
Commission pour les relations avec le judaïsme déc. 2015 Réaction de David Rosen  3 
réunion du CIL au Cap, où les organisations et les initiatives de services de santé, juives et 
catholiques,  qui  travaillent  en  particulier  avec  les  victimes  du  sida,  se  sont  réunies  pour 
faciliter la collaboration et devenir plus grandes que la somme de leurs différentes parties. Je 
rejoins tout à fait les sentiments exprimés dans ce document selon lesquels nous pouvons faire 
beaucoup plus ensemble à la fois dans la lutte contre les maux de la société moderne et dans 
la lutte contre les préjugés, l'intolérance et l'antisémitisme que l'Église a déjà vigoureusement 
condamné, ce qu’elle réitère dans ce document. 
Enfin, permettez-moi d'aborder le sujet de la « complémentarité » à laquelle le document fait 
référence,  avec  les  propres  paroles  du  pape  François  dans  Evangelii  gaudium :  « Lire 
ensemble les textes de la Bible hébraïque (...) et approfondir les richesses de la Parole » (249). 
Ce document élargit encore la notion de complémentarité quand il déclare que « d'une part 
(...) l'Église sans Israël serait en danger de perdre son locus dans l'histoire du salut » ; puis il 
ajoute : « de même (!) (...) les juifs pourraient arriver à l'idée qu’Israël sans l'Église courrait le 
danger  de  rester trop  particulariste  et  de  ne  pas  saisir  l'universalité  de  son  expérience  de 
Dieu ». 
Permettez-moi de noter qu'il n'y a guère de symétrie à cet égard. La première expression est 
celle d’une compréhension du caractère intrinsèque de l'Église, tandis que la seconde est une 
mise en garde contre un malentendu possible et peut-être même un abus de la notion juive de 
l'élection  et  une  perte  du  sens  de  la  responsabilité  universelle.  Non  seulement  il  y  a  une 
profonde asymétrie entre les deux, dans la mesure où le besoin d’Israël qu’a  l'Église est une 
question fondamentale pour la compréhension de soi du christianisme ; mais le danger réel 
de l'insularité  ethnique est quelque chose dont  le  judaïsme était forcément conscient avant 
l'émergence du christianisme, et en cela le judaïsme a précisément « besoin » de l'Église. Cet 
avertissement est très important dans les livres prophétiques de la Bible hébraïque, peut-être 
de  manière  encore  plus  dramatique  dans  le texte  d'Amos,  et  il  ressort  tout  au  long  de  la 
littérature juive talmudique et médiévale. 
Et  d'autre  part,  on  peut  noter  qu’une  doctrine  qui  s’affirmerait  universelle  est  tout  aussi 
dangereuse, car elle peut devenir exclusive, impérialiste et triomphaliste, et plus encore. 
Néanmoins, au cours des siècles, des sommités juives ont en effet elles-mêmes élaboré un 
concept de complémentarité en voyant le christianisme comme un moyen divin par lequel les 
vérités  universelles,  que  le  judaïsme  a  apportées  au  monde,  peuvent  en  fait  être  plus 
efficacement diffusés dans tout l'univers au-delà des limites imposées par le peuple juif. 
Rabbin Samson Raphael Hirsch, un des plus grands dirigeants rabbiniques du XIXe siècle, a 
même vu la rupture entre l'Église et la Synagogue comme un élément nécessaire de ce plan 
divin pour faciliter la tâche universelle du christianisme. 
Certains sont allés un peu plus loin à cet égard en comprenant le concept de complémentarité 
dans les rôles parallèles, d’une part de l'accent juif sur l'alliance communautaire avec Dieu et 
d’autre part de l'accent chrétien sur la relation individuelle avec Dieu, comme pouvant servir à 
s’équilibrer  mutuellement.  En  effet,  il  y  a  ceux  qui  ont  suggéré  que  l'autonomie 
communautaire,  affirmée  par  le  judaïsme,  peut  servir  de  manière  plus  appropriée  comme 
modèle  de  société  moderne  et  multiculturelle,  alors  que  le  christianisme  peut  offrir  une 
meilleure réponse à l'aliénation individuelle dans le monde contemporain.