Imager les interférences quantiques dans les semi-conducteurs Une nouvelle microscopie à sonde locale a été développée pour étudier les dispositifs mésoscopiques semiconducteurs dont les électrons de conduction sont enfouis à plusieurs dizaines de nanomètres sous la surface. Cette microscopie mesure les variations de conductance pendant qu’une pointe nanométrique à laquelle on applique une tension est déplacée au-dessus du dispositif pour modifier localement le potentiel électrostatique comme une grille locale. Cet article présente les effets observés expérimentalement sur des anneaux quantiques, ainsi que des simulations théoriques mettant en évidence la correspondance entre les images de conductance et la densité d’états locale. L es composants actuels de la micro-électronique utilisent essentiellement la propriété la plus fondamentale de l’électron pour coder et véhiculer les signaux numériques, à savoir sa charge. Plusieurs domaines de recherche exploitant d’autres propriétés des électrons ont émergé ces dernières années comme l’électronique de spin, basée sur le moment magnétique intrinsèque de l’électron1 ou l’électronique quantique, basée sur l’intrication des états quantiques des particules2. Les interférences quantiques Une autre propriété intéressante de l’électron, à savoir sa « phase », pourrait donner lieu à une nouvelle électronique basée sur la capacité de l’électron, vu comme une onde, à interférer avec lui-même ou avec ses congénères. Cette propriété quantique, décrite par une fonction d’onde, vient compléter la représentation corpusculaire de l’électron par une image ondulatoire. Lorsque les électrons sont confinés dans des petites régions de l’espace, leur nature ondulatoire est responsable de la quantification de leur niveau d’énergie et de leur fonction d’onde, 1. Spintronique : le spin s’invite en électronique, Images de la physique 2005, p. 192. 2. L’ordinateur quantique : un défi pour les expérimentateurs, Images de la physique 2005, p. 111. sous forme d’un ensemble discret d’états propres. Le spectre discret des niveaux d’énergie dans les atomes est un bel exemple de quantification des fonctions d’onde électroniques à l’échelle atomique. Dans les structures métalliques ou semi-conductrices de taille nanométrique, les électrons sont également confinés dans une ou plusieurs directions de l’espace. Ceci donne naissance à des états discrets dont la fonction d’onde est une figure d’interférence avec des nœuds et des ventres de probabilité de présence au sens de la mécanique quantique. Lorsque ces nanostructures possèdent un grand nombre d’électrons, leurs niveaux d’énergie sont proches et les figures d’interférences se brouillent. Pour obtenir des dispositifs où les effets d’interférences sont bien visibles, il est donc nécessaire de réduire fortement la densité électronique en utilisant des systèmes bidimensionnels dans lesquels les électrons ne peuvent se déplacer que dans un plan. Un tel système électronique bidimensionnel existe naturellement à la surface de certains métaux lorsqu’ils sont préparés et conservés sous ultra-vide. Lorsque des atomes sont disposés sur cette surface de manière à définir une barrière circulaire, les fonctions d’ondes des électrons piégés à l’intérieur de cette cavité forment des figures d’interférence caractéristiques des ondes en milieu confiné. La réalisation expérimentale de cette structure à l’échelle de quelques atomes a été obtenue en Article proposé par : Hermann Sellier, [email protected] Institut Néel, UPR 2940, CNRS, Grenoble Benoît Hackens, CERMIN, Université Catholique de Louvain-la-Neuve, Belgique Marco Pala, [email protected] IMEP, UMR 5130, CNRS/INPG/UJF, Minatec, Grenoble, Institut de Microélectronique, Electromagnétique et Photonique Serge Huant, [email protected] Institut Néel, UPR 2940, CNRS, Grenoble 49 Imager les interférences quantiques dans les semi-conducteurs cique dans les semi-conducteurs, qui est environ 100 fois plus faible qu’à la surface d’un métal. Il en résulte une plus faible énergie des électrons de conduction au niveau de Fermi (l’énergie de Fermi EF est proportionnelle à la densité à deux dimensions), et donc une plus grande longueur d’onde quantique (longueur d’onde de De Broglie), produisant ainsi des franges d’interférences beaucoup plus espacées. Ceci permet d’utiliser des cavités de plusieurs centaines de nanomètres, au lieu de seulement quelques dizaines de nanomètres dans le cas d’un métal. Cependant il est nécessaire de placer le dispositif semiconducteur à une température suffisamment basse pour que les électrons se déplacent de manière balistique et cohérente sur ces grandes distances sans subir de collisions autres que celles dues aux bords de la cavité. Figure 1 – Densité d’états électroniques obtenue par STM sur un corral quantique circulaire de 48 atomes de fer positionnés en cercle sur une surface de cuivre. Les oscillations représentent la figure d’interférence de la fonction d’onde d’un électron de surface dans la cavité formée par les atomes de fer. (Image originale créée par IBM Corporation). 1993 par le groupe de Don Eigler à IBM en utilisant la pointe d’un microscope à effet tunnel (STM pour Scanning Tunnelling Microscope) à basse température et sous ultra-vide3. Cette équipe a notamment assemblé un corral circulaire de 48 atomes de fer à la surface du cuivre. Les images de la densité électronique à l’intérieur de cette cavité obtenues en microscopie STM révèlent un ensemble de cercles concentriques représentant les franges d’interférences en symétrie circulaire de la fonction d’onde des électrons (voir figure 1). Grâce à la résolution en énergie du STM, chaque état propre a pu être imagé séparément évitant ainsi le recouvrement et le brouillage des différentes figures d’interférence correspondant à des niveaux d’énergie différents. La microscopie par effet de grille local Les surfaces de métaux décrites précédemment sont très délicates et doivent être préparées sous ultra-vide. Heureusement il existe des systèmes électroniques bidimensionnels plus robustes, qui sont naturellement protégés des contaminations de surface, car situés à l’intérieur d’une multicouche de semi-conducteurs obtenue par épitaxie par jets moléculaires. Un autre avantage de ces systèmes est le contrôle de la densité d’électrons grâce au dopage de la structure. La fabrication par gravure de petits dispositifs de taille nanométrique permet alors de réaliser des cavités dans lesquelles les fonctions d’onde sont quantifiées et forment des figures d’interférence qui évoquent celles du corral atomique réalisé par STM. Mais une différence importante vient de la densité électronique surfa3. Confinement of Electrons to Quantum Corrals on a Metal Surface, M.F. Crommie et al., Science 262, 218 (1993). 50 La difficulté expérimentale dans l’étude de ces nanostructures épitaxiées vient paradoxalement de la position enterrée, à plusieurs dizaines de nanomètres sous la surface, du gaz d’électrons bidimensionnel. Certes, cela les protège des contaminations et confère aux électrons une grande mobilité, mais cela empêche également leur observation par microscopie STM. C’est pour tenter de remédier à ce problème qu’une nouvelle technique de microscopie a été imaginée, appelée microscopie par effet de grille local (SGM pour Scanning Gate Microscopy). Elle consiste à mesurer les variations de conductance du système électronique en présence d’une modification locale du potentiel appliquée par une pointe métallique nanométrique placée juste au-dessus de la surface et polarisée avec une faible tension. La pointe balaie à hauteur constante toute la surface du dispositif, de manière à enregistrer une image de ces variations de conductance et tenter d’obtenir ainsi une cartographie des états électroniques, en particulier des figures d’interférences correspondant aux états propres, dans le cas d’une cavité. Pouvoir mesurer la conductance implique que la nanostructure soit connectée à des contacts permettant d’injecter un faible courant et de mesurer la tension résultante. La cavité ne peut donc pas être complètement fermée, mais contient quand même des états résonnants discrets dont les figures d’interférence sont bien définies et ressemblent aux figures discutées précédemment. Notons que la microscopie SGM ne sonde que les états à l’énergie de Fermi car seuls les électrons situés à cette énergie participent à la conductance linéaire. La valeur de la tension appliquée sur la pointe permet en fait de contrôler l’amplitude de la perturbation mais ne change pas l’énergie des électrons. Cependant si l’on tient compte de l’influence de la température T non nulle, le transport des électrons se fait sur un intervalle d’énergie de quelques kBT autour du niveau de Fermi. Pour minimiser la superposition de plusieurs figures d’interférences différentes, il est donc nécessaire de refroidir le système à très basse température. Par ailleurs il peut exister plusieurs états résonnants à la même énergie, et ce d’autant plus que l’énergie est élevée. Pour une étude détaillée de ces phénomènes, il est donc favorable de réduire l’énergie de Fermi en diminuant la densité électronique. Imager les interférences quantiques dans les semi-conducteurs Figure 2 – (a) Schéma en coupe de la multicouche de semi-conducteurs montrant la position enterrée du canal bidimensionnel d’électrons obtenu par transfert de charges à partir d’un plan de dopant. (b) Schéma de principe de la microscopie par effet de grille local avec une représentation 3D de la topographie du dispositif obtenue en mode AFM. La pointe polarisée en tension est balayée au-dessus de la surface pour perturber localement le transport des électrons de conduction situés à 25 nm sous la surface. (c) Magnéto-conductance de l’anneau quantique à 4,2 K. L’agrandissement montre les oscillations Aharonov-Bohm périodiques en champ magnétique. D’un point de vue instrumental, un microscope SGM est un microscope à force atomique (AFM pour Atomic Force Microscope) placé dans un cryostat à la température de l’hélium liquide (4,2 K) et dans lequel on peut appliquer un champ magnétique. La pointe métallisée est polarisée à une tension Vtip par rapport au dispositif dont on mesure par ailleurs la conductance. L’utilisation préalable du microscope en mode topographique permet de repérer la position de la nanostructure dont la surface est isolante avec une résolution typique de 20 nm. Les sondes utilisées pour la microscopie SGM sont généralement des capteurs de force standards sous forme de micro-leviers, dotés d’une pointe pyramidale (voir figure 2b), et dont on mesure la déflexion avec un faisceau laser. Images obtenues sur des anneaux quantiques Il existe une géométrie particulière, en forme d’anneau, qui produit des interférences modifiables grâce à l’application d’un champ magnétique. Lorsque cet anneau est connecté à des contacts, les variations d’interférences des états situés au niveau de Fermi produisent des oscillations de la conductance, appelées « oscillations de Aharonov et Bohm ». Ces auteurs ont démontré théoriquement en 1959 que la fonction d’onde quantique d’une particule contient un O< terme de phase sensible au potentiel vecteur magnétique A et au potentiel scalaire électrique V, et que ce terme de phase peut produire O< desO< effets réels mesurables, même lorsque les champs B et E à l’origine des potentiels n’agissent pas directement sur la particule. Cette influence réelle des potentiels a été démontrée expérimentalement dans des expériences d’interférences et, désormais, la modulation des interférences dans les anneaux quantiques en fonction du champ magnétique porte le nom « d’effet Aharonov-Bohm ». Pour réaliser un anneau qui présente ce type d’interférences, il est nécessaire de choisir un matériau dans lequel les ondes électroniques peuvent se propager sur des distances suffisamment grandes sans que leur phase soit perturbée. Cette distance, appelée « longueur de cohérence de phase », dépend notamment des vibrations du réseau cristallin (phonons) ainsi que des interactions entre les électrons eux-mêmes. Cette longueur de cohérence est « relativement » élevée dans les systèmes électroniques confinés sous forme d’un plan bidimensionnel à l’interface entre deux couches semi-conductrices en alliages GalnAs et AlInAs (voir figure 2a), matériaux bien connus dans le domaine de la micro-électronique haute fréquence. Elle dépasse typiquement un micron à la température de l’hélium liquide. En utilisant les techniques de lithographie et de gravure mises en œuvre par la micro-électronique, on peut graver ce matériau de manière à créer un anneau dont le diamètre est inférieur au micromètre. La figure 2b en présente une image topographique obtenue en microscopie AFM. L’anneau (de diamètre intérieur 210 nm et extérieur 600 nm) est délimité par des tranchées creusées jusqu’à la profondeur du système électronique bidimensionnel, en maintenant deux constrictions qui permettent aux électrons d’entrer et de sortir de l’anneau pour mesurer sa conductance électrique. A basse température, lorsque l’on mesure la conductance en fonction du champ magnétique appliqué perpendiculairement, on observe des oscillations périodiques (voir figure 2c) qui constituent la signature de l’effet Aharonov-Bohm. Ces oscillations renseignent sur la présence d’interférences électroniques dans l’anneau, mais ne donnent aucune information spatiale. Pour dévoiler le comportement local des ondes électroniques, on utilise alors le microscope en mode SGM et on enregistre les variations de la conductance électrique de l’anneau en fonction de la modification locale du potentiel électrostatique induite par la pointe du microscope. En principe, la conductance de l’anneau devrait être fortement modifiée lorsque la 51 Imager les interférences quantiques dans les semi-conducteurs Figure 4 – (a) Simulation de la densité de probabilité électronique 2 Ψ ( x , y , EF ) dans un anneau quantique d’énergie de Fermi EF = 101 meV. (b-d) Simulation des variations de la conductance G(x, y) de cet anneau soumis à une perturbation d’amplitude eVtip = EF/200 et d’extension spatiale σ = 5, 20, et 40 nm, respectivement. Figure 3 – Image des variations de conductance de l’anneau quantique en fonction de la position de la pointe pour une tension de perturbation Vtip = 0,3 V, une distance pointe-électrons dtip =50 nm, et pour un champ B = 2 T (une variation de conductance importante mais très étalée a été soustraite pour mettre en évidence les franges d’interférence discutées dans le texte). La ligne noire continue marque la position de l’anneau repérée en mode AFM. Image 2 × 2 µm2. pointe du microscope se trouve à proximité d’un maximum d’interférence lié à un état propre résonnant de l’anneau. On s’attend donc à ce que la technique SGM permette d’imager ces états résonnants. La figure 3 présente une cartographie SGM des variations de conductance électrique (ΔG) observées lorsque la pointe du microscope se déplace à proximité de l’anneau, dans un plan situé à une distance constante de 50 nm au-dessus du système bidimensionnel d’électrons. L’image SGM présente un motif assez complexe de franges de conductance, qui apparaissent non seulement lorsque la pointe se déplace à la verticale de l’anneau, mais également à proximité de celui-ci, jusqu’à une distance latérale de plusieurs centaines de nanomètres. Ceci nous donne une information sur l’extension latérale de la perturbation de potentiel liée à la pointe. Sur la figure 3, on remarque également une différence d’amplitude des franges de conductance entre les côtés gauche et droit de l’anneau. Cette différence est liée à l’asymétrie de l’anneau, qui présente un bras légèrement plus étroit que l’autre, ce qui donne lieu à un effet plus marqué de la perturbation de la pointe sur la transmission des électrons lorsqu’elle se déplace à proximité du bras étroit. En examinant plus en détail la figure 3, on constate que les franges de conductance adoptent une disposition en cercles concentriques lorsque la pointe se déplace à l’extérieur de l’anneau, alors qu’elles sont plutôt réparties de manière radiale à l’intérieur de l’anneau. La suite de cet article s’attache à expliquer l’origine de ces deux types de franges de conductance. 52 Le champ magnétique est un outil de choix à cet égard, car il permet d’agir sur la phase électronique de manière contrôlée. Dans le cas présent, l’augmentation du champ magnétique perpendiculaire provoque le déplacement des franges concentriques avec une périodicité en champ magnétique égale à la période des oscillations AharonovBohm dans la magnéto-conductance. Ceci montre que les franges concentriques sont directement liées à l’effet Aharonov-Bohm : lorsque la pointe s’approche d’un côté de l’anneau, le potentiel électrostatique est principalement modifié du même côté de l’anneau. Ce changement de potentiel induit un changement de phase pour les ondes électroniques au sein de ce bras, ce qui modifie les interférences entre les ondes électroniques transmises à travers les deux bras : c’est l’effet Aharonov-Bohm « électrostatique » dû au potentiel scalaire électrique mentionné plus haut. En conséquence, tous les points situés sur une même frange concentrique correspondent à la même modification de phase électronique ; ce sont donc des lignes « isophases », qui nous donnent une information spatiale locale sur les perturbations de phase électronique au sein des bras de l’anneau. Le champ magnétique extérieur, par le déphasage supplémentaire qu’il introduit, provoque le déplacement de ces franges. L’évolution en champ magnétique des franges radiales observées au centre des images SGM est beaucoup plus complexe que celle des franges concentriques. Pour comprendre leur origine, il est utile de faire appel à des simulations de la densité d’états locale (local density-ofstates ou LDOS) pour en déterminer les variations spatiales à l’intérieur de l’anneau, ainsi qu’à des simulations de la conductance électrique au travers de l’anneau (les méthodes de ces simulations sont basées sur le formalisme des fonctions de Green). La figure 4a montre un résultat typique d’une simulation de la LDOS à l’énergie de Fermi, équivalente à la densité de probabilité électronique 2 Ψ ( x , y , EF ) où Ψ est la fonction d’onde électronique. Les Imager les interférences quantiques dans les semi-conducteurs Encadré Relation entre perturbation locale de la conductance et densité locale d’états L’effet de la perturbation produite par la pointe sur la transmission totale d’un système connecté à deux contacts supportant un seul mode transverse peut être évalué dans le cadre de la théorie du transport de Landauer et Büttiker. Il faut pour cela négliger l’effet des diffusions inélastiques, ce qui est justifié pour des systèmes mésoscopiques à basse température et dans le régime cohérent du transport. Un modèle analytique simple, valable dans le régime à un seul canal quantique de transport, permet de relier la correction de conductance due à la perturbation de la pointe aux grandeurs physiques du système. En utilisant le formalisme des fonctions de Green, ce modèle montre au premier ordre des perturbations que la correction de conductance ΔG(xi, EF) à l’énergie de Fermi EF due à une perturbation locale en xi est proportionnelle à la partie réelle de la fonction de Green locale retardée GiR, i (EF ), à savoir : Dans le régime de transmission à canaux multiples, il est plus délicat d’établir une correspondance directe entre LDOS et ΔG parce que la fonction d’onde totale est déterminée par la contribution de plusieurs modes transverses qui ressentent différemment l’effet perturbateur de la pointe. Toutefois, dans des structures mésoscopiques comme les anneaux quantiques, il est fréquent que la LDOS soit dominée par quelques états seulement, ce qui permet de rétablir la correspondance LDOS-ΔG décrite plus haut. Un exemple d’une telle correspondance est donné sur la figure E1, où on peut voir une orbite semi-classique marquant de son empreinte à la fois la LDOS et l’image de conductance correspondante. ΔG (x i , EF ) = 2U Re [GiR, i (EF )] G où U est l’énergie potentielle de la perturbation et G la conductance non perturbée. Comme par ailleurs la partie imaginaire de la fonction de Green locale est proportionnelle à la densité locale d’états (LDOS) : ρ(x i , EF ) = – 1 Im [GiR, i (EF )] π on trouve que la correction de conductance ΔG est liée à la LDOS par une relation de type Kramers-Kronig, basée sur la transformée de Hilbert : ΔG (x i , EF ) = 2U P G ∫ dE 1 ρ(x i ,E ) EF − E où P désigne la partie principale de l’intégrale et EF l’énergie de Fermi. Ceci est valable dans le régime de la réponse linéaire qui est respecté tant que la perturbation de la pointe n’est pas trop grande par rapport à l’énergie de l’état propagatif considéré et que son extension spatiale n’excède pas la demi-longueur d’onde de Fermi du système (environ 10 nm dans les structures envisagées dans cet article). Puisque la transformée de Hilbert est la convolution de la LDOS avec l’inverse de l’énergie de Fermi, nous pouvons remarquer qu’elle peut aussi être interprétée comme un filtre agissant sur les états les plus proches du niveau de Fermi. calculs ont été faits sur un anneau idéal en GaInAs de dimension comparable aux anneaux sur lesquels les expériences ont été réalisées. Le motif qui apparaît sur la figure 4a est très sensible aux variations d’énergie de Fermi, et n’est donc qu’un exemple. De plus il ne peut pas être directement comparé aux résultats expérimentaux, car il n’est pas possible de connaître parfaitement les détails du profil de potentiel et la configuration exacte des impuretés et des défauts au sein de l’anneau réel. A très petite échelle, des oscillations concentriques de LDOS sont visibles dans l’anneau sur la figure 4a. La périodicité spatiale de ces oscillations correspond à la longueur d’onde de Fermi (la Figure E1 – (a) Densité d’états locale et (b) image de conductance simulées pour un anneau quantique de paramètres réalistes (largeur 120 nm, diamètre intérieur 280 nm et diamètre extérieur 530 nm). Les orbites semi-classiques sont visibles dans les deux cas. La perturbation simulant l’effet de la pointe est prise sous la forme d’un potentiel à longue portée : U(r) = U0/(1 + (r/σ)2) avec U0 = EF/50 (EF vaut typiquement 100 meV dans nos anneaux quantiques) et σ = 10 nm. longueur d’onde des électrons à l’énergie de Fermi, 20 nm dans le cas présent). A plus grande échelle, la LDOS est caractérisée par quatre franges radiales très marquées, correspondant à un état résonnant de l’anneau. De manière analogue à l’expérience SGM, l’influence d’une perturbation locale de potentiel sur la conductance de l’anneau peut être simulée en chaque point de la structure. La figure 4b présente une telle image SGM simulée, obtenue pour un potentiel de perturbation d’extension latérale très réduite (5 nm). En comparant les figures 4a et 4b, on remarque directement que tous les détails visibles dans l’image de LDOS simulée sont visibles également dans 53 Imager les interférences quantiques dans les semi-conducteurs Figure 5 – (a-c) Simulation des variations de la conductance G(x, y) du même anneau que sur la figure 4, soumis à un potentiel perturbateur d’extension spatiale σ = 20 nm et d’amplitude Vtip = 0,5, 1, et 1,5 mV, respectivement. l’image SGM. Ceci veut donc dire que, en principe, la technique SGM est capable de réaliser une cartographie de la densité locale d’états dans des systèmes électroniques confinés (voir encadré). Comme indiqué plus haut, la perturbation de potentiel engendrée par la pointe dans l’expérience a vraisemblablement une extension spatiale beaucoup plus importante que dans le cas « idéal » présenté à la figure 4b. L’élargissement de la perturbation fait disparaître les détails les plus fins dans l’image SGM, comme le montrent les figures 4c et 4d où les oscillations concentriques disparaissent, tout en maintenant visibles les franges radiales. Outre l’extension latérale de la perturbation, il est également important d’examiner l’effet de son amplitude. La figure 5 présente trois images SGM simulées pour trois valeurs différentes d’amplitude de perturbation. On voit directement que l’aspect général du motif radial présent dans la LDOS simulée est conservé dans les trois images SGM, et que l’amplitude des franges de conductance s’accroît avec l’amplitude de la perturbation. Au-delà d’une certaine amplitude, on voit apparaître un comportement non linéaire à certains endroits : sur l’image de droite, des minima apparaissent au niveau des quatre franges radiales, qui sont absents sur l’image de LDOS. Un effet comparable est observé expérimentalement lorsque l’on enregistre des images SGM pour différentes tensions appliquées sur la pointe. Ces simulations permettent donc de conclure que les franges observées dans la partie centrale des images SGM expérimentales sont directement liées à des états résonnants dans la LDOS au sein de nos anneaux. Dès lors, la SGM peut être vue d’une certaine manière comme l’équivalent de la microscopie à effet tunnel pour les systèmes électroniques enterrés sous une couche isolante. Quelques perspectives D’autres géométries pourraient être intéressantes à étudier comme les cavités elliptiques qui ont la propriété de faire converger aux deux foyers un grand nombre de trajectoires balistiques se réfléchissant sur les parois. De plus, lorsqu’une onde est diffusée de manière isotrope à 54 partir de l’un des foyers, toutes les trajectoires possèdent le même déphasage et interfèrent constructivement au second foyer, donnant un effet d’amplification bien connu en acoustique. Dans le domaine de la physique quantique, un effet mirage a ainsi pu être observé par STM sur un corral atomique elliptique pourvu d’un atome supplémentaire à l’un de ses foyers4. Cet effet mirage provoque un maximum de densité d’états au second foyer, comme si un autre atome s’y trouvait. Cette expérience démontre la possibilité de transporter de l’information en utilisant les états quantiques et en jouant sur leurs interférences. Un tel résultat en géométrie elliptique n’a pas encore été démontré dans les hétérostructures de semi-conducteurs, mais pourrait maintenant être étudié par microscopie SGM. L’imagerie des fonctions d’ondes et des interférences électroniques dans les nanostructures n’est qu’une des potentialités de la microscopie SGM. Un groupe de l’université de Harvard l’a mise en œuvre pour imager les trajectoires électroniques dans de larges régions ouvertes sans confinement5. Cette expérience consistait à injecter ponctuellement des électrons dans le demi-plan d’un système électronique bidimensionnel grâce à un contact ponctuel quantique (QPC pour Quantum Point Contact). Les images de SGM dans ce demi-plan ont montré notamment que les électrons ne diffusent pas de manière isotrope, mais sous la forme d’un faisceau de trajectoires qui se dispersent en se ramifiant tout en s’éloignant du QPC. La comparaison avec des simulations numériques a montré que les électrons suivent en fait des vallées peu profondes du paysage de potentiel qui n’est jamais parfaitement uniforme à cause de la présence de défauts ou de charges à proximité du plan électronique. De manière plus générale la microscopie SGM pourrait aussi permettre de répondre à certaines questions toujours ouvertes en physique mésoscopique, notamment autour de l’effet Hall quantique6. POUR EN SAVOIR PLUS B.J. LeRoy et al., « Imaging Electron Interferometer », Phys. Rev. Lett., 94, 126801 (2005). B. Hackens et al., « Imaging and controlling electron transport inside a quantum ring », Nature Phys., 2, 826 (2006). F. Martins et al., « Imaging electron wave functions inside open quantum rings », Phys. Rev. Lett., 99, 136807 (2007). M.G. Pala et al., « Local density of states in mesoscopic samples from scanning gate microscopy », Phys. Rev. B., 77, 125310 (2008). Ont également participé à ce travail F. Martins, V. Bayot, T. Ouisse, S. Baltazar, L. Desplanque, X. Wallart, A. Cappy. 4. Quantum mirages formed by coherent projection of electronic structure, H.C. Manoharan et al., Nature, 403, 512 (2000). 5. Coherent branched flow in a two-dimensional electron gas, M.A. Topinka et al., Nature, 410, 183 (2001). 6. Quantum Hall effect transition in scanning gate experiments, A. Baumgartner et al., Phys. Rev. B, 76, 085316 (2007).