Faut-il s`en préoccuper? - Faculté de médecine vétérinaire

publicité
SANTÉ ANIMALE
La santé du pis des vaches dans un troupeau
laitier est d’une importance capitale, tant
pour la santé des vaches que pour la santé
La mammite chez les taures
économique de l’exploitation. Plusieurs
Faut-il s’en préoccuper?
programmes de contrôle (traitement
universel au tarissement, bain de trayon,
vaccination, etc.) et de surveillance de la
mammite (contrôle laitier, bactériologie
du lait, etc.) sont appliqués dans les troupeaux
laitiers. Cependant, les taures ne font pas
partie de ces programmes puisqu’on croit
souvent que la glande mammaire des taures
est saine lors du premier vêlage.
P A R J E A N - P H I L I P P E R O Y,
ÉMILE BOUCHARD ET
LUC DESCÔTEAUX*
D
De récentes études révèlent que de
30 % à 50 % des taures vêlent avec un ou
plusieurs quartiers infectés par un agent
pathogène. De plus, près de 10 % des
taures sont infectées par la bactérie Staphylococcus aureus au vêlage. Cette bactérie contagieuse est d’une grande importance
économique puisqu’elle est difficile à traiter
et provoque des infections chroniques.
À QUEL MOMENT LES TAURES
S’INFECTENT-ELLES ?
La vraie réponse, on ne la connaît pas
vraiment. Toutefois, au cours de certaines
études, on a prélevé des échantillons de
sécrétions mammaires plusieurs semaines
à plusieurs mois avant le vêlage. Les résul-
32
Mars 2005 Le producteur de lait québécois
Un quartier plus volumineux que les
autres indique souvent la présence
d’une infection dans ce quartier.
tats ont démontré que les taures étaient
infectées dans les mêmes proportions qu’au
moment du vêlage. Cela semble indiquer que
les taures ne s’infectent pas ou très peu près
du vêlage, mais plutôt plusieurs semaines
ou plusieurs mois avant.
QUELS SONT LES FACTEURS
DE RISQUE ?
Les facteurs de risque d’infection intramammaire chez les taures sont multiples.
La présence de sang dans le lait, la présence
d’œdème mammaire ou des trayons ou les
deux et la perte de lait entre les traites peuvent favoriser le développement d’une mammite clinique chez les taures à la suite du
vêlage. De plus, la présence de lésions sur
les trayons augmente le risque d’infection
intramammaire à Staphylococcus aureus,
puisque cette bactérie est souvent présente
dans les lésions au niveau de la peau. L’élevage des génisses en groupes, à l’intérieur
et dans un environnement malpropre est
également un facteur de risque potentiel.
Finalement, il semble que l’utilisation du lait
de vaches malades ou « mammiteuses »
pour l’alimentation des veaux facilite la transmission des pathogènes mammaires.
L’examen visuel des sécrétions lactées et
du pis en période prévêlage peut aider à
déceler une infection intramammaire. En
effet, un quartier plus volumineux que les
autres indique souvent la présence d’une
infection dans ce quartier (voir photo cicontre). Également, plus les sécrétions sont
d’apparence claire, liquide ou floconneuse,
plus on doit suspecter une infection. À
l’opposé, les sécrétions ressemblant à du
colostrum ou du miel sont habituellement
normales et exemptes de bactéries (voir
photo, p. 33).
UN PROGRAMME DE CONTRÔLE
DANS VOTRE TROUPEAU ?
Un bon programme de gestion de la
santé du pis dans votre troupeau doit inclure
la surveillance du statut de vos taures. Il faut
d’abord prendre conscience de la présence
ou de l’absence du problème dans votre
troupeau. Pour ce faire, vous devez répondre
à certaines questions en compagnie de votre
médecin vétérinaire :
- Est-ce que des taures sont infectées par
un agent pathogène mammaire tel que
Staphylococcus aureus en début de
lactation ?
- Est-ce que des taures présentent une
mammite clinique avant le vêlage ?
- Est-ce que des taures vêlent avec un
quartier ou un trayon non fonctionnel ?
Plus les sécrétions sont
d’apparence claire, liquide
ou floconneuse, plus on doit
suspecter une infection.
- Est-ce que des taures présentent un
compte de cellules somatiques élevé
en début de lactation ?
taux de guérison en lactation ou au
tarissement sont habituellement de moins
de 30 %.
Si les réponses à ces questions semblent suggérer un problème de mammite
chez vos taures, il sera important de discuter
des mesures à prendre avec votre médecin
vétérinaire. L’une des solutions qui vous
seront proposées pourrait être l’utilisation
d’un traitement antibiotique intramammaire
en période prévêlage.
En cas de problème, il faut réviser les
points suivants :
- utilisation de lait en poudre pour vos
sujets de remplacement ;
- environnement le plus propre possible ;
- contrôle des mouches ;
- élevage individuel ou en groupes ;
- dispositif pour empêcher les animaux
de se téter ;
- surveillance périodique accrue de
l’intégrité des trayons et du pis des
taures dès le jeune âge.
QUELS SONT LES AVANTAGES ?
Une fois guéries, les taures ne constituent plus un réservoir d’infection pour les
autres vaches du troupeau. De plus, leur
compte de cellules somatiques diminue
dans la plupart des cas. Cela se traduit par
une glande mammaire en meilleure santé,
capable de produire plus de lait. Un effet
positif sur la production de lait de l’ordre de
5 % à 10 % est d’ailleurs rapporté dans trois
des quatre études portant sur le sujet. Le
traitement antibiotique intramammaire en
période prévêlage diminue considérablement
la proportion de taures infectées au moment
du vêlage, incluant les taures infectées par
la bactérie Staphylococcus aureus. Il diminue
le compte de cellules somatiques et augmente la production laitière des taures
traitées dans la majorité des cas.
LE TRAITEMENT ANTIBIOTIQUE
INTRAMAMMAIRE CHEZ LES
TAURES
Étant donné que les infections intramammaires sont présentes longtemps avant
le vêlage et qu’aucun vaccin n’est efficace
contre Staphylococcus aureus, un traitement
antibiotique intramammaire est envisageable.
Au cours des 15 dernières années, plusieurs
études ont rapporté des résultats très intéressants. Dans toutes les études, on note une
guérison supérieure des quartiers traités par
rapport aux quartiers qui ne l’ont pas été.
Le taux de guérison pour les infections à
Staphylococcus aureus était également très
élevé (souvent plus de 90 %), alors que les
TOUTE BONNE CHOSE
A SES LIMITES !
Trois limites de cette procédure doivent
être prises en considération.
- Premièrement, les informations du
manufacturier concernant l’utilisation
du produit (surtout la période de retrait)
ne s’appliquent pas à l’utilisation chez
les taures avant le vêlage. Il est donc
recommandé aux producteurs de
consulter leur médecin vétérinaire afin
de discuter des avantages et des inconvénients ainsi que des informations
concernant la période de retrait. Les producteurs devraient avoir en main une
prescription de leur médecin vétérinaire qui les informe des mesures à
prendre pour cette procédure.
- Deuxièmement, l’utilisation d’un antibiotique intramammaire avant le vêlage
augmente les risques de trouver des
résidus d’antibiotiques dans le lait après
le vêlage. Ce risque varie selon l’antibiotique utilisé, selon l’intervalle entre
le traitement et le vêlage ainsi que
selon les individus. Dans le doute, il est
toujours recommandé de tester le lait
d’une taure traitée pour détecter la
présence de résidus afin de ne pas
contaminer le lait du vrac.
- Finalement, l’infusion d’antibiotique doit
s’effectuer selon les règles de l’art après
une désinfection rigoureuse de
l’extrémité des trayons afin d’éviter
l’entrée de bactéries environnementales pouvant causer des mammites
cliniques aiguës.
En résumé, contrairement à la croyance populaire, les taures ne sont pas nécessairement saines au moment du vêlage et
on devrait apporter une attention particulière
à la santé du pis lors de l’élevage des sujets
de remplacement. Plusieurs questions
doivent être posées afin d’établir clairement
l’état de santé de la glande mammaire des
taures du troupeau et ainsi d’agir de façon
éclairée pour corriger la situation. Le traitement antibiotique intramammaire de taures
infectées est une procédure qui peut donner
des résultats intéressants, tant du côté de
la guérison bactériologique que du côté de
l’amélioration du compte de cellules somatiques et de la production laitière. Cependant,
cette procédure est une utilisation hors
homologation des antibiotiques intramammaires et implique un risque de présence
de résidus médicamenteux dans le lait qui
ne doit pas être pris à la légère. Le médecin
vétérinaire devrait donc être consulté avant
de l’adopter.
POUR EN SAVOIR DAVANTAGE
Le Réseau canadien de recherche sur
la mammite bovine vous invite à visiter son
site Internet à l’adresse suivante : http://
www.medvet.umontreal.ca/reseau_
mammite. ❂
* Jean-Philippe Roy, médecin vétérinaire et chargé
d’enseignement, Émile Bouchard, médecin
vétérinaire et professeur titulaire, et Luc Descôteaux,
médecin vétérinaire et professeur titulaire, Faculté de
médecine vétérinaire, Université de Montréal
Le producteur de lait québécois Mars 2005
33
Téléchargement