Technique Indications et limites des systèmes de plaques verrouillées

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Technique
Indications et limites des systèmes
de plaques verrouillées
Florent Lespagnol
Le Chesnay
Tan SL, Balogh ZJ
Indications and limitations of locked plating.
Injury 2009 ; 40 : 683-91.
Introduction et rappel historique
Le but du chirurgien orthopédiste face à une fracture est
d’obtenir la consolidation de celle-ci, en respectant l’en-
vironnement des parties molles, en autorisant une réédu-
cation précoce, afin de restaurer au mieux la fonction.
Une bonne connaissance du patient, du type de fracture,
de la biologie et des techniques disponibles est nécessaire.
L’utilisation des plaques verrouillées est une méthode rela-
tivement récente dans l’ostéosynthèse des fractures, et
une bonne connaissance des principes et des limites de
cette technique est nécessaire afin d’optimiser son effica-
cité. Obtenir la réduction anatomique d’une fracture,
dont le périoste a déjà souffert, nécessite l’exposition du
foyer de fracture avec évacuation de l’hématome. Depuis
la fin des années 1980, il a semblé nécessaire de déve-
lopper des sysmes d’ososyntses pservant au
maximum les facteurs biologiques nécessaires à la consoli-
dation. L’essor des plaques verrouillées a débuté avec l’ap-
parition des plaques LCP (Local Compression Plates). Ces
plaques comprennent des trous qui permettent la mise en
place d’une vis, soit conventionnelle, soit verrouillée. Les
vis conventionnelles sont utilisées selon les principes de
l’AO tandis que les vis verrouillées permettent d’obtenir
une stabilité angulaire entre la plaque et l’os, sans
comprimer le périoste.
Ainsi, en fonction du type de fracture, les techniques
conventionnelles ou à vis verrouillées peuvent être asso-
ciées ou non afin d’obtenir un résultat approprié.
Indications générales
Les chirurgiens traumatologues utilisent les plaques à vis
verrouillées dans 5 à 25 % des fractures ostéosynthésées
par plaque, le choix se faisant en fonction de différents
critères.
En fonction de la région anatomique
La région métaphysaire est caractérisée par un élargisse-
ment du canal médullaire et un amincissement des corti-
cales ne permettant pas d’obtenir une stabilité suffisante
lors de l’utilisation d’un clou. Il en est de même pour la
région épiphysaire, a fortiori en cas de fracture comminu-
tive. Dans ce cas, la stabilité angulaire des vis verrouillées
permet de maintenir une réduction du foyer, en ayant
éventuellement utilisé au préalable des vis en compres-
sion mises en dehors de la plaque.
En fonction du type de fracture
L’utilisation de plaque à vis verrouillées est recommandée
dans toute fracture métaphyso-diaphysaire comminutive.
La stabilité angulaire des vis permet à la plaque de ponter
des zones sans vis sur 3 ou 4 niveaux et d’absorber une
partie des contraintes jusqu’à la consolidation.
En fonction de l’environnement
Les fractures complexes sont souvent associées à des
lésions profondes des parties molles. Ces fractures ne sont
pas toujours accessibles à des enclouages et sont retrou-
vées fréquemment chez des patients polytraumatisés avec
un état général précaire. L’utilisation de systèmes percu-
tanés type LISS (Less Invasive Stabilization System) permet
de préserver au mieux l’environnement des parties molles
et la vascularisation osseuse. Néanmoins, il est du ressort
du chirurgien de déterminer si cette chirurgie est urgente,
ou bien si elle peut être différée compte tenu de l’état du
patient.
En fonction de la qualité osseuse
La survenue de fractures sur os ostéoporotique augmente
avec le vieillissement de la population. Le taux d’échec
Mise au point
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plaques plus longues que dans le cas d’une fixation rigide.
Cependant, cette méthode est compatible avec les tech-
niques mini-invasives (LISS) permettant de limiter le-
riostage excessif propre aux longues plaques.
Fixation « combinée »
La fixation combinée représente l’utilisation à la fois des
principes de fixation rigide et relative sur une même frac-
ture. L’association de vis verrouillées et de vis classiques
n’est pas considérée comme une fixation combinée.
On entend par fixation combinée la mise en place d’une
plaque après réduction anatomique et obtention d’une
stabilité totale de la partie articulaire de la fracture, tandis
que la plaque joue un rôle de fixateur interne pontant une
région métaphysaire comminutive. Dans ce concept, les
vis classiques peuvent avoir un rôle de compression du
foyer, mais également de ramener l’os sous la plaque. Dans
ces conditions, elles doivent toujours être mises avant les
vis verrouillées.
Plaque de renfort
La mise en place d’une plaque de renfort consiste en la mise
en place d’une plaque anatomique sur une fracture dont la
réduction est anatomique, afin d’obtenir une interface os –
plaque solide. Cette technique peut être utilisée avec les
plaques anatomiques verrouillées, en serrant progressive-
ment la plaque de la diaphyse vers la surface articulaire, et
ce à l’aide de vis conventionnelles. Cependant, la plupart
de ces plaques ont à la partie épiphysaire des trous pour vis
verrouillées, afin d’obtenir une stabilité liée à la stabilité
angulaire de ces vis. S’il n’y a pas de trous standard, alors
il ne sera pas possible de réduire et mettre en compression
un trait articulaire à l’aide d’une vis conventionnelle. Dans
ce cas, il est nécessaire de réduire et de maintenir le trait
articulaire par une vis en compression mise en dehors de la
plaque, puis de maintenir l’os sur la plaque avec un davier,
le temps de mettre les vis verrouillées.
Techniques, pièges, et raisons des échecs
L’utilisation de plaques LCP se fait généralement dans le
cadre de fractures complexes et la mise en place en percu-
tané peut mener à des complications spécifiques.
Néanmoins, les complications et les échecs de la tech-
nique peuvent être prévenus à l’aide d’un planning pré -
opératoire et en respectant les principes, les indications et
les limites de la technique.
Le non-respect de l’axe de la vis verrouillée dans la plaque
peut conduire à une mauvaise prise du pas de vis. Il est
nécessaire d’utiliser le guide-mèche afin de préparer le
passage de la vis dans la bonne direction.
élevé de l’ostéosynthèse conventionnelle par plaque est
lié à la mauvaise tenue des vis dans l’os et au démontage
du matériel qui en découle. En effet, la qualité des corti-
cales offre peu de résistance au recul des vis. La plaque
verrouillée ne peut par définition être mise en échec à
l’interface vis-corticale osseuse : dans ce cas, toutes les vis
doivent reculer avec la plaque. Un autre avantage réside
dans le petit pas de vis qui permet d’avoir plus de filetage
dans la corticale et, ainsi, avoir une meilleure tenue.
Fracture péri-prothétique
Il s’agit d’un problème technique, mais également de
santé publique liés à l’augmentation conjointe de l’espé-
rance de vie, du nombre d’arthroplasties et de l’incidence
de l’ostéoporose. L’intérêt de la plaque verrouillée réside
dans ce cas dans la possibilité de mettre en place des vis
verrouillées unicorticales en regard de la queue de la
prothèse. Certaines plaques autorisent la mise en place de
cerclages. Il est cependant recommandé de mettre des vis
bicorticales dès que possible afin de limiter le risque de
retard de consolidation et d’échec mécanique du matériel.
Modes et techniques d’utilisation
Utilisation conventionnelle
Une plaque LCP peut être utilisée de manière conven-
tionnelle. Après réduction et compression du foyer, on
peut choisir de mettre en place des vis conventionnelles
ou des vis verrouillées. L’utilisation de ces dernières se fera
préférentiellement sur os ostéoporotique, mais elle ne
peut en aucun cas permettre de réduire la longueur de la
plaque, surtout lorsqu’une stabilité absolue est recherchée.
Fixateur interne et perte de substance
L’objectif de la synthèse d’une fracture métaphyso-diaphy-
saire est de rétablir la longueur, l’axe, la rotation ainsi que
l’interligne articulaire de l’os fracturé. La plaque LCP peut
permettre de respecter ces critères, malg une duction
non anatomique et une stabilité incomplète. En effet,
la plaque peut être utilisée comme un fixateur interne : elle
n’empêche pas les micromouvements, mais autorise une
éducation précoce. Dans cette méthode, la « longueur de
travail » de la plaque correspond à la zone où la plaque ne
comporte pas de vis ; à ce niveau peut survenir de la micro-
mobilité. Plus cette «longueur de travail» augmente, plus la
rigidité du montage diminue, et plus il existe un risque de
fracture de la plaque. Le nombre de trous non remplis qui
permettent d’obtenir une stabilité relative, sans entraîner de
risque de fracture de la plaque, pend du type de fracture et
des caractéristiques de l’implant. Laugmentation de la
« longueur de travail » nécessite donc l’utilisation de
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Il est nécessaire d’utiliser le tournevis dynamométrique
pour limiter le risque de soudure à froid qui compliquerait
une éventuelle ablation ultérieure de matériel.
Les vis épiphysaires sont censées être parallèles à l’inter-
ligne, ce qui permet de contrôler l’axe lors du contrôle à
l’amplificateur de brillance.
Une bonne réduction est nécessaire avant la synthèse. La
récupération de la longueur peut se faire par traction
manuelle, table orthopédique ou même fixateur
externe. Ensuite, il est nécessaire de faire en sorte que l’os
soit bien appliqué à la plaque : une des techniques les plus
utiles consiste à mettre en place dans la partie à ramener
une broche filetée qui permet en tirant de ramener l’os
sous la plaque.
La plaque doit être bien centrée sur la diaphyse ; en cas
d’os ostéoporotique, on préférera mettre en place des vis
bicorticales ; l’appui complet n’est pas autorisé avant l’ob-
tention de la consolidation.
Enfin, il existe des complications propres au matériel lui-
même.
Dans la mesure où les vis sont solidaires de la plaque,
il peut survenir une saillie intra-articulaire des vis en cas
de mauvaise tenue intraépiphysaire, notamment dans l’os
ostéoporotique. De même, il est nécessaire que, avant de
disposer les vis épiphysaires, une vis en compression soit
mise entre les fragments afin de limiter le risque de dépla-
cement secondaire, ou de pseudarthrose.
Un risque de fracture de plaque existe soit lorsqu’il existe
une inadéquation entre la longueur de la plaque et les
contraintes qu’elle reçoit, soit lorsque des vis convention-
nelles sont mises en place après les vis verrouillées, ce qui
a tendance à mettre la plaque en précontrainte.
Les vis, quant à elles, ont tendance à casser juste sous la
tête, notamment en cas de contrainte axiale excessive.
Les lésions des parties molles sont généralement liées à la
mise en place de plaques en percutané. La mise en place
d’une plaque en percutané sur un mode fixateur interne, à
distance du périoste, peut générer des lésions tendineuses
ou des parties molles si celle-ci est trop proéminente.
Spécificités anatomiques
Les auteurs listent les indications les plus fréquentes de
plaque LCP.
Conclusion et travaux futurs
L’apparition des plaques verrouillées accroît les indica-
tions d’ostéosynthèse par plaque car elles améliorent la
solidité des synthèses des fractures comminutives. Leur
utilisation est destinée à augmenter, compte tenu de l’aug-
mentation prévue de la fréquence de l’ostéoporose et des
fractures péri-prothétiques. Bien entendu, toute nouvelle
technique apporte ses complications propres et la supério-
rité des plaques LCP par rapport aux plaques convention-
nelles reste à démontrer. D’autre part, ces systèmes sont
plus chers et doivent donc être utilisés à bon escient.
Àl’avenir, on peut souhaiter pouvoir évaluer en peropéra-
toire la qualité osseuse afin d’optimiser le choix du type de
plaque à poser. Parallèlement, la mise en place des plaques
en percutané a fait perdre le bénéfice d’une baisse de l’ex-
position aux rayonnements ionisants, liée à la mise en
place d’une plaque à ciel ouvert. On peut imaginer des
systèmes de chirurgie assistée par ordinateur qui permet-
traient de diminuer cette exposition.
Ces dernières années, les plaques LCP ont vu leurs indications augmenter de manière exponentielle, même sur des frac-
tures non articulaires. Dans cet article, les auteurs reviennent sur l’historique et les facteurs qui ont conduit à l’appa-
rition du système LCP. Ils en décrivent également les principes, les indications et les pièges à éviter. Il n’est pas
possible dans un tel article de pouvoir transmettre autre chose que des grands principes. Rien ne remplace en effet
l’apprentissage d’une technique au bloc opératoire. Néanmoins, on retiendra quelques astuces qui doivent pouvoir
limiter certaines complications.
En revanche, certaines notions font cruellement défaut. Aucun élément ne permet d’apporter objectivement la supério-
rité des plaques LCP par rapport aux plaques conventionnelles, et ce quelle que soit l’indication. Si cette supériorité
était démontrée, alors elle pourrait légitimer son utilisation croissante, malgré un coût bien supérieur, notamment si
elle permettait par exemple un retour plus précoce à une activité professionnelle.
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