C. Davister – La GRH en économie sociale – Les cahiers de la Chaire Cera – vol.1 – page
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I
NTRODUCTION
La gestion des ressources humaines (GRH) représente, pour toute organisation, un enjeu de
management fondamental. Si la plupart des entreprises utilisent divers modèles et outils de
GRH afin d’optimaliser l’utilisation de leurs ressources humaines (notamment en s’offrant les
services de firmes de consultance spécialisées), les organisations d’économie sociale
semblent gérer leurs ressources humaines de manière plus intuitive et plus informelle. En
effet, par crainte de négliger leurs valeurs sociales fondamentales et donc de perdre leur
identité, les entrepreneurs sociaux sont quelque peu réticents à utiliser les outils de gestion
issus du secteur privé classique, et particulièrement en matière de GRH. Cependant, les
recherches de la Chaire Cera démontrent que la plupart des dirigeants d’économie sociale
développent des pratiques de GRH spécifiques, généralement sans réellement les reconnaître
comme telles.
L'objectif de ce cahier n'est pas tant d’étudier de manière détaillée chacune des nombreuses
fonctions et étapes de la GRH lorsque celle-ci est mise en œuvre dans les organisations
d’économie sociale que de montrer que ces organisations originales sont confrontées à des
questions spécifiques de GRH, qui sont liés à la fois :
à leurs caractéristiques fondamentales: finalité sociale, processus démocratique de
gestion, production de services (aux personnes)…
aux particularités de leurs ressources humaines : bénévoles, travailleurs en insertion,
coopérateurs (salariés-associés), postes subsidiés,…
à leur idéologie : primauté des travailleurs sur le capital, respect de l’individu et de ses
attentes, responsabilité sociétale…
L’analyse des enjeux de GRH dans l’économie sociale revêt aujourd'hui une importance
d’autant plus fondamentale que ce secteur connaît actuellement d’importantes évolutions
dans son contexte socio-économique :
croissance du secteur (en nombre d’organisations, de travailleurs, d’usagers) ;
intensification de la concurrence face aux entreprises capitalistes mais aussi à d’autres
organisations d’économie sociale) ;
complexification des demandes et donc des biens/services à produire (apparition de
nouveaux métiers, nécessité d’une main-d’œuvre hautement qualifiée, etc.) ;
renforcement des cadres législatifs et institutionnels (clarification des statuts,
procédures d’agréments, nouvelles obligations, outils d’évaluation, etc.).
Or, les dirigeants d’économie sociale sont souvent désarmés face aux problèmes de GRH
rencontrés dans leurs organisations : non seulement ils sont peu formés aux outils de gestion
(et notamment en GRH) et ils n’ont pas accès à des outils de GRH adaptés à leurs réalités.
En outre, ils ne peuvent faire appel, pour résoudre ces problèmes, qu'à des ressources
financières et humaines limitées.
Face à ce paradoxe entre la nécessité de gérer de manière pertinente et efficace les
ressources humaines des organisations d’économie sociale et le manque de moyens des
dirigeants de ce secteur pour y parvenir, ce cahier n’a pas la prétention d’offrir une « boîte à
outils » ou des « recettes » en matière de GRH. Il vise à mettre en évidence et à comprendre
les enjeux spécifiques de GRH dans ces entreprises particulières, en posant la question
suivante : les organisations d’économie sociale développent-elles un « autre » modèle de
GRH que celui véhiculé par les entreprises privées « classiques » ?