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La deuxième moitié du XXème siècle est marquée par une augmentation de la distorsion
des situations économiques observées au sein du tiers monde tel qu’il vient d’être délimité.
Tandis que certains pays, africains notamment, sont restés sur le quai, d’autres ont pris le train
de la modernisation de leur économie et sont désormais plus proches du groupe des nations
industrialisées que des pays les plus pauvres.
La diversité des modes de développement et leur réussite inégale conduisent de nombreux
auteurs à proposer de nouveaux termes qui témoignent de la diversité des situations
économiques (tiers mondes, pays des suds) ou qui tentent de proposer une délimitation moins
centrée sur les critères économiques (pays du sud). Les termes utilisés pour décrire la situation
économique se veulent également plus « neutres » que ceux qui ont pu être proposés par le
passé et qui plaçaient ces pays en situation d’infériorité. On ne parle quasiment plus de « pays
sous développés » mais de « pays en développement » ou de « Pays les moins avancés ».
Face à ces changements, on peut s’interroger sur la façon de délimiter le « tiers monde » au
regard des changements observés. Deux possibilités s’offrent à nous :
- soit on considère que le tiers monde est un espace (un territoire ?) à périmètre
constant comme cela apparaît sur les cartes de Cazes et Domingo (1994) ou Chapuis
et Brossard (1997). Le périmètre retenu est celui de la fin des années 1950 et du
début des 1960. Les analyses insistent dans ce cas sur la diversité des trajectoires
démographiques, socio-économiques, politiques, etc. observées durant la seconde
moitié du XXème siècle et le début du XXème.
- soit on considère que le tiers monde correspond aux États marqués par un
faible développement et dans ce cas nous sommes face à une entité territoriale aux
limites mouvantes. Vu sous cet angle, le tiers monde a toujours existé, dans
l’histoire de l’humanité dans la mesure où il y a toujours eu des pays plus pauvres,
plus vulnérables, moins avancés sur le plan technique, tandis que des civilisations
brillantes ou plus évoluées techniquement avaient acquis les moyens d’améliorer les
conditions de vie de leur population ou d’une partie d’entre elle (Brunel 1987).
Partant de cette acception, à l’aube de la révolution industrielle, le tiers monde, c’est
le monde entier. Au début du XIXème, le tiers monde c’est le monde moins une
petite partie de l’Europe. Selon S.Brunel, en 1950, sur la base de statistiques
relatives au revenu par habitant, à la scolarisation, l’espérance de vie, … le tiers
monde exclut l’Europe et les extensions de la souche européenne dans le monde,
particulièrement les pays d’Amérique latine dont le peuplement est le plus
homogène. Chili et Argentine notamment, semblent s’être arrachés au sous-
développement. En revanche, le Japon surpeuplé, ruiné par la guerre fait partie
intégrante du tiers monde…Une génération après les données ont encore évolué. Le
Japon est « développé ». De dictatures en crises économiques, l’Argentine a rejoint
les pays du tiers monde.
Et aujourd’hui ? Le dernier quart du XXème siècle est marqué par la différenciation
des situations économiques. Dans la grande majorité des États, on observe des
progrès dans tous les domaines. Dans les nouveaux pays industrialisés, la
croissance économique est souvent allée de pair avec les progrès sanitaires et
sociaux. Néanmoins, il subsiste, dans la plupart de ces États des régions ou des
populations oubliées par le développement. Face à la variété des situations, la
délimitation de ce tiers monde, c'est-à-dire des pays pauvres n’est pas aisée. On
peut considérer que le tiers monde c’est les pays les moins avancés (carte 2)