davantage vers les problèmes méthodologiques soulevés par la notion de "philosophie
comparée".
11h-11h45: Bernard Stevens
"Bouddhisme et philosophie dans l'histoire: l'art comme illustration".
L'exposé — qui, dans une perspective de survol, se situe sciemment à un niveau de
grande généralité — part d'un rappel de la vision hégélienne de l'histoire, centrée sur
l'Europe comme porteuse de la raison et de la liberté, et dirige l'attention sur la dimension
esthétique de ces écrits. Deux faiblesses sont alors soulignées dans cette systématique
téléologique: la difficulté à intégrer le bouddhisme, et singulière le bouddhisme japonais
(zen); l'ignorance de la tradition picturale sino-japonaise. Cette double faiblesse est alors
utilisée comme levier pour opérer une torsion dans la vision historique de Hegel: la
peinture japonaise, intégrant des éléments de la sensibilité bouddhique zen, permet de
mettre en évidence certaines dimensions de la quête philosophique que la modernité
occidentale, dont Hegel propose l'achèvement, aurait manqué (notamment une attention
portée à l'incarnation de la pensée et l'enracinement de celle-ci dans la nature). Sur cette
trajectoire est privilégié le moment de la rencontre entre les esthétiques d'Occident et
d'Extrême-Orient, depuis l'impressionnisme jusqu'à la peinture abstraite. Les principaux
auteurs convoqués sont: Malraux, D.T. Suzuki, Imamichi et Nishida.
Bernard Stevens est chercheur qualifié au FNRS (Fonds National de la Recherche
Scientifique), professeur à l'Université Catholique de Louvain (Louvain-la-Neuve), ancien
Directeur de programme au CIPh (1993-97). Formé à la phénoménologie herméneutique
(avec un mémoire sur Heidegger et un doctorat sur Ricoeur), les recherches actuelles
portent sur le métissage de la pensée, en particulier dans la philosophie japonaise
contemporaine. Principaux ouvrages: "L'apprentissage des signes. Lecture de Paul
Ricoeur", (Phaenomenologica, 1990); "Topologie du néant. Une approche de l'école de
Kyôto" (Peeters, 2000); "Invitation à la philosophie japonaise" (Editions du CNRS, sous
presse).
11h45-12h30 : Questions
Déjeuner
II. Identité et vacuité
14h30-15h15 : Françoise Bonardel!: Le bodhisattva, héros du non-soi!: un défi pour
l’Occident philosophique!?
Quoi de plus inintelligible au fond que l’Eveil bouddhique au regard de la tradition
philosophique occidentale, se donnant quant à elle pour mission d’éveiller les consciences
demeurées assoupies!? C’est qu’il n’est guère pour la rationalité de prise réelle sur ce
«!nœud!»qu’on ne saurait même plus dire paradoxal entre une !identité - reconnue pour!
non substantielle (anatman) - et la réalisation non conceptuelle de la vacuité (sunyata), qui
seule vraiment délie. Or, si le Bouddha incarne cette déliaison même, enfin aboutie, le
bodhisattva lui fait escorte et travaille sans relâche à rendre pour tous possible le grand
passage. Aussi est-ce dans le «!héros pour l’éveil!», plus encore que dans le Bouddha, que
l’on peut entrevoir les derniers linéaments de ce que l’Occident nomme individu, personne,
sujet!; des liens très ténus d’ores et déjà rompus par le vœu prononcé (pranidhana) mais
indispensables pour que l’humanité puisse s’arrimer au radeau conduisant à la bouddhéité.
Comment dès lors ne pas immédiatement traduire l’audacieuse intrépidité du bodhisattva
en terme d’héroïsme quasi guerrier, ou le gratifier d’une «!sainteté!» comparable à celle des
martyrs, chrétiens en particulier!? Que devient à son contact le personnage du sage façonné
par des siècles de philosophie!? Il se pourrait néanmoins que dans son effort pour donner
consistance à la notion de sujet, puis pour!la déconstruire, la philosophie ait elle aussi
parfois rêvé à une sorte de héros du non savoir libérateur – un «!génie du cœur!», dira
Nietzsche – dont le courage se révélerait comparable à celui d’un berger, d’un passeur et