Tribune de Genève en ligne - www.tdg.ch - Vie artificielle (22.12) Page 1 of 3 Des cellules artificielles imiteront bientôt la vraie vie Découverte Des biologistes sont, pour la première fois, parvenus à créer un organisme (presque) vivant. Pierre-yves frei Publié le 22 décembre 2004 Qu'on appelle cela création, miracle ou plus prosaïquement réaction chimico-biologique, comment rester indifférent à l'idée que la vie est née de l'inanimé. Il y eut un premier jour, une première nuit. Et il y eut une première cellule, ou quelque chose d'approchant, dont nous sommes tous les descendants. Avec l'avènement de la biologie moderne, la question des origines de la vie a fait quelques infidélités aux croyances, aux religions, aux grandes cosmogonies et à la philosophie, pour s'offrir une virée dans les laboratoires. A quoi pouvait bien ressembler la première forme vivante? Il est fort peu probable qu'on le découvre jamais. Pour une bonne raison: ce premier organisme, forcément minuscule et mou, n'a laissé aucune trace. Aussi certains scientifiques ont-ils décidé de retourner le problème. Et tentent de créer de toute pièce un organisme artificiel à partir de quelques éléments disparates pour comprendre à partir de quel moment la machine «vie» se met en marche. Molécules fluorescentes A ce petit jeu de briques biologiques, l'équipe américaine d'Albert Libchaber et Vincent Noireaud vient de réussir un joli coup en créant une cellule artificielle. Avec une propre recette, publiée dans les Proceedings of The National Academy of Sciences. Il fallait notamment aux chercheurs réussir à fabriquer une membrane. Ils l'ont construite à l'aide de molécules grasses, des phospholipides, qu'on trouve par exemple dans le blanc d'œuf. Bon début, mais forcément insuffisant. A quoi servirait une marmite vide? Ils devaient donc ajouter les ingrédients nécessaires la synthèse d'une protéine, pilier de l'activité vitale. Or ces outils (organites, cytoplasme, etc.) ne peuvent être reproduits artificiellement. C'est pourquoi les auteurs de l'article ont utilisé une mixture un peu étrange, une sorte de bouillon de vie, extrait des bactéries de l'espèce E. coli et vidé de tout matériel génétique, qui permet pendant un temps assez court, deux heures environ, de synthétiser des protéines in vitro. Après avoir «fourré» leur vésicule avec cette substance, les chercheurs y ont ajouté un gène. Car sans gène, aucun espoir d'obtenir la synthèse d'une protéine, puisque c'est le premier qui fournit la recette de la seconde. Et comme ce gène commande la production d'une molécule fluorescente, il fut facile de constater que la cellule artificielle la fabriquait bel et bien. Moteur vivant http://www.tdg.ch/tghome/toute_l_info_test/enjeux/vie_artificielle_.html 23.12.2004 Tribune de Genève en ligne - www.tdg.ch - Vie artificielle (22.12) Page 2 of 3 «Ils ont réussi cette synthèse, commente Angela Kraemer, professeur au département de biologie cellulaire de l'Université de Genève. Ce qui est très malin, ce n'est pas tant d'avoir créé et rempli cette membrane, que de l'avoir rendue, dans un deuxième temps, perméable, afin que les nutriments puissent arriver jusqu'à la machinerie cellulaire. Grâce à cela, l'extrait de bactérie s'est montré plus stable et a pu fonctionner environ deux fois plus longtemps que lorsqu'il n'est pas enfermé dans une vésicule.» Même enthousiasme du côté Sven Panke, professeur à l'Ecole polytechnique fédéral de Zurich. «Cette équipe travaille dans le même domaine que nous, celui de la biologie synthétique, une science relativement nouvelle. Pour leur part, les Américains cherchent avant tout à comprendre quels sont les mécanismes minimaux nécessaires au maintien de la vie. C'est un peu comme s'ils enlevaient des pièces d'un moteur pour cerner celles qui sont essentielles à son fonctionnement.» La cellule américaine, en montrant qu'elle pouvait synthétiser sa molécule fluorescente, a-t-elle fait acte de vie? Non, répondent les puristes pour qui la vie se caractérise avant tout par la capacité d'un organisme à se reproduire en faisant appel aux ressources présentes dans son environnement. Une définition qui d'ailleurs interdit aux virus d'appartenir au monde vivant. Des usines en miniature La biologie synthétique. Deux mots pour décrire une nouvelle science qui vise un double objectif. Le premier est fondamental: trouver à quoi ressemble l'unité vitale minimale, la cellule viable la plus simple possible. Le second est technologique. «Il serait très intéressant de réussir à dompter le fonctionnement cellulaire, explique le Sven Panke, professeur à l'Ecole polytechnique fédérale de Zurich. L'industrie pharmaceutique notamment aimerait beaucoup pouvoir fabriquer des protéines à usage thérapeutique sans avoir à passer par le génie chimique, lequel se révèle parfois cher et compliqué. Apprivoiser les cellules et les transformer en petites usines pourrait faire gagner du temps et de l'argent.» Obliger une machinerie cellulaire à synthétiser une protéine particulière est depuis longtemps une chose possible. Mais cela ne suffit pas toujours. Encore faut-il réussir à extraire cette molécule du milieu cellulaire où elle a été fabriquée. «Cette opération de purification peut se révéler difficile et onéreuse, continue le chercheur de Zurich. En mettant au point une cellule extrêmement simple débarrassée de toutes les fonctions qui ne sont pas nécessaires à la production de la protéine qui nous intéresse, on facilite ce travail de purification.» Les spécialistes du domaine imaginent aussi pouvoir s'affranchir de l'obligation de produire des molécules constituées des vingt acides aminés qui caractérisent la vie biologique sur Terre. Dans une cellule «artificielle», qui sait s'il ne serait pas possible de synthétiser de nouvelles protéines contenant des acides aminés jusqu'ici inédits dans les processus biologiques. Mieux: pourquoi ne pas dessiner des cellules artificielles pour en extraire les parties fonctionnelles, comme certains moteurs cellulaires, et les utiliser dans le domaine des nanotechnologies? Aucun doute, le domaine est prometteur. Mais la vie est complexe et ne se rendra pas sans avoir chèrement vendu sa peau. (pyf) http://www.tdg.ch/tghome/toute_l_info_test/enjeux/vie_artificielle_.html 23.12.2004 Tribune de Genève en ligne - www.tdg.ch - Vie artificielle (22.12) Page 3 of 3 Edipresse Publications SA, tous droits de reproduction et de diffusion réservés. Conditions générales | Contacts | Copyright | Charte http://www.tdg.ch/tghome/toute_l_info_test/enjeux/vie_artificielle_.html 23.12.2004