possède pas son discernement ou qu’il refuse son consentement, le médecin peut être relevé de son devoir de discrétion par l’autorité supérieure (Médecin cantonal) En prison: directives éthiques, novembre 2002 L’équipe médicale et l’institution pénitentiaire • Dans ces conditions, le médecin doit s’efforcer, avec l’accord du patient détenu, de répondre à chaque fois aux interrogations légitimes du personnel pénitentiaire • Lorsque le patient s’oppose à une divulgation, en situation de danger pour la sécurité ou des tiers, le médecin peut demander à être délié de son secret par l’autorité compétente (…) dans ce cas le patient doit être averti qu’une levée du secret médical le concernant a été demandée • Entre partenariat et affrontement et entre solidarité et dénonciation • La logique du soin s’oppose à la logique de la sanction (thérapie de maintenance , prévention des maladies infectieuses, etc.) • La logique du secret médical est en porte à faux avec celle du partenariat (sanctions disciplinaires, isolement médical) Toutes ces situations de tension s’exacerbent avec les clivages induits par certains patients • Le secret médical doit être respecté selon les mêmes dispositions qui s’appliquent pour les personnes libres • Toutefois, la promiscuité crée par la vie carcérale, (…) de même que le rôle de garant et parfois même d’auxiliaire de soins souvent joué par les agents pénitentiaires peuvent imposer un échange d’informations sanitaires entre le personnel de santé et le personnel de sécurité Le médecin témoin La surpopulation carcérale Les atteintes à la dignité Les affrontements et luttes de pouvoir Les dérives institutionnelles Les phénomènes d’agressivité transmise (déni, fascination, etc.) Secrets pathogènes Tensions et frictions • Situations violentes • Refus de soins, grèves de la faim, compatibilité avec la détention • Sanctions et isolement • Traitements sous contrainte • Injonctions thérapeutiques • Témoignage en justice Suicide et automutilation • « Sur-suicidité » en milieu carcéral (image de l’iceberg comme paradigme) • Milieu carcéral: suicidogène ? • Délinquants: une population à haut risque suicidaire ? • Importance de la prévention du suicide Suicide et automutilation Etablir une « conflictualité » constructive • Sortir des positions de pouvoir et de savoir • Echanger sur les questions sensibles: • Médicaments, sanctions, gestion de la violence, confidentialité • Permet de créer un partenariat respectueux des missions respectives • Nécessite de sortir de l’institution totale Suicide et automutilation • Une enquête pénale sera ouverte et une autopsie effectuée lors de tout suicide en milieu carcéral Suicide et automutilation • Phases de la détention à risques: • Les personnes en détention préventive se suicident plus souvent que les sujets en exécution de peine (principalement les prévenus pour une affaire criminelle) • Arrivée en détention • Période proche du jugement et de la condamnation • Approche de la libération Le choc de l’incarcération • Dimension traumatique: confrontation avec la justice , perte des liens familiaux, perte du sentiment de maitrise de sa propre destinée • Le travail sur l’acte et le passage à l’acte permet donner un sens , d’élaborer le traumatisme engendré par l’acte et ses conséquences • Importance de la continuité des relations avec l’extérieur, de la possibilité d’accès aux soins , de la réflexion sur les choix personnels, Suicide et automutilation • En prison on se suicide majoritairement par pendaison, de nuit et dans sa cellule. • Ce sont ceux qui ont le plus à perdre qui se suicident (famille, conjoint, enfants, etc.) Les soins psychiatriques en prison doivent remplir une double fonction • Offrir des soins de santé mentale de différents niveaux: de la psychothérapie à la prise en charge de situations lourdes en respectant le libre arbitre du patient • Répondre aux mandats pénaux ordonnés par l’autorité judiciaire Au dela des écoles quelques règles • Instaurer le cadre: - la fonction de pare-excitation de la prison par sa dimension contenante qui rappelle l’interdit du passage à l’acte et protège contre soi et qui permet au détenu de se structurer par rapport à lui. • Proposer un contrat de soin: - renvoyer au détenu sa capacité à prendre ses responsabilités par rapport à lui-même comme par rapport aux autres. Le soin psychiatrique en prison • Implique une articulation avec les partenaires judiciaires et pénitentiaires: • Avocats: renseignements , certificats, mais pas de témoignage en justice • Juges : organisation de la sortie (hospitalisation) • Autorités pénitentiaires (service pénitentiaire, Commission interdisciplinaire consultative, commission de libération: interface difficile, confidentialité vs pronostic • Importance du travail en réseau , des éléments contractuels, de l’interdisciplinarité Commission Interdisciplinaire Consultative (CIC) • Une solution développée dans le canton de Vaud • Sa mission est : • • d’assurer l’évaluation périodique du suivi psychiatrique, en cours d’exécution de peine et après la libération des délinquants internés en raison de leurs troubles psychiatriques ou nécessitant une mesure thérapeutique au cours de l’exécution de leur peine d’aider les autorités et les soignants à choisir leurs orientations et à prendre leurs décisions Avec les délinquants, un travail psychothérapique est possible, mais nécessite • Allègement de l’espace et des règles (fréquence et longueur des séances) • Aménagement du mode d’intervention (moins axé sur les conflits ICS, travail dans l’ici et maintenant) • Techniques plus actives et travail en équipe pluridisciplinaire sur le modèle de la psychothérapie institutionnelle • (Cornet, Giovannangeli, Mormont, 2003) Le soin psychiatrique en prison • Consultations individuelles en détention • Thérapies de groupe • Accueil à l’unité psychiatrique: • • • • Entretiens psychiatriques, psychologiques, infirmiers, Entretiens familiaux Groupe hebdomadaire Activités ergothérapiques : atelier cuisine, dessin, revue de presse, etc. • Taï-chi, sport • Socio-thérapie Commission Interdisciplinaire Consultative (CIC) du canton de Vaud • Elle est composée de: • Un psychiatre spécialiste dans la prise en charge des délinquants, qui la préside • Un médecin directeur de secteur psychiatrique • Un psychologue • Un magistrat • Un travailleur social Quelques règles (suite) • Travailler en séquences: - un travail psychothérapeutique avec ces patients est difficilement concevable dans la longue durée. Ne pas méconnaître les temps de ruptures pour rétablir les continuités. • Travailler en équipe • Travailler en partenariat et en réseau Le dilemme de la psychiatrie légale reste présent dans le monde pénitentiaire • Peut-on concilier • Le pronostic criminologique et • La position thérapeutique ? • directives de l’Académie Suisse des Sciences Médicales: « hormis les situations de crise ou d’urgence, le médecin ne peut cumuler à la fois l’identité de médecin thérapeute et de médecin expert » Dans d’autres cantons principalement alémaniques • Il existe des commissions spécialisées obéissant à d’autres principes • Commissions spécialisées chargées d’évaluer la dangerosité (Berne, Zürich,etc) • Donnent un avis sur la dangerosité et les possibilités de resocialisation du détenu • Rôle décisionnaire • Dimension axée sur l’exécution des peines et des mesures et surtout le pronostic de la dangerosité Apport des commisions spécialisées • Permettent un regard externe dans la continuité • Facilitent une élaboration conjointe entre les différents partenaires • Situent les conditions de possibilité du soin dans le contexte pénitentiaire et pénal • Indiquent ce qui ne ressort pas du champ de la clinique psychiatrique • Définissent les niveaux d’intervention psychiatrique Le soin psychiatrique en prison Conclusion • Un travail long et difficile qui confronte aux limites • Le travail avec la rechute et la récidive • Confronte constamment à des dilemmes éthiques, des interrogations cliniques • Mais aussi: • L’ouverture d’espaces thérapeutiques insoupconnés et de questionnements fondamentaux