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avril 2005
Boulogne~Billancourt supplément au n° 335
Information➛
24 avril 2005
Boulogne~Billancourt supplément au n° 335
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sont la garantie du bonheur des peuples et
l’édification du monde sur de nouvelles
bases de justice sociale et nationale est le
seul chemin pour la collaboration paci-
fique des États et des peuples. Nous vou-
lons, après avoir obtenu notre
liberté et celle de notre nation,
garder le souvenir de la soli-
darité internationale du camp
et en tirer la leçon suivante :
Nous suivrons un chemin
commun, le chemin de la com-
préhension réciproque, le
chemin de la collaboration à
la grande œuvre de l’édifica-
tion d’un monde nouveau, libre
et juste pour tous. Nous nous
souviendrons toujours des
immenses sacrifices sanglants
de toutes les nations qui ont
permis de gagner ce monde
nouveau. En souvenir de tout le
sang répandu par tous les peu-
ples, en souvenir des millions de nos frères
assassinés par le fascisme nazi, nous jurons
de ne jamais quitter ce chemin. (…)
de cité, en ces temps où la "qualité
d’homme" est partout bafouée, en ces
temps où bien des hommes
ont la mémoire courte, nous
avons voulu conclure par un
extrait du serment fait au camp
de Mauthausen, par les dépor-
tés, lors de leur libération.
(…) Le séjour de longues années
dans les camps nous a convain-
cus de la valeur de la fraternité
humaine. Fidèles à cet idéal,
nous faisons le serment, soli-
dairement et d’un commun
accord, de continuer la lutte
contre l’impérialisme et les exci-
tations nationalistes. Ainsi que
par l’effort commun de tous les
peuples, le monde fut libéré de
la menace de la suprématie hit-
lérienne, ainsi il nous faut considérer cette
liberté reconquise comme un bien commun
à tous les peuples. La paix et la liberté
Au terme de cette étude, comme pour
faire écho aux premières lignes de notre
introduction, il s’avère que la connais-
sance des noms de rues, des plaques
commémoratives, n’est pas véritable-
ment le reflet de cette période, où Résis-
tants et juifs – pour des raisons diffé-
rentes – ont payé de leur vie l’occupation
nazie et la collaboration de Vichy.
Néanmoins, ces gardiens de la mémoire
remplissent-ils encore leur fonction ?
Ou du moins sont-ils suffisants ? Ne
serait-ce pas le rôle des enseignants que
de transmettre cette mémoire ? Les Résis-
tants et déportés, eux, ont compris l’en-
jeu. De l’école à l’université en passant
par le collège et le lycée, ils témoignent
inlassablement, à travers leur propre
vécu, du combat mené, des humilia-
tions infligées, de la mort systématisée.
En ces temps où, au "pays des droits de
l’Homme et de la Liberté", le racisme, la
xénophobie, l’antisémitisme ont droit
Le serment de Mauthausen
Annexes
Liste des Boulonnais
internés
Auray Claude-Yves
Bertrand Léon
Borgna Yvonne
Brevier Eugène
Briclot Roger
Carbonnier Paul
Lagache Georges
Legou Raymond
Meyer Fernand
Ny (Madame)
Pichon Guillaume
Roguez Henri
Liste des Boulonnais
déportés pour faits
de Résistance
Ackerman Edmond
Lecaillon Arthur
Allain Jean-Marie
Leclercq André
Ameuil Alexandre
Lemoine Georges
Armando Esprit
Lusson Robert
Bacque Robert
Maillet René
Benard André
Marche André
Buisson Jean
Ny Raymond
Bouton Yvon
Pablo Gilbert
Boursin Marcel
Pasquier Charles
Breuzin Georges
Paté André
Buret Albert
Pennégués Grégoire
Burette Léopold
Pouligen Ervard
Crocq Vincent
Prince Auguste
David Raymond
Rivié Georges
Delaval Constant
Sachot Julien
Doumeng Alphonse
Sauciat Eugène
Dupuy Edmond
Schall Henri
Dusoewoir Roger
Schwarzentruber Camille
Estradère Pierre
Servera Jean
Forget Georges
Taverdet Eugène
Fruh André
Tétard Raymond
Gineste Pierre
Thomas Madeleine
Giraud Pierre
Thomas Jean
Giraud Robert
Tremen Arsène
Grimaud Louis
Troisième Gilbert
Groussin Marie
Vanoverbecque Jacques
Guilbert Marcel
Vecci Giuseppe
Hivert Marcel
Vivier Louis
Laborie André
Walser Pierre
Landrieux Léon
Weens Marcel
Liste des internés
des usines Renault
Bonhoure Georges
Chavanne Georges
Clauss Marcel
Escat André
Goussot Émile
Komites Andreas
Lathuillere Arthur
Lesommer Lucien
Mastain Fernand
Orsini Jean
Ovei René
Ringot Jacques
Riousse Paul
Sezille de Mazancourt Émile
Souissa Marklouf
Spitz David
Wascat Auguste
C’est en quelque sorte sous la protec-
tion de ce groupe de femmes que Louise
Pleskoff a pu survivre à l’enfer concen-
trationnaire.
Après être passée par le sinistre bloc 10,
elle est envoyée avec ses compagnes,
à Birkenau. 120 Grâce à leur aide, elle
trouve un emploi au Revier, l’infir-
merie.
Je dormais dans un bloc pour les infirmières
et on m’avait donné le travail de porter les
morts de la journée. Le soir, auprès d’une
baraque, un camion venait les chercher et
on devait les charger sur le camion. 121
Marcel Lorenter, lui, est enrôlé dans dif-
férentes formations de commandos.
Notamment, il a travaillé dans celui
appelé "Canada".
C’est là où on triait les affaires de tous les
gars qui avaient été déportés. On triait
pour les Allemands, les vêtements, l’or, les
chaussures, tout… 122
Dans le système des camps nazis tout
est récupéré. Non seulement les biens
des déportés, dès leur arrivée au camp,
mais également les dents en or préle-
vées sur les victimes, les cheveux etc.
C’est en ce sens qu’on peut
dire que les nazis se servaient
des hommes et des femmes
comme main-d’œuvre mais
aussi comme matière pre-
mière, sans oublier le rôle de
cobayes que certains avaient
lors d’expériences pseudo-
médicales.
Marcel Lorenter essaie de se
souvenir d’une journée type
passée au camp.
Le matin : l’appel. Ils nous comp-
taient. Après on était rassemblés
pour prendre un jus et on allait
se laver. Après on partait en
commando au travail. Il fallait
défiler au pas de l’oie, comme des soldats.
On sortait du camp. Il y avait de la musique
qui jouait dans ce lieu sinistre. La jour-
née commençait. On travaillait toute la
matinée. À midi, ils nous donnaient une
espèce de soupe. Il fallait tenir avec ça.
Moi qui pesais 81 kilos, quand j’ai été
libéré j’en pesais 43. J’avais le typhus quand
les Russes sont arrivés. L’après-midi on
rentrait à 5 heures. On marchait au pas
de l’oie, en musique toujours. On se met-
tait au garde-à-vous et ils pendaient des
détenus devant nous… pour l’exemple.
Après dislocation on avait droit à une
soupe d’eau chaude avec une espèce de
rondelle de saucisson et 200 grammes de
pain. Et c’était tout. 123
Un autre membre de la famille Lorenter
a été déporté.
Mon frère Charles était à Birkenau. Il
avait été déporté avant moi en janvier
1944. Il a été descendu pendant l’évacua-
tion par les SS. Il a essayé de s’enfuir… ils
l’ont descendu. Il avait vingt ans. 124
En janvier 1945, en effet, à l’approche
des armées soviétiques, l’évacuation
du camp est ordonnée. À cette époque
le camp compte plus de 60 000 déte-
nus. 125 À l’exception d’environ 5 000
– malades, incapables de marcher –,
tous sont dans l’obligation de faire "la
marche de la mort" durant laquelle beau-
coup meurent de fatigue, sous les coups
des SS ou en essayant de s’en-
fuir. 126 C’est le cas de Charles
Lorenter. Les autres sont libé-
rés le 27 janvier 1945 par les
Russes. C’est le cas de Louise
Pleskoff et Marcel Lorenter.
Les parents de Robert Cré-
ange sont également dépor-
tés à Auschwitz. Raymonde
et Pierre Créange partent de
Drancy par le convoi n° 34
en date du 18 septembre
1942. 127
Il est fort probable que Ma-
dame Créange ait été gazée
dès son arrivée au camp.
Quant à Pierre Créange, il a
pu survivre quelque temps avant de suc-
comber à l’impitoyable machine à détruire
les hommes.
On a su très peu de choses sur la vie de
mon père à Auschwitz. C’était un homme
qui n’avait jamais fait de travail manuel.
Il était poète. Il a d’ailleurs son nom ins-
crit au Panthéon sur la liste des écrivains
morts pour la France. On a su qu’il avait
été à un moment affecté à un commando
de bûcherons, lui qui n’avait pour ainsi
dire jamais touché un marteau de sa vie
ou un tournevis, ça n’était évidemment
pas l’idéal. En plus, il était très myope et
un jour un SS, d’une gifle, lui a cassé ses
lunettes. Donc, il n’était plus bon à rien.
On nous a dit qu’il avait été immédiatement
gazé. Les personnes qui étaient avec lui
nous ont raconté qu’il avait toujours
conservé un excellent moral et qu’il encou-
rageait les autres déportés, finalement, à
tenir le coup, à résister. Qu’il leur faisait
des cours également. Il avait, avant guerre,
créé à Boulogne une université populaire,
qu’il avait appelée université Henri-Bar-
busse, où étaient dispensés différents cours
pour les ouvriers, pour tous ceux qui sou-
haitaient avoir une certaine instruction
qu’ils n’avaient pu acquérir. Mon père était
socialiste, un des responsables de la SFIO
à Boulogne. Après la guerre nous avons
simplement vu des gens qui avaient connu
mon père à Auschwitz et qui nous ont,
entre autres, rapporté deux poèmes qu’il
avait écrits à Auschwitz et qui ont été
publiés dans différentes anthologies. 128
Le bilan de la déportation pour la com-
munauté juive boulonnaise est édifiant.
Sur les cent-quatre vingt-huit juifs dépor-
tés nous n’avons connaissance que de
trois survivants : Louise Pleskoff, Marcel
Lorenter et Jean Kardesch. À l’excep-
tion de deux juifs déportés pour fait de
Résistance, tous les autres ont été assas-
sinés en vertu de concepts racistes au
rang desquels l’antisémitisme consti-
tuait un élément fondamental de la doc-
trine nazie.
Par ailleurs, il faut garder à l’esprit que
l’extermination ou "la solution finale
de la question juive" pour reprendre la
terminologie nazie, n’aurait pu avoir
lieu ou tout du moins aurait eu une
ampleur moindre si l’État français et ses
représentants n’avaient pas collaboré
avec l’occupant.
120 Birkenau et Auschwitz, II, annexe d’Auschwitz qui se trouve à environ trois kilomètres.
121 Témoignage de Marcel Lorenter.
122 Témoignage de Marcel Lorenter.
123 Témoignage de Marcel Lorenter.
124 Témoignage de Marcel Lorenter.
125 Léon Poliakov, op. cit., p. 33.
126 "A Auschwitz, l’évacuation a lieu le 18 janvier. Les détenus sont dirigés vers différents
camps : Dachau, Buchenwald, Bergen-Belsen… dans des conditions si inhumaines que 50 à
90 % d’entre eux, selon les convois, périssent, en cours de route", in L’Impossible oubli – La dépor-
tation dans les camps nazis, édité par la FNDIRP, Paris, 1980, p. 81.
127 CDJC Liste originale des déportés juifs de France.
128 Témoignage de Robert Créange.
Fait-divers au Lager et Exil. Sous ce dernier titre, un choix de poèmes de Pierre Créange vient
d’être publié (janvier 1993).
Le bilan de la
déportation pour
la communauté juive
boulonnaise est
édifiant. Sur les cent-
quatre vingt-huit juifs
déportés nous n’avons
connaissance que
de trois survivants
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De la Résistance à la déportation
La paix et la liberté
sont la garantie du
bonheur des peuples
et l’édification du
monde sur de
nouvelles bases de
justice sociale et
nationale est le seul
chemin pour la
collaboration
pacifique des États
et des peuples