Une Oeuvre vivante

publicité
Marcel Pagnol, une œuvre vivante
Introduction
Trouver un sujet de mémoire n’a pas été chose facile, car c’est s’engager sur une voie de
recherche et d’études qui est censée occuper notre esprit durant toute une année. C’est donc un
choix important, et intéressant qui a été la première étape de ma recherche.
Plusieurs réflexions ont parcouru mon esprit au départ. Dois-je choisir un sujet dont la
recherche est ce qui m’attire, ou un sujet qui me passionne, avant de savoir « quoi y chercher » ?
C’est la deuxième solution qui s’est rapidement imposée. En effet, j'ai toujours eu l’envie de
travailler sur Marcel Pagnol. Cet auteur –mais aussi cinéaste, essayiste, etc.- a toujours occupé dans
ma vie une place prépondérante. D’aucuns expliquent que c’est notre enfance qui nous construit,
c’est sans doute pour cela que j’aime l’œuvre de Marcel Pagnol, puisque je l’ai rencontré étant
enfant. À l’époque, je marchais dans les « collines de Pagnol » à la rencontre des lieux de tournage
de ses films avec mon oncle ou je lisais La Gloire de mon père dans l’édition originale aux feuilles
jaunes déchirées que mon grand-père m’avait prêtée. J’ai depuis beaucoup lu, et beaucoup vu. Mon
choix était donc fait dans ce sens là : trouver un sujet de recherche touchant à l’œuvre de Marcel
Pagnol.
Plusieurs événements ont éveillé l'esprit de Marcel Pagnol depuis l’année dernière. En effet,
a eu lieu la première représentation de l’opéra Marius et Fanny de Vladimir Cosma en 2007 à
l'Opéra de Marseille, en novembre 2008 la captation en direct de la pièce Fanny jouée par la
Comédie Française et diffusée à une heure de grande écoute sur une chaîne très regardée, et en avril
2009 a eu lieu la première de César, Fanny, Marius, pièce mise en scène par Francis Huster au
Théâtre Antoine, ces trois œuvres étant adaptées de la « Trilogie Marseillaise » de Pagnol. Il est
intéressant de remarquer que les textes qui constituent cette « Trilogie », à savoir Marius, Fanny et
César sont assez connus du grand public, et l'évocation de leurs noms suffit à rassembler des
spectateurs ou téléspectateurs. Cependant, peu nombreux sont ceux qui connaissent l'existence d’un
scénario de Marcel Pagnol, intitulé Le Premier Amour, à l’origine d’un film qui ne sera jamais
tourné, malgré plusieurs projets lancés. Il est édité aux Éditions de Fallois, dans la collection
« Fortunio », une collection de poche qui édite exclusivement des œuvres de Marcel Pagnol. Cette
collection a subit une transformation en 2004 puisque c’est l’illustrateur Sempé qui dessine les
couvertures depuis cette date. Cependant, Le Premier Amour présente encore une couverture
1
« ancienne version », datant de 2003, preuve qu’il n’y a pas eu de réédition. De plus, son sujet est
assez atypique quand on connaît les thèmes privilégiés de Marcel Pagnol, puisque l’action se
déroule dans une époque préhistorique, où l’on assiste à la naissance du premier amour, et au
domptage du feu par les Hommes. Autant de caractéristiques qui font de ce scénario une œuvre très
peu connue, excepté pour les aficionados de l’écrivain.
Ces remarques font apparaître des questions intéressantes de « représentation » des œuvres de
Marcel Pagnol en librairie, de lectorat, de public, d’édition, etc.
En juin 2008 sort aux Éditions Privé et Éditions de la Treille : Marcel PAGNOL, Carnets de
cinéma. Textes présentés par Nicolas Pagnol. Cet ouvrage présenté comme « le dernier tome de
l’autobiographie [de] Marcel Pagnol » est un recueil de textes inédits retrouvés par Nicolas Pagnol,
dans lesquels Marcel Pagnol raconte son cinéma, ses tournages, sa vision du cinéma et son travail
pendant la Seconde Guerre Mondiale. Ce texte est extrêmement intéressant et visionnaire quant à
l’emprise du cinéma américain sur nos salles par exemple. Toutefois, ces Carnets de cinéma étaient
présents en peu d'exemplaires dans les librairies. Cependant, on trouve les autres œuvres de Marcel
Pagnol, telles ses Souvenirs d’Enfance, en nombre. Apparaît alors clairement des différences, tant
dans l’édition que dans le lectorat visé et/ou recherché.
Il semble donc pertinent de travailler sur l’œuvre de Marcel Pagnol, sa vie, son public
aujourd’hui. Nous préférerons le terme de « vie » et pas seulement d’édition, car il est intéressant de
se pencher aussi sur les nouvelles représentations théâtrales, les adaptations des œuvres en téléfilms,
en opéra, l’édition de nouveaux DVDs, etc. De la même façon que nous préférerons le terme
« public » au terme « lectorat » puisqu’il n’est pas seulement question de lecture.
Dans cette optique, il serait judicieux d'observer et de réfléchir sur les différents supports de
l'œuvre de Marcel Pagnol, sur les représentations visuelles –cinématographiques, théâtrales,
télévisuelles-, en vue d’établir une problématique. De même, interroger les libraires afin de
connaître les ventes, les stocks ou la représentation des œuvres de Pagnol s'inscrit dans la même
démarche. Il est finalement intéressant de remarquer que la « vie » d’une œuvre pose elle-même les
questions sur lesquelles nous nous pencherons, et que, peu importe les réponses que nous y
apporterons, cette œuvre importante continuera de vivre et de se renouveler. La problématique
permet d’avoir un travail de réflexion sur les œuvres et leurs formes.
2
En effet, la question qui servira de fil rouge à la recherche et aux réflexions est la suivante :
comment l'œuvre de Marcel Pagnol se renouvelle-t-elle sans cesse, et pour quel public ?
Pour pouvoir y répondre, et après s'être penché sur les œuvres de Pagnol et leur réception lors de
leur création et de leur édition -puisqu'il s'agit de littérature, de théâtre et de cinéma-, nous nous
pencherons sur l'édition de Pagnol aujourd'hui qui fonctionne entre rééditions et créations, tant en
littérature, sur les écrans -grands ou petits-, que sur scène. Enfin, nous tenterons de nous interroger
sur le public d'aujourd'hui après l'observation en librairie de certains ouvrages représentatifs de
l'œuvre de l'auteur.
Ainsi, les différentes biographies consacrées à Marcel Pagnol seront utiles pour cerner
l'impact de son œuvre aux moments de sa création, de même que les textes et films eux-mêmes. Les
différentes éditions seront judicieuses à observer afin de s'interroger sur leur « vie ».
3
Les œuvres de Marcel Pagnol et leur réception lors de leurs créations
Si Marcel Pagnol est connu pour son amour de la Provence, il ne faut en aucun cas occulter
le fait que sans une « délocalisation » à Paris, ce jeune homme séduisant à l'accent méridional serait
sans doute resté anonyme. C'est d'ailleurs une théorie qu'il aimait raconter en souriant, évoquant les
« radiations telluriques » :
La masse en fusion, explique-t-il, qui occupe le centre de notre planète émet des radiations
qui passent à travers la croûte terrestre et pénètrent jusqu'au plus profond de chacun de nous,
influençant l'évolution et le comportement de chaque cellule de notre corps. […] Paris, on le sait, est
bâti sur des couches de sable à travers lesquelles ces radiations passent avec force terrible. Et si tu
viens à Paris et que tu aies en toi un peu de génie, grâce à ces radiations telluriques tu vas pouvoir
l'exprimer comme nulle autre part ailleurs.
Tu es un petit juif d'Ukraine qui a quelques dons pour la peinture, tu viens à Paris et tu
deviens Chagall. Tu es pianiste doué à Varsovie. Tu viens à Paris et tu deviens Chopin.1
Et l'on pourrait continuer : tu es Pagnol Marcel, un aubagnais fils d'instituteur qui aime la littérature
et le théâtre; à Paris tu deviendras Marcel Pagnol2. Il n'est pas inintéressant de noter que ce destin
prestigieux n'est pas si évident qu'il n'y paraît. En effet, alors que le jeune Marcel aimait écrire des
poèmes et des nouvelles, son talent littéraire d'écrivain ne se révélera qu'à la fin de sa carrière et de
sa vie, et c'est pour un art qu'il ne connaît pas encore lorsqu'il « monte » à la capitale qu'il va se
passionner et dans lequel il va exceller : le cinéma. Mais alors pourquoi quitter Marseille pour Paris
en 1922 ? Marcel Pagnol, veut y écrire pour le théâtre et s'y faire jouer, encouragé par son complice
d'alors, Paul Nivoix avec qui il signe ses premières pièces de théâtre.
I) Le théâtre
Un soir de 1920, à Marseille, Marcel Pagnol lit à ses amis sa première pièce de théâtre,
Catulle, drame en vers en quatre actes qui ne sera jamais joué. Parmi les présents, un jeune
journaliste passionné de théâtre : Paul Nivoix. Cette rencontre marque le début de leur courte
collaboration. En effet, les deux amis écriront trois pièces ensemble. Ils sont jeunes et ont bien
1
. CASTANS, Raymond, Marcel Pagnol, Le Livre de Poche, 1988, p.116-117. Voir aussi du même auteur : Marcel
Pagnol m'a raconté, Collection Folio (n°793), Gallimard, Paris, 1976, « Les radiations telluriques », p.181-184.
2
. Cf. le titre de l'ouvrage de Jean-Baptiste LUPPI : De Pagnol Marcel à Marcel Pagnol, Éditions Paul Tacussel,
Marseille, 1995.
4
compris que la reconnaissance littéraire, le succès et l'argent sont trois caractéristiques que le théâtre
peut apporter, pour peu qu'on sache jouer de la plume, à une époque où la télévision et le cinéma
n'existent pas encore dans le cœur du public. En ce début du vingtième siècle, Paris est la ville du
théâtre où se disputent deux écoles, celle du théâtre de boulevard, amusant, un divertissement
souvent d'actualité où les « mots d'auteur » sont légions, et celle du théâtre symboliste, privilégiant
le texte, héritier du théâtre d'art. Ce théâtre d'art s'était manifesté par le biais de la création du
Théâtre du Vieux Colombier en 1913, et l'on pouvait lire alors sur les affiches un appel « à la
jeunesse » et « au public lettré » pour « réagir contre toutes les lâchetés du théâtre mercantile et
pour défendre les plus libres, les plus sincères manifestations d'un art dramatique nouveau ».3 De
plus, à cette époque André Antoine a définitivement marqué de son empreinte le monde du théâtre,
en imposant le naturalisme, appelé aussi réalisme, sur la scène dès les débuts de son Théâtre Libre
en 1887.
La première pièce du duo Pagnol-Nivoix, c'est une pièce de boulevard : Tonton, ou Joseph
veut rester pur, vaudeville représenté le 30 août 1923 au Théâtre de Variétés à Marseille et qui ne se
jouera que quinze soirs, boudé par le public et méprisé par la presse. Mais le nom de Pagnol ne sera
pas associé à cet échec, puisqu'il l'a signé du pseudonyme de Castro. L'on peut imaginer aisément
les causes d'un tel « four » à travers la jeunesse et l'inexpérience de ses deux auteurs là où le
vaudeville demande de l'habileté et de la construction. De plus, c'est à Marseille que se joue la
pièce, et Marseille n'est pas Paris en matière de théâtre.
Après cet échec, les deux auteurs vont connaître un succès critique grâce à une pièce
satirique, à mi chemin entre le boulevard réaliste et le symbolisme de l'intrigue, genre dans lequel
va exceller Marcel Pagnol dès lors qu'il se séparera de Nivoix. En effet, le 15 avril 1925 a lieu au
Théâtre de La Madeleine à Paris la première de leur dernière pièce à deux mains : Les Marchands
de gloire, ou l'histoire d'un père de famille qui, endeuillé par la perte de son fils disparu à la guerre
et aidé par un affairiste sans scrupules, va gravir les échelons du monde politique grâce à
l'exploitation d'un patriotisme fondé sur la disparition de ce fils soldat. Mais à la fin de la pièce, le
fils qui était seulement amnésique et perdu rentre chez lui pour s'entendre dire que « la première
qualité d'un héros, c'est d'être mort et enterré »4, et pour finir par entrer dans le jeu de ces deux
hommes. Les Marchands de gloire est un succès, mais un succès qui ne dépasse pas la salle du
3
. DEGAINE, André, Histoire du théâtre dessinée, Nizet, Saint Genouph, 1992, p.317.
. PAGNOL, Marcel, NIVOIX, Paul, Les Marchands de Gloire, Acte Quatrième, Scène II, In PAGNOL, Marcel,
Œuvres Complètes I Théâtre, Éditions de Fallois, Paris, 1995, p.123.
4
5
théâtre. En effet, le public applaudit avec véhémence, mais il se fait chaque soir de plus en plus
mince. Au total, la pièce ne sera jouée que treize fois. Cela suffit cependant pour que la presse se
fasse l'écho de critiques très favorables, et l'on peut lire dans Le Temps comme une prémonition du
critique André Rivoire : « Je serais bien étonné si tous les deux [Nivoix et Pagnol], ensemble ou
séparément, ou à tout le moins si l'un des deux ne se faisait pas un grand nom de théâtre... »5
Pagnol et Nivoix écrivent ensuite Un direct au cœur, une comédie entre romantisme et
affairisme, un divertissement grinçant proche du boulevard se déroulant dans le milieu de la boxe bien connu du nez cassé de Marcel- qui se jouera en 1926 à Lille au Théâtre de l'Alhambra et qui
connaîtra un bon succès régional, notamment grâce aux critiques favorables de la presse régionale
et au talent des comédiens principaux dont Pierre Bertin de la Comédie Française.
Désormais reconnu par la presse, Marcel Pagnol se sépare de Paul Nivoix pour entamer sa
propre carrière. Depuis peu en contact avec André Antoine, l'homme du théâtre à Paris, Marcel lui
fait lire sa nouvelle pièce, Jazz. Dans un premier temps nommée Phaeton, cette comédie satirique a
pour personnage principal un professeur de grec qui a consacré sa vie à la traduction d'un manuscrit
qu'il considère comme une œuvre perdue et unique de Platon. Cependant, plus proche de la fin de sa
vie que de son début, ce professeur apprend que le manuscrit n'est qu'un pastiche et qu'il a consacré
les vingt dernières années de sa vie à cette imposture. Lui apparaît alors le fantôme de sa jeunesse
sacrifiée qui le pousse dans les bras d'une de ses jeunes élèves qui se refuse à lui. Il mourra du
désespoir de sa vie gâchée. André Antoine est emballé et propose à Marcel de monter cette pièce
pour le gala du Grand Théâtre de Monaco le 9 décembre 1926, puis de continuer les représentations
à partir du 21 décembre au Théâtre des Arts à Paris. C'est un succès critique et public, il y aura plus
de cent représentations, « c'est pour l'époque un exploit rare » écrit Raymond Castans6.
On peut expliquer ce succès par plusieurs raisons, dont la première, la plus évidente mais la plus
subjective : la pièce est bonne, oscillant entre réalisme et symbolisme. Le sujet en plein dans l'air du
temps puisque c'est la période du jazz et des cabarets, où se perd le professeur. En effet, en cette
période des « années folles » commencées après la Première Guerre Mondiale, s'opère un véritable
renouveau culturel et le jazz, importé en France par les américains, fait parler de lui, tant par sa
marginalité que par son originalité. Il est le symbole de la jeunesse et parfois de la décadence, et
trouve en Joséphine Baker et son charleston, sa figure de proue. De plus, la pièce Jazz constitue
5
. PAGNOL, Marcel, NIVOIX, Paul, Les Marchands de Gloire, Préface, In PAGNOL, Marcel, Œuvres Complètes I
Théâtre, Éditions de Fallois, Paris, 1995, p.32.
6
. CASTANS, Raymond, Marcel Pagnol, Le Livre de Poche, 1988, p.148.
6
aussi une sorte de version moderne du Faust de Goethe, touchant un public autant populaire que
littéraire. En outre, Marcel Pagnol est en quelque sorte parrainé par André Antoine, autorité dans le
monde du théâtre à cette époque, et Jazz est parrainé par Henry Bernstein, auteur dramatique à
succès dans le Paris de 1926 qui signe la présentation de l'auteur dans le programme de la pièce.
Enfin, la critique ne tarit pas d'éloges sur la pièce et le bouche à oreille fonctionne à merveille. Tant
et si bien que Marcel Pagnol gagne assez d'argent pour vivre deux ans sans rien faire d'autre
qu'écrire7.
Cette formidable occasion, Marcel Pagnol va la saisir pour écrire les deux pièces qui vont
faire de lui un dramaturge reconnu et célébré : Topaze et Marius.
Déjà un peu expérimenté, le jeune Pagnol va se faire l'héritier à la fois du naturalisme d'André
Antoine et du théâtre d'art, encore véhiculé par « Le Cartel des quatre », créé en 1927 et composé
des chefs de troupe Jouvet, Dullin, Baty et Pitoëff. Contre le théâtre de boulevard qui remplit les
salles à Paris, ils optent pour un théâtre dit « d'avant-garde » qui est marqué par le symbolisme et la
stylisation, tout en gardant un pied dans le naturalisme, évitant tout élitisme. Entre ces deux
courants et enrichi par leurs caractéristiques, Marcel Pagnol va, dans la satire, mêler la drôlerie du
boulevard avec le symbolisme des situations, et toujours dans le réalisme d'Antoine.
En effet, le 9 octobre 1928 a lieu, au Théâtre des Variétés, la générale de Topaze, pièce satirique
racontant le destin d'un instituteur, professeur de morale qu'il se plait à enseigner avec vertu et qui,
après sa rencontre avec un affairiste, va devenir à la fin de la pièce pire que ce dernier, un corrompu
prêt à tout. Dans la dernière scène de la pièce, alors qu'un ancien collègue professeur lui rend visite,
Topaze lui explique son changement de statut, signant la fin d'une comédie grinçante et peu
optimiste quant à la vision de Marcel Pagnol sur les Hommes :
Regarde ces billets de banque, ils peuvent tenir dans ma poche, mais ils prendront la forme et la
couleur de mon désir. Confort, beauté, santé, amour, honneurs, puissance, je tiens tout cela dans ma
main... Tu t'effares, mon pauvre Tamise, mais je vais te dire un secret : malgré les rêveurs, malgré les
poètes et peut-être malgré mon cœur, j'ai appris la grande leçon : Tamise, les hommes ne sont pas
bons. C'est la force qui gouverne le monde, et ces petits rectangles de papier bruissant, voilà la forme
moderne de la force.8
La pièce est un triomphe qui ne se dément pas les jours suivants. L'écriteau « Complet » est souvent
apposé au théâtre, et le public est plus enthousiaste que jamais. De nombreux acheteurs étrangers
7
. JELOT BLANC, Jean-Jacques, Pagnol Inconnu, Michel Lafon & Éditions de La Treille, Paris, 1998, p.64.
. PAGNOL, Marcel, Topaze, Éditions de Fallois, coll. « Fortunio » n°10, Paris, 2004, Acte Quatrième, Scène IV, p.239.
8
7
s'emparent du phénomène, et Topaze sera ainsi créé dans presque tous les pays du monde. La pièce
atteindra plus de quatre mille représentations, dans toute la France. Cet énorme succès sera sans fin,
puisque dès le jour de la première, on ne comptera plus les adaptations et les représentations
diverses et géographiquement éparses qui ont eu lieu. Ce succès promu par la presse et le public
peut s'expliquer par la nature même de la pièce. En effet, dans une comédie qui traite des mœurs et
des travers de l'époque, ne voit-on pas poindre la plume d'un Molière si habile dans sa manière
d'atteindre le public ? Pagnol a su créer un personnage type en celui de Topaze, dont la corruption
qui peut sembler intemporelle, n'en a que plus de force et d'impact en cette première moitié du
vingtième siècle. De plus, Pagnol a su utiliser et mêler les ficelles de tout ce qui fait le théâtre à
cette époque : naturalisme, art, boulevard, etc. Le nom de Marcel Pagnol est désormais connu du
tout-Paris, ce qui ne sera pas de trop pour le lancement d'une seconde pièce.
En effet, pendant qu'il écrivait Topaze avec fierté et ambition, Marcel Pagnol a entrepris
l'écriture d'une comédie dont l'intrigue a pour cadre Marseille, c'est Marius. L'auteur explique :
« J'avais écrit Marius parce que je pensais à ma ville natale, Marseille, et que j'étais, en somme, en
exil à Paris »9. L'écriture est là plus confidentielle et personnelle, et il n'ose pas faire lire son œuvre
à tous ses amis. Il la proposera tout de même au Théâtre de Paris de Léon Volterra, qui n'hésitera
pas à la monter après l'expérience du succès de Topaze. C'est ainsi que le 9 mars 1929, alors que l'on
joue pour la cent cinquantième fois Topaze aux Variétés, le Théâtre de Paris propose la première de
Marius. La distribution est prestigieuse et elle fait encore écho de nos jours : Raimu, Charpin,
Demazis, Fresnay, Rouffe. Grâce aux conseils avisés de Jules Muraire -alias Raimu-, Pagnol réussit
le tour de force de cumuler deux triomphes, puisque Marius est aussi un énorme succès qui sera
joué trois ans. Le public est toujours présent et les critiques s'emballent. Marcel Pagnol explique son
étonnement dans une lettre qu'il adresse à son père le 17 mars 192910 : « C'est un succès incroyable,
j'en suis tout stupéfait. On fait la queue à 10 heures du matin devant le bureau de location qui ouvre
à 11 heures. Nos recettes sont énormes. »
Depuis, les personnages de Marius sont entrés au Panthéon des mythes modernes, et l'on connait
aussi bien à Marseille qu'à Paris César, le patron du « Bar de la Marine », Escartefigue, le chauffeur
du « fériboite » ou encore Fanny, la vendeuse de coquillages. C'est sans doute ce qui explique le
succès de la pièce : des personnages forts, parce que vrais et entiers, et une tragédie, voilée sous le
tissu de la comédie amusante, nous laissant apercevoir avec pudeur les blessures de chaque
9
. Interview de Marcel Pagnol à l'ORTF dans l'émission « Panorama » du 12/11/1965, disponible sur le site de l'INA
<http://www.ina.fr/archivespourtous/index.php?vue=notice&id_notice=I00015218>
10
. CASTANS, Raymond, Marcel Pagnol, Le Livre de Poche, 1988, p.193.
8
personnage et la gravité cachée. « Ce sont tous des personnages très seuls » explique Jacques
Weber11, un des plus récents comédiens à endosser le costume de César dans une mise en scène de
Francis Huster. C'est la force de ces personnages qui est porteuse de l'histoire de la pièce : Marius,
jeune serveur dans le bar de son père rêve d'un ailleurs lointain et maritime, mais il est tiraillé entre
cet exotisme et l'amour qu'il porte à la jeune Fanny avec qui il forme un couple qui semble marié
d'avance par leurs familles et la société du Vieux Port. Malheureusement pour ces derniers, Marius
choisira la mer.
C'est avec cette pièce que Marcel Pagnol marquera définitivement son identité théâtrale, puisqu'il
excelle dans ce que l'on pourrait appeler un réalisme poétique, montrant un quotidien comme une
imitation du réel, ponctué de scènes de comédie et de « mots d'auteur », mais dont les protagonistes
et les situations font parfois preuve de lyrisme. Ce réalisme poétique est appelé au succès, tant il
rassemble les amateurs des diverses écoles théâtrales du moment : les amateurs du théâtre de
boulevard, les inconditionnels du réalisme, les partisans du « Cartel » ou les amoureux des textes.
Pendant que Topaze et Marius triomphent au théâtre, les Éditions Fasquelle sortent en
librairie les textes des deux pièces, les tirages sont importants et les ventes sont très bonnes. Plus
tard, les textes des pièces de Pagnol édités à l'étranger serviront de base à l'apprentissage du français
dans des établissements américains, chiliens, coréens ou japonais.
À cette époque, le cinéma parlant commence à se faire connaître. Cependant, il n'existe
aucune œuvre seulement cinématographique, et l'on commence par exploiter au cinéma les pièces
qui ont du succès au théâtre. C'est ainsi que Marcel Pagnol va quitter les coulisses des théâtres pour
les plateaux de tournage lorsque La Paramount achètera les droits de Topaze et de Marius. Dans son
Histoire du théâtre dessinée, André Degaine parle d'une « épuration du théâtre » en expliquant que
« la tendance « naturalisme/réalisme » est happée par le cinéma parlant ».12
Mais avant ce changement de cap, Marcel Pagnol est attentif aux remarques du contrôleur du
Théâtre de Paris, de Léon Volterra, de ses amis et de son public qui lui réclament une suite de
Marius et lui font miroiter le succès d'une telle pièce. Pagnol se met donc à l'écriture de Fanny qui
sera jouée pour la première fois le 5 décembre 1931 au Théâtre de Paris. Cependant, à la suite d'une
brouille entre Léon Volterra et Raimu, le rôle de César, tant marqué par son interprète original, se
voit attribué à Harry Baur. Il en est de même pour le rôle de Marius et celui d'Honorine, Pierre
11
. Conversation privée avec le comédien à l'issue d'une représentation de César, Fanny, Marius dans une mise en scène
de Francis Huster d'après les œuvres de Marcel Pagnol, au Théâtre Antoine, Paris, le 13/03/09.
12
. DEGAINE, André, Histoire du théâtre dessinée, Nizet, Saint Genouph, 1992, p.326 et p.406.
9
Fresnay et Alida Rouffe étant respectivement déjà sous contrat et alitée. Le succès est tout de même
au rendez-vous, le public aime les personnages qu'il retrouve et la presse salue l'auteur dramatique
qu'est Pagnol. La pièce est dans la lignée de la première, dans la lignée du réalisme d'Antoine et
dans la lignée du théâtre de Pagnol devenu incontournable.
Enlevé par le cinéma parlant, Marcel Pagnol sera absent des planches durant de nombreuses
années. Ses œuvres vont continuer à se jouer avec succès, mais sans nouveauté. Ce n'est qu'en 1946
que Marcel Pagnol va faire son grand retour et créer à nouveau pour le théâtre, avec César. En effet,
le Théâtre des Variétés monte le troisième et dernier volet de la « Trilogie Marseillaise ».
Cependant, en fait de nouveauté, cette pièce n'est que l'adaptation théâtrale du film que Marcel
Pagnol a tourné en 1936. De plus, il reste peu de comédiens de la troupe originelle. Ce sont sans
doute les raisons qui expliquent que la pièce ne rencontrera pas le succès et sera retirée de l'affiche
quelques semaines à peine après la première. De plus, les mentalités ont évolué, la Seconde Guerre
Mondiale, l'occupation et le génocide juif ont marqué les esprits. L'époque d'André Antoine est
terminée, les salles jouent des drames historiques, du théâtre de boulevard, des adaptations de
romans, des pièces classiques et un théâtre d'idées voit le jour avec Sartre ou Camus. Le public
semble ne plus se déplacer pour une histoire qu'il a déjà vue dans un film magnifiquement interprété
par des comédiens qui ne seront pas sur la scène cette fois-ci.
Toutefois, Pagnol a droit l'année suivante à une preuve de reconnaissance pour son travail. En effet,
il est élu à l'Académie Française et reçu le 27 mars 1947. À cette époque, Pagnol est Président de la
Société des auteurs, ce qui l'aide évidemment à conquérir son statut d'Immortel. À quarante-sept
ans, il est le plus jeune académicien, et surtout, le premier représentant du cinéma à entrer sous la
Coupole. Cet événement témoigne bien de ce que représente Marcel Pagnol à cette époque : un
auteur populaire, aimé des masses, mais aussi reconnu par l'élite, et apprécié pour ses talents
artistiques et littéraires. Il a su représenter dignement une branche du cinéma qui voulait faire un
« art dramatique » aussi intelligent que le théâtre.
Mais prisonnier du cinéma qui l'a définitivement fait entrer au panthéon des grands auteurs, et à
l'Académie Française, Marcel Pagnol ne réussira plus à créer l'événement dans les salles de théâtre.
En effet, Pagnol qui semblait être un avant-gardiste quand il a su jouer de son héritage
théâtral ou quand il s'est engouffré dans la brèche du cinéma parlant, paraît avoir au théâtre un
temps de retard et ne plus savoir cerner ce qui va attirer le public. Car après l'échec théâtral de
César -qui aurait peut-être été un grand succès dans les années 30-, Pagnol revient au théâtre en
1955 avec une pièce historico-biblique : Judas. Cette pièce dramatique est créée le 6 octobre 1955
10
au Théâtre de Paris et ne connaît pas un grand succès. Elle raconte les derniers jours de Jésus Christ,
du point de vue de Judas, qui semble avoir accompli ce que Dieu lui demandait : dénoncer Jésus
pour que celui-ci accomplisse son destin. La distribution est très hétéroclite et mêle des comédiens
du boulevard et du music-hall. Raymond Pellegrin qui jouait Judas a été victime de problèmes de
santé et n'a plus pu assurer le rôle, il en est de même pour sa doublure, comme une malédiction. Au
bout d'une cinquantaine de représentations, la pièce est arrêtée, le public ne vient plus. De plus, la
presse ne vante pas le travail de Marcel Pagnol et se moque de l'auteur qui tente une réécriture de la
Bible quand il n'a fait jusque là que des galéjades provençales. Dans la presse, les instances
religieuses regardent aussi ce Judas d'un œil méfiant. En cette époque où depuis 1950 le théâtre
d'avant-garde ou théâtre de l'absurde fait parler de lui, Marcel Pagnol se montre à contre courant
dans un domaine qui ne lui est pas familier.
Dans la préface qu'il a écrite pour le texte de Judas, et avant de consacrer plusieurs pages à sa
vision de la Bible, Pagnol écrit : « En réalité, condamnée par les chrétiens et par les juifs, et
parfaitement indifférente aux incroyants, cette pièce ne pouvait réussir grandement. Et de plus, en la
relisant, il m'a semblé que je n'avais pas suffisamment mis en lumière les raisons du personnage
principal. »13
Cet échec au théâtre se confirme ensuite avec une comédie jouée pour la première fois le 28
septembre 1956 au Théâtre des Bouffes Parisiens : Fabien. Cette comédie noire racontant l'histoire
d'une femme trompée qui accepte tout par amour ne dépassera pas 100 représentations. Alors que le
théâtre de l'époque se veut intellectuel, Marcel Pagnol ne renouvelle pas le genre avec Fabien, une
pièce entre boulevard et réalisme. Les critiques sont acerbes dans la presse. Mais cet échec paraît
toutefois étonnant à Pagnol. En effet, pour prouver à Milly Mathis, l'actrice principale, qu'elle
rajoute du texte à celui de Pagnol sans s'en rendre compte, celui-ci enregistre une représentation et
se rend compte que le public rit 122 fois et applaudit 11 fois. À titre de comparaison, Pagnol
renouvelle l'expérience avec Topaze et enregistre beaucoup moins d'effets de la part du public : 71
rires et 7 applaudissements. Il conclura dans la préface qu'il a rédigée pour le texte de Fabien :
Or, on a joué Topaze en France plus de trois mille fois, et Fabien cent fois. J'avais toujours cru, fort
innocemment, que la pièce comique qui a le plus grand succès est celle qui fait rire le plus souvent :
la triste histoire de Fabien prouve que ce n'est pas vrai […]. Il n'y a dans cette pièce aucun
personnage que l'on voudrait être, ou que l'on aimerait fréquenter; aucun dont on puisse prendre le
parti. […] Le seul personnage sympathique […] incarne aussi la naïveté qui va jusqu'à la bêtise, et
c'est d'elle qu'on a ri toute la soirée : je crois que les rieurs, en sortant du théâtre, regrettent d'avoir
13
. PAGNOL, Marcel, Judas, Préface, In Œuvres Complètes I Théâtre, Éditions de Fallois, Paris, 1995, p.721.
11
ri. […] Il me semble pourtant que cet ouvrage manqué n'est pas entièrement dépourvu d'intérêt.14
Le retour au théâtre triomphant de Marcel Pagnol ne se fera pas, et ces trois échecs seront
ses dernières pièces. Peut-être n'est-il plus dans l'air du temps, et les planches de théâtre qui se sont
séparées du réalisme poétique de Pagnol quand celui-ci leur a préféré le cinéma ne veulent plus de
lui. On aime son cinéma, on se moque de son théâtre.
Dans un article intitulé « Dramaturgie de Marcel Pagnol »15, Yvan Audouard conclut par ces mots :
« On n'impose jamais rien au public,. Ou plutôt, on ne lui impose que ce qu'il attend... Mais il faut
arriver à l'heure ». Avec le recul pris sur la carrière théâtrale de Marcel Pagnol, cette conclusion
apparaît comme particulièrement juste, tant pour les succès de l'auteur que pour les échecs qu'il a
rencontrés.
Mais Pagnol ne restera pas dans le désamour du public, puisqu'après le « four » qu'a été
Fabien, son auteur s'attelle à l'écriture de ses souvenirs d'enfance.
II) Le cinéma
À la fin des années 20, le cinéma parlant fait son arrivée dans les salles « grand public » et il
est une curiosité que les foules s'empressent d'aller voir. Marcel Pagnol sera de ceux-là puisqu'en
mai 1930, au Palladium de Londres, il voit Broadway Melody. C'est, comme il l'a écrit lui-même
dans Cinématurgie de Paris, un moment crucial de sa carrière : « Cette représentation fut pour moi
un événement très important. J'allai revoir le film le soir même, puis encore deux fois le lendemain,
et je rentrai, la tête échauffée de théorie et de projets ».16 C'est ainsi que dans Le Journal du 17 mai
1930, Marcel Pagnol rédige un article intitulé « Le Film Parlant », dans lequel il fait un éloge de ce
nouveau procédé artistique qui offre bien plus de moyens que le théâtre et qui n'est plus l'infirme
qu'était le cinéma muet. Pour ces lignes, Marcel Pagnol se fait des ennemis dans tous les camps. En
effet, le théâtre qu'il semble vouloir abandonner le renie et l'on se moque de lui, et le cinéma qu'il
tente de rejoindre n'accepte pas les critiques contre le muet. Mais Pagnol est bien décidé à se lancer
dans l'aventure.
14
. PAGNOL, Marcel, Fabien, Préface, In Œuvres Complètes I Théâtre, Éditions de Fallois, Paris, 1995, p.834-835.
. AUDOUARD, Yvan, Dramaturgie de Pagnol, Magazine Littéraire. Avril 1975, n°99, p. 12.
16
. PAGNOL, Marcel, Cinématurgie de Paris,In Œuvres Complètes II Cinéma, Éditions de Fallois, Paris, 1995, p.14.
15
12
À la fin de l'année 1930, La Paramount achète à Marcel Pagnol les droits de Marius et de
Topaze, afin d'en faire des adaptations cinématographiques. En effet, le cinéma parlant est nouveau,
et ce sont les succès du théâtre qui vont l'alimenter à ses débuts, comme nous l'avons vu plus haut.
Marcel Pagnol profite du tournage de Marius pour « apprendre le métier » en compagnie du
réalisateur Alexander Korda avec qui il s'entend bien. En revanche, il se désintéresse du tournage de
Topaze, avec Louis Jouvet, à cause d'une mésentente avec Louis Gasnier, le réalisateur, qui rajoute
au texte de Pagnol des scènes destinées à transformer une pièce de théâtre en film et à justifier cette
transformation. On sent déjà poindre, dans ce désamour, le style cinématographique de Pagnol, que
certains qualifieront de « théâtre filmé ».
Marius sort en 1931, au début du mois d'octobre. C'est un triomphe à Paris, du fait de la renommée
de son auteur et du succès de la pièce, et il en est de même en province, en Suisse ou en Belgique.
De plus, la présence de la troupe de théâtre originelle sur les écrans attire le public, friand des
répliques de Raimu. Topaze sort en 1932, et le public vient en nombre. Ces débuts au cinéma sont
encourageants pour Marcel Pagnol qui récolte les lauriers de la gloire, même s'il n'est pas encore
réalisateur, mais il est aussi la cible des critiques qui voient dans ces films un « théâtre filmé » qui
n'a rien à faire sur un grand écran. En effet, les dialogues de Marcel Pagnol surprennent quand le
cinéma était voué, notamment par le biais du muet, à « montrer » des situations et à faire rire par
des gags visuels. Cependant, le public ne se pose pas tant de questions et aime ces films de Pagnol.
Celui-ci, après ses prises de conscience au théâtre, témoigne une fois de plus de son sens des
affaires lorsqu'il prend conscience de l'argent que peuvent lui faire gagner des succès
cinématographiques tels que Marius s'il en était le producteur.
Il s'associe alors avec Roger Richebé pour produire et réaliser, aidé de Marc Allegret,
l'adaptation cinématographique de Fanny. Le film, qui sort au début du mois d'octobre 1932, est une
fois de plus un succès, supérieur à celui de Marius. Marcel Pagnol va dès lors écouter son instinct
commercial -qu'il suit déjà depuis sa montée à Paris- et abandonner définitivement -croit-il- le
théâtre pour le cinéma. Il fonde sa propre maison de production : la société des Films Marcel
Pagnol. Au fil des années, il contrôlera toute la chaîne du film, tout puissant, puisqu'il sera l'auteur
des scénarios, le producteur, le réalisateur, il choisira les acteurs, les films se tourneront dans les
Studios Marcel Pagnol, il développera les films dans ses laboratoires, il assurera la distribution, et il
projettera le résultat dans ses salles de cinéma.
Complètement investi dans ce monde de l'image mouvante et parlante, Pagnol y connaîtra de grands
succès tels que César (1936), le dernier volet de la « Trilogie marseillaise », écrit pour l'écran, mais
13
aussi Merlusse (1935), ou La Fille du Puisatier (1940). Sa troisième version cinématographique de
Topaze, servie par Fernandel, est aussi un triomphe en 1950, de même que Manon des Sources qui
sort en 1952.
Pagnol connait aussi le succès avec des adaptations d'œuvres d'autres auteurs, comme le film Naïs
(1945) tiré de Naïs Micoulin d'Émile Zola ou encore Le Rosier de Madame Husson (1950) d'après
une nouvelle de Maupassant.
Toutefois, une partie de ses plus grands succès sont des adaptations d'œuvres de Jean Giono. En
effet, le court métrage Jofroi (1933) est tiré de la nouvelle Jofroi de la Maussan du recueil Solitude
de la pitié de Giono. Angèle (1934), c'est le roman de Giono Un de Baumugnes, Regain (1937) est
adapté du roman du même nom et enfin, La Femme du Boulanger (1938), une des œuvres
cinématographiques majeures de Pagnol où excelle Raimu, n'est autre qu'une adaptation d'un
chapitre de Jean le Bleu, roman partiellement autobiographique de Jean Giono.
Les succès de Pagnol au cinéma mettent souvent en scène un drame paysan ou rural, porté
par la nature environnante que Marcel Pagnol aime filmer. Cette façon de filmer, en décors naturels,
donne le ton d'un naturalisme français. C'est la réalité que l'on veut essayer de porter à l'écran, et
Marcel Pagnol le fait moins par idéologie que par amour pour ses chères collines et sa Provence
natale. Le premier de ses films que l'on peut inscrire dans ce courant réaliste est Jofroi. En effet
Marius et Fanny étaient très largement tournés en studio puisque les scènes sont surtout intérieures.
Au contraire, Jofroi expose le monde paysan et les extérieurs sont nombreux. Dans la préface du
texte du film, Pagnol explique, à propos de Jofroi : « La critique moderne considère qu'il fut le
premier film et le modèle de l'école néo-réaliste italienne »17. En effet, le néoréalisme italien qui
voit le jour au début des années 40 tombe en pleine Seconde Guerre Mondiale. Les réalisateurs
italiens font alors du cinéma avec peu de moyens, et privilégient alors les décors naturels qui ne
coûtent rien. Le monde est en pleine destruction, de ce fait, le cinéma va libérer en montrant la
réalité. Cette prise de conscience n'est pas tout à fait semblable au réalisme français porté par
Pagnol, qui se veut moins politique. En effet, c'est le réalisme poétique de son théâtre qu'il transcrit
à l'image, et c'est sans doute cela qui plaît au public de l'époque. Toutefois, cela n'empêche pas les
réalisateurs italiens emblématiques du néoréalisme de faire du cinéma de Pagnol une de leurs
inspirations. Selon Patrick Brion, le réalisateur Vittorio de Sica admet : « L'école néo-réaliste
italienne, c'est Pagnol qui l'a faite avec Angèle en 1934 »18. Ce représentant du néoréalisme
confirme penser à Pagnol en faisant ses films dans un entretien avec François Chalais à propos de
17
. PAGNOL, Marcel, Jofroi, Préface, In Œuvres Complètes II Cinéma, Éditions de Fallois, Paris, 1995, p.108.
. BRION, Patrick, L'inventeur du néo-réalisme, Magazine Littéraire. Avril 1975, n°99, p. 14.
18
14
son film L'or de Naples19. De même, Roberto Rossellini, figure de proue de ce mouvement italien,
déclare dans un entretien : « J'ai découvert les films de Pagnol en Italie avant la guerre. […] Je me
suis amouraché totalement de Pagnol. Je crois que, quand même, il a influencé mes choix qui sont
venus après »20.
Une fois de plus, la force de Pagnol est d'être un visionnaire, notamment en ces débuts du cinéma
où son « théâtre en conserve » lui sera reproché. Il est un formidable dialoguiste amoureux de la
Provence, il réalise donc des films où le dialogue est prépondérant, de même que les décors
naturels. Dans ses œuvres, la nature est un personnage à part entière, d'où la connivence avec les
œuvres de Giono, mais elle semble revêtir un aspect plus gai que celle des textes de son meilleur
ennemi. En effet, chez Pagnol les cigales chantent et le soleil brille. Cependant, c'est souvent la
nature qui est à l'origine des maux des personnages de Pagnol, malgré les apparences joviales.
Manon des sources veut se venger de la source bouchée par Ugolin qui a tué son père. Dans Regain,
c'est contre la nature qui reprend ses droits et contre l'extinction de l'Homme que lutte Panturle qui
fera renaître Aubignane. Dans Marius, c'est l'appel de la mer et de l'exotisme qui entraînera la
tragédie. Dans La Fille du Puisatier, c'est en creusant le sol et allant contre la Terre que Amoretti
fait ses puits, à la force de ses bras. C'est aussi parce que sa fille est tombée enceinte qu'il la chasse
de la maison. Ces constatations, l'on peut les faire dans presque tous les films de Marcel Pagnol, et
si les fins sont souvent heureuses, c'est que l'Homme a fait de son mieux pour cohabiter avec la
nature. Cette ambiguïté, mêlant une violence tacite et une apparence agréable, tant sur le thème de
la nature que dans la vie ou les dialogues des personnages, est ce réalisme poétique qui attire les
foules dans les salles de cinéma avec la même ferveur qui les faisait applaudir sur scène Marius ou
Topaze.
Cependant, Marcel Pagnol n'a pas connu que des succès au cinéma, et plusieurs échecs ont
terni sa carrière. C'est le cas du Gendre de Monsieur Poirier (1933), une comédie adaptée d'une
pièce de théâtre de Jules Sandeau et Emile Augier, ou de L'Article 330 (1934) d'après Courteline, de
La Belle Meunière (1948), sorte de comédie musicale d'après des lieder de Franz Schubert dans
laquelle chante Tino Rossi. C'est aussi le cas de Carnaval (1953), comédie grinçante d'après une
pièce d'Emile Mazaud. Autant d'échecs significatifs du peu d'attrait qu'a le public pour des « pièces
filmées » qui ne sont pas de la plume de Pagnol ou pour des intrigues qui ne nécessitent pas de
décors réalistes ou de dialogues croustillants. Il semble évident que le réalisme poétique tant
19
. Interview de Vittorio de Sica dans l'émission « Reflets de Cannes » du 27/04/1955, disponible sur le site de l'INA
<http://www.ina.fr/archivespourtous/index.php?vue=notice&id_notice=I00001648>
20
. Interview de Roberto Rossellini dans l'émission de FR3 « Le Masque et La Plume » du 18/01/1976, disponible sur le
site de l'INA <http://www.ina.fr/archivespourtous/index.php?vue=notice&id_notice=I00015101>
15
apprécié et si complexe de Pagnol est absent de ces réalisations.
Pour Marcel Pagnol, le cinéma doit être au service de son art dramatique, comme l'était le
théâtre. C'est pourquoi la matière de base est sensiblement la même, et les accusations de « théâtre
filmé » se sont fait légion à son encontre. Toutefois, cet art dramatique séduit le public. Il est
intéressant de se pencher sur les théories de Marcel Pagnol, qu'il développe dans son ouvrage
Cinématurgie de Paris, recueil d'articles qu'il rédigea pour sa revue Les cahiers du film, entre 1933
et 1934 :
Ainsi, renié par les miens, et honni par les cinéastes, je compris enfin que je parlais aux pires
sourds, et qu'ils ne pouvaient rien m'apprendre, parce qu'ils ne savaient rien.
La véritable bataille se livrait sur les écrans...
[...] Le mariage de l'idéographie, sous sa forme cinématographique, et de l'écriture
phonétique, sous sa forme phonographique, nous a donné le film parlant, qui est la forme presque
parfaite, et peut-être définitive, de l'écriture.
[…] Il s'agit, sans doute, d'un art mineur. […] Il n'a inventé aucun des buts qu'il nous permet
d'atteindre; il utilise, comme tous les arts mineurs, des outils […].
L'art dramatique, c'est l'art de raconter des actions et d'exprimer des sentiments au moyen de
personnages qui agissent et parlent. […]
Il a été servi par de nombreux arts mineurs : […]
1° L'art du théâtre […].
2° La pantomime […].
3° L'opéra et l'oratorio […].
4° La chorégraphie […].
5° Le film parlant.
[…] Il est aisé de démontrer que toutes ces formes d'art ne sont que des moyens d'expression
de l'art dramatique.21
Il apparaît ici un constat évident, à savoir qu'aux débuts du film parlant, toutes les théories
pouvaient être évoquées, la nouveauté aidant. C'est ainsi que Marcel Pagnol ne s'est pas embarrassé
des critiques et a considéré le cinéma parlant comme un moyen de réalisation de son art dramatique,
comme l'avait été le théâtre. Il n'a pas voulu réduire le cinéma à des effets visuels, chose qu'il
critiquait ouvertement à propos du film muet. Si ces idées peuvent paraître aujourd'hui étonnantes, à
l'heure du numérique et des effets spéciaux en tous genres, le public de l'époque ne se montrait pas
21
. PAGNOL, Marcel, Cinématurgie de Paris,In Œuvres Complètes II Cinéma, Éditions de Fallois, Paris, 1995, p.6275.
16
difficile tant il aimait aller au théâtre et se régaler des dialogues, des situations et des histoires. Mais
le monde du cinéma de l'époque qui voyait le cinéma comme un art, conception moderne encore
d'actualité, n'était pas du même avis que Pagnol, pour qui le film, comme la représentation théâtrale,
était un moyen d'expression, de transmission de son art dramatique, au dessus de tout. Aujourd'hui
où les techniques de réalisation cinématographiques permettent des effets irréalisables sur une scène
de théâtre, mais porteurs de sens, les théories de Pagnol semblent perdre de leur valeur. Mais dans
les années 30 où Pagnol écrit ces lignes, la technique n'en est pas au même point. Marcel Pagnol a
donc mis les décors au service de ses histoires, et non pas l'inverse, et c'est sans doute ce qui est à
l'origine de ce réalisme qu'il défend entre les lignes. Le réalisme poétique est le réalisme qui tend à
montrer la réalité telle qu'elle est, mais à travers le filtre du style, de la construction des dialogues,
du lyrisme des décors. Ainsi, les personnages du film ont l'air bien réels, les décors aussi, les
dialogues semblent vrais, mais tout est en fait baigné dans une atmosphère travaillée :
Ombre parmi les ombres, image parmi les images, l'acteur devient exactement aussi faux et
aussi vrai que le décor. Sa voix n'est plus la voix d'un homme, elle est celle d'un personnage, d'un
personnage qui vivra en dehors de l'acteur, affranchi des misères et des variations humaines. Voilà
pourquoi je crois très sincèrement que l'œuvre de l'écran est plus homogène que l'œuvre de la scène,
à cause de cette harmonie d'images.22
L'on pourrait considérer ce discours comme l'explication de ce que le réalisme de Marcel
Pagnol était : les personnages ne sont pas des Hommes, leur humanité est stylisée par l'image,
comme le poète donne aux phrases un style qui est une création dont la matière première est faite de
mots. Le paysan qui transpire et pioche parle avec les mots du poète Pagnol. Les décors naturels
passent par le prisme de la caméra pour être vus selon la volonté du réalisateur.
Ainsi, en cette première moitié du vingtième siècle, Marcel Pagnol profite du tout jeune
cinéma parlant pour le créer à sa façon. Rejetant le « tout visuel » du cinéma muet qu'il considère
comme superflu et nuisant à l'intrigue dramatique, il utilise son art des dialogues pour flatter le
public des théâtres et il apporte à l'art dramatique une dimension réaliste. Ce savant mélange, ou
réalisme poétique, sera à l'origine de nombreux succès et de sa renommée, puisqu'il remplira les
salles de cinéma, mais son absence à l'écran fera des œuvres de Pagnol des échecs.
La société « Les Films Marcel Pagnol » qu'il dirige éditera dans une collection appelée « Les
films qu'on peut lire » certains de ses scénarios. L'art des dialogues de Marcel Pagnol et le
22
. PAGNOL, Marcel, Cinématurgie de Paris,In Œuvres Complètes II Cinéma, Éditions de Fallois, Paris, 1995, p.89
17
retentissement de ses films feront de cette collection un assez bon succès commercial. Ainsi,
Angèle, Regain ou La Femme du Boulanger édités dans cette collection seront des causes
d'affrontements et d'un procès entre Marcel Pagnol et Jean Giono, au sujet des droits d'auteurs.
III) Les œuvres littéraires
En 1914, le jeune Pagnol et ses amis de khâgne décident de la création d'une revue
« littéraire, artistique et théâtrale » qui aura pour nom Fortunio. On y trouvait des poèmes, des
critiques théâtrales, ou encore des romans feuilletons dont Marcel Pagnol nous raconte la genèse :
« Il fallait publier un roman, tout simplement; un roman bouche-trou, dont les pages remplaceraient
les articles des auteurs défaillants, comme les caisses à savon remplaçaient déjà, dans nos bureaux,
les fauteuils de cuir; ce serait l'élément élastique de la revue »23. C'est ainsi que naissent sous la
plume du jeune Pagnol ses premières œuvres : Le Mariage de Peluque (1920) et La Petite Fille aux
yeux sombres (1921). Ces deux longues nouvelles racontent les frasques d'une bande d'amis, et déjà
Marcel Pagnol joue le jeu de récits à indices autobiographiques. Œuvres de jeunesse a priori sans
grand intérêt, les Éditions Fasquelle publient Le Mariage de Peluque sous le titre Pirouettes en
1932 à la suite du succès en librairie des textes de Topaze, Marius et Fanny. La logique
commerciale a sans doute contribué au maigre succès de cette édition que Julliard réitérera en 1984.
Le vrai succès littéraire et commercial de Marcel Pagnol n'arrivera que bien plus tard, en
1957, lorsqu'il racontera ce qu'il appelle La Gloire de mon Père. Pagnol a toujours été auprès de ses
amis un formidable conteur24. C'est ainsi que Hélène Lazareff, qui dirige à l'époque le magazine
féminin Elle demande à Marcel Pagnol de lui écrire un récit pour les numéros de Noël. Pagnol
accepte et signe un petit roman feuilleton racontant ses mémoires d'enfance; ce feuilleton qui est
publié durant quelques semaines est intitulé Le Château de ma Mère, le premier épisode se trouvant
dans le magazine Elle du 3 décembre 1956. C'est un succès, les ventes décollent, et la rédaction de
Elle ainsi que Marcel Pagnol reçoivent de nombreux courriers. Pagnol tient là le début d'une
nouvelle aventure. Il décide de faire de ce feuilleton un roman, et de le publier. C'est un ami
23
. PAGNOL, Marcel, Pirouettes, Préface, In Œuvres Complètes III Souvenirs et romans, Éditions de Fallois, Paris,
1995, p.1102.
24
. Voir par exemple : CASTANS, Raymond, Marcel Pagnol m'a raconté, Collection Folio (n°793), Gallimard, Paris,
1976.
18
monégasque, Clément Pastorelly, qui a toujours rêvé d'être éditeur, qui se lance avec lui dans
l'aventure. Selon Raymond Castans, Pagnol fait éditer son livre par son ami « pour que sa sortie soit
la plus discrète possible, pour éviter de faire de sa parution un événement parisien avec tous les
risques de ce genre d'aventures »25. Si l'on imagine aisément les risques critiques que Pagnol, atteint
à l'époque de son engagement dans un cinéma parlant réaliste, veut éviter, l'on sourit toutefois à
l'évocation d'une volonté d'éviter l'évènement. En effet, Pagnol est un Académicien célèbre qui ne
peut éviter une « sortie indiscrète » de son roman. C'est pourquoi la thèse de Jean-Jacques Jelot
Blanc sur ce sujet paraît plus lucide :
Chez qui publier ? D'autres, dans la même position, se seraient adressés aux grandes maisons
d'édition, pas lui. Réflexe hérité de son expérience de producteur-réalisateur de cinéma, il entend
garder la maîtrise de la diffusion de son œuvre écrite.
26
C'est ainsi que naissent les Éditions Pastorelly, parrainées par Marcel Pagnol. Cette thèse consistant
à faire de Pagnol un gardien de son œuvre, tant dans une démarche artistique que commerciale, est
dans la droite ligne de toutes ses activités passées, et elle trouve une preuve encore plus frappante
en 1962 lorsque Marcel Pagnol créé sa propre maison d'édition pour ses œuvres : les Éditions de
Provence. Cependant, le nombre de pages rédigées par Marcel est important, et il décide, avec son
éditeur-ami de scinder le roman en deux tomes : La Gloire de mon Père et Le Château de ma Mère.
En 1957 sort La Gloire de mon Père. C'est un immense succès critique, Pagnol est salué comme un
écrivain « classique » et les ventes en librairie sont énormes. Ses mémoires sont pleines de poésie et
de joie. Les enseignants sont séduits et en font une référence, par des lectures, ou des dictées. Dès
lors, l'Éducation Nationale inscrira Pagnol dans ses programmes. Le public est très large puisque le
livre plait énormément aux enfants. C'est le même triomphe qui consacre en best-seller Le Château
de ma Mère qui sort la même année. Fort de ce succès, Pagnol décide d'écrire le troisième tome,
intitulé Le Temps des Secrets, qui sortira en 1960. Pour parler de ce livre, Pagnol est invité à
l'émission « Lectures pour tous », et le journaliste Pierre Dumayet évoque le succès des tomes
précédents : « Les deux premiers tomes ont été tirés et vendus à 380 000 exemplaires »27. Marcel
Pagnol avoue son étonnement quant au succès de ses romans, et l'explique par l'engouement des
lecteurs pour la période durant laquelle se déroule l'action, à savoir avant 1914, époque peu troublée
selon lui. Il est vrai que c'est ce qu'on a appelé plus tard la « Belle Époque », les deux guerres
mondiales n'avaient pas encore eu lieu. Ne s'inscrivant pas dans un mouvement littéraire précis, si
ce n'est celui des mémoires, les romans de Marcel Pagnol ont un aspect populaire qui parle à tous.
25
. CASTANS, Raymond, Marcel Pagnol, Le Livre de Poche, 1988, p.482.
. JELOT BLANC, Jean-Jacques, Pagnol Inconnu, Michel Lafon & Éditions de La Treille, Paris, 1998, p.417.
27
. Interview de Marcel Pagnol dans l'émission de l'ORTF « Lectures pour tous » du 13/07/1960, disponible sur le site
de l'INA <http://www.ina.fr/archivespourtous/index.php?vue=notice&id_notice=I00015132>
26
19
En effet, l'écriture est légère et les phrases simples, et il semble que Pagnol ait adapté son art du
dialogue à la fiction autobiographique. Toutefois, comme dans toutes ses œuvres, un certain lyrisme
et une certaine poésie en font des objets de la critique littéraire. Enthousiasmé par ces succès,
Marcel Pagnol décide d'écrire un vrai roman, et de sortir de ses Souvenirs d'Enfance. C'est chose
faite avec L'Eau des collines, adaptation en deux volumes de son film Manon des Sources. En effet,
en 1963 sortent Jean de Florette et Manon des Sources, aux Éditions de Provence. C'est un succès
critique qui consacre une fois de plus Marcel Pagnol comme un grand écrivain, mais le public ne
suit pas. Les ventes ne décollent pas. Ce demi-échec est sans doute du à l'immense succès des
Souvenirs d'Enfance qui occultent la nouvelle production de Pagnol. En effet, les trois tomes de ses
souvenirs continuent de se vendre, notamment sous l'impulsion de son ami éditeur Bernard De
Fallois, qui travaille chez Hachette et qui les fait éditer dans la collection « Le Livre de Poche » :
« J'ai été très content de convaincre Marcel Pagnol que le succès considérable des ses Souvenirs
d'Enfance appelait une édition de grande dimension populaire comme celle du « Livre de
poche » »28. Comme le souligne Bernard de Fallois, c'est bien d'un succès populaire dont il s'agit,
autant que d'un succès littéraire, ce qui fait la force de l'œuvre de Marcel Pagnol à cette époque.
Cependant, dans l'édition, Marcel Pagnol a connu des déceptions dans un genre particulier,
puisqu'il a publié quelques essais qui n'ont pas rencontré leur public. C'est le cas pour Notes sur le
rire et Critique des critiques, deux essais aux titres explicites publiés chez son ami Nagel en 1947 et
en 1949. De même, son essai historique Le Masque de fer, traitant de l'énigme de ce personnage de
l'Histoire qui passionne Pagnol sort en 1964 aux Éditions de Provence dans l'indifférence totale. Il
semble que le public aime les fictions de Pagnol, que les critiques aiment son art de l'écriture, mais
que ses essais n'intéressent pas. Il n'est pas perçu comme un penseur, mais comme un cinéaste et un
écrivain de qualité à succès.
Ainsi, Marcel Pagnol s'est illustré dans tous les domaines qu'il a abordés, et l'on peut dire, à
la vue de sa carrière, que chaque domaine a été un rebond vers un autre. Quand il se démarque au
début du vingtième siècle au théâtre, c'est par sa modernité et sa faculté de concentrer les
caractéristiques modernes et à la mode. Lorsque arrive le cinéma parlant, Marcel Pagnol, fasciné,
28
. Entretien de Bernard De Fallois dans l'émission « Au fil des pages » présentée Elizabeth Antébi et Hélène Renard sur
Canal Academie, « radio académique francophone sur Internet », le 12/11/07 : « Bernard de Fallois : le parcours de fond
d'un éditeur », disponible sur <http://www.canalacademie.com/Bernard-de-Fallois-le-parcours-de.html>
20
s'y engouffre, et y transpose son théâtre en lui apportant le réalisme qui n'était que factice sur les
planches. Il créé à l'écran son réalisme poétique qui fera de lui un auteur à succès lorsqu'il décide,
en 1957 de publier ses Souvenirs d'Enfance. Il cultive ainsi, au travers de tous ces arts, ce qu'il
appelle « l'art dramatique », et qu'il servira comme un auteur populaire -sans la connotation
péjorative du terme-. Apprécié des spectateurs comme des critiques et des grands noms du théâtre,
apprécié du grand public comme des cinéastes penseurs de leur art29, apprécié de tous les lecteurs
comme des critiques littéraires, Marcel Pagnol a su donner à son art une partie de sa personnalité, à
savoir un Académicien qui aimait recevoir ses amis chez lui autour d'un verre de pastis. Mais loin
d'être un paradoxe, c'est là toute la complexité de son œuvre, oscillant sans cesse entre drame et
comédie, et allant le plus souvent à la rencontre de son public.
29
. Marcel Pagnol a aussi été salué par des cinéastes comme François Truffaut ou Claude Chabrol, comme un inspirateur
de la Nouvelle Vague, et hommage lui a été rendu dans la revue Les Cahiers du Cinéma par ceux là même.
21
La vie des œuvres de Marcel Pagnol aujourd'hui
Entre rééditions et créations
Si l'œuvre de Marcel Pagnol a été reconnue durant le vivant de son auteur, la tâche n'est pas
aisée de la faire perdurer et vivre encore de nos jours. La gestion de l'œuvre est aujourd'hui entre les
mains de la famille Pagnol qui fait de son mieux pour assurer une diversité entre rééditions,
redécouvertes, apports nouveaux et créations. Elle gère l'image de Marcel Pagnol, et permet à des
intervenants extérieurs de l'utiliser qu'ils soient auteurs, metteurs en scènes, comédiens, réalisateurs,
troupes, etc. Ainsi, tout semble s'inscrire dans une démarche de transmission et d'information. Il est
intéressant de se pencher sur la vie et les éditions des œuvres littéraires de Marcel Pagnol
aujourd'hui, car, comme nous l'avons vu, ses Souvenirs d'Enfance ont marqué la littérature et le
public, mais il est tout aussi intéressant d'observer comment son œuvre cinématographique survit à
l'heure de la numérisation, des effets spéciaux et du DVD, et comment elle se renouvelle. De plus,
en écho aux connaissances acquises sur le succès théâtral de Marcel Pagnol de son vivant, il
importe de se questionner sur la façon dont les scènes, qu'elles soient de théâtre, d'opéra, ou d'autres
natures, font vivre les œuvres de Pagnol.
I) La littérature et l'édition
La vie de l'œuvre littéraire de Marcel Pagnol semble s'organiser de différente façon selon les
œuvres. En effet, les Souvenirs d'Enfance ont leur vie propre, au milieu de collections d'œuvres
complètes, et à côté de textes atypiques. L'éditeur original des œuvres de Marcel Pagnol était
Clément Pastorelly, un ami de l'auteur intéressé par l'édition, comme nous l'avons vu. Cependant, à
la fin des années 70, les Éditions Pastorelly ont disparu du paysage éditorial, de même que les
Éditions de Provence appartenant à Pagnol, et c'est Bernard de Fallois qui a racheté les droits des
textes qu'il voulait éditer. Il est ainsi aujourd'hui l'éditeur de la majorité des texte de Marcel Pagnol,
notamment des Souvenirs d'Enfance.
Parler du succès des Souvenirs d'Enfance n'est pas assez précis tant il est vrai qu'il existe
quatre tomes de ses souvenirs, et que, certains font, plus que d'autres, partie de l'imaginaire collectif
du public. En effet, si pendant la vie de Marcel Pagnol sont sortis trois tomes de ses « souvenirs »,
le quatrième tome que l'auteur avait commencé n'a jamais été terminé et son « esquisse » a été
22
éditée en 1977 chez Julliard par son ami Bernard de Fallois sous le titre Le Temps des Amours.
Depuis les éditions originales, de nombreuses autres éditions des Souvenirs d'Enfance ont vu le jour.
En effet, le succès de ces œuvres ne s'est jamais démenti, et elles sont appréciées par plusieurs
générations. Les enfants font partie des principaux lecteurs de ces « souvenirs », et les Éditions
Pastorelly ont sorti en 1963 une édition illustrée par Suzanne Ballivet, aujourd'hui éditée par Michel
Lafon. Les principaux succès de librairie sont, sans contestation, La Gloire de mon Père et Le
Château de ma Mère, tous deux disponibles aujourd'hui aux Éditions de Fallois, créées en 1987 par
Bernard de Fallois, ami de Marcel Pagnol. Les Éditions de Fallois ont créé une collection de poche
en 1988 : « Fortunio », du nom de la revue de jeunesse de Pagnol, qui rassemble les œuvres
complètes de Marcel Pagnol dans un format 11 cm sur 17,8 cm depuis 2004. En effet, de 1988 à
2003, la maquette était différente puisque le format était plus réduit (11 cm sur 16,5 cm) et que les
couvertures n'étaient pas encore signées du dessinateur Sempé. Quoi qu'il en soit, la volonté de
grande diffusion des œuvres de Pagnol est là bien présente, puisque les livres coûtent 5,80 euros
dans cette collection. On trouve aussi les Souvenirs d'Enfance de Marcel Pagnol dans une collection
qui imite de loin celle de « La Pléiade » sur la forme puisque les Éditions de Fallois éditent les
« Œuvres complètes » de Marcel Pagnol en plusieurs volumes, dans un papier très fin, proche du
papier bible, mais sans appareil critique. La collection, lancée en 1995, comprend pour l'instant trois
volumes sur les quatre prévus : Tome I : Théâtre, Tome II : Cinéma et Tome III : Souvenirs et
romans. Toutefois, le prix reste abordable puisque chaque volume coûte 21,34 euros. Le prochain
tome à paraître devrait contenir des « Œuvres diverses » de Marcel Pagnol.
Il apparaît dans ces deux collections deux visions différentes de la diffusion des œuvres de
Marcel Pagnol qu'il semble important de souligner. En effet, la collection de poche « Fortunio »
appelle une diffusion populaire et large, un moyen de découvrir l'auteur et de l'apprécier. Ainsi,
après une représentation théâtrale, un film vu à la télévision ou au cinéma, le lecteur pourra se
procurer le scénario de Marcel Pagnol. De plus, les œuvres de Pagnol étant étudiées dans les
classes, au primaire, au collège, au lycée ou à l'université, la collection « Fortunio » permet un achat
peu cher et de qualité. En outre, il est intéressant de noter que cette notion de collection ne
comportant que des œuvres de Pagnol incite à la découverte. En effet, après avoir lu un volume de
cette collection, le lecteur peut être tenté de se procurer un autre volume afin de découvrir un peu
plus l'œuvre de Pagnol, en littérature, théâtre, cinéma ou essais. Il pourra se laisser tenter facilement
compte tenu du bas prix des livres proposés par les Éditions de Fallois.
À côté de cette démarche de « démocratisation » des textes de Marcel Pagnol, accentuée
depuis 2004 par la signature de Sempé pour les dessins des couvertures, l'on trouve ses « Œuvres
Complètes » qui semblent plus destinées à un approfondissement de l'œuvre complète et à une
23
approche globale. Ces trois gros volumes comprenant quasiment toutes les pièces de théâtre, tous
les scénarios, tous les romans, souvenirs et essais, semblent plutôt destinés, comme les livres de
« La Pléiade », à des lecteurs qui connaissent déjà l'œuvre de Marcel Pagnol et qui l'aiment. Avec
cette collection, les Éditions de Fallois semblent vouloir donner leurs lettres de noblesse à une
œuvre trop souvent réduite à des clichés et l'éditeur semble vouloir pointer du doigt toutes les
caractéristiques qui en font une œuvre littéraire et théâtrale passionnante ou une approche
cinématographique intéressante tant du point de vue historique que du point de vue artistique.
Toutefois, l'on regrette l'absence de notes et commentaires puisque seuls les textes de l'auteur sont
présents, agrémentés de préfaces que Pagnol avait rédigées pour une première édition de ses œuvres
complètes au Club de l'Honnête Homme en 1970. Ainsi, en librairie, l'œuvre de Marcel Pagnol est
disponible dans deux démarches éditoriales : une démarche de grande diffusion qui confirme le
caractère populaire des textes de Pagnol, et la renommée de sa personnalité, et une démarche plus
littéraire, historique ou d'étude, qui propose l'intégrale des œuvres, pour les fidèles de l'écrivain ou
les chercheurs intéressés qui peuvent avoir une vision plus « globale » de l'œuvre. La première
collection, « Fortunio », compte à ce jour vingt-neuf volumes de poche, et la collection des
« Œuvres Complètes » compte trois tomes depuis 1995, date à laquelle le quatrième tome a aussi
été annoncé mais n'a, à ce jour, toujours pas été édité.
Le public des œuvres de Marcel Pagnol semble donc large, mais l'on sait que la diffusion
auprès du jeune public est, depuis la parution de La Gloire de mon Père en 1957, une des raisons de
ce succès puisque cela permet de transformer l'œuvre en une « culture commune » acquise dès le
plus jeune âge. Les textes de Marcel Pagnol, qu'ils soient « souvenirs », scénarios ou pièces de
théâtre, sont abordés assez tôt par le jeune lectorat. En effet, dès l'école primaire, nombreux sont les
élèves qui découvrent les plaisirs de la lecture avec les Souvenirs d'Enfance de Marcel Pagnol. Pour
preuve, en 1987, le numéro de la revue Lecture éditée par le Centre Régional de Documentation
Pédagogique de Besançon, intitulé « Lire une œuvre entière à l'école : La Gloire de mon Père. M.
Pagnol »30, destiné aux classes CM1 et CM2 de l'école élémentaire « pour lire des ouvrages entiers
en classe », et qui propose une méthodologie applicable par l'instituteur pour faire lire et commenter
à sa classe le premier tome des Souvenirs d'Enfance de Marcel Pagnol. Plus récemment, c'est la
revue Textes et Documents pour la Classe (TDC) qui a consacré un de ses numéros à l'auteur. En
30
. Lecture, Lire une œuvre entière à l'école n°2 : La Gloire de mon Père. M. Pagnol. Ministère de l'Éducation
Nationale, Centre National de Documentation Pédagogique, Centre Régional de Documentation Pédagogique de
Besançon, Centre Départemental de Documentation Pédagogique du Territoire de Belfort. CRDP Besançon. 1987. ISSN
0982-3514.
24
effet, le numéro de mars 2009 de TDC31, et celui de mars 2009 de TDC École32, respectivement
destinés aux classes de français de l'enseignement secondaire et à celles de l'enseignement primaire,
sont consacrés à Marcel Pagnol et comprennent des articles de fond signés par des professeurs de
lettres, un critique de cinéma, un psychanalyste et un éditeur, articles suivis de documents
pédagogiques. Au primaire, les textes de Pagnol sont donc bel et bien abordés, de même que dans
l'enseignement secondaire. Cette considération fait de Marcel Pagnol un auteur phare, et considéré
comme un « classique moderne »33, autrement dit, un auteur inévitable tant il est culturellement
représentatif d'un genre, d'une époque, d'un ou plusieurs arts.
Il est d'ailleurs intéressant de noter la présence des textes de Marcel Pagnol dans les programmes de
l'enseignement secondaire. En effet, dans les textes officiels concernant les classes allant du collège
au lycée, l'œuvre de Marcel Pagnol est abordée de nombreuses fois et proposée, comme une
référence, et ce, dans différents domaines et genres : théâtre, cinéma, littérature. Ainsi, dans le texte
d'Accompagnement des programmes du cycle central 5e-4e, l'on trouve en annexe une liste
« d'œuvres de littérature pour la jeunesse » présentée comme suit : « Cette liste indicative a été
établie à partir d’une enquête lancée auprès des organismes pédagogiques spécialisés et des revues
de littérature pour la jeunesse »34. Cette liste comprend une rubrique « romans centrés sur la vie
affective » dans laquelle on trouve trois œuvres de Marcel Pagnol : La Gloire de Mon Père, Le
Château de ma Mère et Le Temps des Secrets. De la même manière, dans le texte Accompagnement
au programme de 3e, l'on trouve dans le programme de français une étude sur « la lecture de
l'image, le cinéma » qui propose, entre autres, une approche de « l'adaptation d'une œuvre littéraire
au cinéma »35 :
Un travail sur le cinéma peut être envisagé en classe de 3e, dans la mesure où les conditions
matérielles du collège le rendent possible. On privilégiera alors l’adaptation filmique d’une œuvre
littéraire : les adaptations filmiques puisent largement dans le corpus littéraire des XIXe et XXe
siècles (E. Zola, G. de Maupassant, M. Pagnol, etc.) au programme en 3e.
Dans ce même texte d' Accompagnement au programme de 3e, est fournie une liste d'œuvres
« classiques »36, dans laquelle, à la rubrique « Classiques français » se trouvent les deux tomes de
L'Eau des Collines de Marcel Pagnol : Jean de Florette et Manon des Sources.
31
. TDC, n°971. Marcel Pagnol. Centre National de Documentation Pédagogique. 1er mars 2009. ISSN 0395-6601.
. TDC École, n°33. Marcel Pagnol. Centre National de Documentation Pédagogique. 1er mars 2009. ISSN 1954-3832.
33
. MERCIER, Christophe. Un classique moderne. TDC, 2009, n°971.
34
. Ministère de l'Éducation Nationale, de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche, Enseigner au collège. Français.
Programmes et Accompagnement. Centre National de Documentation Pédagogique. Paris, 2005. p.139. Disponible sur
<http://www.cndp.fr/archivage/valid/67927/67927-11040-16675.pdf>. ISBN 2-240-018143.
35
. Idem, p.190.
36
. Idem, p.216.
32
25
D'autre part, dans le programme de français de la classe de seconde37 se trouve le thème d'étude
théâtral : « La comédie et la tragédie », et l'on trouve Marcel Pagnol parmi la liste d'auteurs pouvant
être abordés, entouré de grands noms : « Anouilh, Audiberti, Bernhard, Brecht, Camus, Claudel,
Cocteau, Dubillard, Euripide, Feydeau, Montherlant, Obaldia, Pagnol, Pinget, Pinter, Pirandello,
Sarraute, Sartre, Shakespeare, Sophocle, Tardieu, Tchekhov ».
Enfin, dans l'accompagnement du programme de littérature de la classe de Terminale L38, Marcel
Pagnol est évoqué pour l'étude du thème « Littérature et cinéma », avec son œuvre Regain, comme
étant l'un des « écrivains-cinéastes et cinéastes-écrivains ».
Ainsi, l'étude des œuvres de Marcel Pagnol peut être présente durant tout le parcours scolaire d'un
enfant, puisque du primaire au lycée, en passant par le collège, de nombreuses références
mentionnent l'auteur, tant pour sa qualité d'écrivain littéraire, de cinéaste ou de dramaturge. Tous les
aspects de l'œuvre de Pagnol sont ainsi parcourus et font de l'auteur un véritable « classique »
incontournable qui aura toute sa place dans l'inconscient collectif, qu'il soit aimé ou peu apprécié.
L'on a vu en effet qu'il était listé par l'Éducation nationale au même titre que Camus, Shakespeare,
Feydeau, etc. À ce titre, l'édition de poche de ses œuvres voulue par Bernard de Fallois se justifie
pleinement, et le mot de l'éditeur qui parlait d'une « édition de grande dimension populaire » trouve
tout son sens. De plus, l'approche scolaire des textes de Pagnol appelle une étude littéraire plus ou
moins approfondie selon les niveaux, et par là même une connaissance de l'œuvre de l'auteur. Cette
connaissance pourra être acquise par le futur adulte ou par l'étudiant par le biais de la collection des
« Œuvres complètes » que proposent, à un prix assez raisonnable, les Éditions de Fallois.
Mais l'édition des œuvres de Marcel Pagnol concerne aussi des textes peu connus ou inédits
jusqu'alors. En effet, cela semble évident lorsqu'on parle d'« Œuvres complètes », cependant, ce
n'est pas cette collection qui offre le plus d'inédits. Si en 1986, Jacqueline et Frédéric Pagnol ont
sorti chez Carrère un Pagnol inédit, c'est, en 2008, aux Éditions Privé et aux Éditions de La Treille petite maison d'édition familiale étant l'un des trois pôles de la gestion de l'œuvre de Pagnol
aujourd'hui- que Nicolas Pagnol, petit-fils de l'écrivain, a sorti Carnets de cinéma. Textes inédits
présentés par Nicolas Pagnol. Le prix de cet ouvrage étant de 15,50 euros, il semble s'adresser aux
lecteurs qui apprécient déjà l'œuvre de Marcel Pagnol et qui veulent prolonger leurs connaissances
37
. Ministère de l'Éducation Nationale, Direction Générale de l'enseignement secondaire. Programmes et
accompagnement. Français. Classes de seconde et de première. Coll. « Textes de référence - Lycée ». Centre National
de Documentation Pédagogique. Futuroscope, 2007. p.40. Disponible sur
<http://www.cndp.fr/archivage/valid/92889/92889-15476-19463.pdf>
38
. Ministère de l'Éducation Nationale, Direction Générale de l'enseignement secondaire. Programmes et
accompagnement. Littérature. Classe terminale série littéraire. Coll. « Textes de référence - Lycée ». Centre National
de Documentation Pédagogique. Futuroscope, 2008. p.172. Disponible sur
<http://www.cndp.fr/archivage/valid/90599/90599-16287-20896.pdf>. ISBN 978-2-240-02617-0 / ISSN 1778-2767.
26
et leur passion par la découverte de ces inédits. Toutefois, ces inédits sont la seule marque de
« nouveauté » dans l'œuvre littéraire de Marcel Pagnol, et il est intéressant de se demander
comment ce texte se présente et comment il a été accueilli au milieu des autres textes de l'auteur, ce
que nous verrons plus loin. Nous remarquons cependant, que si des éditions de textes inédits voient
le jour, les principaux moyens de diffusion des textes de Pagnol sont les collection « Fortunio » et
« Œuvres complètes » de l'éditeur Bernard De Fallois, qui visent chacune un public différent écoliers, lecteurs occasionnels, ou passionnés, universitaires, etc.- tout en ayant un public commun,
celui des textes de Marcel Pagnol en général, ou des écoliers avides de découverte, ou des
passionnés collectionneurs.
Quoi qu'il en soit, il apparaît clairement que l'œuvre de Marcel Pagnol est toujours abordée,
notamment par le jeune public dans son cursus scolaire, et que l'auteur est considéré comme un
« classique », ce qui est la raison de l'édition de tomes d'œuvres complètes. Une des raisons
principales de la « vie » des textes de Marcel Pagnol est une transmission scolaire, qui fait de
Marcel Pagnol un « monument » de la littérature ou du théâtre qu'il faut avoir lu dans son cursus,
comme une base culturelle. En plus des Éditions de Fallois, Les Éditions de La Treille, que nous
avons précédemment évoquées, ont été créées en 1976 dans le but de gérer l'édition de l'œuvre
littéraire de Pagnol et la conservation des manuscrits et de la correspondance de l'auteur, alors que
les principaux textes de celui-ci, édités tout d'abord chez Pastorelly puis aux Éditions de Provence sorte d'évolution de la maison Pastorelly, gérés cette fois-ci par l'auteur en personne- ont été
récupérés par Bernard de Fallois. En librairie, elles ont par exemple sorti une biographie de Marcel
Pagnol par Jean-Jacques Jelot Blanc, Pagnol inconnu, en partenariat avec Michel Lafon en 1998, ou
dernièrement, avec les Éditions Privé, les Carnets de cinéma retrouvés par Nicolas Pagnol. La ligne
éditoriale étant de faire sans cesse redécouvrir l'œuvre et la personnalité de Pagnol, ou de faire
partager à des chercheurs ou à des passionnés des documents inédits. Leur activité est plus centrée
sur la conservation, et les Éditions de La Treille s'occupent surtout de récolter les textes inédits de
l'auteur, et à partir de ces documents, de proposer des ouvrages pertinents à éditer en coédition avec
une autre maison. Depuis 2004, Nicolas Pagnol tente de redonner un souffle nouveau à la société,
notamment en éditant des inédits et en ayant pour projet des éditions de correspondances39.
39
. AÏSSAOUI, Mohammed. La PME Marcel Pagnol. Le Figaro du 23/09/2008. Disponible sur
<http://www.lefigaro.fr/theatre/2008/09/23/03003-20080923ARTFIG00372-la-pme-marcel-pagnol-.php>
27
II) À l'écran
Comme nous l'avons évoqué, c'est la famille Pagnol qui gère aujourd'hui l'héritage culturel
et commercial de Marcel Pagnol. Cela se fait à travers trois sociétés : les Éditions de La Treille dont nous venons de parler-, la Compagnie Méditerranéenne de Films, et Marcel Pagnol
Communication. C'est Nicolas Pagnol, petit-fils de Marcel, qui est aujourd'hui à la tête de ces trois
pôles. La Compagnie Méditerranéenne de Films est une société créée en 1944 par Marcel Pagnol
qui s'occupe aujourd'hui de la restauration, de la distribution et de l'édition des films de la collection
« Marcel Pagnol ». Quant à Marcel Pagnol Communication, cette société créée en 1993 gère le fond
iconographique lié à Marcel Pagnol et à son œuvre et a pour but de veiller au développement de son
image au travers d'évènements culturels et de produits dérivés, notamment par la récente création
d'une sorte de « label » Marcel Pagnol : l'« Agrément Marcel Pagnol Communication », que l'on
peut retrouver, par exemple, sur le prospectus d'une exposition consacrée à Marcel Pagnol, ou sur
celui des « Randonnés théâtrales » dont nous parlerons plus loin.
Ainsi donc, c'est la Compagnie Méditerranéenne de Films (CMF) qui gère la restauration, la
distribution et l'édition des films de Marcel Pagnol, édités aujourd'hui en DVD. Comme le souligne
un journaliste du Figaro : « Les livres et les films représentent 90% des revenus de la PME
familiale. Les 600 000 euros de chiffre d'affaires réalisés sont réinvestis en totalité, surtout dans la
restauration des films qui coûte cher, et la mise en place de projets »40. En effet, la principale
dépense du budget de la CMF est dans la restauration des films de Marcel Pagnol, que ce soit du
point de vue de l'image ou du son, car certains films, comme Marius, datent des débuts du cinéma
parlant et les matériaux de base ont été détériorés par le temps. Sur le site Internet officiel de
l'équipe de Marcel Pagnol Communication, de la CMF et de la famille Pagnol en général, l'on peut
lire : « […] Les films de la Collection Marcel Pagnol ont bénéficié de restaurations poussées dont
certaines ont nécessité plus de deux milles heures de travail. [...] Notre volonté est d’offrir le
meilleur traitement possible à tous les supports constitutifs du patrimoine artistique de ce grand
auteur, cinéaste et romancier pour pérenniser son œuvre et vous la présenter dans des conditions
optimales »41. Dans une démarche de transmission, mais aussi de découvertes, la CMF s'est donc
lancée dans la restauration des films de Marcel Pagnol, aidée par l'entreprise de post-production
Vision Globale, entreprise québécoise :
Depuis trois ans, Vision globale a développé un logiciel de restauration qui permet d'éliminer
40
. AÏSSAOUI, Mohammed. La PME Marcel Pagnol. Le Figaro du 23/09/2008. Disponible sur
<http://www.lefigaro.fr/theatre/2008/09/23/03003-20080923ARTFIG00372-la-pme-marcel-pagnol-.php>
41
. Disponible sur <http://boutique.marcel-pagnol.com/edito.php>
28
et de corriger, tant sur le film que sur la bande sonore, toutes les avaries laissées par le temps.
Égratignures, moisissures, montage cahoteux, flash lumineux: tout s'arrange sur le clavier de John
Montegut, créateur du logiciel GeneSys, à la fine pointe des techniques de restauration numérique.
[...]
Mais même avec ces instruments hyperperformants, la restauration de films pose parfois des
problèmes insolvables [sic] aux cracks de l'image. Pendant la restauration de Topaze, on a découvert
qu'il n'y avait aucun son pendant une courte séquence du film. Rien. Zéro. Impossible de restaurer ce
qui n'existe pas. Despas téléphone donc à Nicolas Pagnol pour l'informer du problème. Le petit-fils
scrute les scénarios originaux du grand-père pour retrouver le texte de ladite séquence.
Il découvre que le film, qui date de 1951, avait subi le couperet de la censure parce que la réplique
écrite par Pagnol faisait référence à un scandale politique entourant le canal de Suez. «Nicolas
Pagnol a finalement décidé de laisser ce très court passage sans son, puisque cela témoigne de
l'historique du film», explique Bruno Despas. «Dans ces situations, c'est aux détenteurs des droits
qu'il revient de faire les choix qui touchent le caractère même du film», ajoute-t-il.
Même cul-de-sac dans Le Schpountz, où les restaurateurs ont eu du fil à retordre avec des répliques
inaudibles. Encore là, l'héritier a choisi de laisser la bande sonore dans l'état, puisque la seule autre
option était d'utiliser la bande sonore d'une version sortie en format vidéo, où des rires avaient été
malencontreusement ajoutés à l'époque!42
Il apparaît donc clairement que la volonté de la part de la CMF est d'éditer des œuvres
indispensables au patrimoine culturel, tant par leurs qualités artistiques que par leurs qualités
historiques, puisque, comme nous l'avons vu, Marcel Pagnol s'est inscrit dans l'histoire du cinéma
par ses audaces et ses créations. Toutefois, si de la part de Nicolas Pagnol, l'envie de transmission
par la restauration est une réussite, la diffusion semble, elle, pâtir justement de cette charte
qualitative. En effet, les DVDs que la CMF édite dans la « Collection Marcel Pagnol » ont un prix
assez élevé. Le DVD simple coûte 27,01 euros, que le boitier soit un simple cartonnage dépliable ou
un coffret plus luxueux. Ce tarif, déjà assez élevé, est encore plus remarquable lorsque les DVDs
sont des coffrets de plusieurs films, comme c'est le cas pour Manon des Sources et Ugolin, coffret
de deux DVDs au prix de 54 euros, ou La Trilogie -Marius – Fanny – César qui coûte 78 euros. Le
formidable travail de restauration mis en place par Nicolas Pagnol semble rencontrer la barrière
commerciale des prix à l'heure où de nombreux DVDs ont des prix dégressifs. Toutefois, cela ne
rebute pas les passionnés de l'œuvre de Marcel Pagnol, mais peut sûrement freiner le profane
voulant la découvrir.
42
. PARÉ, Isabelle. Pagnol restauré au Québec !. Le Devoir. 19 et 20 avril 2008. Disponible sur
<http://www.ledevoir.com/2008/04/19/185829.html?sendurl=t>
29
Cependant, dans la même logique que l'édition des livres de poche « Fortunio » des Éditions de
Fallois, la CMF a lancé une véritable « Collection Marcel Pagnol » qui peut engendrer des ventes
par envie d'approfondissement d'une œuvre, tant pour les passionnés que pour les profanes, tant
pour le plaisir artistique que pour l'intérêt historique, et ainsi lutter contre l'argument du prix élevé
qui pourrait faire chuter les ventes. Ainsi, cette collection revêt un aspect homogène, et les films
sont numérotés de I à XXIV, faisant de l'achat d'un des « numéros » le début d'un principe
d'acquisitions par fréquence de sortie, et pas une fin en soi. Cela permet aussi au profane qui veut se
procurer un film célèbre comme Le Schpountz ou Topaze, d'être au courant de l'existence d'autres
films plus confidentiels comme Cigalon ou La Belle Meunière. L'édition même des DVDs permet
une transmission et des découvertes. En quelque sorte, l'argument artistique, l'argument historique
ou l'argument commercial sont contenus dans un numéro de la « Collection Marcel Pagnol ». Mais
deux publics potentiels semblent toutefois se distinguer une fois de plus, malgré les efforts
commerciaux : le public profane, ou le « grand public », friand des films cultes qu'il veut découvrir
ou transmettre, et le public des chercheurs, des passionnés ou des historiens du cinéma. Le premier
toutefois, n'achètera peut-être pas un coffret DVD de « La Trilogie Marseillaise » à 78 euros, mais il
se laissera facilement tenter par Topaze, Le Schpountz, La fille du puisatier, Manon des Sources ou
encore Naïs. Le second public sera heureux de retrouver en DVD des films rares comme Cigalon ou
La Belle Meunière. Mais l'appartenance de tous ces films à une même collection attirera sans doute
le regard des profanes vers ce qu'ils ne connaissent pas, et participera de la transmission, de la
découverte et de la vie d'une œuvre éclectique comme l'est celle de Marcel Pagnol.
Outre les éditions DVD des films tournés par Marcel Pagnol, le monde du cinéma ne
rechigne pas à prendre pour matière première de ses créations des œuvres de l'auteur. C'est ainsi que
l'on a pu voir sur les écrans de cinéma des adaptations à succès dans les années 90. En effet, en
1986 sortent sur écrans en France, à quelques semaines d'intervalles l'un de l'autre, les films Jean de
Florette et Manon des Sources, tirés moins du film de Pagnol que de son diptyque L'Eau des
Collines. Ces deux volets réalisés par Claude Berri sont fidèles au texte de Pagnol et ont connu un
très grand succès, avec des têtes d'affiche comme Yves Montand ou Gérard Depardieu et offrant à
Daniel Auteuil un César du meilleur acteur en 1987. Claude Beylie43 nous révèle que le nom de
Pagnol est pour quelque chose dans le succès de ces films puisque « la promotion du film et la
réputation du metteur en scène n'apparaissent pas déterminantes dans le choix du public » selon un
sondage Sofres paru dans un article du Film français le 7 novembre 1986. Il en est certainement de
43
. BEYLIE, Claude. Marcel Pagnol ou le cinéma en liberté. Éditions de Fallois. Paris, 1995. p.148.
30
même pour les films d'Yves Robert qui sortent en 1990 : La Gloire de mon Père et Le Château de
ma Mère, eux aussi assez fidèles, et qui ont connu un très bon succès. D'après le site Internet
Allociné.fr, spécialisé dans le cinéma, Le Château de ma mère serait « le troisième plus gros succès
de l'année 1990 au box-office français. » :
Avec près de 4,3 millions d'entrées, le film se place juste derrière Cyrano de Bergerac (4,7)
et.. La gloire de mon père (6,2). Les deux films d'Yves Robert, sortis à deux mois d'intervalle, ont
ainsi attiré plus de 10,5 millions d'entrées. Profitant de ce succès en salles, les livres de Marcel
Pagnol ont connu de leur côté un extraordinaire regain d'intérêt en format de poche44.
Si les adaptations fidèles utilisent le nom de Marcel Pagnol pour atteindre le succès, ces films sont
aussi la cause de ventes parfois énormes des éditions des souvenirs et romans de l'auteur. Raymond
Castans semble confirmer cette tendance45 : « En 1986 – vingt-quatre ans après leur première
parution – et à l'occasion de la sortie des deux films Jean de Florette et Manon des Sources produits
et réalisés par Claude Berri, les éditions Julliard publieront les deux ouvrages en un seul livre qui
sera un best-seller ». Ainsi, les films réalisés à partir des romans de Pagnol semblent faire revivre
son œuvre et amener vers ses textes un nouveau public qui a soif de découverte et qui est séduit par
l'univers des films.
Parmi les films sortis sur grand écran et reprenant le travail de Marcel Pagnol, notons la sortie en
1999 d'un remake du Schpountz avec le comédien Smaïn. Réalisé par le célèbre Gérard Oury, ce
film « modernise » l'histoire pour la rendre contemporaine, de même que pour les personnages. À sa
sortie, de nombreux passionnés de Pagnol ont été très déçu, ne voyant dans ce film qu'une comédie
moyenne où l'esprit de l'auteur originel était absent. Toutefois, n'est-ce pas la preuve que l'œuvre de
Pagnol peut sans cesse être recréée ? L'on est tenté de répondre par la positive, car un tel film a sans
doute poussé des spectateurs à voir le film original de 1938 dans lequel excelle Fernandel.
Actuellement, le comédien Daniel Auteuil, sollicité par la famille Pagnol, prépare, en tant que
réalisateur et acteur, une nouvelle version de La fille du puisatier, avec, entres autres, au casting
Kad Merad et Mélanie Laurent. Le nom de Pagnol accolé à ceux de comédiens très populaires pour
un film culte et déjà célèbre peut laisser présager un succès, et un regain d'intérêt pour l'œuvre de
l'auteur.
Mais le grand écran n'est pas le seul à bénéficier des adaptations ou remakes des films ou
textes de Pagnol puisque la télévision s'est aussi emparé de l'auteur. En effet, de nombreuses fois le
nom de Pagnol est apparu au générique d'une fiction, en 1975 dans une reprise de Cigalon de
44
. Le Château de ma mère : Un gros succès public. Disponible sur
<http://www.allocine.fr/film/anecdote_gen_cfilm=6083.html>
45
. CASTANS, Raymond, Marcel Pagnol, Le Livre de Poche, 1988, p.505.
31
Georges Folgoas, avec Michel Galabru par exemple. Plus récemment, c'est un « cycle » tourné avec
Roger Hanin pour France 2 qui a fait parler de lui. En 1999, le réalisateur Nicolas Ribowski a en
effet mis sur pied un remake de La femme du boulanger, puis en 2000, un remake de La Trilogie
Marseillaise, en trois volets : Marius, Fanny et César. Ces téléfilms ont eu un assez bon succès,
malgré les critiques émises par les passionnés de Pagnol. Une fois de plus, l'intérêt d'une telle
démarche est de faire découvrir à un nouveau public des œuvres majeures du cinéma français, et de
faire évoluer les textes, d'en chercher un nouveau sens, ou d'en approfondir le sens, ce qui semble
être le but de toute nouvelle adaptation. Dernièrement, ce sont les deux derniers volets des
Souvenirs d'Enfance : Le Temps des Secrets et Le Temps des Amours qui ont été tournés pour le petit
écran par Thierry Chabert sur France 2, dans une atmosphère assez proche des films d'Yves Robert,
ce qui a ravi tant les spectateurs de France 2 que les amoureux de Pagnol, et qui a peut-être attiré un
nouveau public vers les tomes des Souvenirs d'Enfance les moins connus.
L'intérêt qu'éprouve le monde du cinéma et de la télévision envers Marcel Pagnol est
comparable à la présence des œuvres de l'auteur au théâtre depuis de nombreuses années. Toutefois,
le cinéma et la télévision sont des moyens de communication et d'expression artistique plus
populaires que le théâtre, le rapport au texte étant différent. En effet, alors que sur les écrans, c'est la
recherche de l'image qui est prépondérante, c'est au théâtre que l'approfondissement du texte trouve
toute sa place. Il est intéressant de noter que là encore, deux publics potentiels semblent se
distinguer : un « grand public » populaire, friand de télévision et de cinéma, et un public plus
élitiste -en comparaison au premier- qui se déplace au théâtre.
III) Sur scène
Toutefois, c'est sur scène que Marcel Pagnol a connu ses premiers succès, avec Topaze et
Marius, et c'est sur scène que se pose aujourd'hui principalement le débat sur la façon de jouer
Pagnol, et qui pose donc la question de l'identité de ses œuvres, de leur vie aujourd'hui et du public
visé. En effet, deux types de représentations cohabitent :
−
les représentations fidèles, proches des œuvres originelles, mais pas dénuées d'intérêt pour
autant, loin de là, représentations qui portent en elles un certain « régionalisme »,
−
les représentations qui cherchent à renouveler Pagnol, à y trouver autre chose que ce que
l'on a déjà fait ou dit par le passé, mais sans le trahir.
32
Dans la première catégorie, l'on peut relever par exemple l'excellente troupe de Jean-Claude
Baudracco46, qui tourne depuis plusieurs années avec les spectacles Marius et Fanny. Les
comédiens de cette troupe jouent avec l'accent marseillais si cher à Pagnol, dans des costumes
proches des costumes de la version originelle, et dans un décor assez semblable aussi. La mise en
scène est très efficace, et cette troupe méridionale connaît le succès dans chaque salle dans laquelle
elle joue. Elle tourne dans des petites salles de province, mais la presse se fait toujours l'écho d'une
belle soirée. De même, la troupe « Scènes d'Esprit » joue, avec un grand succès, depuis plusieurs
années Manon des Sources, non pas dans un théâtre ou une salle, mais dans les collines
marseillaises adorées de Pagnol, pour des « randonnées théâtrales » de douze kilomètres. En effet,
la pièce débute dans le village de La Treille où Pagnol passait ses vacances, et le spectacle progresse
dans les collines, sur les lieux de tournage d'Angèle ou de Regain aux Barres du Saint-Esprit. La
troupe explique :
Vous serez réellement transportés au cœur même d’un roman, d’une pièce ou d’une
adaptation de film, tout en traversant physiquement le fameux « Pays de Pagnol ». Vous ne serez
jamais face à des acteurs qui jouent, mais entrerez véritablement en communion avec les
personnages de Pagnol. Vous ne serez plus simplement spectateurs, mais vous deviendrez « spect–
acteurs » tout au long de la journée que durera votre randonnée…47
Ici s'allie ce qui constitue sans doute Pagnol dans l'imaginaire collectif : les collines, la Provence et
le théâtre, ou du moins ses personnages. Une fois de plus, l'accent provençal est de mise, et la mise
en scène audacieuse -puisqu'en pleine nature- comprend toutefois tout ce que l'on pourrait attendre
de l'univers de Pagnol, que l'on retrouve dans ses films ou dans les adaptations tirées de ses romans.
Le monde de Pagnol, provençal et paysan n'est pas trahi, et ces spectacles attirent de plus en plus de
monde, profanes ou passionnés, à la découverte de l'œuvre de Pagnol, de son intensité dramatique,
et de la nature qu'il a filmé avec tant de gloire.
Ainsi, ces troupes, comme celle de Jean-Claude Baudracco ou « Scènes d'Esprit », se montrent très
fidèles au travail de Pagnol en son temps, que l'on peut encore voir à travers ses films. Elles
tiennent à faire vivre ses textes de la même façon qu'il aurait pu le faire, comme pour témoigner que
le travail de Pagnol peut traverser les époques. Cette « façon » de jouer et monter du Pagnol est très
appréciée d'un public profane qui découvre, et d'un public « puriste », amoureux des œuvres
originales, passionnés de Pagnol ou membres de l'association « Les Amis de Marcel Pagnol ».
Mais ces « puristes » et passionnés de l'auteur sont aussi heureux de découvrir des
46
. Voir le site Internet de Jean-Claude Baudracco : <http://www.jc-baudracco.com/>
. Disponible sur la page d'Accueil du site Internet de la troupe « Scènes d'Esprit » :
<http://www.scenesdesprit.fr/accueil.php>
47
33
adaptations étonnantes, qui font partie de la seconde catégorie que nous avons évoqués plus haut.
En effet, à côté des représentations « régionales » se multiplient les représentations « parisiennes ».
Ces représentations théâtrales sont le résultat du travail du petit monde du théâtre parisien et
célèbre, qui brille par les noms des comédiens connus ou par les enseignes des maisons où les
pièces sont jouées. Ainsi, en septembre et octobre 2008, l'on a pu voir Marcel Pagnol joué par la
Comédie-Française. Nous ne disons pas ici que nous avons pu voir « entrer » Pagnol à la ComédieFrançaise, car le texte de Topaze, bien que jamais joué, y est déjà entré. Toutefois, c'est bien là une
première qui consacre Pagnol comme un classique -si l'on en doutait-. La prestigieuse et célèbre
troupe de la Comédie-Française a monté un Fanny hors du commun. En effet, le metteur en scène,
Irène Bonnaud a tenté la modernité. Le décor est entièrement revu et actualisé, les costumes et
accessoires sont ceux de notre siècle, et, plus étonnant peut-être, les personnages s'expriment sans
accent marseillais. Irène Bonnaud s'explique sur ce choix peu conventionnel et critiqué :
Penser qu’on ne peut jouer la trilogie qu’avec l’accent marseillais, c’est faire peu confiance à
Pagnol, à la force de ses personnages, à l’universalité de sa fable. Et qui peut davantage, que la
Comédie Française, combattre ce préjugé et jouer Fanny pour ce qu’elle est, une grande œuvre du
répertoire contemporain ?48
On trouve dans cette déclaration l'argument principal des metteurs en scène qui retravaillent Marcel
Pagnol : c'est un auteur universel qui peut donc se passer de son accent. Cette démarche est
intéressante puisqu'elle pose la question de l'identité des personnages et donc de l'œuvre. Avec leur
accent, n'étaient-ils déjà pas universels ? Ne perd-on rien en ôtant l'accent marseillais à César,
patron du « Bar de la Marine » ? Irène Bonnaud renchérit : « On joue Shakespeare en français, on
peut aussi jouer Pagnol sans accent »49. Pour ces questions, les réponses s'affrontent comme pour
rejouer la querelle des Anciens et des Modernes. Certains sont partisans d'un Pagnol ensoleillé de
Provence, d'autres ne sont pas contre un Pagnol remodelé, comme en témoigne Muriel Mayette,
administrateur général de la Comédie-Française : « Programmer Fanny au Théâtre du VieuxColombier en l’éloignant de son contexte marseillais, c'est retrouver chez Marcel Pagnol l'homme
de théâtre, et rendre à sa prose dramatique une dimension universelle »50. Si l'argument paraît
judicieux en théorie, et malgré le fait qu'enlever l'accent à des personnages qui en font leur identité
peut ressembler à un affaiblissement de la dramaturgie d'une œuvre, en pratique, la pièce a été
48
. Dossier de presse Fanny édité par la Comédie Française, Paris, 2008. Disponible sur <http://www.comediefrancaise.fr/dev/images/telechargements/presse_fanny.pdf>
49
. SIMON, Nathalie. « Fanny » sans accent à la Comédie-Française. Le Figaro. 23/09/2008. Disponible sur
<http://www.lefigaro.fr/theatre/2008/09/23/03003-20080923ARTFIG00377-fanny-sans-accent-a-la-comedie-francaise.php>
50
. Dossier de presse Fanny édité par la Comédie Française, Paris, 2008. Disponible sur <http://www.comediefrancaise.fr/dev/images/telechargements/presse_fanny.pdf>
34
parfois critiquée, notamment lors de sa diffusion à la télévision le 1er novembre 2008 sur France2.
D'ailleurs, elle n'a fait que 10,4% de part de marché et 1 900 000 téléspectateurs, derrière les
chaînes TF1 -30,1% de part de marché et 6 millions de téléspectateurs- et France 3 -17,4% de part
de marché et 3 800 000 téléspectateurs-51. De son côté, la presse a salué le côté « révolutionnaire »
de cette mise en scène, comme on peut le lire dans les articles « Fanny » sans accent à la ComédieFrançaise de Nathalie Simon dans Le Figaro du 23/09/2008, Un Pagnol sans accent de Jean
Contrucci dans Le Nouvel Observateur du 25/09/2008 ou La « Fanny » réussie de la ComédieFrançaise d'André Lafargue dans Le Parisien du 29/09/2008. Les avis sont donc partagés entre
ceux qui pensent que « décontextualiser » les personnages renforcent l'universalité des textes et des
dialogues de Pagnol, et ceux qui ne peuvent pas entendre du Pagnol sans l'accent chantant qui va
avec. Nous ne pourrons trancher, mais nous relèverons tout l'intérêt d'un tel débat. Toutefois, ce qui
semble plus maladroit, et qui s'applique aussi aux comédies de Molière par exemple, est d'avoir
sorti Fanny de son contexte historique, rendant le malheur de la fille mère des années 30 peu
probable en ce début de vingt-et-unième siècle. L'art dramatique, si cher à Pagnol et de la manière
dont il le concevait, ne nécessite-il pas un contexte historique et social établi par l'auteur ?
À ce titre, une des représentations théâtrales récentes de Marcel Pagnol semble avoir trouvé
un juste compromis : César, Fanny, Marius mis en scène par Francis Huster et dont la première a eu
lieu le 30 janvier 2009 au Théâtre Antoine, à Paris. Francis Huster a choisi de regrouper en une
seule longue pièce les trois volets de la « Trilogie », et de la jouer avec un décor et des costumes des
années 30. L'intrigue de la pièce conserve dès lors toute son intégrité, et tout son sens. Ce n'est pas
là qu'intervient la nouveauté, c'est dans la façon de jouer et dans la mise en scène. Francis Huster a
expliqué sa démarche pour cette pièce dans un livre intitulé Marcel Pagnol le Poquelin de
Marseille. Note de mise en scène César, Fanny, Marius52. Ce document est d'une richesse
exceptionnelle pour comprendre le travail qu'a fait le metteur en scène, pour le spectateur de la
pièce et pour les réflexions qui nous intéressent. En effet, Francis Huster a su créer un nouveau
Pagnol, et nous a fait redécouvrir son œuvre majeure. Il s'en explique en écrivant qu'il veut
« réinventer Pagnol, le débouillabaisser »53. Il ne veut pas, contrairement à Irène Bonnaud,
décontextualiser le texte, puisqu'il parle de « cet accent que nous devons suggérer, respirer, adopter
51
. Prime : Audience catastrophique pour le théâtre sur France 2 [en ligne]. Paris. Jeanmarcmorandini.com, 02/11/2008.
[Consulté le 13/04/09]. Disponible sur <http://www.jeanmarcmorandini.com/article-20349-prime-audiencecatastrophique-pour-le-theatre-sur-france-2.html>
52
. HUSTER, Francis. Marcel Pagnol le Poquelin de Marseille. Notes de mise en scènes César, Fanny, Marius. Séguier
Archimbaud. Biarritz, 2008.
53
. Idem. p.9.
35
sans le surligner ni le dévier, ce serait s'en moquer »54. Ainsi, l'intrigue se déroule bien dans les
années 30 sur le Vieux Port de Marseille et il n'est pas question qu'il en soit autrement. Ce que
Francis Huster semble vouloir modifier, c'est l'image de la comédie qui persiste au sujet de Marius,
Fanny ou César, et qui atteint l'image de Pagnol, car il considère Pagnol et Guitry « comme des
auteurs non seulement populaires dans le bon sens du terme, s'adressant à tous les publics, mais
aussi comme poètes imposant une langue personnelle, un rythme à part, allié à un solfège de l'âme
qui restera gravé pour l'éternité comme langage de leur siècle »55. Au-delà du sens de la formule,
Francis Huster semble avoir saisi ce qui fait le succès et l'universalité de Pagnol : la complexité de
ses dialogues qui allient comédie et tragédie. Si Pagnol a trop été vu par le passé comme un auteur
de comédies, et si la fameuse « partie de cartes » est une des images que le public a de lui, il faut
désormais faire ressortir la tragédie présente dans ses œuvres. De plus, Francis Huster refuse
d'enfermer Pagnol dans un régionalisme trop proche du pittoresque, affaiblissant alors la portée du
texte et son sens. Voilà ce que paraît vouloir dire Francis Huster, et ce qu'il doit sans doute entendre
par « débouillabaisser ». Ces idées se retrouvent parfaitement dans sa mise en scène. En effet, par
exemple, dans les versions originales, le rôle de Panisse, le vieil amoureux, sorte de barbon
marseillais, était joué par Charpin. Le personnage était drôle et ridicule, porté par les rondeurs de
son interprète. Sur la scène du Théâtre Antoine, c'est Francis Huster lui-même, ne surjouant pas, qui
incarne Panisse, presque sans accent marseillais, et moins léger que ne le jouait Charpin. Ce
« nouveau » Panisse est plus tourmenté et peut-être plus pervers, en un mot : il ne fait pas rire. Par
ce travail, Francis Huster -metteur en scène- a fait émerger de l'œuvre de Pagnol toute la tragédie
qu'elle contenait, souvent occultée par les scènes de comédie où excelle le dialogue de Pagnol. En
parlant de la pièce, Francis Huster écrit : « Nous devons volontairement la faire éclater. Pour qu'une
autre FAÇON de la jouer naisse et perdure. […] Je n'ai pas l'intention […] de jouer Molière,
Shakespeare, Camus ou Pagnol comme les autres l'ont joué : QUEL INTÉRÊT ? »56. Francis Huster
veut, très clairement, réinventer Pagnol, le recréer, le faire vivre différemment, en essayant peut-être
de lui rendre la noblesse que certains, trop effarouchés par un accent marseillais ou un chant de
cigale, ont voulu lui ôter. Marcel Pagnol est un auteur classique, ce que Francis Huster a voulu
souligner. En tant qu'auteur classique, Pagnol est destiné à être joué indéfiniment, avec plus ou
moins de succès, avec plus ou moins de régionalisme comme nous l'avons évoqué. Huster a voulu
imprimer sa marque à sa mise en scène en faisant de Pagnol un classique qu'il ne faut réduire ni à la
comédie, ni aux « pagnolades » provençales trop souvent caricaturées : « Je ne veux pas entendre la
54
. Idem. p.15.
. HUSTER, Francis. Marcel Pagnol le Poquelin de Marseille. Notes de mise en scènes César, Fanny, Marius. Séguier
Archimbaud. Biarritz, 2008. p.9.
56
. Idem p.61.
55
36
jovialité cocasse de Pagnol parce que CE N'EST PAS LE PAGNOL D'AUJOURD'HUI. Et un
auteur n'a d'intérêt que si on le monte, non pas comme il a été monté à son époque de création […]
mais monté comme l'époque de représentation l'exige car l'ART DRAMATIQUE progresse ! »57.
Francis Huster semble reprendre les mots de Pagnol qui parlait de son « art dramatique », pour
expliquer que ce que le texte et les didascalies de celui-ci imposent sera respecté, mais que la
nouveauté viendra du jeu qui, s'il n'est pas révolutionnaire en apparence, le sera par l'intensité qu'il
donnera à la pièce. Et pour César, Fanny, Marius, Francis Huster a voulu faire ressortir le drame de
l'intrigue, drame présent dans les nombreuses œuvres de Pagnol, comme il l'explique en s'adressant
à sa troupe de comédiens : « Je n'admettrai de votre part aucune mutinerie sur le ton choisi à la
pièce : la gravité »58. Ainsi, voilà comment Francis Huster a fait vivre l'œuvre de Marcel Pagnol, l'a
respecté tout en la re-créant. César, Fanny, Marius a eu un bon succès, autant auprès du public que
critique. En effet, la pièce s'est jouée du 30 janvier 2009 au 10 mai 2009, pour cause de
prolongations. De plus, l'éventualité d'une tournée a été évoquée. L'on peut supposer que le Théâtre
Antoine a vu sa salle se remplir chaque soir par des spectateurs attirés tant par le nom de Marcel
Pagnol que par leurs souvenirs d'une « Trilogie marseillaise » truculente, et attirés par des têtes
d'affiches telles que Francis Huster dans le rôle de Panisse, Jacques Weber dans celui de César, son
fils Stanley Weber dans le rôle de Marius ou la jeune débutante récemment récompensée d'un César
: Hafsia Herzi, qui jouait Fanny. La presse s'est, elle, fait l'écho d'une réussite, d'un Pagnol réinventé
et savoureux, où, au milieu d'un décor attendu a lieu un drame -parfois drôle- inattendu. Il suffit
pour s'en convaincre de parcourir les titres de certains articles de presse : C'est Pagnol qu'on
ressuscite ! de Pierre Vavasseur dans Le Parisien du 21/02/2009 ou encore César Fanny Marius.
Une trilogie impériale de Nathalie Simon dans le Figaroscope du 18/02/2009. Dans un article du
Parisien du 21/02/2009 intitulé « César, Fanny, Marius » : magnifique, André Lafargue témoigne
de cette ambivalence pagnolienne parfaitement interprétée : « Francis Huster a su restituer
l’ambiance, la chaleur et le pittoresque de l'œuvre, éclairant, du même coup, les sentiments des
personnages, leur humanité et leur vérité profonde ».
Francis Huster a ainsi trouvé une nouvelle manière d'interpréter une œuvre de Pagnol aujourd'hui,
tout en restant fidèle au travail de l'auteur et à ses références, comme le prouvent ces phrases du
metteur en scène Huster, dans un entretien avec Olivier Célik pour L'avant-scène théâtre : « On doit
ici éviter le pittoresque, mais surtout pas le réalisme, au sens où l'entendait André Antoine. […]
L'œuvre de Marcel Pagnol est tout le contraire d'une caricature et d'une exagération, et c'est sa
57
. HUSTER, Francis. Marcel Pagnol le Poquelin de Marseille. Notes de mise en scènes César, Fanny, Marius. Séguier
Archimbaud. Biarritz, 2008. p.62.
58
. Idem. p.64.
37
vérité qu'il faut retrouver à la scène »59.
Aujourd'hui, Pagnol semble donc vivre sur les scènes parisiennes ou de province et avoir du
succès surtout quand il est joué de façon assez fidèle, réaliste, alliant le populaire et le littéraire, la
comédie et la tragédie, et quand le décor local marseillais reste bien présent sans être un cliché ou
une exagération. Toutes ces qualités se retrouvent aussi dans une adaptation pour le moins étonnante
puisque c'est un opéra : Marius et Fanny de Vladimir Cosma. En effet, le 4 septembre 2007 a eu
lieu à Marseille la première de cette œuvre, commandée par l'Opéra de Marseille. L'œuvre de
Pagnol avait déjà eu droit à une adaptation en comédie musicale puisque la première de Fanny avait
eu lieu le 4 novembre 1954 au Majestic Theater de New York, en septembre 2007, c'est dans le
monde de l'opéra que les personnages de la « Trilogie » entrent. Dans ce monde souvent jugé
« élitiste », le Marius et Fanny de Vladimir Cosma apparaît comme une œuvre populaire, au bon
sens du terme. En effet, des airs entraînants et gais côtoient des moments où l'intensité dramatique
est de mise. Une fois de plus, cette démarche semble fidèle au travail de Pagnol, comme le souligne
Michel Egéa au lendemain de la première : « Il n'y a eu ni « pagnolade », ni trahison […] »60. Ce
subtil dosage semble être ce qu'attend le public aujourd'hui de l'œuvre de Marcel Pagnol. Les
représentations de Marius et Fanny ont été un succès public et critique, et l'opéra sera repris à
Avignon pour la saison 2009-2010. Le public a notamment été attiré par les célébrités que sont
Roberto Alagna et Angela Gheorghiu qui chantaient les rôles titres, par le nom de Marcel Pagnol,
ambassadeur de Marseille s'il en est et par la célébrité du compositeur Vladimir Cosma, connu pour
ses musiques de films61. Dans un article de La Marseillaise, Patrick de Maria parle de « dix minutes
d'ovation debout pour saluer Marius et Fanny [...] »62. Ce succès d'opéra s'explique sans doute par
la même alchimie utilisée par Francis Huster au théâtre : comédie, tragédie et un régionalisme
présent qui ne se caricature pas. Le critique Lionel Pons écrit à propos d'un extrait de l'opéra :
« Cette scène brillante est un modèle d'économie, alliant verve la plus communicative à la sûreté du
trait, sans jamais recourir à l'emprunt folklorique ou au pastiche de musiques estampillées
« Marseille » »63. Plus loin, il explique : « Pas plus que dans La Gloire de mon père, Vladimir
Cosma ne fait, dans Marius et Fanny, appel à des éléments de pure couleur locale, qui relèveraient
59
. CELIK, Olivier. À la recherche de la vérité. L'avant-scène théâtre. Mars 2009, n°1259-1260, p.111.
. EGÉA, Michel. « Marius et Fanny » : un modèle d'opéra populaire de qualité. La Provence du jeudi 6 septembre
2007, p.36.
61
.Vladimir Cosma avait écrit les musiques de La Gloire de mon Père et Le Château de ma Mère
d’Yves Robert (1990), Le Schpountz de Gérard Oury (1999) et la Trilogie marseillaise de Nicolas
Ribowski (2000).
62
. DE MARIA, Patrick. Toute la musique qu'il aime... La Marseillaise. Jeudi 6 septembre 2007, p.9.
63
. PONS, Lionel. Le style de Vladimir Cosma, des studios à la scène. In COSMA, Vladimir. Marius et Fanny. Actes
Sud / Opéra de Marseille, 2007. p.28.
60
38
plus de l'application d'un métier et de ses techniques que d'une nécessité poétique. Exactement
comme chez Pagnol, le sourire et les larmes ne sont jamais très loin »64. De son côté, Vladimir
Cosma confirme sa volonté de ne pas exagérer le trait pour rester fidèle au talent de Marcel Pagnol :
« Située à Marseille, l'action autorisait un coloris « provençal », un dépaysement pittoresque dont il
ne fallait pas, à mon sens, abuser »65. Il est intéressant de remarquer ainsi qu'aujourd'hui, toutes les
adaptations, qu'elles soient théâtrales ou plus originales comme cet opéra, s'attachent à atténuer la
comédie régionaliste présente dans l'œuvre de Pagnol pour lui garder ses instants drôles ponctuant
des tragédies.
Il est intéressant de se poser la question des raisons d'un tel infléchissement. Les metteurs en
scène, directeurs de troupes, compositeurs, directeurs de théâtres ou d'opéras qui montent des
œuvres de Marcel Pagnol en apprécient la qualité, et reconnaissent l'intemporalité et l'universalité
présentes dans les textes. Ces qualités ne sont pas présentes de manière évidente dans l'image que
l'on possède de Pagnol dans notre inconscient collectif. Aussi, les artistes qui montent des œuvres
de Pagnol s'attachent à en atténuer les aspects trop régionalistes qui peuvent réduire l'intérêt porté
aux œuvres -ce qui est un argument autant commercial qu'artistique-. Trop souvent réduits aux
« pagnolades », les textes de Marcel Pagnol perdent de leur valeur. Toutefois, il ne faut pas tomber
dans l'extrême inverse qui consisterait à totalement sortir de leur contexte des œuvres qui
nécessitent un contexte historique et géographique dans lequel peuvent s'exprimer des personnages
et peut se dérouler une intrigue, qui, par le biais de l'art dramatique si cher à Pagnol, portent en eux
des interprétations universelles et multiples. Sans contexte historique, géographique ou
sociologique, toutes les histoires d'amour de la littérature, du théâtre, du cinéma ou de tous les arts
seraient les mêmes. C'est pourquoi, les représentations plutôt régionalistes qui ont lieu dans le Sud
de la France ont tout leur intérêt, et les représentations qui gomment parfois légèrement cet aspect
régional connaissent le succès. De plus, de nos jours, la comédie est peu considérée artistiquement,
et souvent qualifiée de spectacle populaire. Monter Pagnol comme une comédie, en mettant l'accent
sur les scènes trop souvent parodiées qui font partie de l'imaginaire collectif de tout un chacun
n'apporte ainsi rien de nouveau aux arts qui s'y essayent. Et les artistes, producteurs ou directeurs de
salles qui prennent comme inspiration les œuvres de Pagnol en ont saisi la portée, et ne veulent plus
les réduire à des pièces à sketchs, où l'on attend « la partie de cartes » comme dans une kermesse
scolaire. Ils semblent vouloir nous faire approcher le personnage qu'était Marcel Pagnol, au travers
de ses textes ou de son environnement, et nous montrer toute l'importance qu'il occupe dans la
64
. Idem. p.30.
. COSMA, Vladimir. Marius et Fanny. Actes Sud / Opéra de Marseille, 2007. p.43.
65
39
culture française.
Pagnol semble donc bien vivant sur les scènes de théâtre, d'opéra, sur les écrans de cinéma
ou de télévision, qui révèlent un tragédien universel, parce que toujours efficace. Toutes ces
représentations poussent le public à s'intéresser aux textes, et c'est ce qui fait vivre l'édition des
œuvres de Marcel Pagnol. Toutefois, ce secteur du livre n'est pas celui qui est le plus actif alors que
les textes de l'auteur sont nombreux. Au travers de trois exemples ciblés, nous allons tenter de
comprendre comment vivent ces textes et leurs éditions aujourd'hui.
40
Étude de cas
Trois textes en librairie
Comme nous l'avons vu, l'œuvre de Marcel Pagnol reste particulièrement active sur les
scènes des théâtres et sur les écrans. Nous avons pu aussi nous rendre compte de la ligne éditoriale
qui semble commander les textes édités de Pagnol, en ayant relevé le caractère « exceptionnel » des
premiers tomes de ses Souvenirs d'Enfances. En effet, La Gloire de mon Père ou Le Château de ma
Mère semblent des œuvres « à part » dans tout le parcours de Marcel Pagnol. Ces « souvenirs » ont
connu un énorme succès dès leur sortie, ce succès ne s'est jamais démenti jusqu'à aujourd'hui, et ils
font désormais partie de l'imaginaire collectif. De plus, ils sont très souvent abordés par les écoliers,
et ce à plusieurs niveaux d'études. Ils sont à la fois populaires et considérés par les élites. En outre,
les Souvenirs d'Enfance sont exploités tant au cinéma qu'à la télévision, et le nom de Pagnol y est
immédiatement accolé dans les esprits. Cependant, à côté de ces textes, Pagnol a signé des œuvres
beaucoup plus confidentielles, qui sont toujours éditées, mais qui ont une vie très différente de celle
de La Gloire de mon Père par exemple. Une étude ciblée de la représentation de certains textes en
librairie peut être le catalyseur d'une réflexion sur la « vie » des œuvres de Marcel Pagnol dans le
monde de l'édition. Pour cela, une rapide enquête a été menée dans des librairies au mois d'avril
2009. Afin de pouvoir cerner un « public » géographique plutôt complet, cette enquête a été menée
dans la petite ville d'Aix-en-Provence, dans laquelle habite une population assez variée, et qui est
une ville peu imposante permettant de cerner les tendances de ventes en interrogeant quelques
librairies. Il ne faudra pas omettre que cette ville se situe à proximité de Marseille, d'Aubagne, dans
la région Provence-Alpes-Côte d'Azur où Marcel Pagnol est souvent considéré comme une
référence en matière artistique et patrimoniale. L'enquête a été menée dans les librairies : Forum
Harmonia Mundi, Librairie de Provence, Librairie Goulard, Librairie Vents du Sud, qui sont les
principales librairies de la ville.
Les libraires ont été interrogés, très simplement, sur les ventes de trois ouvrages de Marcel Pagnol :
La Gloire de mon Père, aux Éditions de Fallois dans la collection « Fortunio », dont la dernière
édition date de 2004, Le Premier Amour, aux Éditions de Fallois dans la collection « Fortunio »,
édité en 2003, et Carnets de cinéma, aux Éditions Privé et Éditions de la Treille, sorti en 2008.
41
I) Trois « types » de textes
L'intérêt de se pencher de la même manière sur ces trois textes vient de leur « nature »
différente. En effet, comme nous l'avons vu, La Gloire de mon Père est sans doute l'œuvre de
Marcel Pagnol la plus célèbre et la plus lue. De plus, dans la collection de poche « Fortunio », elle
est destinée à une diffusion grand public, très abordable, pour les profanes voulant découvrir
l'œuvre, les passionnés de l'auteur, ou les jeunes en milieux scolaires. À côté de ce texte renommé,
dans la même collection, l'on trouve Le Premier Amour. Ce texte est un scénario de Marcel Pagnol,
d'un film qui n'a jamais été tourné. Écrit en 1934 -du moins la première version-, ce scénario
raconte comment les premiers hommes des temps préhistoriques ont apprivoisé le feu après avoir
inventé l'amour. On est bien loin de la pastorale provençale qui caricature souvent l'œuvre de
Marcel Pagnol, et ce scénario apparaît comme atypique au sein de l'œuvre de l'auteur. Le Premier
Amour est donc un texte peu connu, inachevé en quelque sorte -puisque la forme textuelle d'un
scénario n'est pas le travail achevé recherché pour un film-, en marge des autres textes de l'auteur, et
s'adressant peut-être à un public déjà connaisseur de Pagnol. Il semble alors intéressant de savoir
comment cohabitent La Gloire de mon Père et Le Premier Amour. Enfin, en plus de ces deux
éditions, nous nous intéresserons à un ouvrage paru récemment, donc après la mort de l'auteur, et
présentant au public des inédits retrouvés par le petit-fils de Marcel Pagnol : Marcel Pagnol.
Carnets de cinéma. Ce recueil n'est paru ni aux Éditions de Fallois, ni dans une collection de poche.
En effet, édité par la famille de l'auteur aidée d'une seconde maison d'édition, on le trouve édité par
les Éditions Privé et Éditions de la Treille, et dans un format broché plus important qu'une
collection de poche. Ce texte semble donc s'adresser une fois de plus à des passionnés de l'auteur,
qui veulent en découvrir un peu plus, des inédits encore jamais lus à ce jour. Le prix de l'ouvrage de
15,50 euros ne s'adresse pas forcément aux profanes qui ne connaissent pas les textes, et le cinéma
de Pagnol qui est le sujet principal de ces inédits.
a) La Gloire de mon Père
Depuis sa première édition, en 1957 aux Éditions Pastorelly, La Gloire de mon Père n'a
cessé d'être édité. Aujourd'hui, on trouve ce premier tome des Souvenirs d'Enfance de Marcel
Pagnol dans la collection de poche « Fortunio » aux Éditions de Fallois. Le prix est très raisonnable
puisqu'il est de 5,80 euros, dans le but de créer une collection à grande diffusion et abordable,
comme toutes les collections de poche. C'est d'autant plus vrai pour cet ouvrage qui est
42
certainement le plus connu parmi les œuvres de Marcel Pagnol. De plus, comme nous l'avons vu, ce
texte est présent dans les programmes scolaires, et c'est cette édition qui sera choisie par les élèves
et leurs parents à l'achat, car le format est souple, petit et peu cher, l'autre édition disponible faisant
partie des tomes des « Œuvres complètes ». La première édition dans la collection « Fortunio » date
de 1988, mais les maquettes ont été repensé en 2004. Depuis, le caractère « populaire » de cette
collection s'est accentué, puisque c'est le célèbre dessinateur Sempé qui signe toute les couvertures
avec des dessins originaux. Ainsi, La Gloire de mon Père aux Éditions de Fallois, dans la collection
« Fortunio » est un ouvrage très populaire. De plus, il est toujours vendu régulièrement, comme un
« classique », plus de cinquante ans après sa sortie.
PAGNOL, Marcel.
La gloire de mon père.
Éditions de Fallois, collection « Fortunio ».
Paris, 2004. ISBN 2-87706-507-3
C'est en effet ce que nous prouvent les enquêtes réalisées en avril 2009. La Librairie de
Provence possède en stock une cinquantaine d'ouvrages de Marcel Pagnol, parmi ceux-là, cinq sont
La Gloire de mon Père. Pourtant, il est un de ceux qui se vendent le plus puisque de avril 2008 à
avril 2009 se sont écoulés 114 exemplaires dans la collection « Fortunio ». À la Librairie Goulard,
lors de notre enquête, l'ouvrage n'était pas présent en rayon parmi les 32 titres de Pagnol, et pourtant
43
il est aussi une des ventes régulières de la librairie, avec une fréquence étonnamment régulière. En
effet, en 2007 se sont écoulés 99 exemplaires de La Gloire de mon Père, et en 2008, ce sont aussi 99
exemplaires qui ont été vendus. En avril, au moment de notre enquête, 33 exemplaires avaient été
vendus depuis le début de l'année 2009, ce qui s'inscrit parfaitement dans la tendance des années
précédentes. Un rapide calcul nous laisse présager peut-être des ventes encore meilleures cette
année. La Librairie Vents du Sud, quant à elle, a vendu 17 exemplaires d'avril 2008 à avril 2009, ce
qui est est un chiffre modeste par rapport aux librairies précédentes, mais un bon chiffre pour la
librairie qui nous précise que « les Souvenirs d'Enfance se vendent bien », et que ce sont les œuvres
de Pagnol qui se vendent le plus. Dans le même ordre de grandeur, la modeste librairie Forum
Harmonia Mundi a vendu 20 exemplaires du livre dans l'année 2008, ce qui représente aussi un
chiffre très bon. Ainsi donc, La gloire de mon Père continue de se vendre à une fréquence assez
régulière, et en une année, le nombre d'exemplaires vendus est élevé. L'on peut mettre cela sur le
compte des profanes qui découvrent l'œuvre, des jeunes qui l'abordent dans le milieu scolaire, et de
tous ceux qui la connaissent déjà mais qui veulent s'offrir le plaisir de la relire, l'achat ne les
rebutant pas grâce au format et au prix réduits, comme c'est le cas pour la plupart des œuvres
« classiques » faisant partie du patrimoine littéraire.
b) Le Premier Amour
Écrit dès 1934, Le Premier Amour est le scénario d'un « conte poétique » qui raconte
comment, en des temps préhistoriques, les Hommes ont inventé l'amour et découvert le feu. Inspiré
par La guerre du Feu de J.-H. Rosny Aîné, ce film que Marcel Pagnol a écrit et remanié de
nombreuses fois dans sa vie ne s'est jamais tourné. C'est donc une œuvre qui n'a jamais pu atteindre
sa forme définitive en tant que film, et qui est, à cause de cela, très méconnue du public. L'on se
doute qu'elle intéresse les « amoureux » de Pagnol, c'est pourquoi elle est éditée depuis de
nombreuses années -le première édition, une édition de travail, date de 1945-. Aujourd'hui, ce texte
est disponible dans la collection « Fortunio ». Cependant, il n'y a été édité que tardivement, en
2003, dans l'ancienne maquette jaune qui ne comportait pas de dessin de Sempé. Depuis, ce titre n'a
pas été réédité dans la nouvelle maquette blanche, et il est toujours disponible en librairie dans sa
version première. L'on peut se poser la question de ce « retard » d'édition, mais la réponse apparaît
assez clairement. En effet, tout d'abord, le changement de maquette ne s'est fait qu'en 2004, soit un
an à peine après l'édition du Premier Amour. L'écoulement du premier tirage -assez long pour un
titre peu connu- doit être attendu avant une réimpression. De plus, ce texte est assez atypique, et par
là même très confidentiel. Les acheteurs potentiels sont donc des passionnés de l'auteur ou des
44
chercheurs dans le domaine de la littérature ou du cinéma qui ne possèdent déjà pas le texte dans
une des précédentes éditions, ce qui réduit fortement le public.
PAGNOL, Marcel.
Le premier amour.
Éditions de Fallois, collection « Fortunio ».
Paris, 2003. ISBN 2-87706-481-6.
Cette hypothèse semble confirmée par les enquêtes menées dans les librairies aixoises. En
effet, la Librairie de Provence qui a vendu en un an 114 exemplaires de La gloire de mon Père, n'a
vendu, dans cette même période qu'un seul et unique exemplaire du Premier Amour dans la
collection « Fortunio ». Ce résultat est particulièrement faible. Il en est de même pour la Librairie
Goulard, dont les chiffres témoignent tout de même d'un certain attrait existant, bien que faible,
pour ce texte. Dans l'année 2007, ce sont 3 exemplaires qui ont été vendus, de même que dans
l'année 2008. De plus, de janvier à avril 2009, ce sont aussi 3 exemplaires qui ont été vendus,
laissant espérer un chiffre un peu plus important à la fin de l'année. Ces petites ventes ne sont rien à
côté des données que nous ont fournies les librairies Vents du Sud et Forum Harmonia Mundi. En
effet, pour ces deux enseignes, Le Premier Amour n'est pas présent dans leurs stocks, et le dernier
exemplaire vendu remonte à l'année 2007 pour Vents du Sud. L'effet d'appel créé par le principe de
la collection « Fortunio » ne semble pas attirer beaucoup de lecteurs vers des textes qu'ils ne
connaissent pas dans l'œuvre de Marcel Pagnol. Le Premier Amour n'est pas un inédit puisqu'il
45
existe depuis de nombreuses années, et pourtant il n'a pas trouvé son public et son lectorat. Les
scénarios de Marcel Pagnol qui se vendent sont ceux de ses films et pièces à succès comme Marius,
Fanny, César ou encore Topaze, mais les scénarios qui existent par leurs valeurs artistique ou
historique sur la vie de l'auteur intéressent peu de monde : seulement ceux qui aiment l'œuvre de
Pagnol et connaissent déjà les principaux textes. Marcel Pagnol semble donc comme « enfermé »
dans sa popularité, le public ne s'intéressant qu'aux œuvres phares qui ont fait son succès, et qui ont
parfois été la cause de l'image péjorative ou pittoresque que certains lui ont accolé. Toutefois, il faut
saluer la démarche de l'éditeur Bernard de Fallois qui n'hésite pas à publier dans le format de poche,
au même titre que les textes les plus vendus, une œuvre confidentielle, pour assurer sa diffusion à
un public plus large. L'on peut donc saluer au même titre la collection « Fortunio », qui propose
réellement l'accessibilité à l'œuvre de Marcel Pagnol la plus complète possible, dans une volonté de
faire découvrir tous les aspects d'un auteur « classique » du vingtième siècle, doué dans presque
tous les domaines artistiques.
c) Carnets de cinéma
Hors de la collection « Fortunio », pour laquelle Bernard de Fallois possède les droits de
nombreux textes de Pagnol, sont sortis des inédits directement amenés au public par la famille
Pagnol. En effet, c'est Nicolas Pagnol qui a découvert dans les archives de la maison familiale des
textes inédits de son grand-père dans lesquels ce dernier raconte son cinéma, la construction de ses
studios, la Seconde Guerre Mondiale et l'Occupation qui compromettaient sa vie de cinéaste, ses
idées sur le cinéma de demain, sur la couleur, sur les films américains, etc. Ces inédits ont été
rassemblés par Nicolas Pagnol et ses Éditions de la Treille, qui ont fait le travail d'assemblage des
textes choisis. Nicolas Pagnol au aussi écrit des transitions ou des textes d'introduction pour
présenter certains faits historiques ou certains liens nécessaires à la compréhension de l'ouvrage.
Ensuite, ce sont les Éditions Privé -appartenant à Michel Lafon- qui se sont chargés de la maquette
et de l'édition à proprement parlé. Le livre est sorti en juin 2008. D'après Nicolas Pagnol66, le
nombre d'exemplaires tirés se situe entre 6000 et 10 000. Cependant, le nombre d'exemplaires
vendus reste en dessous de 3000. Cette information se confirme par les enquêtes menées dans les
librairies. En effet, la Librairie de Provence n'a vendu, entre juin 2008 et avril 2009 que 2
exemplaires du titre. À la Librairie Goulard, ce sont 9 exemplaires qui ont été vendus durant cette
période. En revanche, aux librairies Vents du Sud et Forum Harmonia Mundi, aucun exemplaire des
66
. Conversation privée.
46
Carnets de cinéma n'a été vendu. De son côté, Nicolas Pagnol explique cela67 par plusieurs raisons.
Tout d'abord, une mauvaise période de sortie. En effet, au mois de juin, ce livre se retrouve noyé
sous la masse des « livres de l'été » qu'il faut écouler. De plus, s'il était sorti peu de temps avant, la
promotion de l'ouvrage aurait pu bénéficier du Festival de Cannes, avec le cinéma comme thème
commun. Enfin, l'éditeur n'attache pas la même importance aux Carnets de cinéma que les Éditions
de Fallois n'en attachent à leur collection « Fortunio ». Pourtant, ces textes ont été présentés avec
une argumentation historique qui valait aussi d'argumentation commerciale. En effet, Carnets de
cinéma est présenté comme « le dernier tome de l'autobiographie que Marcel Pagnol commença en
1920 avec Pirouettes »68. C'est une présentation intelligente qui souligne à la fois le caractère
« littéraire » que peuvent revêtir ces textes qui s'inscrivent dans la lignée de La Gloire de mon Père
ou du Château de ma Mère, et le caractère historique de récits témoignant d'une activité artistique,
le cinéma, et notamment pendant une période historique précise, la Seconde Guerre Mondiale. Pour
preuve, la courte préface se termine par ces mots, en évoquant les textes Pirouettes, La Petite Fille
aux yeux sombres, La Cinématurgie de Paris, La Gloire de mon Père, Le Château de ma Mère, Le
Temps des Secrets, Le Temps des amours, Confidences et Carnets de cinéma : « [Ces ouvrages] nous
éclairent sur la destinée d'un des créateurs les plus prolifiques de notre temps et forment une des
œuvres autobiographiques les plus denses de la littérature du XXe siècle »69. Cependant, nous
l'avons dit, la parution de ces inédits est restée assez confidentielle, et les ventes n'ont, à ce jour, pas
été très importantes. Le public ne semble pas intéressé par des textes inédits, certainement parce
qu'il ne connaît déjà pas tous les textes de Marcel Pagnol déjà disponibles.
67
. Idem.
. PAGNOL, Marcel. Carnets de cinéma. Textes inédits présentés par Nicolas Pagnol. Éditions Privé/Éditions de la
Treille. Paris, 2008. p.7.
69
. Idem.
68
47
PAGNOL, Marcel. Carnets de cinéma. Textes inédits présentés par Nicolas Pagnol.
Éditions Privé/Éditions de la Treille. Paris, 2008. ISBN 978-2-35076-086-5.
II) Les lecteurs et Pagnol
Au travers cette rapide enquête, il apparaît clairement que les œuvres de Marcel Pagnol
disponibles dans les librairies n'intéressent pas toutes le lectorat de la même façon, et ne s'adressent
pas au même lectorat.
En effet, il existe des œuvres « phares », véritables succès de librairie qui ne se démentent
pas et qui continuent de se vendre et de se transmettre, comme un patrimoine littéraire, notamment
véhiculé par les milieux scolaires. C'est le cas des textes comme La Gloire de mon Père ou Le
Château de ma Mère. De plus, leur édition en format de poche, à un prix très raisonnable est un
facteur de plus pour leur réussite. Cette collection de poche, « Fortunio », a le mérite de présenter
ces textes très connus à côté de textes très peu connus du grand public, dans un but de créer une
curiosité, un « appel ». C'est la cas par exemple du Premier Amour dont nous venons de parler, ou
de La Prière aux étoiles -scénario d'un film inachevé-. Cependant, ces textes ont du mal à trouver
leur public, et peu sont ceux qui les découvrent. Ils semblent alors s'adresser plus directement à des
48
lecteurs ou chercheurs déjà intéressés par l'œuvre de Marcel Pagnol dans son ensemble, et le but
recherché de la collection « Fortunio » n'est pas atteint. Toutefois, elle garde le caractère atypique
d'une collection qui fait le maximum pour être exhaustive quant à la publication de textes de Marcel
Pagnol. Aujourd'hui, la famille Pagnol ne fait pas éditer ses textes par Bernard de Fallois, et c'est
pourquoi les inédits des Carnets de cinéma ont été édité en partenariat par les Éditions Privé et
Éditions de la Treille. Cependant, ces inédits ne semblent pas trouver leur public, tout comme les
textes peu connus de Marcel Pagnol. Ce n'est pas le format et le prix des livres qui est en cause,
puisque ceux de la collection « Fortunio » à 5,80 euros se vendent aussi peu qu'un livre plus
« beau », agrémenté de photographies au prix de 15,50 euros. Ainsi, étonnamment, Marcel Pagnol
qui est un auteur classique et populaire semble comme prisonnier de cette popularité qui ne fait
s'intéresser le public qu'aux livres et films « cultes » qu'ils connaissent. C'est sans doute ce trop
plein de popularité qui est à l'origine de la rareté d'ouvrages littéraires sur Marcel Pagnol. En effet,
la littérature autour de son cinéma existe, celle autour de son théâtre est rare, celle autour de ses
romans est presque inexistante. En revanche, les biographies sont légions, preuve de l'intérêt porté
par le public à l'éclectisme et à la vie de l'auteur. Ces biographies savantes sur la vie de Marcel
Pagnol ne sont en aucun cas scientifiques, car, une fois de plus, c'est la popularité du personnage qui
l'emporte sur les recherches littéraires. Cette popularité se mesure par la popularité de ses œuvres
telles que ses Souvenirs d'Enfance, mais aussi certaines de ses pièces de théâtre, comme Marius ou
Fanny. Comme nous l'a indiqué le libraire de la librairie Vents du Sud, après les Souvenirs
d'Enfance, ce sont les pièces qui constituent « La Trilogie » qui se vendent le mieux. Une fois
encore, ce sont des textes cultes qui font partie du patrimoine et qui se transmettent dans les
familles ou dans l'enseignement secondaire comme nous l'avons vu. Là, deux publics semblent se
distinguer : celui qui connaît l'œuvre de Marcel Pagnol et aime à l'approfondir, et à la compléter, et
le public des profanes, qui, d'années en années, achètent toujours les mêmes textes de l'auteur. Outre
les Souvenirs d'Enfance -qui ne sont pas une œuvre très volumineuse- Marcel Pagnol est beaucoup
plus considéré pour son théâtre ou son cinéma que le public apprécie d'aller voir plutôt que de lire.
49
Conclusion
Marcel Pagnol, une œuvre vivante
Marcel Pagnol a de nombreuses fois créé l'évènement sur les scène des théâtres comme nous
l'avons vu. En effet, après plusieurs essais, c'est avec Topaze qu'il rencontre le succès, succès qui ne
le quittera quasiment plus dans les nombreux domaines artistiques auxquels il va s'essayer. Après
Topaze, c'est Marius qui fera du nom de Pagnol celui d'un auteur dramatique reconnu. S'inscrivant
parfaitement dans son époque, Marcel Pagnol a su faire naître sur les scènes de théâtres des années
trente un théâtre qui s'inspire de différentes écoles. En effet, influencé par son parrain André
Antoine et par son réalisme, Pagnol a su apporter quelque chose de plus : un certain symbolisme,
une poésie qui, loin de vouloir reproduire une certaine réalité, fait des pièces de l'auteur des œuvres
universelles. Alors que Pagnol est au sommet de sa gloire grâce à son théâtre, il va se lancer dans le
cinéma parlant, nouveau moyen d'exprimer son « art dramatique » en cette fin des années trente.
Décrié par le monde du théâtre qu'il quitte, et peu considéré par celui du cinéma qui était jusqu'alors
muet, Marcel Pagnol sera l'objet de nombreuses critiques. Cela n'empêche pas les grandes maisons
du cinéma comme La Paramount de croire au potentiel commercial de ses pièces à l'heure où les
seuls dialogues existants pouvant être filmés sont ceux du théâtre. Une fois de plus, c'est un succès,
et les spectateurs emplissent le salles de cinéma qui projettent Topaze, Marius ou Fanny. Une
nouvelle façon de filmer voit le jour, celle de Marcel Pagnol, sorte de réalisme poétique où le
naturalisme qu'Antoine imposa sur les scènes de théâtre trouve toute sa place, mêlé à une poésie des
dialogues et au symbolisme des situations. Ce n'est pas le monde réel qui est projeté sur les écrans,
mais un monde d'aspect réel où tout fait sens, où les dialogues sont tantôt des moments d'une
intensité déconcertante, tantôt des morceaux de comédie savoureux. Malgré lui, Marcel Pagnol
devient le chef de file d'une façon de filmer, d'une façon de concevoir le cinéma dans une période
où la création était nécessaire pour un moyen d'expression artistique nouveau. Plus tard, les
néoréalistes italiens revendiqueront une inspiration pagnolienne, tout comme la nouvelle vague
française. Pagnol ne veut pas faire du cinéma une machine à images, mais un moyen de faire vivre
ses dialogues, son art dramatique, comme l'a fait le théâtre auparavant. Homme d'affaire intelligent,
il essaye toujours de garder le pouvoir sur son œuvre, d'en garder la paternité pour éviter toute
dénaturation. Cette volonté artistique se marie à une volonté commerciale, et Marcel Pagnol devient
un incontournable du monde du cinéma, possédant studios, laboratoires, matériels, réseau de
distribution ou salles de projection. Ses films sont accueillis avec enthousiasme par le public, et
certains deviennent des classiques, des films cultes dont on connait les répliques par cœur. Parmi
ceux-là, plusieurs sont des adaptations d'œuvres de Jean Giono, à la fois ennemi et ami -selon les
50
périodes- de Pagnol. En effet, Marcel Pagnol considère Jean Giono comme l'un des plus grands
écrivains du vingtième siècle, et pourtant ce n'est pas lui qui entrera à l'Académie Française. En
1947, c'est Pagnol qui fait son entrée sous la Coupole, preuve qu'en plus d'être un auteur et un
cinéaste populaire, aimé des masses, il est aussi apprécié par les élites, pour ses talents de
dialoguiste et de poète de l'image. Cette reconnaissance par les élites se fera aussi à l'occasion de
l'aventure littéraire dans laquelle se lance Marcel Pagnol en 1957. En effet, c'est cette année là qu'il
sort, chez un éditeur ami, ses Souvenir d'Enfance, qui seront des best-sellers. La Gloire de mon Père
ou Le Château de ma Mère entrent aussi dans les programmes scolaires, pour ne plus jamais en
sortir. Dès lors, ils sont considérés comme des classiques. Souvenirs romancés d'une jeunesse
heureuse, ces textes plein de poésies, d'images et de personnages attachants sont une approche de la
littérature très appréciée des plus jeunes lecteurs. D'autres textes écrits tardivement par Marcel
Pagnol comme les deux tomes de L'Eau des collines ne connaîtront véritablement le succès que de
nombreuses années après leur sortie, à l'occasion d'adaptations cinématographique par exemple.
Aujourd'hui, presque tous les textes de l'auteur sont édités par les Éditions de Fallois, dans deux
formats différents. Il existe une collection de poche, du nom de « Fortunio », qui propose ainsi au
plus large public, dans une démarche de grande diffusion populaire les textes de Pagnol.
Parallèlement, une collection de tomes d'« Œuvres complètes » existe, et regroupe tous les scénarios
de cinéma, toutes les pièces de théâtre, tous les souvenirs et romans ainsi que des essais de Pagnol
dans un format volumineux, au papier bible, qui peut rappeler la collection de « La Pléiade »,
l'appareil critique en moins. Toutefois, ce sont deux démarches différentes et complémentaires qui
semblent exister : la volonté de faire découvrir, d'appeler à la lecture des œuvres de Marcel Pagnol,
et la volonté d'approfondir par l'approche de tous les textes, avec une vue historique et plus globale
de l'œuvre. En outre, des textes inédits retrouvés sont parfois édités, comme c'est le cas pour les
Carnets de cinéma aux Éditions Privé et Éditions de la Treille, sortis en 2008. Mais aujourd'hui,
c'est surtout sur les écrans de cinéma et sur les scènes de théâtre que l'œuvre de Pagnol vit et se
renouvelle. Les films originaux tournés par l'auteur sont disponibles en DVD dans une collection de
qualité, permettant découverte et redécouverte, mais le « grand public » connaît plus familièrement
les adaptations tournées récemment. À la fin des années quatre-vingt et au début des années quatrevingt dix, deux adaptations ont connu un grand succès : Jean de Florette et Manon des Sources de
Claude Berri, suivis de La Gloire de mon Père et Le Château de ma Mère d'Yves Robert. Preuves
que Marcel Pagnol reste un auteur populaire, mais aussi que ses œuvres sont universelles, puisque
sans cesse porteuses de sens. Sur les scènes de théâtre, l'œuvre de Pagnol n'a jamais cessé d'être
jouée, soit par des troupes régionales qui restent fidèles aux œuvres originales, soit par des troupes
qui s'attachent à trouver en Pagnol autre chose que ce qu'il a déjà installé dans l'imaginaire collectif.
51
C'est ainsi que la gravité de son œuvre se trouve de plus en plus soulignée et mise en scène, pour
mettre de côté les « galéjades » ou le pittoresque provençal trop souvent réducteur. Marcel Pagnol
en devient ainsi un auteur universel, classique et intemporel, dont les textes parlent à tous. Cette
évolution de la perception de son œuvre lui permet de vivre encore aujourd'hui, différemment de
l'époque de sa création, peut-être plus intensément, et en conservant l'estime tant des critiques que
des élites -du cinéma ou de la littérature par exemple-, que du « grand public » profane ou
passionné. Sans doute l'énorme succès atteint par Pagnol de son vivant est aussi une des clés de la
vie et du renouvellement de son œuvre aujourd'hui.
Nous pencher ainsi sur la réception du travail de Marcel Pagnol de son vivant a permis de se
rendre compte à quel point ses œuvres sont entrées dans l'esprit de la collectivité et du public, mais
aussi comment il a su cultiver cette ambivalence : être aimé à la fois par les foules et par les « happy
few ». Cette large perception de l'œuvre de Marcel Pagnol est ce qui assure aujourd'hui son activité,
témoignant ainsi de son universalité, preuve de l'importance qu'elle occupe dans la culture française.
Toutefois, il apparaît clairement que le public est toujours attiré par les succès célèbres comme les
Souvenirs d'Enfance ou la « trilogie marseillaise », mais que l'approfondissement de l'univers de
Marcel Pagnol n'est pas légion. Pour preuve, des textes peu connus comme Le Premier amour qui
se vendent peu en librairie malgré leur édition de poche, ou des nouveautés inédites qui ont du mal
à trouver leur public hors des aficionados de l'écrivain.
Avant de mourir, Marcel Pagnol a demandé à sa femme, Jacqueline Pagnol, de tout faire
pour que ses films soient encore montrés, qu'ils soient adaptés, pour que ses pièces soient montées,
et que ses textes ne dorment pas sur des étagères. Il nous semble que cette volonté a été respectée, et
même sublimée par la perception parfois nouvelle qu'a acquise l'œuvre de Pagnol. Si notre
recherche a pu très modestement contribuer à ces démarches, nous aurions atteint une ambition
inavouable.
52
Bibliographie
I) Ouvrages
•
Ouvrages de Marcel Pagnol
PAGNOL, Marcel. La Gloire de mon Père. Souvenirs d'Enfance I. Éditions Pastorelly. MonteCarlo,1958.
PAGNOL, Marcel. Le Château de ma Mère. Souvenirs d'Enfance II. Éditions de Provence. Paris,
1964.
PAGNOL, Marcel. Le Temps des Secrets. Souvenirs d'Enfance III. Éditions Pastorelly. Monte-Carlo,
1960.
PAGNOL, Marcel. Le Château de ma Mère. Souvenirs d'Enfance **. Éditions de Fallois, collection
« Fortunio ». Paris, 2000. ISBN 2-877-06051-9.
PAGNOL, Marcel. La gloire de mon père. Éditions de Fallois, collection « Fortunio ». Paris, 2004.
ISBN 2-87706-507-3
PAGNOL, Marcel. Oeuvres complètes : Tome I. Théâtre. Éditions de Fallois. Paris, 1995. ISBN 287706-221-X.
PAGNOL, Marcel. Oeuvres complètes : Tome II. Cinéma. Éditions de Fallois. Paris, 1995. ISBN 287706-222-8.
PAGNOL, Marcel. Oeuvres complètes : Tome III. Souvenirs et romans. Éditions de Fallois. Paris,
1995. ISBN 2-87706-223-6.
PAGNOL, Marcel. Le premier amour. Éditions de Fallois, collection « Fortunio ». Paris, 2003.
ISBN 2-87706-481-6.
PAGNOL, Marcel. La prière aux étoiles. Éditions de Fallois, collection « Fortunio ». Paris, 2003.
ISBN 2-87706-482-4.
PAGNOL, Marcel. Topaze. Éditions de Fallois, collection « Fortunio ». Paris, 2006. ISBN 2-87706516-2.
•
Ouvrages rassemblant des textes de Marcel Pagnol
PAGNOL, Marcel. Carnets de cinéma. Textes inédits présentés par Nicolas Pagnol. Éditions
Privé/Éditions de la Treille. Paris, 2008. ISBN 978-2-35076-086-5.
PAGNOL, Marcel. Les Sermons de Marcel Pagnol. Choisis et présentés par Norbert Calmels Abbé
Général des Prémontés. Robert Morel. Forcalquier, 1968.
53
•
Biographies ou récits sur Marcel Pagnol
CASTANS, Raymond. Marcel Pagnol m'a raconté. Collection Folio (n°793), Gallimard.
Paris,1976. ISBN 2-070-36793-2.
CASTANS, Raymond. Il était une fois... Marcel Pagnol. Julliard. Paris, 1978. ISBN 2-260-001335.
CASTANS, Raymond. Marcel Pagnol. Le Livre de Poche, Jean-Claude Lattès. Paris,1988. ISBN 2253-04709-0.
JELOT BLANC, Jean-Jacques. Pagnol Inconnu. Michel Lafon & Éditions de La Treille. Paris,
1998. ISBN 2-84098-102-5.
LUPPI, Jean-Baptiste. De Pagnol Marcel à Marcel Pagnol, Éditions Paul Tacussel, Marseille, 1995.
ISBN 2-903963-80-0.
•
Cinéma de Marcel Pagnol
BEYLIE, Claude. Marcel Pagnol ou le cinéma en liberté. Éditions de Fallois. Paris, 1995. ISBN 287706-252-X
•
Adaptations des œuvres de Marcel Pagnol
COSMA, Vladimir. Marius et Fanny. Opéra en deux actes d'après les oeuvres de Marcel Pagnol.
Actes Sud, collection "Opéra de Marseille". Arles, 2007. ISBN 978-2-7427-6923-0.
HUSTER, Francis. Marcel Pagnol le Poquelin de Marseille. Notes de mise en scènes César, Fanny,
Marius. Séguier Archimbaud. Biarritz, 2008. ISBN 978-2-8404-9560-4.
•
Théâtre
DEGAINE, André. Histoire du théâtre dessinée. Nizet. Saint Genouph, 1992. ISBN 2-7078-1161-0.
•
Catalogue d'éditeur
Catalogue 2008. Éditions de Fallois. Paris, 2008.
II) Documents électroniques
•
Entretiens avec Marcel Pagnol
Interview de Marcel Pagnol à l'ORTF dans l'émission « Panorama » du 12/11/1965 [en ligne]. INA
54
– Institut National de l'Audiovisuel. [Consulté le 04/04/2009]. Disponible sur le site de l'INA
<http://www.ina.fr/archivespourtous/index.php?vue=notice&id_notice=I00015218>
Interview de Marcel Pagnol dans l'émission de l'ORTF « Lectures pour tous » du 13/07/1960 [en
ligne]. INA – Institut National de l'Audiovisuel. [Consulté le 15/05/2009]. Disponible sur le site de
l'INA <http://www.ina.fr/archivespourtous/index.php?vue=notice&id_notice=I00015132>
•
Autres entretiens
Interview de Vittorio de Sica dans l'émission « Reflets de Cannes » du 27/04/1955 [en ligne]. INA –
Institut National de l'Audiovisuel. [Consulté le 20/03/2009]. Disponible sur le site de l'INA
<http://www.ina.fr/archivespourtous/index.php?vue=notice&id_notice=I00001648>
Interview de Roberto Rossellini dans l'émission de FR3 « Le Masque et La Plume » du 18/01/1976
[en ligne]. INA – Institut National de l'Audiovisuel.[Consulté le 22/03/2009]. Disponible sur le site
de l'INA <http://www.ina.fr/archivespourtous/index.php?vue=notice&id_notice=I00015101>
Entretien de Bernard De Fallois dans l'émission « Au fil des pages » présentée Elizabeth Antébi et
Hélène Renard sur Canal Academie, « radio académique francophone sur Internet », le 12/11/07 :
« Bernard de Fallois : le parcours de fond d'un éditeur ». [en ligne]. Canal Academie. [Consulté le
03/05/2009]. Disponible sur <http://www.canalacademie.com/Bernard-de-Fallois-le-parcoursde.html>
III) Revues
Lecture, Lire une œuvre entière à l'école n°2 : La Gloire de mon Père. M. Pagnol. Ministère de
l'Éducation Nationale, Centre National de Documentation Pédagogique, Centre Régional de
Documentation Pédagogique de Besançon, Centre Départemental de Documentation Pédagogique
du Territoire de Belfort. CRDP Besançon. 1987. ISSN 0982-3514.
TDC, n°971. Marcel Pagnol. Centre National de Documentation Pédagogique. 1er mars 2009. ISSN
0395-6601.
TDC École, n°33. Marcel Pagnol. Centre National de Documentation Pédagogique. 1er mars 2009.
ISSN 1954-3832.
L'avant-scène théâtre. César, Fanny, Marius. CELIK, Olivier. Mars 2009. N°1259-1260. ISBN 9782-7498-1101-7.
IV) Programmes scolaires
Ministère de l'Éducation Nationale, de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche, Enseigner au
collège. Français. Programmes et Accompagnement. [en ligne]. Centre National de Documentation
Pédagogique. Paris, 2005. [Consulté le 20/05/2009]. Disponible sur
<http://www.cndp.fr/archivage/valid/67927/67927-11040-16675.pdf>. ISBN 2-240-018143.
Ministère de l'Éducation Nationale, Direction Générale de l'enseignement secondaire. Programmes
55
et accompagnement. Français. Classes de seconde et de première. Coll. « Textes de référence Lycée ». [en ligne]. Centre National de Documentation Pédagogique. Futuroscope, 2007. [Consulté
le 20/05/2009]. Disponible sur <http://www.cndp.fr/archivage/valid/92889/92889-1547619463.pdf>
Ministère de l'Éducation Nationale, Direction Générale de l'enseignement secondaire. Programmes
et accompagnement. Littérature. Classe terminale série littéraire. Coll. « Textes de référence Lycée ». [en ligne]. Centre National de Documentation Pédagogique. Futuroscope, 2008. [Consulté
le 20/05/2009]. Disponible sur <http://www.cndp.fr/archivage/valid/90599/90599-1628720896.pdf>. ISBN 978-2-240-02617-0 / ISSN 1778-2767.
V) Articles
AUDOUARD, Yvan, BRION, Patrick, CASTANS, Raymond, WOLFROMM, Jean-Didier. Dossier
Marcel Pagnol. Magazine Littéraire. Avril 1975, n°99, p. 6-18.
EGÉA, Michel. « Marius et Fanny » : un modèle d'opéra populaire de qualité. La Provence du jeudi
6 septembre 2007, p.36.
DE MARIA, Patrick. Toute la musique qu'il aime... La Marseillaise. Jeudi 6 septembre 2007, p.9.
Articles électroniques
•
Adaptations des œuvres de Marcel Pagnol
Le Château de ma mère : Un gros succès public. [en ligne]. Allociné. [Consulté le 29/05/2009].
Disponible sur <http://www.allocine.fr/film/anecdote_gen_cfilm=6083.html>
Edito. « Vivre » Pagnol. [en ligne] La Compagnie Scènes d'Esprit, 15 mai 2009. [Consulté le
29/05/2009]. Disponible sur <http://www.scenesdesprit.fr/accueil.php>
Dossier de presse Fanny [en ligne]. Comédie Française, Paris, 2008. [Consulté le 11/04/2009].
Disponible sur <http://www.comedie-francaise.fr/dev/images/telechargements/presse_fanny.pdf>
SIMON, Nathalie. « Fanny » sans accent à la Comédie-Française. [en ligne]. Le Figaro.
23/09/2008. [Consulté le 11/04/2009]. Disponible sur
<http://www.lefigaro.fr/theatre/2008/09/23/03003-20080923ARTFIG00377-fanny-sans-accent-a-lacomedie-francaise-.php>
CONTRUCCI, Jean. Un Pagnol sans accent. [en ligne]. Le Nouvel Observateur du 25/09/2008.
[Consulté le 11/04/2009]. Disponible sur
<http://artsetspectacles.nouvelobs.com/p2290/a384328.html>
LAFARGUE, André. La « Fanny » réussie de la Comédie-Française. [en ligne]. Le Parisien du
29/09/2008. [Consulté le 11/04/2009]. Disponible sur <http://www.leparisien.fr/abo-loisirs-etspectacles/la-fanny-reussie-de-la-comedie-francaise-29-09-2008-258884.php>
Prime : Audience catastrophique pour le théâtre sur France 2 [en ligne]. Paris.
56
Jeanmarcmorandini.com, 02/11/2008. [Consulté le 13/04/09]. Disponible sur
<http://www.jeanmarcmorandini.com/article-20349-prime-audience-catastrophique-pour-le-theatresur-france-2.html>
VAVASSEUR, Pierre. C'est Pagnol qu'on ressuscite ! [en ligne]. Le Parisien du 21/02/2009.
[Consulté le 11/04/2009]. Disponible sur <http://www.leparisien.fr/loisirs-et-spectacles/c-estpagnol-qu-on-ressuscite-21-02-2009-418305.php>
SIMON, Nathalie. César, Fanny, Marius. Une trilogie impériale. [en ligne]. Figaroscope du
18/02/2009. [Consulté le 11/04/2009]. Disponible sur <http://www.lefigaro.fr/scope/articlestheatres-spectacles/2009/02/18/08008-20090218ARTFIG00025--cesar-fanny-marius-une-trilogieimperiale-.php>
LAFARGUE, André. « César, Fanny, Marius » : magnifique. [en ligne]. Le Parisien du 21/02/2009.
[Consulté le 11/04/2009]. Disponible sur <http://www.leparisien.fr/abo-loisirs-et-spectacles/cesarfanny-marius-magnifique-21-02-2009-418307.php>
•
Autres articles
AÏSSAOUI, Mohammed. La PME Marcel Pagnol. [en ligne]. Le Figaro du 23/09/2008. [Consulté
le 05/04/2009]. Disponible sur <http://www.lefigaro.fr/theatre/2008/09/23/0300320080923ARTFIG00372-la-pme-marcel-pagnol-.php>
PARÉ, Isabelle. Pagnol restauré au Québec !. [en ligne] Le Devoir. 19 et 20 avril 2008. [Consulté le
02/05/2009]. Disponible sur <http://www.ledevoir.com/2008/04/19/185829.html?sendurl=t>
Marcel Pagnol Romancier [en ligne]. Paris : Marcel Pagnol Communication, 2007. [Consulté le
09/12/08]. Disponible sur <http://www.marcel-pagnol.com/romancier.php>.
Edito [en ligne]. Paris : Marcel Pagnol Communication, 2009. [Consulté le 18/05/2009]. Disponible
sur <http://boutique.marcel-pagnol.com/edito.php>
57
Filmographie : éditions
I) Œuvres originales de Marcel Pagnol en DVD
PAGNOL, Marcel. Marius. Fanny. César. La Trilogie. C.M.F. Vidéo. Collection « Marcel Pagnol »
n°I. Paris, 2003.
PAGNOL, Marcel. Manon des Sources et Ugolin. C.M.F. Vidéo. Collection « Marcel Pagnol » n°II.
Paris, 2004.
PAGNOL, Marcel. La Fille du Puisatier. C.M.F. Vidéo. Collection « Marcel Pagnol » n°III. Paris,
2004.
PAGNOL, Marcel. Topaze. C.M.F. Vidéo. Collection « Marcel Pagnol » n°V. Paris, 2006.
PAGNOL, Marcel. Naïs. C.M.F. Vidéo. Collection « Marcel Pagnol » n°IX. Paris, 2006.
PAGNOL, Marcel. Le Schpountz. C.M.F. Vidéo. Collection « Marcel Pagnol » n°XIII. Paris, 2006.
PAGNOL, Marcel. La belle meunière. C.M.F. Vidéo. Collection « Marcel Pagnol » n°XVIII. Paris,
2007.
PAGNOL, Marcel. La rosier de Madame Husson. C.M.F. Vidéo. Collection « Marcel Pagnol » n°
XIX. Paris, 2007.
PAGNOL, Marcel. Cigalon. C.M.F. Vidéo. Collection « Marcel Pagnol » n°XXI. Paris, 2007.
II) Adaptations cinématographiques des œuvres de Marcel Pagnol en DVD
BERRI, Claude. Jean de Florette. Pathé Vidéo. 2003.
BERRI, Claude. Manon des Sources. Jean de Florette 2e partie. Pathé Vidéo. 2003.
ROBERT, Yves. La Gloire de mon Père. Le Château de ma Mère. TF1 Vidéo. 2003.
OURY, Gérard. Le Schpountz. Gaumont DVD. 2009.
III) Téléfilms d'après les œuvres de Marcel Pagnol
• VHS
RIBOWSKI, Nicolas. La Femme du Boulanger. France Télévision Vidéo. 1999.
• DVD
RIBOWSKI, Nicolas. La Trilogie Marseillaise. Marius. Fanny. César. France Télévision Éditions.
2000.
CHABERT, Thierry. Le temps des secrets. Le temps des amours. France 2 Éditions. 2007.
58
Téléchargement