processus élémentaire de la manipu-
lation d’atomes par laser repose sur
l’existence d’une force de pression
de radiation exercée par la lumière
sur les atomes. Cette force est le ré-
sultat d’un échange de photons et
donc du transfert d’impulsions \k
s
,
où k
s
est le vecteur d’onde, entre un
atome et une onde lumineuse lors de
cycles d’excitation et de désexcita-
tion spontanées. Pour exercer une
telle force sur un atome, on l’illu-
mine avec un faisceau laser réson-
nant sur une transition entre son ni-
veau fondamental et un niveau
excité. La force de pression de radia-
tion peut atteindre jusqu’à 10 000 ou
100 000 fois celle exercée par la gra-
vité terrestre.
Pour qu’on puisse appliquer effi-
cacement une force de pression de
radiation sur un atome, il faut
qu’existe une transition optique fer-
mée ou quasi fermée, c’est-à-dire
telle que l’émission spontanée ne se
produise pratiquement que vers l’état
fondamental de la transition. En ef-
fet si, au cours des cycles « absorp-
tion + émission spontanée », un
atome est transféré vers un autre état,
il n’est plus en résonance avec le
faisceau laser et n’est plus soumis à
la force de pression de radiation. Une
molécule, dans un état électronique
donné, possède un grand nombre de
niveaux de vibration-rotation (voir
encadré). On ne peut pas trouver de
transition optique fermée pour un
système moléculaire : par pompage
optique les molécules se retrouvent
rapidement dans d’autres niveaux de
vibration-rotation de l’état électroni-
que fondamental et ne sont plus en
résonance avec le faisceau qui les il-
lumine. La déflexion d’un jet super-
sonique de molécules du dimère de
sodium (Na
2
) a néanmoins permis de
démontrer l’existence d’une force de
pression de radiation exercée par un
laser couplant un niveau vibrationnel
de l’état fondamental avec un niveau
vibrationnel d’un état excité, mais
cette force ne s’exerçait que durant
un très petit nombre de cycles.
Il est clair que l’absence de transi-
tion fermée rend très difficile la gé-
néralisation, des atomes aux molécu-
les, du processus de refroidissement
dans une « mélasse optique » (voir
Images de la Physique 1990, p. 74).
On rappelle qu’une configuration de
mélasse optique est obtenue en illu-
minant un échantillon atomique au
moyen de six faisceaux laser se pro-
pageant deux à deux en sens opposés
suivant trois directions orthogonales,
à fréquence m
T
légèrement inférieure
à la fréquence de résonance atomi-
que. Les faisceaux laser exercent sur
les atomes des forces de pression de
radiation qui, par le jeu combiné de
l’effet Doppler et du décalage de la
fréquence laser par rapport à la réso-
nance, tendent à s’opposer aux mou-
vements des atomes. L’utilisation de
mélasses optiques permet ainsi de
réaliser des échantillons d’atomes
froids. Des températures de l’ordre
du microkelvin, proches de la tempé-
rature qui correspond à la vitesse de
recul de l’atome lors de l’absorption
d’un photon, peuvent être atteintes
(v
s
recul
=\k
s
/M, où M est la masse
de l’atome, est de l’ordre de
3,5 mm/s pour l’atome de césium)*.
L’addition d’un gradient de champ
magnétique permet de superposer un
mécanisme de piégeage au méca-
nisme de refroidissement et d’obte-
nir des échantillons atomiques froids
et denses dans un « piège magnéto-
optique » (voir Images de la Physi-
que 1998, p. 18, et figure 2a).
Dans les expériences de refroidis-
sement d’atomes par laser, l’adjonc-
tion d’un laser supplémentaire dit de
« repompage » est en général néces-
saire pour recycler les atomes qui
peuvent être perdus au cours du pro-
cessus (figure 2b). En utilisant la
* Des processus tels que l’effet Sisyphe
doivent être pris en compte pour expliquer
de telles températures, et des mécanismes
plus complexes permettent même de dépas-
ser cette limite ; voir « Images de la Phy-
sique » 1994, p. 88 et 1998, p. 7.
Figure 2 - a) Schéma du piège magnéto-
optique : Le refroidissement et le piégeage des
atomes de césium sont obtenus à l’aide de six
faisceaux laser de polarisations circulaires r+
ou r−, à la longueur d’onde kTz852 nm (légè-
rement désaccordée par rapport à la transition
fermée 6s1/2 F=4→6p3/2 F′=5) et d’une
paire de bobines dans une configuration anti-
Helmholtz (B) fournissant le gradient de champ
magnétique. Une photodiode (F) permet d’obser-
ver la fluorescence des atomes du piège, due aux
laser de refroidissement, et de déterminer le
nombre d’atomes dans le piège. Le faisceau la-
ser à la longueur d’onde kPA permet de réaliser
la photo-association. Le faisceau laser en impul-
sion à la longueur d’onde λ
I
photo-ionise les mo-
lécules. La longueur d’onde λ
I
a été choisie à
~ 710 nm pour permettre une bonne effıcacité
dans le mécanisme de photo-ionisation qui n’est
pas détaillé ici. Une paire de grilles (G) permet
d’appliquer une impulsion de champ électrique
synchronisée avec celle du laser kIpour accélé-
rer les ions Cs2
+obtenus vers un détecteur (D)
après sélection en masse par temps de vol.
b) Schéma des niveaux hyperfins du césium
concernant la transition 6s1/2 →6p3/2. L’écart
des niveaux hyperfins du fondamental est égal à
9 192 631 770 Hz (par définition de la seconde).
Il est d’environ 600 MHz entre niveaux hyper-
fins de l’état excité 6p3/2. Le laser de longueur
d’onde kR(accordée sur la transition
6s1/2 F=3→6p3/2 F′=4) est le laser de re-
pompage qui recycle les atomes perdus sur le ni-
veau hyperfin F =3. Ces pertes d’atomes sont
dues au laser de refroidissement kT, qui, bien
que très loin de la résonance de la transition
6s1/2 F=4→6p3/2 F′=4, produit un pompage
optique faible sur le niveau fondamental hyper-
fin F =3(les faisceaux de repompage kRne
sont pas représentés sur la figure (a)).
46