L`organisation des infrastructures de marché en Europe

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Les infrastructures de marché (bourses, chambres de compensation, systèmes de règlement-
livraison) jouent un rôle central dans le bon fonctionnement des marchés financiers.
Ce rôle s’est encore accru depuis la crise financière. En particulier, sous l’impulsion du G20, les
chambres de compensation sont devenues des maillons essentiels du secteur financier, réduisant le
risque systémique sur les marchés financiers et notamment les marchés de dérivés de gré-à-gré tout
en devenant elles-mêmes des institutions de nature systémique.
Le vote britannique en faveur d’une sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, ainsi que
les mouvements de consolidation en cours entre les plus grandes infrastructures de marché
européennes, créent un nouveau contexte dont il convient de tenir compte en matière d’infrastructures
de marché.
C’est la raison pour laquelle Mme Odile Renaud-Basso, directrice générale du Trésor, a
demandé en septembre 2016 à M. Levy-Garboua, expert reconnu dans le domaine de la banque et des
infrastructures de marché, de mener une analyse sur cette question fondamentale pour l’organisation
et l’efficience des marchés européens.
Toutes les personnes intéressées sont invitées à réagir à ce rapport à l’adresse suivante :
marketinfrastructures@dgtresor.gouv.fr afin de contribuer à la réflexion sur ce sujet d’importance.
Cette démarche reflète l’engagement de la Direction générale du Trésor en faveur de marchés
financiers européens sûrs et performants.
Avertissement : Les conclusions de ce rapport n’engagent que son auteur et ne reflètent pas
nécessairement la position de la direction générale du Trésor
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L’organisation des infrastructures de marché en Europe
Rapport à la directrice générale du Trésor
Octobre 2016
Vivien Levy-Garboua*
* avec l’aide précieuse et stimulante de Pierre Davoust.
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Introduction
Le vote britannique en faveur du Brexit et le projet de rapprochement entre le
London Stock Exchange Group (LSEG) et Deutsche Börse (DB) constituent deux
événements qui bousculent le paysage financier européen et, en particulier, celui des
infrastructures de marché de la gion. Dans ce contexte, la directrice générale du
Trésor m’a demandé « de déterminer quels sont les leviers dont nous disposons pour,
d’une part, assurer un rapatriement en zone euro d’activités de compensation en euro
et, d’autre part, faire de ces activités un atout et un axe de développement fort pour la
place financière de Paris ».
Pour répondre à ces interrogations, il a semblé nécessaire d’élargir le champ
d’étude dans deux directions. D’une part, en plaçant le sujet de la compensation des
instruments financiers au sein de celui, plus vaste, de l’architecture des infrastructures
post-trade, qui permettent l’accomplissement des transactions sur les marchés
financiers, qu’il s’agisse des marchés des sous-jacents (devises, actions, obligations,
crédits) ou de leurs dérivés. D’autre part, avant même de parler de la place financière
de Paris, en analysant la situation de l’Europe et de la zone euro, et en réfléchissant à
ce que pourrait être une nouvelle configuration des infrastructures des marchés
financiers.
La démarche de ce rapport est fondée sur une double réflexion : une réflexion
économique d’abord, qui doit nous permettre de forger une grille de lecture de la
situation actuelle et de déterminer les ingrédients d’une situation idéale ; ensuite, une
réflexion tenant compte des positions des parties prenantes de ces marchés
d’infrastructures, utilisateurs et régulateurs, européens et nord-américains, de leurs
espoirs, leurs peurs et leurs priorités. Bien entendu, lorsque tous les éléments sont mis
bout à bout, le paysage est passablement complexe. Des points essentiels ressortent
pourtant et éclairent les choix retenus dans les propositions de ce rapport.
Le premier chapitre sera donc consacré à l’élaboration de ce cadre de réflexion.
La description et l’analyse de la situation européenne feront l’objet d’un second
chapitre. Il sera alors possible, dans la troisième partie, d’évaluer le projet de fusion
entre DB et LSEG à l’aune des critères dégagés préalablement. Enfin, la dernière partie
rassemble, selon les scenarios envisageables, les recommandations d’actions.
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Chapitre 1 : Quelle est la nature économique des activités d’infrastructures de
marché ?
L’organisation des marchés financiers repose sur une infrastructure à caractère
« industriel » que l’on présente souvent comme une superposition d’étapes (de
« couches ») qui doivent être franchies pour qu’une transaction s’opère de manière
complète : la négociation, la compensation et le règlement-livraison. S’y ajoutent des
services multiples qui concernent, pour l’essentiel, la conservation des titres d’une
part, l’information et les indices d’autre part.
Ce premier chapitre présente brièvement le rôle des différentes couches et les
analyse à l’aune d’une grille de lecture fondée sur quatre critères permettant
d’appréhender les principaux enjeux associés.
Etape 1 : Négociation
Les ordres d’achat et de vente arrivent sur une plateforme d’exécution, qui (en
général après une première compensation d’ordres en sens inverse au sein de la
plateforme) les transmettent à des « Bourses » dont la fonction principale est de fixer
le prix et d’exécuter le maximum des ordres possibles, dans les délais les plus brefs en
respectant les instructions particulières des clients. Un grand nombre d’opérations ne
se font toutefois pas ainsi et se présentent, non comme des opérations anonymes (je
ne sais pas qui sera le vendeur et le vendeur ignore à qui il achète le titre désiré), mais
comme des opérations bilatérales (de gré à gré, Over the Counter, ou OTC) entre deux
contreparties qui se mettent d’accord sur un prix.
Etape 2 : Compensation
Ce que l’on désigne le plus souvent comme la compensation revient à substituer
à une transaction bilatérale entre un vendeur (V) et un acheteur (A), deux transactions
distinctes entre chacun des protagonistes et un autre acteur, la chambre de
compensation (en anglais Central Clearing Counterparty, ou CCP). Cette substitution
constitue une novation, un changement de contrat (l’opération A-V est transformée
en deux opérations, A-CCP et V-CCP), et permet à A et V de substituer un risque sur la
CCP à leur risque de contrepartie initial. Cette novation permet ensuite d’effectuer le
netting des expositions d’un participant de marché donné avec l’ensemble de ses
contreparties (puisque toutes ces expositions passent par la CCP), ce qui duit le
montant global des expositions en risque dans le système financier
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Le passage par la compensation permet également de réduire le volume de règlement- livraison. En effet,
aussi, un netting est effectué, déclenchant un seul règlement-livraison net par titre et par contrepartie et non
pas un réglement livraison par transaction.
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Etape 3 : Règlement-Livraison et fonction notariale
Une fois le prix établi, la compensation réalisée dans son principe, il faut
effectuer le glement (le paiement en cash du titre par l’acheteur au vendeur) et la
livraison du titre (du vendeur à l’acheteur). Au passage, les banques de A et V doivent
s’assurer auprès d’un CSD (Central Securities Depository), un dépositaire central, que
la transaction est bien enregistrée de manière que ce CSD s’assure de l’égalité stricte
entre titres émis et titres achetés. Ceci est particulièrement nécessaire dans un
environnement de titres dématérialisés.
Les services qui peuvent accompagner cette gestion industrielle des
transactions et la garantie de leur bonne fin sont nombreux.
Une fois la transaction réalisée, elle doit être comptabilisée dans les comptes
des contreparties, et les titres doivent être déposées chez les teneurs de compte-
conservateurs de A et V, qui les conservent et en assurent la gestion (paiement de
coupons, encaissement de dividendes, traitement des événements pouvant affecter le
titre durant sa vie, respect de contraintes règlementaires, etc.) durant cette période
de conservation. Cette gestion est faite sur la base des informations fournies par le CSD
de l’émetteur qui (i) assure la gestion de la vie des titres globalement pour l’émetteur
et (ii) informe des opérations sur titres les différents teneurs de compte-conservateurs
détenant ces titres pour leur compte propre ou pour leurs clients.
Par ailleurs, la constitution et la vente d’indices mérite d’être distinguée,
compte tenu du le qu’elle revêt dans le contexte de la transaction envisagée entre
DB et LSEG.
Comment organiser les infrastructures de marché pour assurer de manière
efficace et re ces différentes étapes et fonctions ? Quelle place faut-il faire au libre
jeu du marché ? Quelles gles du jeu doivent impérativement être respectées ?
Quels outils d’intervention utiliser ? Doit-on considérer que, dans certains cas, la
règlementation ne suffit pas ?
Pour répondre à ces questions, nous avons retenu ici quatre critères de choix :
la concurrence, le risque systémique, l’alignement des intérêts entre les actionnaires
des infrastructures et leurs utilisateurs ainsi que la souveraineté. Le tableau qui suit
présente, pour chacun de ces critères, le jugement que l’on peut porter sur la manière
dont ils influencent les 4 étapes distinguées :
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