Molécules et noyaux déformés
Molécules froides
Les développements des techniques de refroidissement d’atomes par laser ouvrent des perspectives
fascinantes pour de nombreux domaines de recherche en physique tels que la métrologie, l’optique
et l’interférométrie atomiques, la lithographie, l’optique non linéaire… jusqu’à la réalisation des gaz
quantiques de Bose-Einstein. Parcourir le même chemin que celui qui a été tracé durant ces
quinze dernières années pour les atomes, en utilisant des systèmes plus complexes comme
les molécules, s’avère cependant extrêmement difficile. Une solution prometteuse pour l’obtention
de gaz de « molécules froides » était de former celles-ci en associant des atomes préalablement
refroidis. En absorbant un photon au cours d’une collision, deux atomes froids peuvent en effet
s’associer pour former une molécule « froide », électroniquement excitée : on parle
de photo-association moléculaire. Après désexcitation par émission spontanée des molécules
« photo-associées », on obtient un échantillon de molécules froides dans leur état fondamental.
L
e principe de la formation
d’un gaz froid de molécules
est illustré par la figure 1.
Dans une vapeur atomique refroidie,
deux atomes peuvent s’associer en
absorbant un photon pour former une
molécule excitée, animée d’un mou-
vement de vibration de très grande
élongation. La désexcitation par
émission spontanée de la molécule
peut conduire soit à la dissociation,
soit à la formation d’une molécule
stable dans son état électronique fon-
damental et lente, c’est-à-dire
« froide » du point de vue des degrés
de liberté de translation. La forma-
tion, par ce deuxième processus, d’un
gaz de « molécules froides » néces-
site cependant une situation bien par-
ticulière, que nous avons mise en
évidence dans la molécule de césium.
REFROIDISSEMENT PAR LASER
D’UN GAZ DE MOLÉCULES
Dès le début du développement
des techniques de manipulation, de
refroidissement et de piégeage d’ato-
mes par laser, le problème de l’exten-
sion de ces techniques aux molécu-
les s’est naturellement posé. Le
Laboratoire Aimé-Cotton, UPR 3321
CNRS, bât. 505, campus d’Orsay, 91405
Orsay cedex. Figure 1 - Principe général de formation de molécules froides.
45
processus élémentaire de la manipu-
lation d’atomes par laser repose sur
l’existence d’une force de pression
de radiation exercée par la lumière
sur les atomes. Cette force est le ré-
sultat d’un échange de photons et
donc du transfert d’impulsions \k
s
,
où k
s
est le vecteur d’onde, entre un
atome et une onde lumineuse lors de
cycles d’excitation et de désexcita-
tion spontanées. Pour exercer une
telle force sur un atome, on l’illu-
mine avec un faisceau laser réson-
nant sur une transition entre son ni-
veau fondamental et un niveau
excité. La force de pression de radia-
tion peut atteindre jusqu’à 10 000 ou
100 000 fois celle exercée par la gra-
vité terrestre.
Pour qu’on puisse appliquer effi-
cacement une force de pression de
radiation sur un atome, il faut
qu’existe une transition optique fer-
mée ou quasi fermée, c’est-à-dire
telle que l’émission spontanée ne se
produise pratiquement que vers l’état
fondamental de la transition. En ef-
fet si, au cours des cycles « absorp-
tion + émission spontanée », un
atome est transféré vers un autre état,
il n’est plus en résonance avec le
faisceau laser et n’est plus soumis à
la force de pression de radiation. Une
molécule, dans un état électronique
donné, possède un grand nombre de
niveaux de vibration-rotation (voir
encadré). On ne peut pas trouver de
transition optique fermée pour un
système moléculaire : par pompage
optique les molécules se retrouvent
rapidement dans d’autres niveaux de
vibration-rotation de l’état électroni-
que fondamental et ne sont plus en
résonance avec le faisceau qui les il-
lumine. La déflexion d’un jet super-
sonique de molécules du dimère de
sodium (Na
2
) a néanmoins permis de
démontrer l’existence d’une force de
pression de radiation exercée par un
laser couplant un niveau vibrationnel
de l’état fondamental avec un niveau
vibrationnel d’un état excité, mais
cette force ne s’exerçait que durant
un très petit nombre de cycles.
Il est clair que l’absence de transi-
tion fermée rend très difficile la gé-
néralisation, des atomes aux molécu-
les, du processus de refroidissement
dans une « mélasse optique » (voir
Images de la Physique 1990, p. 74).
On rappelle qu’une configuration de
mélasse optique est obtenue en illu-
minant un échantillon atomique au
moyen de six faisceaux laser se pro-
pageant deux à deux en sens opposés
suivant trois directions orthogonales,
à fréquence m
T
légèrement inférieure
à la fréquence de résonance atomi-
que. Les faisceaux laser exercent sur
les atomes des forces de pression de
radiation qui, par le jeu combiné de
l’effet Doppler et du décalage de la
fréquence laser par rapport à la réso-
nance, tendent à s’opposer aux mou-
vements des atomes. L’utilisation de
mélasses optiques permet ainsi de
réaliser des échantillons d’atomes
froids. Des températures de l’ordre
du microkelvin, proches de la tempé-
rature qui correspond à la vitesse de
recul de l’atome lors de l’absorption
d’un photon, peuvent être atteintes
(v
s
recul
=\k
s
/M, où M est la masse
de l’atome, est de l’ordre de
3,5 mm/s pour l’atome de césium)*.
L’addition d’un gradient de champ
magnétique permet de superposer un
mécanisme de piégeage au méca-
nisme de refroidissement et d’obte-
nir des échantillons atomiques froids
et denses dans un « piège magnéto-
optique » (voir Images de la Physi-
que 1998, p. 18, et figure 2a).
Dans les expériences de refroidis-
sement d’atomes par laser, l’adjonc-
tion d’un laser supplémentaire dit de
« repompage » est en général néces-
saire pour recycler les atomes qui
peuvent être perdus au cours du pro-
cessus (figure 2b). En utilisant la
* Des processus tels que l’effet Sisyphe
doivent être pris en compte pour expliquer
de telles températures, et des mécanismes
plus complexes permettent même de dépas-
ser cette limite ; voir « Images de la Phy-
sique » 1994, p. 88 et 1998, p. 7.
Figure 2 - a) Schéma du piège magnéto-
optique : Le refroidissement et le piégeage des
atomes de césium sont obtenus à l’aide de six
faisceaux laser de polarisations circulaires r+
ou r, à la longueur d’onde kTz852 nm (légè-
rement désaccordée par rapport à la transition
fermée 6s1/2 F=46p3/2 F′=5) et d’une
paire de bobines dans une configuration anti-
Helmholtz (B) fournissant le gradient de champ
magnétique. Une photodiode (F) permet d’obser-
ver la fluorescence des atomes du piège, due aux
laser de refroidissement, et de déterminer le
nombre d’atomes dans le piège. Le faisceau la-
ser à la longueur d’onde kPA permet de réaliser
la photo-association. Le faisceau laser en impul-
sion à la longueur d’onde λ
I
photo-ionise les mo-
lécules. La longueur d’onde λ
I
a été choisie à
~ 710 nm pour permettre une bonne effıcacité
dans le mécanisme de photo-ionisation qui n’est
pas détaillé ici. Une paire de grilles (G) permet
d’appliquer une impulsion de champ électrique
synchronisée avec celle du laser kIpour accélé-
rer les ions Cs2
+obtenus vers un détecteur (D)
après sélection en masse par temps de vol.
b) Schéma des niveaux hyperfins du césium
concernant la transition 6s1/2 6p3/2. L’écart
des niveaux hyperfins du fondamental est égal à
9 192 631 770 Hz (par définition de la seconde).
Il est d’environ 600 MHz entre niveaux hyper-
fins de l’état excité 6p3/2. Le laser de longueur
d’onde kR(accordée sur la transition
6s1/2 F=36p3/2 F′=4) est le laser de re-
pompage qui recycle les atomes perdus sur le ni-
veau hyperfin F =3. Ces pertes d’atomes sont
dues au laser de refroidissement kT, qui, bien
que très loin de la résonance de la transition
6s1/2 F=46p3/2 F′=4, produit un pompage
optique faible sur le niveau fondamental hyper-
fin F =3(les faisceaux de repompage kRne
sont pas représentés sur la figure (a)).
46
même solution, on pourrait penser
réaliser une transition fermée pour un
système moléculaire. Sans entrer
dans le détail de l’analyse de ce que
pourrait être une telle expérience, on
comprend aisément qu’il faudrait uti-
liser un très grand nombre de lasers
de « repompage » à différentes lon-
gueurs d’onde. Si la réalisation d’une
expérience de refroidissement de mo-
lécules par laser n’est pas totalement
inconcevable, le montage expérimen-
tal à mettre en œuvre sera forcément
très complexe. Dans la « course au
froid » qui a connu ces dernières an-
nées d’immenses succès, les molécu-
les étaient donc presque totalement
absentes.
PHOTO-ASSOCIATION MOLÉCULAIRE
D’ATOMES FROIDS
Une alternative au refroidissement
de molécules par laser est la forma-
tion de molécules froides à partir
d’un échantillon d’atomes préalable-
ment refroidis par laser. La réaction,
pour se produire, nécessite un troi-
sième corps, par exemple un photon :
on parle alors de photo-association
moléculaire. Par ce processus, deux
atomes de très faibles vitesses
(~ 10 cm/s) entrent en collision et ab-
sorbent un photon de fréquence m
PA
.
Ils forment ainsi une molécule selon
une réaction qui s’écrit, pour un
atome alcalin A dans son état fonda-
mental ns et pour la transition atomi-
que ns np,
A
~
ns
!
+A
~
ns
!
+
hmPA A2
*
~
ns +np;v,J
!
Pour former une molécule, la fré-
quence m
PA
doit être inférieure à la
fréquence de la transition atomique
ns np. Ce processus est d’autant
plus efficace que le photon peut être
absorbé aux grandes distances inter-
atomiques, les collisions y étant plus
fréquentes. Les molécules étudiées se
trouvent donc en général dans un ni-
veau de rotation-vibration (v, J) pro-
che de la limite de dissociation d’un
Encadré
LA MOLÉCULE DE Cs
2
La molécule de Cs
2
est une molécule diatomique
homonucléaire. Le principe de la détermination des niveaux
d’énergie est fondé sur l’approximation de Born-Oppenheimer :
le mouvement des électrons étant toujours extrêmement rapide
par rapport à celui des noyaux, on considère ces derniers
comme fixes pour étudier les mouvements des électrons et
déterminer les énergies électroniques. On définit ainsi les états
électroniques 2S+1K(u,g)
±, où S est le spin électronique total,
K=R,P,D... donne la projection, suivant l’axe joignant les
deux noyaux, du moment angulaire électronique orbital total, g
et u signifient « gerade » et « ungerade » et correspondent à un
état symétrique ou antisymétrique dans une inversion par
rapport au centre de symétrie de la molécule, + ou –
s’emploient uniquement pour un état Rsymétrique ou
antisymétrique par rapport à une réflexion dans un plan
contenant l’axe de symétrie de la molécule. La molécule
présente deux états électroniques fondamentaux : un état
singulet X1Rg
+et un état triplet a3Ru
+(voir figure 5).
Dans un deuxième temps, on étudie les mouvements relatifs de
vibration et de rotation des noyaux, pour construire les
niveaux de rotation-vibration dans les différentes
configurations électroniques. On utilise comme notation
spectroscopique v pour les niveaux de vibration et J pour les
niveaux de rotation de l’état fondamental singulet ou triplet :
(X1Rg
+;v,J)ou (a3Ru
+;v,J). L’écart entre niveaux
vibrationnels adjacents au fond du puits de l’état singulet, est
de l’ordre de 42 cm
–1
(unité de nombre d’onde utilisée en
spectroscopie optique, le cm
–1
correspond en fréquence à
29,9792458 GHz et en énergie à ~ 0,124 meV). Les niveaux de
rotation-vibration convergent, pour les nombres de vibration
les plus grands, vers la valeur limite du potentiel de l’état
électronique considéré, appelée limite de dissociation.
Pour les états électroniques convergeant vers la limite de
dissociation 6s + 6p, on doit tenir compte de la structure fine
(pour l’atome de césium l’écart de structure fine dans l’état
6p est de ~ 554 cm
–1
) due au couplage entre moment cinétique
de spin et moment cinétique orbital électroniques. Ce
couplage ne peut être négligé dans les états électroniques
excités de la molécule et ceux-ci sont notés
spectroscopiquement sous la forme X(g,u)
±,oùX=K+Rest la
projection sur l’axe de la molécule du moment cinétique
électronique total, somme du moment cinétique de spin
électronique total et du moment cinétique orbital électronique
total. Dans l’expérience, seuls quatre états de limite de
dissociation 6s
2
S
1/2
+6p
2
P
3/2
doivent être considérés : 0g
,
0u
+,1
g
et 1
u
, car ils présentent un puits de potentiel dont on
pourra exciter les niveaux vibrationnels. Les états 0g
et 1
u
présentent une structure particulière en double puits, due à
l’effet de compétition entre l’interaction spin-orbite
(responsable de la structure fine des niveaux atomiques) et
l’interaction électrostatique à grande distance entre les deux
atomes (voir figure 5). Ces puits à grande distance ne sont pas
exceptionnels pour des molécules diatomiques, mais
interviennent généralement pour des états électroniques plus
excités. L’écart entre niveaux vibrationnels adjacents au fond
du puits externe de l’état 0g
,est de l’ordre de 1,8 cm
–1
.
Molécules et noyaux déformés
47
état électronique. La photo-associa-
tion correspond à une transition en-
tre un état moléculaire du continuum
de dissociation de la molécule dans
son état fondamental et un état lié de
la molécule excitée (voir figure 3).
Une propriété intéressante est que ce
processus est résonnant, car il corres-
pond à une transition d’un état initial
« quasi discret » d’une paire d’ato-
mes d’énergie cinétique relative très
faible (<ezk
B
T, où k
B
est la cons-
tante de Boltzmann) vers un état mo-
léculaire discret. Pour un échantillon
d’atomes froids à une température
Tz100 µK, cette condition donne
une largeur en fréquence
Dmz2 MHz du même ordre de
grandeur que la résolution fournie
par un laser continu ~ 1 MHz, sans
comparaison avec la largeur que l’on
obtiendrait à température ordinaire
Tz300 K, Dmz6 000 GHz.
La photo-association moléculaire
d’atomes froids permet ainsi de réa-
liser une spectroscopie à haute réso-
lution des niveaux de vibration du di-
mère alcalin, en dessous de la limite
de dissociation ns + np. A cause de la
forme asymptotique du potentiel mo-
léculaire en R
3
(voir légende de la
figure 3), il existe pour la molécule
excitée des niveaux de vibration pré-
sentant des élongations R
p
atteignant
jusqu’à 100 (voire 1 000) rayons de
Bohr (a
0
z53 pm), qui sont très ef-
ficacement excités. La photo-associa-
tion moléculaire d’atomes froids a pu
être mise en œuvre pour tous les ato-
mes alcalins par différentes équipes.
Ces études ont été faites aux Etats-
Unis, sauf celle concernant l’atome
de césium, qui a été réalisée au labo-
ratoire Aimé-Cotton.
Le principe de l’expérience est
simple. Il consiste à éclairer avec un
faisceau laser continu intense (typi-
quement de l’ordre de 100 à 1 000
W /cm
2
) un échantillon d’atomes
froids, fourni par un piège magnéto-
optique en cellule de vapeur de cé-
sium (voir figure 2a). Un faisceau la-
ser fourni par un laser saphir-titane
pompé par un laser à argon ionisé
permet l’excitation des molécules
suivant la réaction :
Cs
~
6s1/2
!
+Cs
~
6s1/2
!
+hmPA
Cs2
*
~
Xg,u
~
6s1/2 +6p3/2
!
;v,J
!
On balaye la fréquence m
PA
du la-
ser de photo-association vers des va-
leurs inférieures à celle de la réso-
nance atomique 6s
1/2
6p
3/2
, c’est-
à-dire que l’on excite les niveaux de
vibration-rotation de l’état électroni-
que noté spectroscopiquement X
g,u
sous la limite de dissociation
6s
1/2
+6p
3/2
(voir encadré). Les mo-
lécules excitées ainsi formées se
désexcitent ensuite par émission
spontanée.
En règle générale, les puits de po-
tentiel moléculaire présentent un
« mur » très répulsif à courte dis-
tance. La fonction d’onde de l’état
vibrationnel est donc essentiellement
localisée à grande distance zR
p
,où
se produit l’absorption du photon
(figure 3b). Classiquement, cela
signifie que la molécule est « étirée »
pendant la majeure partie de sa
période de vibration. C’est donc à
une distance interatomique zR
p
de
quelques centaines de rayons de
Bohr, comme dans le cas de l’absorp-
tion, que le photon a la plus grande
probabilité d’être émis spontanément.
Les atomes sont alors trop éloignés
pour former une molécule stable, car
l’étirement d’une molécule dans
l’état électronique fondamental est au
maximum de 15 rayons de Bohr à
cause de la plus courte portée du po-
tentiel (figure 3). En résumé, la pro-
babilité d’émettre un photon à courte
distance étant négligeable, la molé-
cule se redissocie.
Les deux atomes produits ont une
énergie cinétique relative en
moyenne plus grande qu’avant la
photo-association : ils peuvent ainsi
acquérir une vitesse supérieure à la
vitesse de capture du piège, et s’en
échapper. L’analyse des pertes d’ato-
mes par le piège est la technique de
détection la plus utilisée dans les ex-
périences de photo-association. Elles
ont été réalisées de cette manière
pour tous les atomes alcalins. Le si-
gnal de fluorescence (F) due aux la-
sers de refroidissement est enregistré
à l’aide d’une photodiode. Ce signal
est proportionnel au nombre d’ato-
mes dans le piège, qui diminue for-
tement lorsque la fréquence du laser
correspond à une résonance pour la
photo-association. L’échantillon de
spectre montré sur la figure 4a cor-
respond à cette méthode d’analyse
des pertes d’atomes par le piège. Il
montre les variations du signal de
fluorescence par les atomes du piège
magnéto-optique en fonction du dé-
calage de la fréquence du laser de
photo-association. Nous n’analyse-
rons pas ici ce spectre moléculaire
très riche en informations. Il présente
un grand nombre de raies spectrales
correspondant aux différentes pro-
gressions vibrationnelles attendues.
Figure 3 - Principe de la photo-association mo-
léculaire d’atomes froids ; cas général sans for-
mation de molécules froides.
Le potentiel moléculaire de l’état fondamental à
grande distance interatomique R est un poten-
tiel de van der Waals en 1/R
6
. Il peut être négligé
à la distance z100 a0, où se produit la photo-
association (absorption du photon de fréquence
mPA ). Au contraire, le potentiel de la molécule
excitée varie en 1/R
3
à grande distance à cause
de l’interaction dipolaire électrostatique entre
l’atome excité et l’atome dans son fondamental.
L’état électroniquement excité de la molécule
présente de ce fait des niveaux vibrationnels de
très grande élongation, RPz100 a0.Onare-
présenté sur les courbes de potentiel les carrés
des valeurs absolues de fonctions d’onde radia-
les de deux atomes libres (a) et d’un niveau de la
molécule excitée (b) (les échelles ne sont pas res-
pectées). L’émission spontanée mSP se produit
vers tous les états du continuum et redonne deux
atomes dont l’énergie cinétique relative est beau-
coup plus grande qu’initialement.
48
Ces données spectroscopiques sont
complémentaires de celles obtenues
par des méthodes de spectroscopie
plus traditionnelles qui ne permettent
pas, ou très difficilement, d’avoir ac-
cès à ce type de niveaux de vibration
correspondant à une très grande élon-
gation de la molécule.
FORMATION DE MOLÉCULES FROIDES
ET STABLES
Les molécules excitées formées
par photo-association ont une vitesse
moyenne qui correspond à la vitesse
barycentrique de la paire d’atomes en
collision. Elle reste très semblable à
celle des atomes froids, à la vitesse
de recul due au photon absorbé près.
On peut parler de molécules froides
suivant leur degré de liberté de trans-
lation. Cependant, à cause de l’émis-
sion spontanée la durée de vie de ces
molécules froides est courte, typique-
ment de 10
–8
s, comme la durée de
vie d’un atome excité. Dans le cas
général, comme on l’a vu au paragra-
phe précédent, l’émission spontanée
conduit à la dissociation des molécu-
les photo-associées. L’émission spon-
tanée vers des niveaux vibrationnels
de l’état fondamental aurait pour
conséquence de « stabiliser » les mo-
lécules, c’est-à-dire former des mo-
lécules froides. Pour qu’un tel méca-
nisme puisse se produire, il faut une
probabilité d’émission spontanée non
négligeable pour une telle transition,
c’est-à-dire un recouvrement signifi-
catif entre la fonction d’onde vibra-
tionnelle radiale de l’état excité et
celle de l’état fondamental de la
molécule vers lequel se produit
l’émission.
Il nous a récemment été possible
de mettre pour la première fois en
évidence des molécules froides de
Cs
2
dans l’état fondamental, obtenues
après émission spontanée des molé-
cules créées par photo-association.
La réussite de l’expérience est due
d’une part à l’existence de structures
particulières en « double puits » dans
certaines courbes de potentiel du di-
mère de césium, et d’autre part à un
système de détection très sensible des
molécules formées. Pour détecter les
molécules, on utilise un laser à colo-
rant pulsé (longueur d’onde k
I
)
pompé par la deuxième harmonique
d’un laser Nd-YAG, qui permet de
photo-ioniser les molécules Cs
2
dans
leur état fondamental en ions Cs
2
+
.
Les ions Cs
2
+
obtenus sont séparés
des ions Cs
+
par temps de vol, avant
d’arriver sur un détecteur d’ions (D)
formé d’une paire de galettes de
microcanaux (voir figure 2a).
Il est intéressant de remarquer que
le spectre obtenu en enregistrant le
signal d’ions Cs
2
+
(figure 4b) est ra-
dicalement différent de celui obtenu
par fluorescence (figure 4a). Trois
progressions de niveaux vibrationnels
des états 1
g
,0
u
+
et 0
g
(voir encadré)
sont identifiées sur le spectre de fluo-
rescence (a), tandis que seule celle de
l’état 0
g
apparaît sur le spectre ioni-
que (b). L’analyse temporelle du si-
gnal d’ions Cs
2
+
lorsqu’on coupe le
laser de photo-association, montre
que les molécules détectées sont en-
core présentes plusieurs milli-
secondes après son extinction. Il est
donc clair que les molécules photo-
ionisées ne correspondent pas à des
molécules excitées mais à des
molécules de grande durée de vie,
c’est-à-dire dans un ou des niveaux
de rotation-vibration de l’état fonda-
mental singulet ou triplet de la molé-
cule Cs
2
. En résumé, la photo-associa-
tion d’atomes froids dans l’état
moléculaire 0
g
permet la formation
de molécules froides dans l’état fon-
damental, ce qui n’est pas le cas
lorsqu’il s’agit des états 1
g
ou 0
u
+
.
Pour comprendre pourquoi, dans
certaines conditions, l’atome de cé-
sium est favorable à la formation de
molécules froides, il faut analyser les
courbes de potentiel des différents
états considérés. Le potentiel de l’état
0
g
présente cette structure particu-
lière en double puits. Pour cet état, le
puits externe présente sur sa partie à
courte distance une variation
« douce » (figure 5). La molécule vi-
bre dans ce puits externe à grande
distance (entre 15 et 200 rayons de
Bohr), et elle passe un temps non né-
gligeable dans un état d’élongation
intermédiaire correspondant à la dis-
tance du bord le plus interne du
puits. Cette molécule excitée est très
étrange, « à peine une molécule » ; la
paire d’atomes acquiert ici sa cohé-
sion essentiellement à cause de l’inter-
Figure 4 -
Détails de spectres obtenus par photo-association : a) La courbe supérieure montre l’évolu-
tion du signal de fluorescence en fonction du désaccord en fréquence du laser
mPA
de photo-association
par rapport à la résonance atomique
6s1/2 6p3/2
(dans la région variant entre –11,5 à –16,5 cm
–1
).
b) La courbe du bas représente le spectre de photo-association obtenu pour les mêmes décalages de fré-
quence laser mais en enregistrant les variations du signal d’ions
Cs2
+
.
Molécules et noyaux déformés
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