
Quantication de la croissance à partir des indices dentaires
L’anthropologie du vivant : objets et méthodes - 2010
de lignes de croissance suggérant probablement une croissance plus
courte que celle des hommes modernes du Paléolithique Supérieure
et que ce sont les populations européennes ou africaines, avec un
mode de vie occidental, qui ont servi pour établir les standards actuels
de croissances. La question reste ouverte pour des populations qui
gardent encore un mode de vie traditionnel, pour lesquelles les registres
des naissances sont peu ables ce qui rend les études de croissance
difcilement abordables.
Hypoplasies
Les études des lignes de croissance dans l’émail ont bouleversé l’étude
des hypoplasies, marqueurs de stress à la surface des couronnes. En
effet, classiquement, l’emplacement de l’hypoplasie dans la hauteur de
la couronne était obtenu an d’estimer l’âge auquel le moment de stress
avait eu lieu chez l’individu. Par exemple, si l’hypoplasie se situait à mi-
hauteur d’une première incisive supérieure dont la durée de formation
de la couronne est de 4,3 ans, le stress était arrivé à l’âge de 2,5 ans
(2,15 ans de formation de la couronne plus 0,35 ans pour la période
entre la naissance et la première sécrétion d’émail sur ce type de
dent). Or nous savons que la durée de formation des couronnes
comprend une zone que la hauteur de la dent ne prend pas en
compte et qu’elle ne s’effectue pas de façon régulière. La méthode
classique conduit à des résultats erronés (gure 7).
Les hypoplasies linéaires qui résultent d’un arrêt précoce de
l’activité des améloblastes se présentent comme une bande plus
ou moins horizontale autour de la couronne en suivant le parcours
des périkymaties. Les hypoplasies comprennent une ou plusieurs
périkymaties bien délimitées. De ce fait, le moment du stress peut
être parfaitement obtenu en effectuant le décompte des lignes
de croissance dans l’émail (Cunha et al. 2004). Des gures
indiquant l’âge individuel pour chaque décile de la hauteur des
dents antérieures ont été publiées par Reid et Dean (2006) et
sont très utiles pour dater approximativement le stress quand
le décompte des lignes de croissance ne peut être effectué
directement sur la dent analysée. Notons cependant que ces
gures ont été établies pour une population particulière et
que leur utilisation pour d’autres populations comporte probablement
un certain biais.
Figure 7 : Dans un schéma de la première incisive supérieure, la hauteur de la
couronne a été divisée en déciles et l’âge correspondant à chaque décile a été indiqué
(d’après Reid, Dean 2006). Une hypoplasie produite vers l’âge de 2,5 ans se placerait
à la limite inférieure du 6° décile, donc elle a lieu quand 60% de la hauteur de la
couronne a été formé. La durée de formation de la première incisive supérieure est
de 4,33 ans en moyenne. Si la méthode classique est employée pour estimer l’âge
auquel cette hypoplasie s’est produite, le 60% de la hauteur indiquerait qu’elle a
eu lieu au moment où la dent était formée à 60%, c’est-à-dire 2,6 ans. Si l’on ajoute
l’intervalle qui sépare la naissance du début de formation de la dent (0,44 ans) on
estimera que l’hypoplasie a été produite à l’âge de 3 ans, ce qui est faux. Étant donné
que l’hypoplasie a été formée à 2,5 ans, le résultat obtenu avec la méthode classique
s’écarte d’un 20%, ce qui est considérable.
Conclusion
L’évolution de la croissance mais aussi la variation de la croissance
entre les populations actuelles sont des champs d’étude largement
ouverts. Le paramètre de formation dentaire qui donne le plus
d’information sur la croissance d’un individu n’est pas connu avec
certitude, mais pourrait être l’éruption dentaire (Robson, Wood 2008).
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