CLES METHODOLOGIQUES DE LA SOCIO-
ANTHROPOLOGIE DE L’ENVIRONNEMENT
Comment aborder la dimension sociale de l’eau ?
Direction de la Planification et de la Programmation
Karin TRÖGER
JUIN 2010
Agence de l’Eau RM&C Clés méthodologiques – juin 2010 Page 2 sur 39
SOMMAIRE
PREAMBULE – Dimension sociale de l’eau, de quoi parle-t-on ?...............................................................3
L’intégration progressive de la dimension sociale dans la gestion environnementale..................................3
De la « socio-économie » aux « sciences humaines et sociales » ...............................................................4
Les apports de la dimension sociale de l’eau................................................................................................5
PARTIE 1 – Quelques notions sociologiques rapportées à la gestion de l’eau ...........................................7
Acteurs territoriaux, usagers, riverains, habitants .........................................................................................7
Territoire(s) ....................................................................................................................................................8
Usages et pratiques, changements de pratiques........................................................................................10
Représentations sociales, perceptions, opinions ........................................................................................11
Valeur patrimoniale, dimension culturelle de l’eau......................................................................................12
Demande sociale, acceptation sociale........................................................................................................13
Capital social ...............................................................................................................................................14
Bénéfices sociaux et « plus-value sociale » de la gestion de l’eau ............................................................16
Solidarités de bassin ...................................................................................................................................18
Visibilité, invisibilité de la ressource ............................................................................................................20
Gouvernance et dispositifs participatifs.......................................................................................................21
PARTIE 2 – Les méthodes de la socio-anthropologie...............................................................................26
Le diagnostic territorial ...............................................................................................................................26
Représentations sociales, perceptions et pratiques....................................................................................28
L’approche quantitative.........................................................................................................................28
L’approche qualitative ...........................................................................................................................29
Mise en pratique à partir d’une situation fictive ...........................................................................................34
PARTIE 3 - Perspectives opérationnelles ................................................................................................35
Des besoins de connaissance… .................................................................................................................35
… A la proposition d’axes thématiques et méthodologiques ......................................................................36
REPERES BIBLIOGRAPHIQUES...............................................................................................................38
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PREAMBULE
Dimension sociale de l’eau : de quoi parle-t-on ?
L’intégration progressive de la dimension sociale dans la gestion environnementale
Le social, un des piliers fondateurs du développement durable
Dès l’origine, les textes fondateurs du développement durable érigent les dimensions écologique, économique et
sociale en principes directeurs de l’action publique, qui se doit désormais de respecter
l’harmonie entre les
humains et entre l’homme et la nature
(rapport Bruntland, 1988).
Du côté des politiques environnementales, le seul couple écologie-économie a longtemps été privilégié sous
l’angle de l’évaluation coûts-bénéfices d’un programme de gestion, des leviers financiers de mobilisation des
usagers autour des enjeux environnementaux, des procédures de développement économique ou territorial
pouvant interagir avec la gestion des milieux naturels. Un large pan du caractère sociologique du développement
durable est ainsi resté sous-exploité, faute de légitimité scientifique et de compétences propres à rendre
intelligible les interactions nature-société, à la mesure de l’investissement tardif des sciences sociales dans le
champ environnemental.
… Mais un champ à investir plus largement
Depuis le début des années 2000, la dimension sociale retrouve sa place originelle aux tés des autres piliers
du développement durable. Si sa contribution demeure modeste, du moins est-elle identifiée dans sa capacité à
éclairer les « impasses écologiques » auxquelles décideurs et gestionnaires se trouvent confrontés dès lors que
les outils techniques, financiers et glementaires ne permettent à eux seuls d’appliquer les mesures
environnementales sur les territoires. Clairement, les systèmes de gestion écartant trop systématiquement les
aspects politiques, sociaux, historiques, culturels et symboliques ont montré leurs limites et appellent à présent à
mieux appréhender les lignes de convergence entre activités humaines et protection de l’environnement. En bref,
à porter un regard affiné sur les croisements et entrechoquements des logiques décisionnelles et des processus
sociaux entrant en résonance avec les projets écologiques.
L’on s’intéresse désormais de plus près à l’organisation des sociétés locales, l’ancrage territorial des usages des
ressources naturelles, aux valeurs accordées aux objets de nature, aux processus d’appropriation des politiques
de gestion, aux facteurs culturels conditionnant les changements de pratiques, aux bénéfices escomptés en
termes de bien-être collectif ou de cadre de vie.
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De la DCE au SDAGE : quand gestion de l’eau et sociétés locales se rencontrent
Ainsi, tels qu’énoncés par la DCE, les objectifs d’atteinte du bon état écologique reposent entre autres lignes
directrices – sur une logique de gestion territorialisée et intégrée de l’eau, au nom du double principe de
subsidiarité et d’association des acteurs territoriaux.
La « bonne gouvernance » de l’eau serait garante de meilleurs équilibres entre usages humains et disponibilité
d’une ressource de qualité, entre protection des milieux aquatiques et pression foncière,…, en somme de
l’harmonie entre les écosystèmes et les sociétés locales. Cette gouvernance suppose un étroit maillage des
politiques sectorielles à l’échelle d’un bassin versant, d’une médiation adaptée aux profils et au positionnement
des acteurs et des usagers directement ou plus indirectement concernés, du politique au consommateur d’eau
potable.
En droite ligne des exigences de la DCE, le SDAGE RM 2010-2015 intègre les pratiques de consommation des
ménages (orientation fondamentale 1), les dimensions sociales et économiques (orientation fondamentale 3), la
gestion territorialisée et concertée de l’eau (orientation fondamentale 4). L’ambition repose sur les différents bras
de leviers à activer pour répondre à l’obligation de résultats, de la solution technique aux vecteurs identitaires. Le
Comité de bassin formalise ainsi le changement de posture amorcé ces dernières années, élargissant sa focale
aux dynamiques sociétales susceptibles d’interagir avec les ressources naturelles.
Plus que jamais, il se doit d’explorer les conditions politiques, économiques, démographiques, sociales et
culturelles pouvant accompagner, accélérer ou freiner le déploiement du programme de mesures, de manière à
concilier, au mieux, priorités écologiques et exigences du développement territorial.
De la socio-économie aux sciences humaines et sociales
L’habitude est tenace : dès qu’il est question d’aborder la sphère sociétale, scientifiques et techniciens de
l’ingénierie environnementale s’en réfèrent à la nébuleuse de la « socio-économie », raccourci facile mais
inopérant tant les champs d’action des disciplines invoquées se distinguent. Certes, l’économie et la sociologie se
complètent aisément, mais pas nécessairement, du moins pas plus que l’économie et la géographie,
l’anthropologie et les sciences politiques, ou tout autre couple qui offre l’opportunité de croiser les regards sur un
sujet donné.
De la notion fortement réductrice de la « socio-économie », il semble préférable de faire appel à la diversité des
« sciences humaines et sociales » (SHS) qui recoupent autant de champs disciplinaires distincts, tour à tour
convoqués pour examiner un ou des paramètres des cultures et des sociétés humaines. Chaque discipline
mobilise des paradigmes, concepts, moyens d’investigation, outils et modes de valorisation spécifiques, qui,
appliquées au domaine de l’environnement, sont capables de penser globalement l’articulation milieux humains,
milieux naturels et territoires.
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Déterminer les contours des sciences humaines d’un côté, et des sciences sociales de l’autre, n’est pas chose
aisée tant elles renvoient à des postures et des méthodes scientifiques qui s’interpénètrent. Présenté en
opposition avec les sciences de la nature, le champ des SHS est dédié à l’observation des productions humaines
et des sociétés constituées, des postures individuelles et des interrelations multiples, des mécanismes sociaux et
des organisations collectives, des hommes entre eux et des hommes dans leur environnement.
Le champ des SHS se réfère ainsi à : la sociologie, l’anthropologie culturelle, l’ethnologie, l’économie, l’histoire, la
géographie humaine, les sciences politiques, la démographie, la psychologie, la linguistique, les sciences de la
communication, la philosophie, le droit, les sciences de l’éducation.
Le présent document se consacre plus particulièrement aux approches de la sociologie, de l’anthropologie
culturelle et de l’ethnologie appliquées au champ de l’environnement, simplifiées sous l’appellation « socio-
anthropologie de l’environnement », qui néanmoins intègre des aspects relevant des sciences politiques… elles-
mêmes s’intéressant de près aux « logiques sociales à l’œuvre dans la vie politique ».
Les apports de la dimension sociale de l’eau
Des retards dans le développement des projets écologiques, des situations de blocages, des zones d’ombres,
mais aussi des opportunités, des vecteurs de mobilisation à ne pas manquer, et tout simplement des spécificités
territoriales à intégrer dans toute démarche environnementale… Voilà non pas tout le poids du social, mais la
mise en évidence d’une nécessaire prise en considération des contraintes et potentialités territoriales qui, d’une
manière ou d’une autre, influeront sur la mise en œuvre des politiques de l’eau.
Observer les dynamiques sociales et les multiples interconnexions entre des politiques environnementales, des
communautés et des sociétés peut contribuer à :
Eclairer la prise de décision, quelle que soit sa nature, par une vision affinée des composantes territoriales et
sociales en lien direct ou indirect avec les enjeux de l’eau.
Enrichir la pratique de l’ingénierie environnementale par l’ouverture du champ des compétences, s’orienter sur
une posture transversale capable de proposer des alternatives aux seules solutions techniques.
Se donner les moyens de répondre aux exigences de démocratie participative, en identifiant précisément les
publics concernés, leurs profils, leur positionnement et leurs motivations, et en proposant des dispositifs et des
argumentaires adaptés à engager le dialogue avec les décideurs, les représentants institutionnels, les usagers
socioprofessionnels, les citoyens.
Construire des référentiels d’évaluation des programmes pour en mesurer et qualifier l’efficacité mais aussi,
plus largement, s’interroger sur leur utilité sociale.
Et plus encore…
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