Economie politique Classe de 1G de l’enseignement secondaire Commission Nationale des Programmes en Sciences Economiques et Sociales septembre 2016 MACROECONOMIE Etat Entreprises Ménages Monde L’Etat - rôle économique et social Chapitre 1 L’Etat - rôle économique et social 1.1 Les rôles de l’Etat Le Traité de Maastricht définit le secteur public comme entité renfermant - l’Administration centrale (Etat), - les administrations locales (communes) ainsi que - la Sécurité Sociale Le secteur public est un acteur qui, par son comportement, influence largement la vie économique et sociale. L’intervention de l’Etat, telle que nous la connaissons aujourd’hui, remonte à la fin de la Seconde Guerre mondiale. De nos jours, la conception du rôle joué par l’Etat fait l’objet de controverses : - augmentation du coût des prestations sociales, - difficultés de financement, - perte d’efficacité des systèmes de redistribution, - réglementations excessives, - découragement de l’initiative personnelle, etc. La recherche du meilleur équilibre entre secteur privé et secteur public est à l’origine de discussions passionnées. Economie politique I ère G 3 4 Macroéconomie 1.1.1 Un rôle passif: L’Etat ”veilleur de nuit” (Nachtwächterstaat) Au 19e siècle, le rôle de l’Etat était limité à quelques fonctions clés que l’on considérait comme faisant fondamentalement partie du secteur public. Parmi les domaines d’activité, l’on peut citer, entre autres, l’enseignement public de base, la construction et l’entretien d’infrastructures collectives, le système juridique, l’organisation de la défense nationale, la sauvegarde de l’ordre intérieur, etc. L’Etat préférait ne pas intervenir dans les affaires économiques conformément à la célèbre formule du ”laisser faire, laisser passer” de Gournay1. Sous l’influence de la doctrine du libéralisme économique, on considérait que les lois du marché étaient plus aptes à régler le fonctionnement de l’économie que toutes les formes d’intervention publique. Les économistes de l’école classique 2 (Adam Smith, David Ricardo, Jean Baptiste Say, etc.) étaient globalement les défenseurs du libéralisme économique. L’action gouvernementale se limitait à définir le cadre au sein duquel les entreprises pouvaient exercer leur activité économique et à veiller au respect des lois et règlements. Dans le domaine social, l’intervention de l’Etat était également bien circonscrite. Elle se limitait ”aux enfants abandonnés, aux indigents, aux malades incurables, aux invalides, aux vieillards qui ne sont plus capables de trouver par leur travail de quoi subsister”3. C’est au lendemain de l’indépendance que l’on trouve la première disposition sociale au Luxembourg. Il s’agit de la loi de 1843 imposant aux communes le devoir de soutenir les nécessiteux non valides par l’intermédiaire des bureaux de bienfaisance établis dans chaque commune4. On peut en conclure que l’intervention des pouvoirs publics dans la vie économique et sociale était minime. Les dépenses de l’Etat ne représentaient qu’une fraction infime du P.I.B. dans les pays de l’Europe occidentale et des Etats-Unis (en moyenne 8,3% du P.I.B. en 1870 5). 1 Vincent de Gournay (1712-1759), administrateur et économiste français La période de l’école classique s’écchelonne de 1776 (date de la publication de l’ouvrage d’A. Smith ”Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations”) à 1874, début de la période néo-classique ou marginaliste. 3 F. DEMIER, Sciences Economiques et Sociales Term ES, Bordas, 1999, p.386. 4 STATEC, Histoire quantitative du Luxembourg 1839-1990, p.318 5 Vito TANZI et Ludger SCHUKNECHT, La réforme de l’Etat dans les pays industrialisés, LL , No 39, 27/09/1996, p. 8. 2 I ère G Economie politique Chapitre 1 L’Etat - rôle économique et social 1.1.2 Un rôle actif : l’Etat interventionniste La grande dépression des années 1930, déclenchée par les événements du fameux Jeudi Noir de Wall Street (krach boursier en octobre 1929), fut à l’origine d’une nouvelle conception de l’Etat. En effet, la juxtaposition de crises qui ont bouleversé les économies des pays industrialisés avait déclenché un processus de réflexion dans les milieux économiques et politiques. La dépression économique avait montré que la seule initiative privée était incapable d’assurer l’équilibre économique et social. L’intervention de l’Etat est alors apparue comme indispensable pour réaliser cet équilibre. Alors qu’au 19e siècle et même jusqu’à la grande crise de 1929, les responsables politiques considèrent le ”plus petit budget” de l’Etat comme étant le meilleur, ils optent systématiquement, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, pour un Etat actif et interventionniste. Les premières expériences interventionnistes pour sortir de la crise économique datent du début des années 1930 : il s’agit du ”New Deal” du président américain Roosevelt et du programme de relance de l’économie allemande sous Hitler. Marqué par l’ampleur du chômage, l’économiste anglais John Maynard Keynes 6, rompt avec la pensée économique du 19e siècle. Keynes prône l’intervention de l’Etat au cas où la demande effective des ménages et des entreprises s’avérerait insuffisante. Puisque la production doit être planifiée, les entrepreneurs doivent décider du volume d’activité avant que la demande ne s’exprime sur le marché. Pour cela, ils doivent anticiper la demande des ménages et des autres entre- preneurs ; cette demande anticipée porte aussi le nom de demande effective. Celle-ci dépend dans une très large mesure du caractère optimiste ou pessimiste des prévisions des entrepreneurs. Les keynésiens ne voient pas dans l’action gouvernementale une intervention permanente dans le déroulement des affaires ; il s’agit tout simplement de donner un coup de main à un système en difficulté. 6 ”Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie” publié en 1936. Economie politique I ère G 5 6 Macroéconomie Soulignons que l’intervention étatique n’a pas pour objet de supprimer la libre concurrence, mais d’atténuer les effets négatifs et parfois néfastes d’une concurrence sauvage et déloyale. Elle n’a pas non plus comme but de se substituer à l’initiative privée, mais de combler l’absence de celle-ci dans certains domaines (enseignement, santé, infrastructures collectives, etc.). Les domaines d’intervention et les instruments correspondants sont très variés. Les autorités publiques peuvent par exemple : – adopter, dans certaines branches, le rôle d’entrepreneur (transports collectifs, production et distribution d’énergie, etc.) ; – aider certaines entreprises par l’octroi d’aides publiques (subventions, aménagements de zones industrielles, etc.) ; – limiter ou réprimer les abus de puissance économique par une législation appropriée (concernant la protection du consommateur, les ententes abusives entre entreprises, la fixation de prix maxima pour certains biens de première nécessité, etc.) Dès l’après-guerre, les pays européens développent des régimes étendus de sécurité sociale en améliorant ainsi sensiblement le bien-être de la population. L’Etat opère des transferts sociaux, basés sur le principe de la solidarité. On parle de redistribution de richesses, que l’on définit comme étant l’ensemble des opérations par lesquelles une partie des revenus est prélevée sur certains agents économiques pour être reversée au bénéfice d’autres. C’est la naissance de l’Etat-providence (Wohlfahrtsstaat, welfare state) qui se caractérise par un système d’assurances collectives, destiné à couvrir ses citoyens contre un certain nombre de risques sociaux. A titre d’illustration mentionnons l’assurance maladie, l’assurance pension, l’assurance invalidité, assurance chômage, etc. 1.2 Le budget de l’Etat Le budget de l’Etat se compose des recettes et des dépenses utilisées par l’Etat en tant que moyen d’intervention tant sur le plan économique que sur le plan social. Ainsi l’Etat luxembourgeois arrête, tous les ans, dans une loi budgétaire votée à la Chambre des Députés, avisée par le Conseil d’Etat et appréciée, entre autres, par les Chambres professionnelles, l’ensemble des recettes et dépenses prévues pour l’année à venir, c.-à-d. l’exercice budgétaire suivant. I ère G Economie politique Chapitre 1 L’Etat - rôle économique et social 1.2.1 Les recettes de l’Etat D’où proviennent les moyens financiers dont l’Etat a besoin pour mener à bien son intervention dans le domaine économique et social ? Nous distinguons trois sources de financement : a) Les recettes courantes : les impôts et taxes Il existe une grande variété d’impôts. L’art de la fiscalité consiste selon Colbert, ministre des finances sous Louis XIV, ”à plumer l’oie de façon à obtenir le plus possible de plumes avec le moins possible de cris”. L’Etat perçoit des impôts sur les revenus des personnes physiques et sur les bénéfices des entreprises. Les achats de biens et de services sont soumis à la TVA. Les droits d’accises portent sur l’essence, le tabac, l’alcool. La vignette est une taxe sur les véhicules automoteurs, etc. En fait, peu de transactions échappent à l’imposition. Les différents impôts imaginés par les pouvoirs publics peuvent être regroupés en impôts directs et impôts indirects (fig. 1.1). Fig. 1. 1 – Impôts directs et indirects L’analyse du circuit économique simplifié (fig. 1.2) permet de visualiser la place des deux catégories d’impôts dans une économie de marché. Economie politique I ère G 7 8 Macroéconomie La répartition entre impôt direct et indirect constitue un choix politique. En général, on considère que l’impôt direct est plus équitable que l’impôt indirect. L’impôt direct tient compte de la capacité contributive du contribuable. Tel n’est pas le cas pour l’impôt indirect qui frappe le consommateur indépendamment de sa situation sociale. Fig. 1. 2 – Circuit économique simplifié Les impôts : définitions et précisions – Impôt sur le revenu des personnes physiques. – Impôt fixé par voie d’assiette. C’est l’impôt qui est prélevé sur base d’une déclaration d’impôts sur l’ensemble des revenus imposables d’un contribuable. Cet impôt est progressif et il est fixé suivant un barème publié officiellement. – Impôt sur le revenu des collectivités. C’est l’impôt que payent les sociétés commerciales sur leurs bénéfices. I ère G Economie politique Chapitre 1 L’Etat - rôle économique et social – Impôt sur les traitements et salaires. C’est l’impôt retenu par les employeurs sur les salaires et traitements de leurs salariés et versé à l’Administration des contributions. Cet impôt est progressif et fixé suivant un barème officiel. – Impôt retenu sur le revenu des capitaux. C’est l’impôt à la source retenu sur les dividendes payés par les sociétés anonymes et les sociétés à responsabilité limitée. - L’impôt de solidarité. C’est la majoration d’impôt appliquée tant à l’impôt sur le revenu des personnes physiques qu’à l’impôt sur le revenu des collectivités. L’impôt de solidarité sert à alimenter le Fonds pour l’emploi. - Autres impôts. Il s’agit d’une partie des impôts indirects dont principalement la taxe sur le loto et le prélèvement sur le produit des jeux de casino ainsi que des taxes, redevances et remboursement de dépenses de fonctionnement comme p.ex. les redevances dues par les concessionnaires des pharmacies. Le taux optimal d’imposition : la courbe de Laffer L’économiste américain Arthur Laffer a établi une relation entre le taux d’imposition et les recettes fiscales (fig. 1.3) par laquelle il souhaite montrer qu’audelà d’un taux d’imposition optimal, une hausse supplémentaire du taux d’imposition entraîne une baisse de l’activité économique et une diminution des recettes fiscales. En d’autres mots ”trop d’impôt tue l’impôt”. Son raisonnement est le suivant : Pour un taux d’imposition t = 0%, les recettes fiscales sont nulles. A fur et à mesure qu’on augmente le taux d’imposition, les recettes fiscales de l’Etat vont augmenter jusqu’à un point ”I” qui représente l’optimum fiscal. Au-delà de ce point une augmentation additionnelle du taux d’imposition entraîne une diminution des recettes fiscales. En effet, les agents économiques sont de plus en plus incités à substituer des temps de loisir à leur activité professionnelle puisque le coût d’opportunité du loisir (le manque à gagner) tend à devenir inférieur à l’utilité des heures de loisir supplémentaires. En outre l’économie souterraine (travail au noir) et la fraude fiscale auraient tendance à se développer. Ainsi la diminution de la base imposable réduit les recettes fiscales malgré une hausse des taux d’imposition. Finalement à un taux d’imposition égal à t = 100%, les recettes fiscales seraient nulles; plus personne n’accepterait de travailler dans une économie où le revenu est entièrement versé à l’Etat. Economie politique I ère G 9 10 Macroéconomie Fig. 1. 3 – La courbe de Laffer b) Les autres recettes courantes Les autres recettes ont des origines très diverses. Elles proviennent : – d’intérêts de fonds publics déposés auprès des banques ; – de redevances encaissées en contrepartie de concessions accordées à certaines sociétés privées (Bourse de Luxembourg) ; – de revenus provenant des sociétés à participation publique, que l’on appelle des sociétés d’économie mixte (CREOS, ENOVOS, SEO, SES Global, Luxair, etc.) et de l’exploitation d’entreprises publiques (POST Luxembourg, SNCI, Office Du Ducroire, Banque Centrale du Luxembourg, etc.) ; – de taxes sur le produit brut des jeux (Casino 2000) ; – de recettes, de moindre importance, ayant leur origine dans la location d’immeubles ou de la vente de biens meubles (vente de bois). Les impôts et les autres recettes de l’Etat constituent les recettes courantes de l’Etat. I ère G Economie politique Chapitre 1 L’Etat - rôle économique et social c) Les recettes en capital Les recettes en capital présentent un caractère non récurrent. Une vente de participations publiques en constitue un exemple. Lorsque les recettes de l’Etat sont insuffisantes pour couvrir les dépenses, les responsables font appel à l’emprunt qui est considéré comme une recette en capital. Toutefois l’emprunt public représente une ”recette” d’une nature particulière, car contrairement aux autres recettes de l’Etat, il faudra prévoir son remboursement. 1.2.2 Les dépenses de l’Etat Au niveau de la nation, les prévisions des différents ministères (départements ministériels, administrations et services publics, etc.) sont inscrites dans le budget. En avançant leurs propositions, les responsables des départements ministériels tablent sur les expériences faites lors des exercices budgétaires écoulés tout en tenant compte des projets futurs qu’ils désirent réaliser. a) Les dépenses courantes Les dépenses publiques courantes ou dépenses de fonctionnement comprennent les trois postes suivants : * la consommation publique – traitements/salaires/pensions des fonctionnaires et employés de la fonction publique ; – loyers, frais de fonctionnement des administrations publiques, achats de biens et services, etc. * les transferts – subventions aux entreprises ; – transferts aux ménages (allocations familiales, bourses pour études, allocation de rentrée scolaire, primes de naissance, congé parental, allocations de chômage, aides en faveur du logement, contribution publique au financement de l’assurance maladie, vieillesse, invalidité, etc.) ; – transferts au reste du monde (UE, ONU, pays en développement, etc.) ; * les intérêts de la dette publique. Economie politique I ère G 11 12 Macroéconomie N.B. Une partie non négligeable de ces dépenses prévues dans le budget de l’Etat est le résultat d’un ensemble de dépenses récurrentes qui ne peuvent pas être supprimées d’une année à l’autre. C’est le cas, par exemple, pour les dépenses de consommation et les dépenses sociales. Plus ces charges sont élevées, plus la marge de manœuvre en faveur des projets extraordinaires sera faible. b) Les dépenses en capital En principe, les dépenses en capital correspondent aux dépenses destinées à augmenter le patrimoine public. On parle encore de dépenses d’investissement. Exemples : investissements publics (infrastructures routières, musée, salle de concert, aérogare du Findel, construction d’écoles, etc.), prises de participation dans des entreprises privées, financement des entreprises publiques. Le remboursement de la dette publique fait également partie des dépenses en capital. 1.2.3 Le solde budgétaire Le solde budgétaire est la différence entre les recettes courantes de l’Etat (T) et ses dépenses (G) : SB = T − G Il y a : – excédent budgétaire si SB > 0 – déficit budgétaire si SB < 0 – équilibre budgétaire si SB = 0. D’une façon générale, un déficit budgétaire peut être financé par l’endettement public et/ou l’utilisation de réserves budgétaires résultant des excédents des années précédentes. L’endettement public se subdivise en dette intérieure et dette extérieure. L’endettement public est soit à court terme (émission de bons du Trésor), soit à long terme (émission d’obligations de l’Etat). L’endettement peut également être effectué auprès du système bancaire et notamment de la Banque centrale. Dans ce cas le financement est monétaire, c.-à-d. assuré par création de monnaie. Notons que le recours au financement du déficit budgétaire par la Banque centrale est interdit dans l’Union européenne. I ère G Economie politique Chapitre 1 L’Etat - rôle économique et social 1.3 Les objectifs de la politique économique Les objectifs d’un Etat et plus particulièrement de son gouvernement sont très variés et ne sont pas tous de nature économique. Assurer le bien-être social et moral d’un pays relève de la politique sociale, de la politique de l’enseignement et de la formation professionnelle, de la politique culturelle et autres. Assurer le bien-être matériel d’une population relève certainement de la politique économique, tout comme le but d’atteindre un développement économique soutenu et stable. 1.3.1 Objectifs principaux L’objectif général est une économie performante et compétitive qui évite au mieux les déséquilibres macroéconomiques (chômage, inflation, etc.) qui affaiblissent ou perturbent l’activité économique. Encore faut-il formuler ces objectifs de manière plus précise. Nous le ferons sur base de trois caractéristiques fondamentales de tout état de l’économie : le niveau de l’emploi, la variation du niveau général des prix et la croissance économique. Dans pratiquement tous les pays du monde ces trois objectifs sont reconnus comme essentiels, même si les programmes gouvernementaux peuvent diverger fortement entre eux, par le degré d’importance qu’ils accordent à ces trois composantes ou par les instruments mis en œuvre pour atteindre ces buts. La recherche du plein-emploi est un objectif fondamental de tout gouvernement, défini même dans la Charte des Nations Unies et dans les traités européens. Cet objectif macroéconomique est formulé et mesuré par le taux de chômage, qui exprime le nombre de chômeurs par rapport à la population active. Le cas idéal et donc irréaliste serait de fixer ce taux à zéro. En théorie économique on parle souvent du taux de chômage incompressible, comme limite du possible. Le problème est de quantifier cette limite : située autour de 1% il y a trente ans, elle serait de 4-5% aujourd’hui. En réalité les taux de chômage se situent entre 4 et 25% et plus, suivant les époques et les pays. L’objectif de stabilité des prix signifie éviter aussi bien l’inflation que la déflation, phénomènes de hausse respectivement de baisse des prix qui peuvent causer de fortes perturbations économiques. Cet objectif se formule et se mesure par le taux d’inflation, exprimé en pourcentage de hausse annuelle de l’indice général des prix. Depuis la Seconde Guerre mondiale l’inflation cause problème, avec des taux de 5-10% annuels jusqu’en 1975 et même des pointes de 15-20% pendant les années 1975-1985. Economie politique I ère G 13 14 Macroéconomie A la suite des politiques anti-inflationnistes menées par les gouvernements occidentaux, le taux d’inflation a été ramené progressivement à des niveaux situés entre 2 et 4%. Notons que la Banque centrale européenne fixe son objectif à 2% d’inflation annuelle à ne pas dépasser. L’objectif de croissance économique se formule et se mesure par le taux de croissance du produit national brut (ou du PIB), en valeur réelle (inflation déduite) et en pourcentage par rapport à l’année précédente. Si la croissance économique ellemême est plutôt une affaire des entreprises et des consommateurs, le rôle reconnu de l’Etat est celui de stimulateur et d’accompagnateur en favorisant l’esprit d’entreprise, la recherche scientifique et l’innovation technologique tout comme l’enseignement et la formation professionnelle. Dans les pays émergents le taux de croissance peut atteindre jusqu’à 10%, dans les pays occidentaux ce taux est normalement situé entre 1 et 5%. En cas de récession il est négatif. Une croissance inférieure à 2% est généralement insuffisante pour freiner la hausse du chômage. Croissance du PIB en volume (en %) Etats-Unis Zone euro Luxembourg Taux d’inflation (en %) Etats-Unis Zone euro Luxembourg Taux de chômage (en %) Etats-Unis Zone euro Luxembourg 2007 2009 2011 1,9 3 6,6 -3,5 -4.4 -5,2 1,7 1,5 1,5 2,8 2,1 2,3 -0,3 0.3 0,4 3,1 2,7 3,4 4,6 7.6 4,2 9,3 9,6 5,1 8,9 10,2 5 Fig. 1. 4 – Perspectives économiques mondiales selon l’OCDE 1.3.2 Objectifs secondaires A côté de ces trois objectifs fondamentaux sont apparus divers autres objectifs que l’on pourrait qualifier de secondaires, non pas qu’ils soient moins importants, mais parce que souvent ils découlent ou sont dépendants des premiers. I ère G Economie politique Chapitre 1 L’Etat - rôle économique et social L’équilibre extérieur concerne les échanges économiques avec le reste du monde (importations et exportations de biens, services et capitaux). Il est vrai qu’un pays ne peut pas financer indéfiniment un grave déficit extérieur, mais certains pays émergents ont volontairement assumé des déficits importants afin d’importer des technologies nouvelles et du know-how, stratégie somme toute très bénéficiaire pour leur développement économique. Certains de ces pays sont devenus aujourd’hui de très gros exportateurs présentant des balances commerciales fortement excédentaires. L’équilibre des finances publiques n’est pas non plus un dogme absolu. Là encore, un Etat ne peut pas voir grossir sa dette publique jusqu’à atteindre des proportions astronomiques, mais nous verrons dans les chapitres suivants qu’en cas de crise et de récession économiques, un gouvernement peut assumer un déficit budgétaire afin de relancer la demande quitte à devoir le combler par des excédents budgétaires en cas de croissance de l’activité économique et des recettes budgétaires. Assurer un certain degré d’équité ou de justice sociale grâce à une redistribution des revenus est un autre objectif de l’Etat, même si le niveau de redistribution est fortement tributaire de mentalités et de choix politiques. Mais il est certain qu’une forte croissance économique peut contribuer à mieux corriger les inégalités sociales et qu’une hausse de l’emploi permet de mieux financer les systèmes de sécurité sociale. L’équilibre écologique, la réparation et la prévention des dommages causés à l’environnement ainsi que la protection des ressources naturelles fondamentales sont en passe de devenir un nouvel objectif de la politique économique. Mais là encore le changement de mentalités est lent et très souvent la protection de l’environnement est considérée comme un luxe que seuls les pays riches peuvent se permettre de financer. Tous les objectifs cités sont interdépendants entre eux et leur compatibilité n’est pas du tout assurée. Très souvent des conflits d’objectifs apparaissent, par exemple entre croissance économique et protection de l’environnement, ou entre plein-emploi et stabilité des prix. En effet on remarque qu’une économie en forte expansion, arrivant progressivement aux limites de ses capacités de production, connaît des tensions inflationnistes de plus en plus fortes. Une politique anti-inflationniste rigoureuse risque par contre d’étrangler la croissance économique et de provoquer une hausse du chômage. De même, le retour à un équilibre des finances publiques peut provoquer de graves coupes dans les budgets sociaux. Les gouvernants sont donc constamment obligés de faire des choix politiques, parfois très douloureux. Economie politique I ère G 15 16 Macroéconomie Remarquons finalement qu’un gouvernement n’est jamais sûr d’atteindre un objectif visé, ni de le faire dans les délais et avec l’ampleur souhaités, car le secteur privé, ménages et entreprises, anticipent certaines mesures et réagissent face aux interventions publiques, et ces réactions peuvent être fort divergentes de ce à quoi on s’attendait. 1.4 La politique budgétaire en tant qu’instrument de la politique économique et sociale La réalisation des objectifs fixés par le gouvernement se fait moyennant la politique budgétaire qui peut avoir une vocation conjoncturelle, structurelle, sociale, écologique et européenne. 1.4.1 Politique conjoncturelle La conjoncture désigne l’ensemble des variations à court terme de l’activité économique. Le P.I.B., le chômage, le commerce extérieur, le niveau général des prix représentent autant d’indicateurs qui permettent d’analyser la situation économique d’un pays. Les autorités publiques tentent de corriger le niveau de l’activité économique par une politique anticyclique ou politique budgétaire keynésienne, destinée à fournir un contrepoids à l’activité privée jugée soit insuffisante soit excessive (voir fig. 1.5). Fig. 1. 5 – Politique de rigueur, politique de relance I ère G Economie politique Chapitre 1 L’Etat - rôle économique et social Dans un scénario de basse conjoncture avec une demande insuffisante et un chômage en hausse, l’Etat peut stimuler la demande des ménages et des entreprises par une politique de relance de la demande (politique budgétaire expansionniste) en se servant des instruments suivants : – une baisse des impôts permet d’accroître le revenu disponible (pouvoir d’achat) des ménages et le bénéfice des entreprises. Les responsables politiques s’attendent à une augmentation de la demande privée (consommation et investissement) qui peut être suivie d’une relance de la production et, par conséquent, d’un recrutement de travailleurs au chômage ; – une hausse des dépenses publiques permet de stimuler l’activité des entreprises (construction d’un lycée, d’une salle de concert, etc.) et d’augmenter la consommation des ménages (augmentation des allocations familiales, etc.). Illustrons cette politique de relance de la demande par un accroissement des dépenses publiques ΔG (politique budgétaire expansionniste, fig. 1.6) Ogl=Y Dgl Dgl’=C+I+G+∆G E’ E ’ Dgl=C+I+G A E’A = écart déflationniste E ∆G>0 45° YE YPE Y ∆Y = k∙∆G Fig. 1.6 – Politique budgétaire expansionniste Economie politique I ère G 17 18 Macroéconomie Le revenu national YE correspond à un équilibre E de sous-emploi dans lequel de nombreuses ressources restent inemployées. Par l’accroissement de leurs dépenses (ΔG > 0) égal à l’écart déflationniste E'A, les pouvoirs publics ont comme objectif d’atteindre un revenu national de plein-emploi YPE (équilibre E') et ainsi de réduire le chômage. Insistons encore sur le fait que les effets initiaux de la variation des dépenses publiques seront accentués par des effets d’entraînement (le multiplicateur keynésien) sur le niveau de l’activité économique : Imaginons que le gouvernement décide de stimuler l’activité du pays et augmente les investissements publics de 100 millions (construction de routes, d’hôpitaux, d’écoles, etc.). L’effet immédiat est évident : 100 millions de production intérieure supplémentaire. Mais, selon l’approche keynésienne, il existe des effets ultérieurs susceptibles de stimuler le PIB bien au-delà de l’effet initial. En effet, les 100 millions représentent 100 millions de production supplémentaire répartis entre les différents producteurs qui vont satisfaire les commandes de l’Etat. Mais toute production entraîne la distribution d’un revenu équivalent. Les 100 millions de travaux publics impliquent aussi 100 millions de revenus supplémentaires distribués dans l’économie. Si la propension marginale à consommer est égale à 0, 8 alors 80% de ces 100 millions seront consommés, et 20 millions seront épargnés. La production de biens de consommation va donc augmenter de 80 millions ; ces 80 millions de production impliquent à leur tour 80 millions de revenus supplémentaires dont 80% seront consommés ; la consommation va donc encore progresser de 64 millions supplémentaires, et ainsi de suite. Ainsi, les dépenses publiques exercent un effet multiplicateur sur le PIB. La progression du PIB n’est donc pas équivalente à celle des dépenses publiques ; elle est un multiple de l’impulsion initiale ! Dans un contexte de haute conjoncture avec une demande trop forte et un risque d’inflation, l’Etat pratique une politique de rigueur (politique budgétaire restrictive, fig.1.7) afin d’éviter une surchauffe de l’économie : hausse des taux d’imposition, réduction des dépenses publiques. I ère G Economie politique Chapitre 1 L’Etat - rôle économique et social Ogl=Y Dgl Dgl=C+I+G E’A = écart inflationniste E E ’ Dgl’=C+I+G+∆G A E’ ∆G<0 45° YPE YE Y ∆Y = k∙∆G Fig. 1.7 – Politique budgétaire restrictive L’activité économique est en surchauffe (Y E correspond à un équilibre E de suremploi des facteurs de production) et les pouvoirs publics diminuent leurs dépenses (ΔG < 0) de la valeur de l’écart inflationniste (AE') afin d’atteindre en E' le revenu national de plein-emploi (YPE). 1.4.2 Politique structurelle La politique budgétaire est dite structurelle lorsqu’elle vise l’extension ou le renforcement qualitatif et quantitatif de l’appareil de production. On parle d’une politique de l’offre qui vise à améliorer, à moyen et long terme, la compétitivité économique du pays. L’Etat favorise l’implantation d’entreprises nouvelles en développant les infrastructures publiques et en leur accordant une aide sous forme de subventions de capital, de bonifications d’intérêt, de dégrèvement fiscal, etc. Les politiques structurelles peuvent aussi avoir comme objectif de rendre moins onéreuse la production de biens et de services. Ainsi, le financement par l’Etat d’une partie des activités de recherche et de développement des entreprises peut être à l’origine d’une amélioration qualitative de l’appareil de production. Economie politique I ère G 19 20 Macroéconomie 1.4.3 Politique sociale C’est à l’Etat qu’incombe la tâche d’atténuer les inégalités, voire les injustices sociales, qui ont pu apparaître dans notre système économique. Ainsi l’Etat est appelé à organiser la sécurité sociale basée sur le principe de la solidarité. Dans nos sociétés caractérisées par le vieillissement de la population, par un chômage persistant, par des inégalités de revenu et de fortune, la solidarité entre les générations ainsi qu’entre les différentes couches sociales s’avère indispensable. Rappelons que la redistribution de richesses est l’ensemble des opérations par lesquelles une partie des revenus est prélevée sur certains agents économiques pour être reversée au bénéfice d’autres. A travers les transferts sociaux les pouvoirs publics exercent leur rôle redistributif. Citons notamment : les allocations familiales ; les allocations d’éducation, de naissance, de maternité ; les aides aux étudiants ; le revenu minimum garanti (RMG) ; les aides au logement ; le congé parental et le congé pour raisons familiales. 1.4.4 Politique écologique Les consommateurs et les producteurs, à la recherche de l’intérêt personnel et du profit, peuvent se désintéresser des incidences de leur comportement sur l’environnement naturel. Les dommages éventuels, parfois irréparables, ne sont pas nécessairement suivis de compensations ou de mesures réparatrices. Cette constatation vaut, entre autres, pour les productions qui provoquent une pollution de l’environnement naturel. La correction des défaillances du marché a malheureusement été trop longtemps négligée par l’Etat. Le coût des mesures réparatrices, comme par exemple la construction de stations d’épuration, alourdit le budget des dépenses de l’Etat. 1.4.5 Politique budgétaire et objectifs européens Le traité de Maastricht (1992) crée l’Union économique et monétaire UEM et fixe les conditions et le calendrier pour une monnaie européenne unique, l’euro. I ère G Economie politique Chapitre 1 L’Etat - rôle économique et social Il oblige les Etats membres à coordonner leurs politiques économiques : pour garantir le bon fonctionnement de l’UEM, des critères de stabilité liés notamment aux prix et aux budgets des pays ont été élaborés. Ces critères de référence prévoient que le déficit budgétaire (annuel) ne peut pas dépasser 3% du P.I.B. et la dette publique ne doit pas dépasser 60% du P.I.B. Le « pacte de stabilité et de croissance » (Dublin 1996) est destiné à surveiller la gestion saine des finances publiques dans la zone euro. Le but est de prévenir tout déficit budgétaire excessif, avec comme objectif à moyen terme un retour à l’équilibre budgétaire. La réforme du pacte de stabilité en 2005 admet sous certaines conditions (p.ex. efforts importants réalisés en matière de dépenses d’investissement ou de recherche) un dépassement temporaire des 3% du déficit budgétaire. Or, face à la crise, certains Etats membres n’ont pas réussi à respecter ces règles strictes et se sont livrés à des excès de déficit et d’endettement préjudiciables à l’ensemble de la zone euro. Voilà pourquoi, en 2011, les textes du « six-pack »7 ont introduit une nouvelle procédure concernant les déséquilibres macroéconomiques et un mécanisme renforcé de mise en œuvre. Finalement le « Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’UEM », ratifié le 29 mars 2013 par le Luxembourg, est le dernier instrument en vue de renforcer la discipline budgétaire. Le « pacte budgétaire » impose aux Etats de présenter des budgets en équilibre ou en excédent grâce à une règle d’équilibre structurel. Un mécanisme de correction, déclenché automatiquement, oblige les pays contractants qui s’écartent de l’objectif à moyen terme, de prendre des mesures détaillées pour corriger de façon durable leur déficit public excessif. Ainsi le traité renforce l’encadrement de la politique budgétaire de chaque Etat membre. 1.4.6 Le carré magique de Nicholas Kaldor Les politiques que nous venons de voir servent à l’Etat comme instruments afin d’atteindre ses objectifs. L’orientation d’une politique économique dépend donc du choix des objectifs. Ces objectifs nombreux sont souvent résumés à l’aide de quatre indicateurs : – la croissance économique, mesurée par le taux de croissance du PIB ; – le plein-emploi, mesuré par le taux de chômage ; – la stabilité des prix, mesurée par le taux d’inflation ; – l’équilibre des échanges extérieurs, mesuré par le solde de la balance courante (en % du PIB). 7 constitué par cinq règlements et une directive, textes entrés en vigueur le 13 décembre 2011. Economie politique I ère G 21 22 Macroéconomie Le caractère parfois contradictoire de ces objectifs oblige l’Etat à faire des choix différents selon la situation économique et sociale. L’économiste britannique Nicholas Kaldor8 a réalisé une représentation synthétique de ces quatre indicateurs sur un même graphique : le carré magique. Chacun de ces axes9 est doté d’une échelle autonome : – Nord (↑) : taux de croissance du PIB (-2 → 8) ; – Sud (↓) : solde de la Balance courante (-3 → 6) ; – Ouest (←) : taux de chômage (13 → 0) ; – Est (→) : taux d’inflation (13 → 0). Un point proche du centre du graphique (origine des quatre axes) décrit une mauvaise situation. Un point situé plus éloigné de l’origine des axes décrit une meilleure situation. Fig. 1. 7 – Le carré magique 8 Nicholas Kaldor, économiste britannique, né en Hongrie (1908-1986), l’un des principaux animateurs du courant post-keynésien. 9 ”Ce graphique ne doit pas être confondu avec un graphique polaire puisque premièrement, les vecteurs unitaires ne sont pas tous dirigés vers l’extérieur, et deuxièmement, les unités propres à chaque axe ne sont pas les mêmes.” Yves Perraudau, Economie générale, Librairie Vuibert 1995, p.78 I ère G Economie politique Chapitre 1 L’Etat - rôle économique et social Considérons, à titre d’exemple (voir fig. 1.8), les données suivantes : un taux d’inflation de 2%, un taux de chômage de 3%, un taux de croissance du PIB de 5% et un excédent de la balance courante de 2,5% du PIB. En reliant les quatre points obtenus sur le graphique, nous retrouvons un quadrilatère. Si la croissance économique est forte et s’accompagne d’une stabilité des prix, d’un taux de chômage faible et d’un solde de la balance courante positif, alors la surface sera importante et décrit ainsi une bonne situation économique. L’idéal est d’obtenir un carré décrivant une situation quasiment magique, puisque fort difficile à atteindre. Le carré magique peut être utilisé pour juger rapidement de l’évolution dans le temps des performances d’une économie en réalisant plusieurs carrés magiques sur un même graphique. Il peut également être utilisé afin de comparer rapidement, pour une année ou une période donnée, la situation de plusieurs pays. Rappelons que les autres objectifs de l’Etat, non repris dans le carré magique, sont d’assurer une certaine qualité de vie à ses citoyens, c.-à-d. d’essayer de réaliser la justice sociale et de protéger l’environnement naturel. 1.5 Intégration de l’Etat dans le modèle keynésien 1.5.1 Fonctions de comportement des agents économiques Le modèle macro-économique présenté ci-dessous se base sur le système d’une économie fermée faisant intervenir les agents économiques suivants : - les ménages, par leur consommation (C) ; - les entreprises, par l’investissement (I) ; - l’Etat, par les dépenses publiques (G) et les recettes publiques (T). a) les ménages La fonction de consommation (C) des ménages comprend une partie variable en fonction de leur revenu disponible (cY d) et une partie autonome (C0), indépendante du revenu. D’où : C = cYd + C0 ou bien : C = c(Y − T) + C0 La consommation variable cYd varie dans une proportion constante c avec le revenu national disponible Yd. Economie politique I ère G 23 24 Macroéconomie c = propension marginale à consommer et exprime la part d’un accroissement du revenu disponible qui est consommé. (P.ex. : c = 0,80 signifie que pour un revenu disponible supplémentaire de 1 €, 80% sont consommés, le reste est épargné.) Le revenu national disponible Y d correspond au revenu national diminué des impôts et taxes prélevés par l’Etat. Donc Y d = Y − T. b) les entreprises Pour simplifier le modèle macro-économique nous retenons un investissement autonome I = I0, c.-à-d. l’investissement reste invariable par rapport au revenu national. c) l’Etat Comme pour les entreprises, nous retenons des dépenses publiques invariables par rapport au revenu national : G = G0. Pour financer ses dépenses, l’Etat doit prélever des impôts et des taxes. L’impôt total (T) varie dans une proportion constante t par rapport au revenu national. D’où : T = tY. (P.ex. : t = 0,10 signifie que pour un revenu national de 1 €, l’Etat encaisse 0,10 € d’impôts.) 1.5.2 Détermination du revenu national d’équilibre YE La détermination du revenu national d’équilibre Y E passe par la condition d’équilibre : Offre globale = Demande globale. L’offre globale est constituée par le produit national qui est égal au revenu national. Ogl = Y La demande globale se compose de la demande de tous les agents économiques : Dgl = C + I + G I ère G Economie politique Chapitre 1 L’Etat - rôle économique et social A l’équilibre Ogl = Dgl D’où YE = C + I + G YE = cYd + C0 + I0 + G0 YE = c(YE − T) + C0 + I0 + G0 YE = c(YE − t YE) + C0 + I0 + G0 YE = c(1 − t) YE + C0 + I0 + G0 YE - c(1 − t) YE = C0 + I0 + G0 [1 - c(1 − t)] YE = C0 + I0 + G0 YE = 𝐂𝐨 + 𝐈𝐨 + 𝐆𝐨 𝐤= 𝟏 – 𝐜(𝟏 – 𝐭) 𝟏 𝟏 − 𝐜(𝟏 − 𝐭) Economie politique = 𝟏 𝟏 – 𝐜(𝟏 – 𝐭) (𝐂𝐨 + 𝐈𝐨 + 𝐆𝐨) (k = multiplicateur keynésien) I ère G 25 26 Macroéconomie 1.5.3 Applications 1) Supposons une propension marginale à consommer c = 0,75 ; un taux d’imposition t = 0,20 ; un investissement autonome I 0 = 40 ; une dépense publique G0 = 30 et une consommation autonome C 0 = 10. a) déterminer le revenu national d’équilibre Y E ; b) représenter graphiquement cet équilibre ; c) quelle est la valeur du multiplicateur des dépenses publiques ? d) de combien varie Y si ΔG = +10 ? Quelle conclusion peut-on tirer ? 2) A partir des données suivantes c = 0,85 ; T = 20% de Y ; C0 = 130 ; I0 = 300 ; G = 450 + 0, 1Y a) déterminer la valeur d’équilibre du revenu national ; b) calculer le multiplicateur des dépenses publiques ; c) évaluer le solde budgétaire sur base de ce revenu national et d) indiquer les possibilités de son financement. 3) On donne les équations de comportement suivantes dans une économie fermée : C = 100 + 0, 8(Y − T) T = 0, 25Y I0 = 140 G0 = 200 a) déterminer la valeur d’équilibre du revenu national ; b) déterminer le solde budgétaire ; c) supposons un revenu national de plein-emploi de 1225. Quelle est la politique budgétaire appropriée pour atteindre ce revenu national ? De quel montant doivent varier les dépenses publiques pour combler l’écart déflationniste/inflationniste ; d) comment évolue le solde budgétaire ? I ère G Economie politique Chapitre 1 Monnaie et politique monétaire Chapitre 2 Monnaie et politique monétaire La politique budgétaire et la politique monétaire figurent parmi les principaux instruments de la politique économique d’un pays. La politique budgétaire est mise en œuvre par le gouvernement, tandis que la politique monétaire est du ressort de la banque centrale. 2.1 La Banque Centrale 2.1.1 Mission et objectif d’une Banque centrale La banque centrale a pour mission d’émettre la monnaie fiduciaire sous forme de billets de banque et de pièces de monnaie. Dans le système bancaire d’un pays, la banque centrale dispose d’un statut particulier; elle se trouve au sommet de la hiérarchie. En tant que ”banque de premier rang”, elle assume le rôle de prêteur à l’égard des banques ordinaires. Ces dernières, encore appelées ”banques de second rang” 10, s’adressent à la banque centrale pour lui demander des crédits au cas où les ressources disponibles des déposants (épargnants) seraient insuffisantes pour faire face aux retraits des épargnants et aux demandes de crédit des emprunteurs (investisseurs). Mais l’action de la banque centrale ne se limite pas à ce rôle de pourvoyeur de fonds aux banques ordinaires. En général, une banque centrale poursuit les deux objectifs suivants : 10 Par la suite, les ”banques de second rang” seront désignées par ”banques ordinaires” ou ”banques”. Economie politique I ère G 27 28 Macroéconomie – maintenir la stabilité des prix, c.-à-d. sauvegarder le pouvoir d’achat de la monnaie nationale en évitant toute inflation et déflation démesurées; – soutenir la croissance économique. 2.1.2 La Banque Centrale Européenne (BCE) La Banque centrale européenne11, créée le 01.06.1998 et installée à Francfort, est une institution monétaire indépendante par rapport à tout pouvoir politique. Le Traité de Maastricht (traité instituant l’Union économique et monétaire ”UEM” et signé à Maastricht le 7 février 1992) retient que la BCE doit poursuivre comme objectif principal le maintien de la stabilité des prix12, préservant ainsi le pouvoir d’achat de l’euro. Néanmoins, le Traité de Maastricht précise également que, sans préjudice de l’objectif principal, la BCE peut apporter son soutien aux politiques économiques générales de l’Union européenne (par exemple combattre le chômage, favoriser une croissance économique élevée, etc.). Ainsi, les missions fondamentales de la BCE consistent à : – émettre les billets de banque dans la zone euro ; – définir et mettre en œuvre la politique monétaire de la zone euro ; – conduire les opérations de change, détenir et gérer les réserves officielles de change des pays de la zone euro ; – promouvoir le bon fonctionnement des systèmes de paiement. 11 En se conformant strictement au Traité de Maastricht de 1992, les missions indiquées ci-dessus reviennent à l’”Eurosystème” qui est le dispositif regroupant la BCE et les banques centrales nationales (BCN) de la zone euro. Toutefois, l’actualité économique utilise le plus souvent la notion de BCE au lieu de ”Eurosystème”. 12 ”Afin de permettre au public d’évaluer le succès de la politique monétaire unique, la BCE a annoncé une définition précise de son objectif principal. La stabilité des prix a été définie comme une progression sur un an des prix à la consommation inférieure à 2%”. BCE, Banque centrale européenne, avril 2000, p. 25. I ère G Economie politique Chapitre 2 Monnaie et politique monétaire 2.1.3 La Banque Centrale du Luxembourg (BCL) Avant l’introduction de l’euro, le franc luxembourgeois et le franc belge coexistaient au Luxembourg depuis 1922, en vertu du Traité de l’Union économique et monétaire avec la Belgique (UEBL). En 1998, année précédant l’introduction de l’euro, le Luxembourg a créé sa propre banque centrale, la Banque centrale du Luxembourg (BCL). Aujourd’hui, le Luxembourg, au même titre que tous les autres pays de la zone euro, est représenté dans le conseil des gouverneurs, principal organe de décision de la Banque centrale européenne qui fixe la politique monétaire commune pour la zone euro. Comme pour toutes les banques centrales nationales, la Banque centrale du Luxembourg exécute les décisions de la Banque centrale européenne. 2.2 La politique monétaire de la BCE Pour éviter tout déséquilibre monétaire, qu’il soit inflationniste ou déflationniste, un rôle croissant revient aujourd’hui à la politique monétaire poursuivie par la banque centrale. 2.2.1 Le taux d’intérêt directeur Pour influencer la masse monétaire en circulation, la banque centrale dispose d’instruments multiples et complexes. Un des principaux instruments de la politique monétaire est le taux d’intérêt directeur (Leitzinssatz). Pour financer leurs dépenses de consommation et d’investissement, les ménages et les entreprises peuvent demander des crédits auprès des banques ordinaires au prix d’un taux d’intérêt à payer. Les banques à leur tour, ayant un besoin de liquidités, s’adressent à la banque centrale en lui demandant des crédits dont le prix dépend d’un taux d’intérêt appelé taux d’intérêt directeur. Economie politique I ère G 29 30 Macroéconomie Il va sans dire que si la banque centrale augmente (ou réduit) son taux d’intérêt directeur, les banques ordinaires vont suivre et procèdent également à une hausse (ou à une baisse) de leur taux d’intérêt (fig. 2.1). Fig. 2. 1 – Le taux d’intérêt directeur 2.2.2 La politique monétaire restrictive et expansionniste La politique monétaire restrictive est mise en œuvre pour garantir la stabilité des prix. La politique monétaire expansionniste vise, dans un contexte caractérisé par une maîtrise de l’inflation, à stimuler la croissance économique et à diminuer le chômage. a) La politique monétaire restrictive Lorsque les risques d’inflation s’accentuent, la banque centrale doit réagir et combattre ces tensions inflationnistes. Ainsi, la banque centrale augmente son taux d’intérêt directeur et décide, par-là, de mettre en œuvre une politique dite restrictive visant à restreindre la croissance de la masse monétaire en circulation. Par la suite, les banques ordinaires, à leur tour, augmentent leur taux d’intérêt sur les prêts accordés. Face à ce renchérissement du crédit, les agents économiques demandent moins de crédits. Les ménages et les entreprises diminuent leurs consommations et investissements, de sorte que la demande globale de biens et de services se réduit. I ère G Economie politique Chapitre 2 Monnaie et politique monétaire Ce rétrécissement du volume de la demande globale enlève la pression sur les prix et l’inflation diminue ou, du moins, augmente moins rapidement. Il y a toutefois des limites à l’efficacité de la politique monétaire restrictive. Il se peut qu’une hausse des taux d’intérêt provoque un effet contraire. Si, par exemple, les ménages et les entreprises s’attendent à de nouvelles hausses futures des taux d’intérêt, ils accélèrent leurs consommations et investissements en demandant encore plus de crédits. b) La politique monétaire expansionniste En partant d’une situation économique caractérisée par une inflation maîtrisée et une croissance économique faible, la banque centrale, dans un souci de relancer l’activité économique, peut réviser son taux d’intérêt directeur à la baisse. Les banques ordinaires réduisent à leur tour le taux d’intérêt demandé sur leurs prêts accordés. Incités par un crédit bon marché, les agents économiques demandent plus de crédits. La demande privée (consommation et investissement) est stimulée, et la demande globale de biens et de services augmente. La production nationale est relancée et entraîne généralement une diminution du chômage. Notons, une fois de plus, que la politique monétaire expansionniste connait également des limites. La seule diminution du taux directeur n’est pas forcément suffisante pour relancer l’activité économique. Beaucoup dépend des attentes des entreprises et des ménages. En effet : – si les firmes estiment que le marché n’offre pas de nouveaux débouchés, elles n’investiront pas, même si le taux d’intérêt est faible ; – si les particuliers préfèrent épargner face à un avenir incertain, la baisse des taux d’intérêt ne contribue guère à une augmentation de la consommation. 2.2.3 Les instruments de la politique monétaire de la BCE La banque centrale européenne dispose de 3 types d’instruments pour mettre en œuvre sa politique monétaire : les opérations d’open market, les facilités permanentes et les réserves obligatoires. Economie politique I ère G 31 32 Macroéconomie a) Opérations d’open market Les opérations d’open market jouent un rôle important dans la politique monétaire européenne. Nous nous limitons ci-après à la présentation des deux principales opérations : - Les ”opérations principales de refinancement” constituent le principal canal de refinancement du secteur financier. Elles sont destinées à fournir au système bancaire les liquidités dont il a besoin. Par ces opérations principales de refinancement, la BCE accorde des prêts aux banques contre des dépôts de sûretés (obligations d’Etat, etc.). Le taux d’intérêt minimal appliqué aux opérations principales de refinancement est ce qu’on appelle le ”taux directeur”, plus connu, dans les milieux financiers, sous l’appellation ”Taux REFI” (Leitzinssatz). Par une baisse de ce taux directeur, la BCE met en œuvre une politique monétaire expansionniste, tandis qu’une hausse de ce taux est l’expression d’une politique monétaire restrictive. Les opérations principales de refinancement sont effectuées hebdomadairement et pour une durée d’une semaine. - Par les ”opérations de refinancement à plus long terme”, la BCE fournit des liquidités additionnelles au système bancaire. Ces opérations sont réalisées mensuellement et pour une période de trois mois. Par le biais de ces deux types d’opérations la BCE peut, soit injecter des liquidités supplémentaires dans le système financier (politique monétaire expansionniste), soit en retirer (politique monétaire restrictive). b) Facilités permanentes Les facilités permanentes permettent à la BCE de fournir (politique monétaire expansionniste) ou de retirer (politique monétaire restrictive) des liquidités au jour le jour (à 24 heures). Deux facilités permanentes sont à la disposition des établissements de crédits : - La facilité de prêt marginal - permet aux banques qui ont besoin de liquidités de fin de journée d’obtenir de leur Banque centrale nationale (BCN) les liquidités nécessaires (les banques vont emprunter over night) contre des dépôts de sûretés. - Les banques peuvent aussi utiliser la facilité de dépôt marginal (dépôt over night) pour effectuer des dépôts au jour le jour auprès de leur BCN. I ère G Economie politique Chapitre 2 Monnaie et politique monétaire c) Réserves obligatoires La BCE impose aux établissements de crédits de la zone EURO un minimum de réserves obligatoires à détenir en compte courant rémunéré auprès de la banque centrale de son pays. Le montant des réserves obligatoires à constituer par chaque établissement est déterminé en fonction d’éléments de son bilan (dettes à vue, dettes à préavis ≤ à 2 ans, dettes à terme ayant une échéance initiale ≤ à 2 ans, etc.). Ces réserves obligatoires ne pourront pas être utilisées par les établissements de crédits pour les prêter à leurs clients. Depuis le 1er janvier 1999, le coefficient de réserves imposé par la BCE n’a pas changé et s’élève à 2%. Néanmoins, d’autres banques centrales appliquent l’instrument des réserves obligatoires de façon plus active : – si une banque centrale augmente le coefficient de réserves, moins de crédits pourront être accordés par les banques, de sorte que l’augmentation de la masse monétaire est freinée. Dans pareil cas, la banque centrale pratique une politique monétaire restrictive ; – en abaissant le coefficient des réserves obligatoires, la banque centrale favorise l’octroi de crédits et l’augmentation de la masse monétaire : une politique expansionniste est mise en œuvre. 2.3 Impact de la monnaie sur l’économie réelle D’après Keynes, le niveau du revenu national (Y) et de l’emploi (N) sont fonction de la demande globale (DG). La demande globale dans une économie fermée, sans intervention de l’Etat, se décompose en dépenses de consommation (C) et en dépenses d’investissement (I). La consommation est une fonction du revenu national (C = cY + C 0). L’investissement dépend du taux d’intérêt (i). Le taux d’intérêt selon Keynes est établi par la loi de l’offre (M) et de la demande de monnaie (L). La nouveauté de Keynes est d’avoir montré que la monnaie n’est pas neutre mais qu’elle est capable d’influencer le niveau du revenu national ou le niveau général des prix par l’intermédiaire du taux d’intérêt (fig. 2.2). Economie politique I ère G 33 34 Macroéconomie Graphique A : L’offre et la demande de monnaie déterminent le taux d’intérêt. L’offre de monnaie dépend de la décision de la banque centrale. La demande de monnaie provient des ménages, des entreprises, de l’Etat. Trois motifs incitent les agents économiques à garder une partie de leurs avoirs sous forme liquide : a) un motif de transaction : les agents économiques désirent disposer d’une encaisse afin de pouvoir effectuer des transactions au moment voulu. b) un motif de précaution : les agents détiennent généralement un supplément de monnaie pour faire face aux imprévus. Fig. 2. 2 – Impact de la monnaie sur l’économie réelle c) un motif de spéculation : on préfère disposer de liquidités afin de profiter des mouvements des cours sur les marchés financiers et ainsi réaliser une bonne opération de placement. I ère G Economie politique Chapitre 2 Monnaie et politique monétaire Graphique B : L’entrepreneur qui projette d’utiliser ses liquidités a le choix entre : - L’investissement (r= taux de rendement de l’investissement) - le placement de l’épargne (i= taux d’intérêt du placement) Comportement de l’entrepreneur : Si r > i : l’entrepreneur choisit l’investissement Si i > r : l’entrepreneur se décide en faveur du placement Supposons qu’on range des projets d’investissements (A ; B ; C ; D ; E) du plus rentable pour aboutir au moins rentable (fig. 2.3). Admettons un taux d’intérêt i1. Les entreprises réalisent en principe les projets d’investissements A, B, C pour lesquels r > i. Fig. 2. 3 – Rentabilité de l’investissement A un taux d’intérêt plus bas i2, les projets A, B, C, D sont réalisés. Pour des perspectives de profit donné, plus les taux d’intérêts sont bas, plus les entrepreneurs préfèrent investir plutôt que de placer leur épargne. Les investissements deviennent ainsi relativement plus rentables ; l’investissement projeté est une fonction décroissante du taux d’intérêt. Graphique C : Le revenu national d’équilibre Y1 est déterminé par la demande globale (C+I). Graphique D : Le rapport N/Y associe à un niveau de revenu national un volume d’emploi correspondant. Notre revenu national d’équilibre Y1 engendre un niveau d’emploi N1. Si 𝑁̅ correspond au plein emploi du facteur travail, le segment 𝑁̅ N1 représentera le chômage. Economie politique I ère G 35 36 Macroéconomie Conclusion : Le taux d’intérêt assure le lien entre le marché de la monnaie d’une part, le marché des biens et services et le marché de l’emploi d’autre part. Par conséquent toute variation de M modifie le taux d’intérêt et induit des variations sur l’investissement qui se répercutent sur la demande globale, la production nationale et l’emploi. Applications : 1) Montrer graphiquement les incidences de la variation de M opérée par la banque centrale dans une situation de sous-emploi. 2) Quelle serait la réaction de la banque centrale en cas d’inflation ? I ère G Economie politique Chapitre 2 Emploi et chômage Chapitre 3 Emploi et chômage 3.1 Le marché du travail D’une part on a l’offre de travail, qui émane des ménages, représentée par la population active, c.-à-d. l’ensemble des ressources en main-d’œuvre humaine disponible. Le niveau de la population active est lui-même déterminé par des facteurs démographiques comme le taux de natalité et le solde migratoire (immigration moins émigration). Il est également influencé par des comportements sociologiques tels que l’emploi des femmes, la durée de scolarité des jeunes ou encore l’âge de départ à la retraite. S’y ajoute le cas échéant l’affluence parfois massive de travailleurs frontaliers. D’autre part il existe la demande de travail qui émane des entreprises. Les besoins en main-d’œuvre dépendent du volume de travail nécessaire pour assurer un certain niveau de production. A court terme une augmentation du volume de production induit une hausse du volume de travail et entraîne une demande de travail accrue de la part des entreprises. A moyen et à long terme l’évolution de la productivité joue un rôle très important. A production constante, une hausse de la productivité fera baisser le volume de travail nécessaire et donc la demande de travail. Si le marché du travail fonctionnait comme un marché en concurrence pure et parfaite, sans entraves et sans intervention étatique, le niveau du salaire (prix du facteur travail) serait déterminé par la confrontation de l’offre et de la demande. Un excès d’offre (de main-d’œuvre) ferait baisser les salaires tandis qu’une pénurie de main-d’œuvre provoquerait une hausse des salaires. Mais ceci n’est que partiellement vrai, et pour plusieurs raisons : Economie politique I ère G 37 38 Macroéconomie Fig. 3. 1 – Marché du travail – Le travail est par nature un bien très hétérogène. Les aptitudes et compétences individuelles varient d’une personne à l’autre et il y a une multitude d’activités différentes. Il n’y a en fait pas un marché, mais beaucoup de marchés du travail : celui des ouvriers non qualifiés, celui des employés de bureau, celui des travailleurs hautement qualifiés, ingénieurs, programmeurs, etc. Il peut y avoir pénurie de maind’œuvre sur un marché et pléthore sur tel autre, ceci expliquant en partie les fortes disparités de salaires entre professions. – On constate depuis longtemps une rigidité des salaires à la baisse et même en cas de chômage, il est rare que les salaires baissent. La méthode la plus efficace pour empêcher des réductions de salaire, c’est de se regrouper en syndicats de travailleurs capables de défendre les intérêts communs. I ère G Economie politique Chapitre 3 Emploi et chômage Le syndicalisme des travailleurs, suivi par le regroupement des entreprises dans des fédérations patronales, a complètement changé les mécanismes de détermination des salaires sur les marchés du travail. Du côté de l’offre comme du côté de la demande, on assiste à une monopolisation bilatérale qui fait que ce n’est plus le travailleur isolé qui négocie son salaire face à un employeur isolé, mais des délégués syndicaux et patronaux qui négocient des accords collectifs appelés conventions collectives. – L’Etat intervient pour sa part sur le marché du travail par des mesures législatives rassemblées dans le droit du travail : salaire minimum, limitation des heures de travail, protection contre le licenciement abusif, etc. 3.2 L’emploi au Luxembourg Au Luxembourg, la croissance continue du PIB au fil des dernières années est à l’origine de la création de nombreux emplois. En raison de la pénurie de la maind’œuvre luxembourgeoise, cette offre supplémentaire n’a pu être satisfaite que par l’apport de travailleurs frontaliers et de travailleurs migrants. Mais, malgré cette progression notable de l’emploi, le chômage, certes largement en dessous de la moyenne européenne, reste une donnée de la vie économique et sociale au Luxembourg. Le marché de l’emploi au Luxembourg se caractérise par des mutations structurelles que connaissent tous les pays développés tout en présentant des particularités propres. 3.2.1 Mutations structurelles de l’emploi a) Le développement du secteur tertiaire Les profondes mutations structurelles de l’économie luxembourgeoise, caractérisées par la transition du secteur secondaire vers le secteur tertiaire, ont également affecté la structure de l’emploi. Le secteur tertiaire est devenu le plus grand pourvoyeur d’emplois au Luxembourg. L’emploi dans les banques et les entreprises d’assurances et de transports a particulièrement progressé. Mais il ne faut pas négliger l’effet d’extension sur d’autres activités connexes : experts comptables, cabinets d’avocats, réviseurs d’entreprises, etc. L’avènement de la société de l’information, de la communication et des médias exige de plus en plus une main-d’œuvre disposant d’un know-how hautement spécialisé. Remarquons que les emplois dans les activités de services sont majoritairement localisés à Luxembourg-Ville et dans sa périphérie. Plus on s’éloigne de la capitale, plus la part des actifs dans le tertiaire diminue. Economie politique I ère G 39 40 Macroéconomie b) L’emploi féminin Autrefois, la société confinait les femmes dans les activités ménagères et familiales. Au cours des dernières décennies l’emploi féminin a constamment augmenté au Luxembourg. La part des femmes dans la population active est passée de 26% en 1970, à 38% en 1999 et à 49% en 2010. Au Luxembourg l’écart entre les femmes et les hommes reste notable : en 2010, le taux d’emploi des femmes âgées de 20 à 64 ans se chiffrait à 62% contre 79% chez les hommes. Les pays scandinaves se distinguent par des écarts sensiblement moins importants (10%). Au niveau de l’Union européenne, le taux d’emploi féminin était en 2010 de 62 %. L’analyse de l’activité professionnelle féminine relève que 13 : – les jeunes femmes sont plus représentées que les plus âgées ; – les étrangères ont un taux d’activité plus élevé que les Luxembourgeoises, quelle que soit la classe d’âge ; – le mariage ou la vie en couple font diminuer le taux d’activité ; – l’activité professionnelle féminine diminue avec le nombre d’enfants à charge et augmente avec le niveau de scolarité. L’accroissement de l’emploi féminin est lié au développement de mesures permettant de concilier vie professionnelle et contraintes familiales. ”L’augmentation de l’emploi féminin nécessite des politiques sociale, familiale et fiscale cohérentes, ainsi qu’une politique d’aménagement du temps de travail, qui incitent les jeunes femmes, qui sont souvent bien formées, à ne pas abandonner leur emploi pour se consacrer uniquement à leur vie familiale et à l’éducation de leurs enfants. Il en est de même des femmes qui veulent réintégrer le marché du travail.” 14 3.2.2 L’immigration et les frontaliers a) L’immigration Au 19e siècle, le Luxembourg était une terre d’émigration. A cette époque l’activité économique était essentiellement orientée vers l’agriculture. Entre 1841 et 1891, faute de moyens suffisants nécessaires à la survie, plus de 72.000 personnes ont quitté le pays, notamment pour le Brésil, le Guatemala et surtout les Etats-Unis. 13 M. Milloch, Les femmes au Grand-Duché de Luxembourg : Cycle de vie professionnelle et profil d’activité, dans : Conférence Nationale des Professeurs de Sciences Economiques et Sociales, numéro 1, 1999, pp. 15. 14 Conseil Economique et Social, L’évolution économique, financière et sociale du pays 2000, Avis, p.78. I ère G Economie politique Chapitre 3 Emploi et chômage A partir de 1870, grâce au développement de l’industrie du fer, le Luxembourg a attiré de forts contingents d’ouvriers étrangers. Toutefois, ce n’est qu’à la fin du 19e siècle que le courant migratoire s’inverse. Au cours du 20e siècle nous avons connu des vagues successives d’immigration. A la fin du 19e siècle, les Allemands représentaient à peu près la moitié de la colonie étrangère. Après la Seconde Guerre mondiale, les Italiens ont pris la relève. A la fin des années 1970, les Portugais ont ravi le premier rang aux Italiens. Cette immigration plus que centenaire, indispensable au Luxembourg pour assurer sa croissance économique, a ses raisons particulières : – la réduction progressive du taux de natalité et l’allongement de la vie des Luxembourgeois conduisent à un vieillissement de la population ; – depuis les années 1960, on assiste à une stagnation de la population de nationalité luxembourgeoise. En fait, la population du Luxembourg n’augmente qu’en raison du flux migratoire ; – les modifications intervenues dans la structure sociologique de la population luxembourgeoise, suite à l’allongement de la scolarité et l’accès à une formation scolaire plus poussée, dévalorisent certains emplois, notamment manuels, qui sont moins recherchés par les Luxembourgeois ; – l’augmentation des départs à la retraite se répercute négativement sur la population active. Jusque dans les années 1970, l’immigration a fourni la maind’œuvre manquante essentiellement à l’industrie, à la construction et à l’artisanat. b) Les frontaliers Les nouveaux emplois créés au Luxembourg (en moyenne une progression annuelle de 3,5% depuis 1990) n’ont que partiellement pu être occupés par les Luxembourgeois. A l’immigration s’est associé le développement de l’emploi frontalier. Un frontalier est une personne qui travaille au Luxembourg tout en habitant un des trois pays limitrophes. Un taux de chômage élevé dans la Grande Région, des différences de rémunération dans les différents pays, et la proximité des frontières constituent les causes essentielles du développement de l’emploi frontalier. A titre de comparaison, relevons qu’en 1974, seulement 11.400 frontaliers étaient occupés au Luxembourg contre près de 165.000 fin 2014, c.-à-d. plus du tiers de l’emploi intérieur. Actuellement les frontaliers sont les principaux fournisseurs de la main-d’œuvre manquante au Luxembourg. Notons encore qu’à côté des frontaliers et les étrangers vivant au Luxembourg, les Luxembourgeois ne représentent plus que le tiers de l’emploi intérieur du pays ! Economie politique I ère G 41 42 Macroéconomie En 2012, la ventilation par pays de résidence des frontaliers était la suivante : France (50%), Belgique (25%), Allemagne (25%). 3.2.3 Définitions et statistiques a) Les différentes notions de l’emploi L’emploi intérieur est formé de l’ensemble des personnes travaillant sur le territoire national quel que soit leur lieu de résidence. Il tient donc compte des frontaliers étrangers travaillant au Luxembourg, mais néglige les frontaliers luxembourgeois travaillant à l’étranger et les fonctionnaires des institutions internationales considérées comme extraterritoriales. L’emploi national représente l’emploi des personnes résidant sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg. Il englobe donc les frontaliers luxembourgeois travaillant à l’étranger et les agents des institutions internationales. La population active s’obtient par l’addition de l’emploi national et des demandes d’emploi non satisfaites (personnes au chômage). Le taux de chômage est calculé par le rapport : 𝐧𝐨𝐦𝐛𝐫𝐞 𝐝𝐞 𝐜𝐡ô𝐦𝐞𝐮𝐫𝐬 𝐩𝐨𝐩𝐮𝐥𝐚𝐭𝐢𝐨𝐧 𝐚𝐜𝐭𝐢𝐯𝐞 X 100 Le taux d’activité s’obtient par le rapport : 𝐩𝐨𝐩𝐮𝐥𝐚𝐭𝐢𝐨𝐧 𝐚𝐜𝐭𝐢𝐯𝐞 𝐩𝐨𝐩𝐮𝐥𝐚𝐭𝐢𝐨𝐧 𝐭𝐨𝐭𝐚𝐥𝐞 𝐞𝐧 â𝐠𝐞 𝐝𝐞 𝐭𝐫𝐚𝐯𝐚𝐢𝐥𝐥𝐞𝐫 X 100 (Par population en âge de travailler on entend les personnes âgées entre 15 et 64 ans). I ère G Economie politique Chapitre 3 Emploi et chômage b) Données statistiques Année 1995 2000 2005 2009 2010 215,5 263,8 307,8 352,2 358,6 2. Frontaliers nets (a) - (b) 47,3 79,0 108,5 135,9 138,7 a. Frontaliers non résidents 56,1 87,7 118,5 147,2 150,1 Spécification 1. Emploi intérieur b. Frontaliers résidents 8,8 8,8 168,1 184,8 4,8 4,5 8,5 12,5 13,5 dont: Chômeurs indemnisés … … … 6,3 6,3 5. Population active (3) + (4) 172,9 189,3 207,8 228,7 233,4 2,7 2,4 4,1 5,4 5,8 7. Personnes en mesures pour l'emploi … 2,1 3,9 3,1 3,8 8. Taux de chômage élargi (y c. personnes en mesure) en % (4+7) : (5) … 3,5 6,0 6,8 7,4 3. Emploi national (1) - (2) 4. Demandes d'emploi non satisfaites 6. Taux de chômage en % (4) : (5) 11,3 11,4 199,3 216,3 10,1 219,9 B3100 Vue d'ensemble du marché du travail (en 1 000 personnes) 1995 – 2011 (Statec) c) Qui est demandeur d’emploi ? Au Luxembourg, est considérée comme demandeur d’emploi, toute personne résidente: – sans emploi ; – disponible pour le marché du travail ; – à la recherche d’un emploi approprié ; – non affectée à une mesure pour l’emploi ; – indemnisée ou non indemnisée ; – et ayant respecté les obligations de suivi de l’Agence pour le Développement de l’Emploi (ADEM). 3.3 Le chômage 3.3.1 Le chômage dans une perspective historique a) L’emploi salarié au 19e siècle Le chômage est sans doute l’un des fléaux caractéristiques du système capitaliste. Depuis le 19e siècle l’économie de marché a connu une extension progressive du nombre de travailleurs salariés, employés dans de grandes unités de production. Le changement des structures de production et le passage de la société artisanale à la société industrielle ont été à l’origine de mutations sociales importantes. Economie politique I ère G 43 44 Macroéconomie En cas de crise, la situation des salariés fut très critique. Des licenciements massifs étaient à l’ordre du jour et la protection sociale n’existait pas. Si le travailleur perdait son emploi, il ne pouvait s’attendre à aucune allocation de chômage. b) Le chômage de masse des années 1930 La grande crise des années 1930 était à l’origine d’un chômage de masse jamais vu auparavant. En Angleterre, le nombre de chômeurs passa en deux ans de 1,1 million à 2,7 millions de personnes. En 1932, les Etats-Unis d’Amérique comptaient 12 millions de demandeurs d’emploi. En Allemagne, la situation est la plus dramatique. En 1933, à la veille de l’avènement au pouvoir d’Hitler, l’Allemagne comptait 6 millions de chômeurs. Inutile de rappeler que le parti national-socialiste profitait largement de ce scénario social très critique pour accéder au pouvoir. Les expériences pénibles des années 1930 révèlent à merveille que le chômage ne pose pas seulement des questions économiques et sociales. Il constitue également un problème politique dans la mesure où le nombre croissant de demandes d’emploi non satisfaites est responsable d’un climat politique instable et propice aux tendances extrémistes. c) Le chômage banni De 1945 à 1973 tous les pays occidentaux enregistrent une période de croissance économique soutenue. Jamais le monde n’aura connu pendant un laps de temps aussi long une telle progression des productions nationales. Le plein emploi s’accompagne d’un taux de chômage très faible. En Europe ce taux tombe en dessous de 2%, aux Etats-Unis il s’établit à 4,5%. Aux alentours de l’année 1970, la mécanique semble se détraquer : la croissance ralentit, les prix commencent à monter et le chômage réapparaît progressivement. d) La croissance du chômage En 1973, face à l’accroissement des prix dû notamment à la montée vertigineuse du prix du pétrole, les gouvernements sont amenés à prendre des mesures restrictives. Il en résulte un ralentissement de la croissance économique et une montée du nombre de chômeurs. En 1983 on compte, pour l’ensemble de l’O.C.D.E, jusqu’à 34 millions de chômeurs. Fin 1988 ce chiffre tombe à 28 millions, pour augmenter de nouveau au début des années 1990. Toutefois le chômage parait moins tenace aux Etats-Unis qu’en Europe. Un renversement de tendance n’y est apparu que vers la fin du 20e siècle. I ère G Economie politique Chapitre 3 Emploi et chômage Il n’est donc pas surprenant que la lutte contre le chômage figure à l’ordre du jour des politiques économiques. Au vu d’une concurrence internationale des plus sévères et en raison d’une accélération fabuleuse du progrès technologique, un large éventail de stratégies et de mesures est indispensable si l’on veut comprimer progressivement le taux de chômage. Il s’agit donc de favoriser un environnement économique permettant la création d’emplois supplémentaires et de préparer les citoyens aux mutations techniques qui, tout au long de leur vie, affecteront leur vie professionnelle. Si les travailleurs licenciés peuvent aujourd’hui bénéficier d’une allocation de chômage permettant d’assouplir leur situation précaire, il ne faut pas pour autant perdre de vue que le sous-emploi du facteur travail est à l’origine d’un coût important pour la collectivité. ”Le coût économique le plus visible du chômage est celui des sommes importantes que requiert, par la sécurité sociale, le financement des allocations versées aux chômeurs. Leur justification évidente sur le plan redistributif n’annule pas le fait que ces sommes ont un coût d’opportunité : celui de ce que l’on aurait pu faire d’autre avec elles. Un coût plus important quoique moins visible est celui de la perte d’activité productive des chômeurs : leur inactivité forcée prive non seulement eux-mêmes mais aussi toute la société des biens et services qu’ils pourraient produire. (...) Mais les problèmes que suscite le chômage se situent aussi à un niveau plus intangible, où ils s’avèrent encore plus importants. La perte d’un emploi ou l’impossibilité d’en trouver un signifient d’abord une perte substantielle de revenu, donc de niveau de vie, pour ceux qui en sont victimes : mais ensuite commencent le cortège des difficultés de la recherche, les vexations des refus, la somatisation des angoisses du lendemain, les crises psychologiques d’identité et le sentiment d’inutilité face à la non-insertion dans une société où le travail est une valeur essentielle. Statistiquement, on observe que maladies, violences et criminalité s’accroissent notablement dans les périodes de chômage important…”15. 3.3.2 Chômage et indemnisation du chômage au Luxembourg A partir de 1990, le nombre de chômeurs ou de demandeurs d’emploi au Luxembourg a sensiblement augmenté par rapport aux deux décennies précédentes. De 1997 à 2001 ce nombre diminue progressivement mais augmente de nouveau à partir de 2002. Relevons que notre taux de chômage demeure tout de même de loin parmi les plus faibles en Europe. L’analyse des demandes d’emploi au Grand-Duché permet de faire ressortir quelques caractéristiques : 15 A.Jacquemin et H.Tulkens, Fondements d’économie politique, De Boeck, 1986, p.309. Economie politique I ère G 45 46 Macroéconomie – le pourcentage des demandeurs d’emploi masculins est légèrement supérieur à celui des demandeurs d’emploi féminins ; – la catégorie des chômeurs les plus touchés se situe entre 31 et 50 ans (60%); – la formation scolaire a une incidence sur le nombre de chômeurs : plus de la moitié des demandeurs d’emploi n’ont suivi que la scolarité obligatoire (9 ans) ; – la durée de chômage : les chômeurs de longue durée sont souvent ceux dotés d’une formation peu poussée ; – la durée d’inscription à l’Administration de l’Emploi augmente avec l’âge. Depuis 1976, le législateur a instauré un fonds de chômage et a prévu l’octroi d’indemnités de chômage. L’alimentation de ce fonds de chômage est un exemple de solidarité nationale. En effet, les contribuables doivent participer au financement en fonction de leur capacité contributive. 3.4 Les types de chômage La lutte contre le chômage ne peut être efficace que si l’on est en mesure d’identifier les différentes causes du chômage. En effet, les instruments de lutte varient d’un type de chômage à l’autre. Nous distinguons : a) Le chômage conjoncturel A court terme, le niveau de l’emploi est déterminé par le niveau de la production. Si la production s’accroît, les entreprises embaucheront plus de main-d’œuvre et inversement. La production à son tour est conditionnée par la demande qu’expriment les agents économiques. Par exemple, une diminution de la demande entraîne une réduction des dépenses de consommation des ménages et/ou des investissements des entreprises. Ce type de chômage est donc lié à l’insuffisance de la demande qui s’adresse aux producteurs. Si la demande se rétrécit, les entreprises seront obligées tôt ou tard de réviser leurs plans de production à la baisse. La réduction du volume de la production va généralement de pair avec une diminution du nombre de salariés. Faute de commandes, les unités de production devront licencier une partie de la main-d’œuvre. I ère G Economie politique Chapitre 3 Emploi et chômage Ce sous-emploi, conséquence directe d’un ralentissement économique, touche l’économie dans son ensemble. Quels sont les remèdes pour relancer la demande afin de combattre le chômage conjoncturel ? Les pouvoirs publics peuvent notamment : – stimuler la demande en provenance des ménages et des entreprises en baissant par exemple les impôts ; – compenser le rétrécissement de la demande privée par une augmentation des dépenses publiques (programmes d’infrastructure). La banque centrale peut diminuer son taux d’intérêt directeur, rendant ainsi le crédit moins cher afin de relancer la consommation et l’investissement. b) Le chômage structurel Ce type de chômage est lié aux structures économiques d’un pays et aux caractéristiques des personnes cherchant un emploi. Un chômage peut coexister avec des emplois vacants. Par exemple, on peut avoir une pénurie de programmeurs et avoir en même temps un excédent d’ingénieurs. Ce type de chômage s’explique par une inadéquation entre les qualifications demandées et offertes. Autrement dit, les personnes sans emploi n’ont pas les qualifications que recherchent les employeurs. Un développement régional inégal des activités économiques en est une autre cause. Une pénurie de main-d’œuvre dans des régions à forte croissance économique peut coexister avec du chômage dans des régions en déclin. Une poussée démographique forte peut renforcer le chômage structurel. Les jeunes générations arrivent sur le marché de travail qui, faute de postes supplémentaires, n’est pas prêt à les accueillir. Comment remédier au chômage structurel ? Il s’agit notamment : – de permettre aux chômeurs structurels de se doter de nouvelles qualifications, ce qui nécessite la mise en place de programmes de formation ; – de créer de nouveaux emplois en stimulant les investissements privés ; – d’adapter encore davantage les programmes scolaires aux nouvelles exigences du monde contemporain. Economie politique I ère G 47 48 Macroéconomie La résorption du chômage structurel reste un problème délicat. En effet, il est plus facile de lutter contre le sous-emploi dû à une insuffisance de la demande que de porter remède au chômage structurel. c) Le chômage technologique Le chômage technologique est lié aux innovations entraînant la substitution du capital au facteur travail. Deux thèses s’opposent à propos de l’incidence du progrès technologique sur le chômage. La thèse pessimiste, affirme que le progrès technique est source de chômage. La robotisation et l’informatisation constituent des exemples où la machine chasse l’homme. La thèse optimiste insiste sur les conséquences positives du progrès technique. La baisse probable des prix augmente le pouvoir d’achat des consommateurs et par là les ventes. En plus, le progrès technique donne naissance à de nouveaux produits ; d’autres activités apparaissent pour répondre à de nouveaux besoins. La hausse de la consommation et des investissements qui en résulte engendre une augmentation de la production et par conséquent une demande supplémentaire de main-d’œuvre. d) Le chômage frictionnel Le chômage frictionnel apparaît lorsque des salariés cherchent un nouvel emploi, suite à l’abandon volontaire ou involontaire de l’ancien emploi. Des personnes renoncent volontairement à un emploi pour en rechercher un autre dont les conditions sont plus intéressantes (rémunération plus élevée, meilleures perspectives de promotion, etc.). Dans certains cas, des personnes involontairement au chômage y demeurent volontairement en attendant de meilleures propositions d’emploi. Le chômage frictionnel est généralement de courte durée. Le délai d’ajustement d’un emploi à l’autre dépend notamment : – de la mobilité géographique et sectorielle de la main-d’œuvre ; – de la disponibilité d’informations sur les offres d’emploi de la part des entreprises; – du montant des allocations de chômage. I ère G Economie politique Chapitre 3 Emploi et chômage e) Le chômage saisonnier Le chômage saisonnier s’explique par la dépendance de certains emplois à l’égard des variations saisonnières de la demande. Les salariés de l’agriculture, du bâtiment, de la restauration et de l’hôtellerie, du tourisme sont régulièrement touchés par ce type de chômage. f) Le chômage technique Ce type de chômage est dû à des événements aléatoires ou accidentels entraînant une réduction de l’activité économique. Il apparaît dans les situations les plus diverses : incendie, inondation, tremblement de terre, grand froid, mauvaise récolte, grève des camionneurs, défaillance d’un fournisseur, etc. g) Le chômage lié à la délocalisation de la production La mondialisation de l’économie et la concurrence qui est livrée à l’Europe occidentale par les nouveaux pays industrialisés de l’Asie (Taiwan, Singapour, Hong Kong, la Corée du Sud, etc.) ont déclenché un processus de délocalisation de certaines activités de production qui, jadis, étaient situées en Europe. Comme le coût unitaire de la main-d’œuvre est sensiblement plus faible dans ces régions, il y a transfert de certaines productions vers ces pays. Que l’on pense, par exemple, à l’industrie du textile, de la construction navale, de la sidérurgie, etc. De même, depuis l’ouverture du ”rideau de fer”, un nouveau mouvement de délocalisation de la production a été mis en route. Nombre d’entreprises cherchent à déplacer leurs activités de production en direction des pays l’Europe de l’Est à faible coût salarial. 3.5 Chômage et inflation : la courbe de Phillips En 1958, l’auteur néo-zélandais A.W. Phillips avait mis en évidence une relation inverse entre le taux d’inflation et le taux de chômage observés dans l’économie britannique sur une période de cent ans. Cette relation est mieux connue sous le nom de courbe de Phillips (fig. 3.2). Economie politique I ère G 49 50 Macroéconomie Fig. 3. 2 – Courbe de Phillips Explication de l’allure de la courbe de Phillips : Si on s’approche du plein-emploi (et que le taux de chômage diminue) et que les employeurs veulent encore augmenter le niveau de la production, la main-d’œuvre se fait de plus en plus rare sur le marché du travail et les salariés peuvent revendiquer des salaires plus élevés. A productivité du travail égale (ce qui est normalement le cas puisque les keynésiens raisonnent surtout à court terme), cette hausse se répercute sur les prix et le taux d’inflation augmente. A l’inverse, plus on est loin du plein-emploi, plus la main-d’œuvre devient abondante et plus les salaires et donc aussi le taux d’inflation ont tendance à baisser. Ce dernier peut même devenir négatif : en effet, p.ex. au Japon, l’analyse de l’inflation depuis le début des années 1990 montre un ralentissement de la hausse des prix (« désinflation ») jusqu’en 1995, avant que les prix ne se mettent significativement à décliner (« déflation ») à partir de 1998/99, le tout accompagné d’une nette hausse du taux de chômage. L’importance de la courbe de Phillips réside maintenant dans le fait que, d’un côté on ne peut réduire le taux de chômage sans augmenter le taux d’inflation, mais d’un autre côté elle fait apparaître la possibilité d’un arbitrage entre le chômage et l’inflation. Ainsi un taux d’inflation un peu plus élevé serait le prix à payer pour combattre efficacement le chômage. I ère G Economie politique Chapitre 3 Emploi et chômage La courbe de Phillips semble d’abord être vérifiée empiriquement ; elle devient rapidement la pierre angulaire de la politique conjoncturelle keynésienne des années 1960 et du début des années 1970. Comme les keynésiens donnent la priorité à la lutte contre le chômage, ils pratiquent de préférence des politiques budgétaires expansionnistes en acceptant une hausse du niveau général des prix. Ce n’est que lorsque les effets négatifs de l’inflation (comme la perte de compétitivité-prix au niveau des exportations) se font trop pressants que les gouvernements font marche arrière et se mettent à pratiquer des politiques budgétaires restrictives. Une telle succession de politiques de relance de l’activité économique pour combattre la récession et de politiques de freinage de l’activité pour combattre les tendances inflationnistes est mieux connue sous le nom de politique ”stop and go”. 3.6 La lutte contre le chômage a) Les outils traditionnels Combattre le chômage doit être un objectif prioritaire de toute politique économique. En dehors des outils traditionnels mis en œuvre dans le cadre des politiques budgétaire et monétaire, les pouvoirs publics peuvent favoriser tout un ensemble d’autres instruments. b) Le partage du travail Les partisans d’une réduction de la durée de travail proposent notamment : – la retraite progressive. Le salarié prend sa retraite par étapes à partir d’un certain âge. On peut imaginer qu’un salarié âgé de 50 ans, souhaite réduire sa tâche aux trois-quarts de la durée normale. A partir de 55 ans il décide de prendre sa semiretraite ; – le travail à temps partiel. La durée de travail hebdomadaire ou mensuelle est inférieure à la durée légale de travail. Ces postes conviennent aux personnes qui veulent être disponibles pour la famille, sans renoncer complètement à leur vie professionnelle ; – la réduction des heures supplémentaires ; – la réduction hebdomadaire du travail. Economie politique I ère G 51 52 Macroéconomie c) Autres mesures possibles Afin d’enrayer le développement persistant du sous-emploi et de réduire les rigidités du marché du travail, les pouvoirs publics, les organisations patronales et syndicales sont appelées, entre autres, à : – favoriser la mobilité géographique et professionnelle de la main-d’œuvre tout en augmentant sa flexibilité ; – perfectionner progressivement les systèmes de communication permettant d’intensifier les contacts entre offreurs et demandeurs d’emploi ; – lutter, dans le cadre de campagnes de sensibilisation et d’information, contre la dévalorisation du travail manuel afin de réduire les inadéquations persistantes entre l’offre et la demande de travail ; – soutenir plus systématiquement les modules de formation continue et complémentaire au profit des travailleurs désireux de changer respectivement de sauvegarder leur emploi ; – diminuer les coûts salariaux par une réduction des charges sociales et fiscales ; – faciliter la réinsertion dans la vie active des femmes au foyer ; – promouvoir le travail à domicile. I ère G Economie politique Chapitre 3 Théorie de la croissance Chapitre 4 Théorie de la croissance 4.1 La croissance économique La croissance économique est un des sujets les plus controversés des sciences économiques. Déjà les auteurs classiques comme Smith, Ricardo, Say et Malthus s’y sont intéressés et depuis le début de la révolution industrielle à la fin du 18e siècle jusqu’à aujourd’hui, ce phénomène historique d’importance majeure fait l’objet d’une multitude d’analyses et d’interprétations des plus diverses. Comment expliquer la croissance, quels sont les facteurs qui la favorisent et les obstacles qui la freinent, et surtout, pourquoi y a-t-il de tels écarts de croissance entre les différentes parties du globe et suivant les époques ? La science économique seule n’est pas capable de répondre à ces questions parce que le phénomène est trop complexe et déborde largement sur le terrain de l’analyse historique, politique ou sociologique. 4.1.1 Définition et mesure de la croissance a) Définition de la croissance La croissance économique est l’accroissement durable, donc à plus long terme, de la production globale d’une économie. Il ne faut pas confondre croissance, expansion et développement. L’expansion est une augmentation de la production sur une courte période. Croissance et expansion sont des phénomènes quantitatifs, donc mesurables. Economie politique I ère G 53 54 Macroéconomie Le développement par contre est un phénomène qualitatif, il exprime des changements structurels de nature technique, sociale, démographique et culturelle, comme par exemple les modifications dans la répartition de la population active suivant les secteurs. Croissance et développement sont toutefois intimement liés, car la croissance est une condition nécessaire du développement qui à son tour peut favoriser la croissance économique. b) Mesure de la croissance L’instrument de mesure de la croissance sont le PNB ou le PIB ou encore le revenu national ou plus précisément leur taux de croissance. Mais la mesure de la croissance doit se faire en volume ou en termes réels, afin d’éliminer l’impact de l’inflation et de la déflation. L’évolution nominale ou à prix courants du PIB doit donc être corrigée par un déflateur du PIB pour obtenir une mesure à prix constants. Le déflatage se pratique à l’aide de l’indice des prix à la consommation (IPC) en appliquant la formule suivante : IPC1 PIB réel n = PIB nominal n x IPC𝑛 IPC1 étant l’indice des prix à base 100 (époque de référence) et IPC n étant le niveau des prix à l’époque n. Si on veut mesurer l’évolution du niveau de vie d’une population, il convient d’utiliser un autre indicateur économique, à savoir le PIB par habitant. Cet instrument permet aussi d’effectuer des comparaisons internationales. Mais pour éliminer les distorsions dues aux différences des niveaux de prix entre pays (le pouvoir d’achat de 1 dollar n’est pas le même à New York qu’à Mumbai), on passe par l’évaluation en parités de pouvoir d’achat (PPA). Ces PPA sont des taux de conversion monétaire qui permettent justement d’éliminer les différences de niveaux des prix entre pays. Notons encore que pour mesurer le niveau de développement, les Nations Unies ont mis au point l’Indicateur du développement humain (IDH), qui combine le PIB réel par habitant exprimé en PPA, le niveau de scolarisation de la population adulte et l’espérance de vie à la naissance. Remarquons finalement que tous ces indicateurs sont nécessairement incomplets et partiellement faussés par l’absence de statistiques fiables ou parce qu’ils ne prennent pas parfaitement en compte l’économie souterraine ou non marchande qui restent très importantes dans beaucoup de pays. Il convient donc d’utiliser ces indicateurs avec une certaine prudence. I ère G Economie politique Chapitre 4 Théorie de la croissance 4.1.2 Les facteurs de la croissance Qu’est-ce qui explique que la croissance a lieu, ou qu’elle n’a pas lieu ? Quels sont les facteurs qui la déterminent, ou qui l’influencent, dans un sens positif ou négatif ? Les tentatives d’explication sont nombreuses, très variées et parfois contradictoires. Nous nous limiterons ici à en présenter quelques-unes, à propos desquelles il semble y avoir un large consensus parmi les économistes. - Le rôle des facteurs naturels (ressources naturelles, population) semble indéniable. L’abondance de ressources naturelles énergétiques, minières et autres est certainement un avantage et permet un décollage économique plus rapide, mais à lui seul, ce facteur est insuffisant pour garantir une croissance durable, comme le montre l’exemple de l’ex-Union soviétique ou encore du Congo aujourd’hui. L’influence des facteurs démographiques est un sujet très controversé. L’augmentation de la population globale serait un facteur positif conférant à l’économie plus de dynamisme et plus de créativité, contrairement à une population vieillissante, en stagnation ou en déclin démographique. D’autres auteurs mettent l’accent sur la surpopulation, qui caractérise de nombreux pays en développement. Elle serait un obstacle au progrès économique dans la mesure où le taux de croissance de la population dépasse souvent le taux de croissance économique du pays, de sorte que la pauvreté générale augmente. - Le progrès technique est généralement considéré comme un facteur de croissance important. L’évolution des connaissances scientifiques et leurs retombées technologiques induisent une hausse constante de la productivité du travail et du capital technique, permettant ainsi une baisse des prix et une élévation du niveau de vie des populations. Le progrès technique favorise aussi l’apparition de nouveaux secteurs d’activité, comme l’informatique, qui a donné naissance aux nouvelles technologies de l’information, avec des conséquences favorables pour l’emploi. Mais il est permis de se poser la question de savoir si le progrès technique est la source ou plutôt le fruit de la croissance ou les deux à la fois, la croissance permettant de dégager les ressources nécessaires pour stimuler l’enseignement, la recherche et le développement. Economie politique I ère G 55 56 Macroéconomie - Les investissements sont également un facteur incontestable de la croissance. Par investissement on comprend l’investissement net du secteur privé, celui qui permet un accroissement des biens de capital fixe (bâtiments, équipements, matériel et outillage). On y inclut également l’investissement du secteur public, responsable des infrastructures publiques indispensables à l’essor économique (réseaux de communications, enseignement, santé, sécurité, etc.) L’investissement en capital humain, c.-à-d. l’acquisition et la diffusion du savoir et du savoir-faire, comme la connaissance et la maîtrise des processus industriels, techniques ou scientifiques, occupe une place de plus en plus importante dans nos sociétés de l’information. - En fin de compte le contexte géopolitique international ainsi que le contexte politique, juridique et réglementaire national ne sont pas négligeables. Les tensions et conflits internationaux provoquent des vagues de pessimisme et de prudence qui se traduisent par un ralentissement de la consommation, des investissements et des échanges constituant ainsi un frein à la croissance. Les anticipations des agents économiques plus optimistes stimulent par contre la croissance. La stabilité politique et la paix sociale intérieure d’un pays jouent un rôle similaire. Par une législation appropriée, les Etats cherchent à promouvoir le développement de nouveaux secteurs (place financière luxembourgeoise, aéronautique et recherche spatiale européennes etc.), à favoriser les investissements transnationaux et l’implantation d’entreprises étrangères, bref à influencer les déterminants de la croissance. 4.2 Les cycles économiques On parle de cycle économique lorsque les fluctuations, mouvements de hausse et de baisse de l’activité économique, se reproduisent avec une certaine régularité. La théorie économique a essayé d’identifier les différents types de cycles et d’en expliquer les raisons. 4.2.1 Les phases du cycle économique On peut décomposer un cycle en quatre phases successives dont les plus marquantes sont les phases d’expansion et de contraction : I ère G Economie politique Chapitre 4 Théorie de la croissance - la phase d’expansion ou de prospérité est une période de haute conjoncture pendant laquelle on assiste à une hausse de la production, des revenus et de l’emploi avec, à partir d’un certain moment, des tendances inflationnistes ; - la crise marque le passage de la prospérité à la récession et est parfois précédée d’une période de surchauffe de l’économie ; - la phase de contraction, de récession ou de dépression est une période de basse conjoncture marquée par une baisse de la production et une hausse du chômage, elle est parfois accompagnée par des tendances déflationnistes ; - la reprise se caractérise par un retournement de situation lorsque l’économie, après avoir dépassé le creux de la vague, revient à une phase d’expansion. Fig. 4. 1 – Les phases d’un cycle économique 4.2.2 Les différents types de cycles Tous les cycles ont des caractères essentiels communs, mais ils se distinguent par leur durée et par leur intensité. Ainsi par exemple le crash boursier à Wall Street en octobre 1929 déclencha une récession qui déboucha sur une dépression profonde du monde capitaliste. Economie politique I ère G 57 58 Macroéconomie Les cycles conjoncturels sont de courte durée. Le cycle Kitchin (économiste américain, †1932) est d’une durée approximative de 3 ans. Il est lié aux variations des stocks. Les entreprises, anticipant une hausse de la demande, accélèrent l’activité de production et constituent des stocks. Le recul des commandes et de la demande déclenche ensuite une phase de déstockage et de ralentissement économique. Aux Etats-Unis ce cycle était considéré comme le mouvement conjoncturel fondamental alors qu’il est plus difficile à observer dans l’histoire des économies européennes. Le cycle majeur ou cycle Juglar (économiste français, †1905) durent entre 6 et 11 ans et s’inscrivent à l’intérieur de mouvements de longue durée. Pendant la phase d’expansion, prix, salaires, profits et emploi augmentent en même temps, tandis que pendant la phase de contraction, toutes ces variables macroéconomiques sont en baisse. Le cycle Juglar est bien vérifié par l’histoire européenne du 19e siècle (il y aurait ainsi 15 cycles Juglar entre 1816 et 1938), mais il a plus de mal à être confirmé par l’évolution économique des trente années d’expansion qui suivirent la Seconde Guerre mondiale. Le cycle long ou cycle Kondratieff (économiste russe, †1930, qui a repéré ce cycle au début des années 1920) est d’une durée de 30 à 50 ans et résulte principalement du progrès technique. La croissance économique est à chaque fois déclenchée par des innovations technologiques majeures qui exercent un effet d’entraînement sur toute l’économie. Après un certain temps, l’impact des innovations faiblit et déclenche ainsi une phase de ralentissement économique : 1780-1830 : machine à vapeur, charbonnages, textile 1830-1880 : sidérurgie, chemin de fer 1880-1940 : moteur à explosion, chimie, électricité 1940-1980 : automobile, pétrochimie, aéronautique 1980-20** : électronique de masse, informatique, internet, etc. L’analyse tend à montrer que les cycles viennent se greffer les uns sur les autres. Un cycle Kondratieff comprend 6 cycles Juglar qui comprend à son tour 3 cycles Kitchin. Les mouvements courts s’inscrivent dans un mouvement long ou même très long que certains appellent le trend. I ère G Economie politique Chapitre 4 Théorie de la croissance niveau d’activité point de retournement cycle de Juglar temps Fig. 8. 2 – Cycle long Depuis la Seconde Guerre mondiale, les fluctuations traditionnelles se sont atténuées, du moins dans les économies occidentales. Les phases de croissance sont plus longues, les phases de ralentissement plus courtes et surtout moins brutales. On peut y voir le résultat de la politique interventionniste des Etats qui cherchent justement à contrecarrer les mouvements de baisse et à soutenir les mouvements de hausse. Economie politique I ère G 59 60 Macroéconomie Chapitre 5 Les relations économiques internationales 5.1 Justification des échanges internationaux 5.1.1 L’objet des échanges De nos jours, la plupart des pays échangent non seulement des marchandises, mais encore : – des services (transports, assurances, tourisme, conseils d’entreprises, etc.) ; – de la main-d’œuvre (immigration et émigration, frontaliers, etc.) ; – des capitaux financiers (investissements d’entreprises, actions et obligations, crédits commerciaux, etc.) ; – des technologies et des informations (know-how, brevets et licences, contrats d’ingénierie, etc.). 5.1.2 Les facteurs favorisant les échanges Une multitude de facteurs permet d’expliquer le développement des relations économiques entre pays. * Les pays se spécialisent dans la production des biens pour lesquels leurs coûts de fabrication sont plus faibles qu’à l’étranger. Cet avantage peut provenir soit : I ère G Economie politique Chapitre 5 Les relations économiques internationales – des conditions naturelles (p.ex. : les pays méditerranéens bénéficient d’un climat plus favorable à la culture d’oranges, d’olives et de citrons que les pays de l’Europe du Nord) ; – de faibles niveaux de salaires (p. ex. : salaires dans l’industrie du textile jusqu’à dix fois plus bas dans certains pays asiatiques qu’en Europe occidentale) ; – d’avances technologiques (p. ex. : avance des Etats-Unis dans le secteur des microprocesseurs). Les différences dans les coûts de fabrication proviennent ici de l’inégale répartition des facteurs de production dans les différents pays. Cet argument explique surtout les échanges entre les pays développés à économie de marché (le ”Nord”) et les pays en voie de développement (le ”Sud”). * Les préférences des consommateurs et leur désir de profiter des différences culturelles expliquent certains échanges. – Le consommateur luxembourgeois boit les vins de la Moselle luxembourgeoise, mais aussi des bordeaux ou des vins californiens ; – la variété des climats, des paysages et des cultures est à l’origine des activités de tourisme ; – des consommateurs allemands achètent des Renault Mégane alors que des Français roulent en VW Golf. Les différences réelles entre les produits sont souvent renforcées par les stratégies marketing des entreprises et une différenciation quelque peu artificielle des produits. Les préférences des consommateurs expliquent une partie des échanges ”croisés” entre pays industrialisés qui ont une répartition assez égale des facteurs de production (échanges ”Nord/Nord”, p.ex. : France/Allemagne). * Un certain nombre d’industries (ex. : aviation, automobile) présentent des rendements d’échelle croissants (ou économies d’échelle). Des rendements d’échelle croissants 16 font que le coût moyen du produit diminue si la quantité produite augmente. 16 Les rendements d’échelle sont dits croissants (économies d’échelle) si une augmentation des facteurs de production entraîne une augmentation plus que proportionnelle de la production. Exemple : Un doublement des quantités de travail et de capital utilisées fait augmenter la production plus que du double. Le coût unitaire de la production diminue et la productivité augmente. Ceci peut être dû à une meilleure organisation du travail, à une meilleure maîtrise du processus de production, à une répartition des coûts fixes sur un volume de production plus important ou encore à des approvisionnements en gros moins coûteux. Les rendements d’échelle croissants se retrouvent dans la plupart des industries. Economie politique I ère G 61 62 Macroéconomie Dès lors, les entreprises ont intérêt à rechercher la grande taille et à augmenter leur volume de production par des exportations. Ceci réduira leurs coûts, les rendra plus compétitives et leur permettra d’éliminer des concurrents ; à terme il ne restera plus que quelques entreprises très performantes sur le marché (marché mondial oligopolistique). Les pays se spécialisent alors sur les productions pour lesquelles les rendements croissants sont les plus intenses. Les rendements croissants expliquent également en partie les échanges ”Nord/Nord”. * Les stratégies des firmes multinationales expliquent les échanges intra firmes. Une firme multinationale est une grande entreprise qui possède ou contrôle plusieurs filiales de production dans plusieurs pays Depuis les années 80, les multinationales poursuivent une stratégie globale (”global player”) en offrant un produit standardisé pour tous les marchés extérieurs. La production des différents composants du produit est alors réalisée dans les différentes filiales de façon à tirer pleinement profit des avantages que chaque pays peut offrir : faible coût salarial, fiscalité des sociétés avantageuse, savoir-faire technologique, etc. Souvent la société-mère ne fait plus qu’assembler les composants produits dans les filiales. Les économies d’échelles sont réalisées au niveau international. Nous sommes en présence d’une division internationale des processus de production. Exemple : Le géant mondial de puces pour ordinateurs INTEL pratique la politique suivante : la conception aux Etats-Unis, la fabrication des composants (activité à technicité moyenne) aux Etats-Unis, en Irlande et au Proche-Orient, l’assemblage (activité à technicité faible) en Extrême-Orient et en Amérique Centrale. Les échanges entre filiales qui s’ensuivent augmentent le volume du commerce international. Les prix pratiqués lors de ces échanges (appelés prix de transfert) ne sont plus déterminés par les lois du marché mais en fonction d’objectifs comptables et fiscaux relatifs à la stratégie globale du groupe. I ère G Economie politique Chapitre 5 Les relations économiques internationales 5.2 La balance des paiements La balance des paiements (Zahlungsbilanz) est un tableau qui résume les transactions économiques d’un pays avec le reste du monde pendant une période donnée (mois / trimestre / année). La balance des paiements est un bon indicateur économique qui permet d’apprécier l’évolution des relations économiques extérieures d’un pays. 5.2.1 Les composantes de la balance Par transactions économiques, on entend les échanges de biens et de services, les flux de revenus du travail et du capital, ainsi que les mouvements de capitaux. La balance des paiements se présente habituellement sous forme d’un tableau qui reprend : – du côté gauche, les transactions générant des entrées de fonds (recettes) ; – du côté droit, les transactions entraînant des sorties de fonds (dépenses). Afin de mieux pouvoir analyser l’impact économique des différents types d’échanges, la balance des paiements est subdivisée en plusieurs balances partielles : la balance des biens, la balance des services, la balance des revenus du travail et du capital, la balance des transferts courants et la balance des opérations financières (fig. 5.1). La différence entre les recettes et les dépenses de chaque balance partielle est exprimée par un solde qui peut être excédentaire ou déficitaire. RECETTES > DEPENSES ⇒ EXCEDENT DEPENSES > RECETTES ⇒ DEFICIT Economie politique I ère G 63 64 Macroéconomie Fig. 5. 1 – Balance courante La somme des recettes et des dépenses de ces quatre balances partielles forme la balance courante (Leistungsbilanz) qui peut présenter un excédent courant ou un déficit courant17. 17 Chaque balance partielle permet de dégager un excédent ou un déficit. Si, par exemple, dans la balance commerciale (Handelsbilanz) les exportations dépassent les importations, il en résulte un excédent commercial ; dans le cas contraire, on parle d’un déficit commercial. I ère G Economie politique Chapitre 5 Les relations économiques internationales Fig. 5. 2 – Balance des opérations financières La somme des recettes et des dépenses des cinq balances partielles précédentes peut aboutir à un déficit ou à un excédent. Dans ce cas on parle d’un déséquilibre économique. Fig. 5. 3 – Equilibre formel de la balance des paiements 5.2.2 Commentaires et réflexions - Formellement, c.-à-d. du point de vue comptable, une balance des paiements est toujours en équilibre. Les déséquilibres ne peuvent apparaître qu’au niveau des balances partielles. - Un solde global nul des 5 premières balances peut correspondre à des situations économiques très différentes : Economie politique I ère G 65 66 Macroéconomie Un excédent courant compensé par un déficit des opérations financières. Les excédents du commerce extérieur ont été replacés à l’étranger sous forme de prêts ou d’investissements qui donneront lieu à des revenus de capital ultérieurs et renforceront ainsi l’excédent courant. Un déficit courant compensé par un excédent des opérations financières. Le pays a dû recourir à des afflux de capitaux étrangers (emprunts, crédit commercial, investissement direct) pour financer le déficit de son commerce extérieur. Ces capitaux donneront lieu à des paiements ultérieurs de revenus qui aggraveront le déficit courant. En plus, un excédent des opérations financières risque d’être temporaire puisque les capitaux empruntés devront être remboursés ultérieurement. - Un déficit courant n’est pas forcément mauvais. Ainsi une balance courante déficitaire peut provenir d’importants achats en équipements destinés à augmenter la compétitivité du pays et par là ses exportations. Ultérieurement, le pays retrouve donc un excédent courant (p.ex. : le Japon dans les années 1970). - La présence d’un excédent courant conjoncturel est à interpréter avec prudence. Il peut tout simplement refléter une situation de basse conjoncture dans laquelle les importations de biens et services diminuent alors que les exportations de biens et services restent constants (puisqu’elles dépendent de l’état de la conjoncture dans les pays partenaires du pays). - Jadis, le solde commercial était l’indicateur le plus apprécié pour juger de la performance du commerce extérieur d’un pays. Aujourd’hui on lui préfère le solde courant. En effet, avec l’avènement de la société des services, les balances partielles qui composent la balance courante sont de plus en plus interdépendantes. Ainsi un pays qui veut renforcer ses activités de services doit d’abord investir dans des équipements (ex. ordinateurs) ce qui rendra déficitaire la balance commerciale mais finira par dégager un excédent de la balance des services. - Un pays qui connaît de fréquents déficits de la balance courante peut néanmoins être un acteur important dans le commerce mondial comme en témoigne l’exemple des Etats-Unis depuis les années 1960. Dans ce contexte, il faut remarquer que le potentiel de croissance d’un pays dépend avant tout des forces du marché intérieur et seulement accessoirement du commerce extérieur. Ainsi, une économie à forte croissance intérieure comme les Etats-Unis peut supporter des déficits de la balance des paiements. A l’inverse une faible croissance intérieure peut en partie être corrigée par un niveau élevé des exportations, comme c’est actuellement le cas pour l’Allemagne. I ère G Economie politique Chapitre 5 Les relations économiques internationales 5.2.3 Les spécificités des échanges internationaux de services A partir du milieu des années 1970, une attention plus particulière est accordée à l’analyse économique des échanges internationaux de services. (...) Supposons qu’on veuille mesurer le commerce et la spécialisation dans un soussecteur donné, par exemple les programmes de traitement de texte : - Une société expédie ses logiciels et ses manuels à l’étranger pour qu’ils soient vendus, cette opération peut être enregistrée comme une exportation de marchandises. Si elle les vend à une société d’informatique qui les incorporera dans ses machines avant de les exporter, ils sont inclus dans la valeur de la machine exportée. - Si elle vend un exemplaire seulement du logiciel à une société étrangère qui lui verse des redevances afin d’en tirer des copies qu’elle vendra ou incorporera dans des ordinateurs avant de les vendre, cette opération apparaîtra dans la balance des paiements comme une exportation de services aux entreprises. - Enfin, si elle ouvre une succursale à l’étranger, les rentes économiques retirées de la vente du logiciel seront enregistrées au titre des recettes de la succursale et constitueront un élément de ses bénéfices, lesquels, une fois rapatriés, s’inscriront dans la balance des paiements comme revenu des investissements directs. (...) Guy Schuller dans Bulletin du Statec no 7-00 5.2.4 Les causes de rupture de l’équilibre de la balance des paiements Les balances des paiements sont toujours en équilibre comptable, mais elles ne connaissent rarement un équilibre économique. On peut distinguer 3 causes de déséquilibre : Causes conjoncturelles : Une demande intérieure trop forte accompagnée de tendances inflationnistes provoque un accroissement des importations et une réduction des exportations, d’où le déficit de la balance commerciale. Cet accroissement de la demande intérieure trouve son origine dans la politique monétaire expansionniste, la politique budgétaire, la politique des salaires, etc. Causes structurelles : Une productivité supérieure due au progrès technique et à l’innovation peut se traduire par un accroissement des exportations. Causes financières : Une entrée ou une sortie de capitaux pour des raisons de sécurité, de spéculation, de rendement, etc. Economie politique I ère G 67 68 Macroéconomie 5.3 L’économie luxembourgeoise : une ouverture obligée 5.3.1 Les relations extérieures ”L’ouverture est une nécessité incontournable du développement d’une économie de très petit espace.”18 Dès le début de son développement économique et tout au long des multiples mutations structurelles, le Luxembourg ne s’est jamais replié dans l’isolement économique. Les relations économiques extérieures de notre pays ont toujours été caractérisées par l’intégration dans des espaces économiques plus larges, comme par exemple le Zollverein, l’UEBL, le BENELUX, la CECA, la CEE et l’actuelle Union européenne. Aujourd’hui, l’économie luxembourgeoise est une des plus ouvertes et une des plus prospères. Dans un monde en phase de mondialisation, la capacité d’adaptation permanente devra rester l’une des clés de la maîtrise de l’ouverture et de la réussite du Luxembourg. 5.3.2 Evolution de la balance courante L’analyse de la balance courante du Luxembourg 19 permet de distinguer trois phases caractéristiques de la mutation structurelle de notre économie nationale 20. a) 1960 - 1974 : Prédominance de l’excédent commercial Jusqu’au milieu des années 1970, la balance commerciale se solde par un excédent, dont l’importance est étroitement liée aux fluctuations conjoncturelles de l’industrie dominante, la sidérurgie. Pendant la même période, la contribution des échanges de services et de revenus au solde de la balance courante n’est guère significative. 18 Guy SCHULLER, L’économie luxembourgeoise du 20e siècle, 1999, Luxembourg. La Belgique et le Luxembourg publient une balance des paiements commune : la ”Balance des paiements de l’UEBL”. Toutefois, depuis 1979, le Statec établit une balance courante séparée pour le Luxembourg. 20 Texte basé sur : Guy SCHULLER, La Balance courante du Luxembourg, Bulletin du Statec N˚ 3/1998, pp. 79-88. 19 I ère G Economie politique Chapitre 5 Les relations économiques internationales b) 1975 - 1989 : Mutation structurelle vers une société de services Depuis 1975, la balance commerciale a enregistré sans interruption des déficits croissants, compensés néanmoins par un excédent croissant de la balance des services et de la balance des revenus. Déficit commercial Les effets des deux chocs pétroliers (1973 et 1979) alourdissent sensiblement la facture énergétique. La crise sidérurgique, ainsi que le déclin généralisé du secteur secondaire, entraînent une très forte baisse des exportations de biens. D’autres facteurs pèsent encore lourdement sur les échanges de marchandises : – le développement foudroyant du secteur tertiaire (banques, assurances, transport, loisirs, etc.) exige, au départ, un important investissement en biens d’équipements (importations d’équipements de bureaux, d’avions, d’autocars, etc.); – la progression spectaculaire du niveau de vie a entraîné une hausse sensible des importations de marchandises (denrées alimentaires, vêtements, voitures, équipements ménagers, etc.). Excédent croissant des services et du revenu des investissements Au cours des dernières décennies, le secteur tertiaire et les exportations de services ont connu un développement très dynamique. Leur poussée est essentiellement à mettre en relation avec le développement des services financiers et des services de transport (surtout aérien). c) depuis 1990 : Accentuation des mutations structurelles et augmentation du nombre de frontaliers Le phénomène nouveau est l’accroissement très important du nombre de frontaliers entraînant une augmentation rapide de la masse salariale versée à l’étranger. En outre, depuis 2000, les revenus du capital sont déficitaires, de sorte que le solde de la balance des revenus du travail et du capital est devenu déficitaire. Malgré cela le solde de la balance courante reste excédentaire. 21 21 En2014 un changement du traitement statistique des transactions de « négoce international » est intervenu : son résultat net est dorénavant inclus dans la balance commerciale alors qu’auparavant il figurait dans la balance des services. Il en résulte une amélioration du solde commercial malgré le déficit constant dans les échanges de biens. Economie politique I ère G 69 70 Macroéconomie 5.4 La politique commerciale La politique commerciale internationale est définie comme étant l’attitude adoptée par un Etat en matière d’échanges avec les autres pays. Suivant le degré d’ouverture des frontières d’un pays, on distingue trois types de politiques commerciales : le libreéchange, le protectionnisme et l’autarcie. 5.4.1 Le libre-échange Le libre-échange trouve ses fondements dans la doctrine économique libérale du 18e siècle. Suivant cette doctrine, l’ouverture des frontières permet un emploi plus efficace des forces productives et accroît la prospérité des pays. Les défenseurs du libre-échange refusent toute intervention de l’Etat susceptible de constituer une entrave à l’échange international et prônent la libre circulation des marchandises, des capitaux et des personnes. a) Arguments en faveur du libre-échange L’ouverture des frontières présente des avantages multiples : – le libre-échange favorise la division internationale du travail et permet à chaque pays de se spécialiser selon ses possibilités spécifiques et de contribuer ainsi à l’augmentation de la production mondiale ; – les multinationales ont la possibilité d’élargir leur marché et d’accroître leurs moyens nécessaires à la spécialisation. La production de masse est à l’origine de gains de productivité et entraîne comme effet positif une amélioration de la qualité des produits, une réduction des coûts de production et, partant, des prix de vente ; – le renforcement de la compétition internationale permet au consommateur d’augmenter son niveau de vie en profitant de l’élargissement de la palette des biens et des services offerts. Ceci lui permet d’acheter un produit souvent de meilleure qualité et à prix réduit. A côté de ces avantages économiques, la liberté des échanges peut favoriser la libre circulation des personnes, des cultures et des idées. I ère G Economie politique Chapitre 5 Les relations économiques internationales b) Critiques à l’adresse du libre-échange Le libre-échange n’est pas à l’abri de critiques. Retenons-en quelques-unes : – faute de capitaux financiers ou de main-d’œuvre qualifiée, les pays pauvres n’arrivent souvent pas à développer leur potentiel économique, mais restent enfermés dans un rôle de simple pourvoyeur de matières premières et de produits agricoles au profit des pays industrialisés ; – suite à la mondialisation du commerce, le libre-échange risque de provoquer des bouleversements profonds et douloureux dans la structure de production des pays industrialisés. La concurrence effrénée pousse les entreprises des économies développées à rationaliser leur production et, le cas échéant, à délocaliser leurs activités ou même à fermer leurs portes. Dans cette perspective, le libre-échange n’est certes pas source de prospérité, mais créateur de chômage et de conflits sociaux. 5.4.2 Le protectionnisme Si les adeptes du libre-échange se prononcent en faveur d’une ouverture des frontières, les partisans du protectionnisme préconisent l’intervention de l’Etat afin de pouvoir contrôler le flux des échanges internationaux. a) Arguments en faveur du protectionnisme En se référant aux critiques formulées à l’égard du libre-échange, les défenseurs du régime protectionniste avancent leurs arguments qui sont d’ordre : – économique. Il s’agit de protéger les entreprises nationales qui, de par leur taille réduite, ne disposent pas des moyens financiers et techniques nécessaires pour affronter la concurrence étrangère. Cet argument est d’autant plus justifié qu’il est invoqué en faveur d’entreprises naissantes ; – social. Une concurrence internationale effrénée, voire déloyale, peut mettre en danger la survie des entreprises installées sur le territoire national et, partant, provoquer un accroissement sensible et durable du chômage national ; Economie politique I ère G 71 72 Macroéconomie – politique. Soucieux de préserver au pays son indépendance économique à l’égard de l’étranger, l’Etat peut prendre les mesures nécessaires pour garantir la survie de certains secteurs jugés d’intérêt national comme l’agriculture, la viticulture, la pêche ou encore la défense nationale ; – fiscal. Un autre argument plaidant en faveur des thèses protectionnistes est la taxe à l’importation. Celle-ci constitue une recette supplémentaire pour le Trésor public. b) Instruments du protectionnisme En vue de limiter l’échange avec l’extérieur, la politique protectionniste dispose d’instruments très variés : – droits de douane. Ce sont des taxes perçues par l’Etat sur les produits importés. Les droits de douane ont pour but de renchérir les importations de biens afin de décourager leur consommation, respectivement de stimuler l’achat de substituts qui sont produits sur le territoire national. A noter que l’Union européenne interdit, sur le plan interne, des droits de douane ou autres taxes entre pays membres. En revanche, sur le plan externe, l’Union européenne a adopté un tarif douanier commun dans les échanges avec des pays tiers ; – contingentements. Ils visent la limitation du volume des importations ; – barrières techniques. Elles exigent le respect de certaines normes de fabrication, de conditionnement ou de qualité, définies par des lois nationales, afin de protéger la population indigène, l’environnement naturel ou tout simplement les entreprises nationales ; – subventions. Les Etats peuvent protéger la production de certaines branches en accordant des subventions à des entreprises domestiques afin que celles-ci restent compétitives en matière de prix sur le marché extérieur. I ère G Economie politique Chapitre 5 Les relations économiques internationales c) Critiques à l’égard du protectionnisme La politique protectionniste entraîne un cloisonnement des marchés et risque d’atténuer les avantages du libre-échange : – le protectionnisme augmente le coût de vie des consommateurs qui sont obligés de payer des prix plus élevés que dans un scénario de libre concurrence. De plus, la palette de produits est souvent moins variée et de moindre qualité ; – par ailleurs, le manque de concurrence internationale est souvent à l’origine du retard technologique des entreprises nationales qui ne sont guère incitées à adapter leurs techniques de production aux exigences internationales. 5.4.3 L’autarcie Poussée à l’extrême, la politique protectionniste aboutit à l’autarcie. Un système économique est dit autarcique dès qu’il ne participe pas aux échanges internationaux. Dans une telle situation, l’économie du pays concerné est repliée sur elle-même ; on parle encore d’une économie fermée. L’autarcie est synonyme d’autosuffisance. Tout ce qui est consommé est produit par la communauté nationale. Il est évident que dans ces conditions de fermeture des frontières, l’offre de biens et de services est souvent très restreinte et peut conduire à une forte baisse du niveau de vie. L’Allemagne nazie et l’Union soviétique des années 1930, ainsi que la Corée du Nord vers la fin du 20e siècle, livrent des exemples d’économies autarciques. 5.5 Les échanges dans le monde Durant la dernière moitié du siècle passé, les échanges commerciaux ont largement favorisé la croissance économique mondiale, mais les disparités entre pays riches et pauvres n’ont pas pour autant disparu. En 2000, les pays industrialisés représentent à eux seuls près des trois quarts des exportations mondiales, alors que leur population ne fait même pas un quart de la population du globe. Face à cette disproportion, une grande importance revient à la politique de coopération et d’action humanitaire des pays économiquement développés. Economie politique I ère G 73 74 Macroéconomie 5.5.1 Les inégalités économiques et sociales La carte géoéconomique du monde nous révèle, entre autres, des inégalités flagrantes en raison du clivage Nord-Sud, de l’existence de plusieurs blocs économiques plus ou moins développés dominant le reste du monde et de la constitution de pôles commerciaux régionaux. a) Pays développés L’échange le plus important des pays développés, encore appelés pays industrialisés, résulte du commerce que ces pays font entre eux. Ils sont les principaux exportateurs et importateurs de produits manufacturiers, ils dominent une part importante du marché des produits agricoles et ils sont les leaders dans les échanges de services. Au cours des dernières années, ce dernier secteur s’est largement développé, grâce notamment au progrès important des télécommunications et des transports. Parmi les pays développés, on compte notamment les Etats-Unis, les pays de l’Union européenne, le Japon, le Canada et l’Australie. Leurs relations commerciales avec les pays pauvres se limitent souvent à l’importation massive de matières premières en échange de produits manufacturés. b) Nouveaux pays industrialisés Les deux dernières décennies du siècle passé ont été marquées par l’émergence économique de l’Extrême-Orient venant concurrencer les économies dominantes traditionnelles. Parmi les économies les plus dynamiques, il faut surtout relever la Corée du Sud, Taïwan, Hong-Kong et Singapour, appelés parfois les quatre dragons ou les quatre tigres. A ces nouveaux pays industrialisés s’ajoutent les économies à forte croissance économique, comme par exemple la Malaisie et la Thaïlande ainsi que les pays de grande taille, tels que la Chine, l’Inde et le Brésil. Certains de ces pays peuvent se prévaloir d’une structure économique diversifiée. Ainsi, la Corée du Sud fabrique aujourd’hui non seulement des produits de base comme le textile, mais encore des automobiles et des ordinateurs. I ère G Economie politique Chapitre 5 Les relations économiques internationales c) Pays en développement A la fin du 20e siècle, les pays en développement comptent environ 5 milliards d’habitants, soit 85% de la population mondiale, pour une participation à la production mondiale qui ne dépasse guère les 20%. Les plus pauvres, environ 3,5 milliards de personnes, vivent dans des conditions matérielles et sanitaires souvent désastreuses. Parmi eux, plus de 800 millions de personnes souffrent de malnutrition. La mortalité infantile est de 8‰ aux Etats-Unis et de 95‰ au Pakistan. Un Américain fait en moyenne 12 années d’études, tandis qu’un Africain ne reste pas plus de 5 ans à l’école. L’écart entre le P.I.B. par tête d’habitant de l’Afrique et celui de l’Europe occidentale était de 1 à 6 en 1900, tandis qu’il est de 1 à 15 en l’an 2000. A la lecture de ces données statistiques, on voit apparaître un cercle vicieux de la pauvreté. Ainsi, la malnutrition et le manque d’éducation réduisent la productivité et donc les revenus de ces peuples. Par la suite, le manque de revenus prive à nouveau ces populations d’une alimentation et d’une éducation suffisantes. Les économies des pays en développement présentent certaines spécificités : – une croissance démographique dépassant la croissance économique ; – un secteur agricole prédominant et un tissu industriel souvent faible ; – une dette extérieure élevée et un manque de capitaux financiers. d) Essor du commerce régional Depuis quelque temps, on observe que l’essor économique des pays développés et des nouveaux pays industrialisés est accompagné de la constitution de pôles commerciaux régionaux, alors même que la tendance est à la mondialisation. Citons comme exemples : l’Union européenne ; l’Accord de libre-échange nord-américain (Alena) entre les USA, le Canada et le Mexique ; le marché commun sud-américain (Mercosur) regroupant notamment le Brésil, l’Argentine et le Chili. Ainsi en Europe, plus de 60% et en Asie orientale près de 40% des échanges se réalisent entre pays de la région respective. Cette régionalisation ne constitue cependant pas une forme de repli protectionniste, mais reflète avant tout les avantages de la proximité dans un contexte de mondialisation. Economie politique I ère G 75 76 Macroéconomie Les principales organisations régionales ALENA : L’ALENA (Accord de libre-échange nord-américain, ou NAFTA - North American Free Trade Area, signé en 1992) débute en 1994 entre les Etats-Unis, le Canada et le Mexique. Son succès est net mais elle bute en 1994 sur la crise monétaire du Mexique liée à l’essor de ses importations. Il s’agit d’une zone de libre-échange (il porte sur les biens, les capitaux et les services, mais laisse de côté la question des migrations et de l’énergie). MERCOSUR : Le MERCOSUR (sud de l’Amérique latine) est instauré en 1995 entre l’Argentine, le Brésil, le Paraguay, l’Uruguay, et à titre d’observateur, le Chili. Il a permis une spectaculaire augmentation des échanges mutuels. FCEAP : L’FCEAP (Forum de coopération économique en Asie-Pacifique ou APEC - Asia Pacific Economic Cooperation Council) est initiée en 1989 : il s’agit d’un forum des 18 pays de la zone Asie Pacifique (40% de la population, et plus de la moitié de la richesse mondiale). L’objectif est de promouvoir la libéralisation du commerce et de l’investissement. EEE : L’EEE (Espace Economique Européen) institue en 1992 une zone de libre-échange entre la CEE et l’AELE (Association européenne de libre-échange) qui réunit depuis 1960 les pays européens non membres de la CEE. ANSEA : l’ANSEA (Association des Nations du Sud-Est Asiatique ou ASEAN - Association of South-Est Asia Nations) Aucune organisation n’existait en Asie du Sud-Est alors que les échanges mutuels sont très élevés et en forte croissance, l’ANSEA (Association des Nations du Sud-Est Asiatique) (créée en 1967 par 5 Etats, élargie depuis + 4 Etats) étant plus une organisation politique (faire barrage au communisme) qu’économique. Depuis le début des années 1990, il devient essentiellement économique : création d’une zone de libreéchange (AFTA : Asia Free Trade Area). Il existe des dizaines d’accords régionaux en Afrique (Uma, Ceao, Udeac), en Amérique latine (Pacte andin) et aux Caraïbes (Caricom). I ère G Economie politique Chapitre 5 Les relations économiques internationales 5.5.2 La coopération luxembourgeoise au développement Conscients des disparités croissantes entre riches et pauvres, les pays industrialisés se sont engagés, au Sommet de Copenhague en 1995, d’affecter 0,7% de leur produit national à ”l’Assistance publique au développement”. En plus, les pays industrialisés et les pays en développement se sont fixé l’objectif suivant : ”la proportion de personnes vivant dans l’extrême pauvreté dans les pays en développement devra être réduite au moins de moitié d’ici 2015” 22 La lutte contre la pauvreté et le développement durable sont les objectifs majeurs de la politique de coopération du Luxembourg. L’aide publique luxembourgeoise se chiffre en 2005 à quelque 203 millions d’euros, ce qui représente 0,85% du produit national. La majeure partie de l’aide publique permet, avant tout, de financer les projets d’aide au développement durable du gouvernement et d’apporter une aide d’urgence aux populations victimes de guerres ou de catastrophes naturelles. Pays cible Pour l’année 1999, le gouvernement luxembourgeois a concentré sa coopération bilatérale sur 10 pays cible en leur accordant au total quelque 28 millions d’euros. Le Luxembourg a pris soin de sélectionner les pays les plus pauvres d’Afrique, d’Amérique centrale et d’Asie. Secteurs prioritaires Les secteurs prioritaires de la coopération luxembourgeoise sont les secteurs sociaux tels que l’éducation de base, la santé primaire, la distribution et l’assainissement d’eau. La construction d’écoles et d’hôpitaux ou encore la mise en place de châteaux d’eau sont réalisées par des entreprises locales. Ainsi, le Luxembourg contribue au développement des activités économiques, au maintien sinon à la création d’emplois et, par­ tant, à la croissance économique de ses pays partenaires. Coopération avec les ONG La politique de coopération du gouvernement luxembourgeois vise également une collaboration étroite avec les ONG (Organisations non gouvernementales). Un cinquième des fonds de l’aide publique au développement sert à cofinancer les projets des ONG et à les assister dans le renforcement de leurs structures, tant au niveau matériel qu’au niveau des ressources humaines. 22 MINISTERE DES AFFAIRES ETRANGERES, La coopération luxembourgeoise au développement, Rapport 1999, p. 9. Economie politique I ère G 77 78 Macroéconomie 5.5.3 Considérations finales Au début du 21e siècle, de grandes inégalités se creusent dangereusement entre pays riches et pays pauvres. Aujourd’hui, plus que jamais, tous les pays développés doivent coordonner leurs politiques de coopération au développement et faire preuve de solidarité en partageant une part croissante de leur richesse nationale avec les pays les plus démunis de la planète. La lutte contre la pauvreté ne doit pas seulement passer par un partage des richesses, mais elle devrait surtout aboutir à une croissance économique durable des pays en développement et à une dimension plus sociale de la mondialisation. Ainsi, il est intéressant de constater que le Prix Nobel d’économie en 1998 a été décerné à Amartya Sen pour ses travaux consacrés à la pauvreté et aux droits des pauvres. 5.6 Les systèmes de changes des monnaies Depuis le 1er janvier 2002 la zone euro dispose d’une monnaie fiduciaire commune et unique qui résout d’un coup le problème de devoir changer constamment de monnaie lorsqu’on voyage à travers l’Europe. Jusqu’alors, sauf exception, chaque pays possédait sa propre monnaie nationale qui n’avait cours légal qu’à l’intérieur des frontières nationales. Le droit de ”battre monnaie”, c.-à-d. d’émettre de la monnaie, a toujours été un acte relevant du souverain, roi ou prince, ou de la souveraineté d’un Etat. Il y a donc presque autant de monnaies que d’Etats souverains. Pour que les échanges internationaux de biens et de services puissent se réaliser, il faut que toutes les monnaies s’échangent les unes contre les autres, même si certaines d’entre elles, à savoir les devises des grandes puissances économiques, telles que le dollar américain, le yen japonais, la livre anglaise ou l’euro jouent un rôle privilégié en tant que moyens de paiement international. 5.6.1 Les systèmes de cotation Le marché des changes est le lieu où s’opère la confrontation de l’offre et de la demande de devises et où se fixe le taux de change (ou cours de change), c.-à-d. le rapport dans lequel s’échangent deux monnaies. I ère G Economie politique Chapitre 5 Les relations économiques internationales Il y a en fait autant de marchés de changes qu’il y a de monnaies (euro/dollar, dollar/yen, yen/euro, etc.). On distingue généralement deux systèmes de cotation du change : la cotation à l’incertain (utilisée au Luxembourg avant l’introduction de l’euro) qui exprime une quantité fixe de monnaie étrangère pour une quantité variable de monnaie nationale (cotation devise/LUF, par exemple : 1 DEM = 20,75 LUF ou 1 USD = 40,25 LUF) tandis que la cotation au certain, utilisée avec l’euro, exprime une quantité fixe de monnaie nationale pour une quantité variable de devise étrangère (cotation EUR/devise, par exemple : 1 EUR = 1,35 CHF ou 1 EUR = 1,02 USD ou 1 EUR = 0,65 GBP). Le marché des changes est devenu un marché planétaire où règne la concurrence parfaite. Grâce au développement fulgurant du commerce international et à l’ouverture progressive des frontières aux flux de capitaux, des sommes impressionnantes y transitent quotidiennement. Cours de change des billets de banque Dernière mise à jour: 17/07/2013 à 13:00 (sans engagement) Achat Achat Devise 1 Devise 1 Vente Devise 1 Devise 2 Vente Devise 2 EUR EUR EUR EUR EUR EUR EUR Vente USD GBP CHF SEK NOK DKK CAD Dollar USA Livre Sterling Franc Suisse Couronne Suédoise Couronne Norvégienne Couronne Danoise Dollar Canadien Achat Devise 2 1,28 0,84 1,20 8,30 7,56 7,15 1,31 1,35 0,89 1,25 9,01 8,21 7,76 1,42 https://www.bcee.lu/cours/change Fig. 5. 4 – Les cours de change : cotation au certain Economie politique I ère G 79 80 Macroéconomie 5.6.2 Le régime de changes flottants Dans un régime de changes flottants tel qu’il est actuellement pratiqué entre les grandes puissances économiques, les mécanismes de marché déterminent les cours de change. En principe les banques centrales n’interviennent qu’en cas de fluctuation trop importante des cours de change. a) La fixation des cours dans le régime de changes flottants Prenons l’exemple du change ”dollar contre euro” et admettons que les deux devises soient à égalité (1 USD = 1 EUR). Considérons le marché du dollar où le taux de change du dollar fluctue en fonction de la variation de l’offre et de la demande de dollars. Ainsi par exemple, le taux de change du dollar en euro exprime la quantité d’euros qu’il faut débourser pour obtenir 1 dollar. Deux scénarios peuvent dès lors se présenter : La demande de dollars peut varier, par exemple à la hausse (l’offre de dollars étant supposée constante) : sur le graphique la fonction de demande se déplace vers la droite et le cours du dollar augmente à 1 USD = 1,05 EUR ce qui correspond à une hausse de 5%. On dira alors que le dollar s’apprécie par rapport à l’euro, car la quantité d’euros qu’il faut payer pour 1 dollar augmente. Corrélativement l’euro se déprécie par rapport au dollar car 1 euro ne vaut plus que 1/1,05 = 0,952381 dollar (cotation au certain). Si on part de l’hypothèse que la demande de dollars diminue, c’est le scénario inverse qui se produira. D’autre part l’offre de dollars peut se modifier. Supposons qu’elle augmente (avec une demande constante) et que la courbe d’offre se déplace vers la droite. Toutes choses restant égales par ailleurs, le cours du dollar va baisser et passer à 0,98 euro pour 1 dollar. Le dollar s’est alors déprécié de 2% et l’euro voit son cours augmenter à 1/0,98 = 1,020408 dollars pour 1 euro. Ces deux cas sont illustrés à l’aide des graphiques suivants : I ère G Economie politique Chapitre 5 Les relations économiques internationales Fig. 5. 5 – Offre et demande de dollars b) Facteurs principaux déterminant offre et demande d’une devise Dollar, euro, yen et livre anglaise occupent une place prédominante en tant que moyens de paiement international, à peu près 80% de toutes les transactions se faisant par l’intermédiaire de ces monnaies. Il y a deux facteurs principaux qui expliquent les fluctuations du cours de change d’une monnaie : les échanges de biens et de services et les mouvements de capitaux portant sur une devise ou monnaie particulière. Considérons en détail les cas possibles : La demande de devises étrangères (p.ex. : dollars dans la zone euro) dépend de : 1) l’importation de biens et services (p.ex. : en provenance des Etats-Unis). L’importateur européen demande des dollars pour payer ses achats libellés en dollars ; 2) l’exportation de capitaux vers l’étranger. Une firme européenne désirant investir aux Etats-Unis, par exemple, devra acheter des dollars ; de même un spéculateur désirant acheter des titres américains ou simplement placer ses capitaux en dollars devra acheter la devise américaine. L’offre de devises étrangères dans la zone euro dépend de : 1) l’exportation de biens et services européens vers l’étranger, l’exportateur européen désirant convertir en euros les dollars obtenus par la vente. Notons que l’effet est le même si l’importateur étranger paie directement en euro. Dans les deux cas il y a offre (= vente) de dollars ; Economie politique I ère G 81 82 Macroéconomie 2) l’importation de capitaux en provenance de l’étranger. Une firme américaine qui voudra investir en Europe, acquérir des titres européens ou placer une partie de ses liquidités en euro devra vendre des dollars pour acheter des euros. On voit que la valeur d’une monnaie dépend dans une large mesure des capacités productives d’une nation, de sa présence et de sa compétitivité sur les grands marchés internationaux ou, en résumé, de la force ou de la faiblesse d’une économie nationale. c) Autres facteurs pouvant avoir un impact important L’instabilité politique et sociale ou des conflits armés peuvent très rapidement miner la confiance dans la monnaie nationale. Le différentiel de taux d’intérêt (écart entre taux d’intérêt du marché) entre grandes devises peut provoquer, par exemple, une hausse de l’euro (ou une baisse du dollar) due à une rémunération plus élevée des capitaux placés en euro (ou à une rémunération plus faible des capitaux placés en dollar). Un autre facteur non négligeable est la spéculation à court terme qui peut accentuer brusquement l’offre ou la demande d’une monnaie particulière. Si les agents économiques et les investisseurs financiers anticipent la baisse probable d’une monnaie, ils vont vendre, massivement et en même temps, leurs avoirs libellés dans la monnaie en question, quitte à la racheter une fois que son cours aura baissé. Ce sont le plus souvent les monnaies dites faibles, généralement des pays en voie de développement, qui sont la proie de ces spéculations. Toutefois, dans les années 1990, même le franc français et la lire italienne durent subir des assauts très véhéments. Ces crises spéculatives ont montré la nécessité d’une bonne coordination voire coopération entre banques centrales, car un pays isolé ne dispose pas des réserves financières nécessaires pour se défendre seul contre ces attaques spéculatives. Crises militaires, politiques et économiques, combinées aux flambées spéculatives, peuvent donc provoquer des fluctuations importantes des taux de change. Généralement imprévisibles, ces fluctuations perturbent l’activité économique dans la mesure où elles introduisent des incertitudes graves dans le calcul économique des agents économiques. Il est donc normal que l’on entende des voix s’élever pour réclamer le rétablissement d’un régime de changes fixes semblable à celui que nous avons connu après la Seconde Guerre mondiale. I ère G Economie politique Chapitre 5 Les relations économiques internationales 5.6.3 Le régime de changes fixes Le principe consiste à fixer des parités officielles et à en garantir la fixité. Cela n’est possible que si les banques centrales des pays participants interviennent activement sur le marché des changes pour empêcher les fluctuations des cours. Comme une fixité totale des cours est difficile à atteindre, on a vu apparaître des systèmes moins rigides permettant des marges de fluctuation plus ou moins grandes autour de la parité officielle, dite cours-pivot. Le système monétaire européen (SME), entré en vigueur en 1979 et remanié à plusieurs reprises, permettait des marges de fluctuation allant de ± 2,25% jusqu’à ± 15% autour de la parité officielle. Supposons, pour illustrer le mécanisme, un taux de change officiel entre (l’ancien) deutschemark et (l’ancien) franc belge de 1 DEM = 20 BEF (ou 100 BEF = 5 DEM) avec une marge de fluctuation de 15%. Le cours-pivot du deutschemark est donc de 20, le cours-plancher de 17 et le cours-plafond de 23 francs pour 1 deutschemark. Tant que le cours de change reste à l’intérieur de ces limites prédéfinies, les banques centrales n’interviennent pas. Fig. 5. 6 – Les changes fixes L’intervention des banques centrales devient nécessaire et obligatoire à partir du moment où les cours risquent de dépasser les limites fixées. Deux scénarios peuvent donc se présenter : Economie politique I ère G 83 84 Macroéconomie 1) A Bruxelles le cours du deutschemark atteint le cours-plancher de 17 francs pour 1 deutschemark. La banque centrale belge achète alors des marks allemands contre des francs belges (tandis que la banque centrale allemande va vendre des francs contre mark). L’intervention des deux banques centrales devra avoir le même effet, à savoir une demande accrue de marks et une offre accrue de francs. De cette manière le taux de change mark/franc belge est ramené à l’intérieur des marges de fluctuation et l’intervention des banques centrales cesse. 2) Si le mark atteint son cours-plafond de 23, c’est l’opération inverse qui se déclenche : la banque centrale belge vend des marks contre des francs (tandis que la banque centrale allemande achète des francs contre des marks). L’offre accrue de marks allemands fait baisser le cours du DEM et la demande accrue de francs belges fait augmenter le cours du BEF. Encore une fois, le taux de change rentre dans les limites imposées. Une telle politique d’intervention sur les marchés des changes n’aura de succès que si la banque centrale dispose des réserves de devises nécessaires pour soutenir durablement le cours de sa propre monnaie. Comme la stabilité d’un tel système de changes fixes est basée sur l’entente et la coopération entre Etats, il n’est pas étonnant de voir les banques centrales s’accorder des prêts réciproques ; en dernière instance, un Etat peut s’adresser au Fonds monétaire international (FMI) pour obtenir des prêts lui permettant de faire face à des crises monétaires graves. 5.6.4 Les changements de parité officielle Si, dans un cadre de changes fixes, les fluctuations de change deviennent trop importantes et persistantes et que les interventions même concertées des banques centrales n’arrivent pas à freiner la hausse ou la baisse d’une monnaie, l’autorité monétaire peut procéder à un changement de la parité officielle de sa monnaie nationale par rapport à toutes les autres monnaies des pays membres du système. On parle de dévaluation en cas de baisse et de réévaluation en cas de hausse du cours officiel. Durant la période 1960-1990 le deutschemark a ainsi été réévalué à plusieurs reprises, tandis que le franc français, la lire italienne et le franc belgo-luxembourgeois (en 1982) ont été dévalués. Notons que dans un système de changes flottants, il ne peut pas y avoir, techniquement parlant, de dévaluation ou de réévaluation, car l’autorité monétaire renonce à fixer une parité officielle. I ère G Economie politique Chapitre 5 Les relations économiques internationales La grande majorité des pays ont adopté un système de changes flottants, mais étant donné que certaines devises jouent un rôle prépondérant, il y a des pays qui préfèrent ancrer, c.-à-d. rattacher leur monnaie à l’une ou l’autre de ces devises fortes (le dollar pour les pays d’Amérique latine et l’euro pour les pays candidats à l’adhésion à l’Union européenne). Ces pays s’engagent alors à stabiliser le cours de leur monnaie par rapport à celle de leur principal partenaire commercial. 5.7 Intégration de l’étranger dans le modèle keynésien 5.7.1 Détermination du revenu national d’équilibre YE Le revenu national Y = C + I, établi dans le cadre d’une économie fermé devient, avec introduction des dépenses publiques G de l’agent économique Etat : Y=C+I+G En introduisant l’agent économique ”Etranger”, les composantes E (Exportations) et M (Importations) viennent s’ajouter au modèle macro-économique. D’où : Y=C+I+G+E–M Définissons les composantes de Y : La fonction de consommation : C = cYd + C0. Investissements, dépenses publiques et exportions sont supposés autonomes, c.-à-d. indépendants du revenu national Y. D’où : I = I0, G = G0 et E = E0. Les impôts sont supposés proportionnels au revenu Y : T = tY avec t = taux d’imposition (0 < t < 1). Les importations sont supposées proportionnelles au revenu Y : M = mY avec m = taux d’importation. Economie politique I ère G 85 86 Macroéconomie Déterminons alors le revenu national d’équilibre Y E : Dgl = C + I + G+ E – M A l’équilibre Ogl = Dgl YE = C + I + G+ E – M D’où YE = cYd + C0 + I0 + G0 + E0 - mYE YE = c (YE − T) + C0 + I0 + G0 + E0 - mYE YE = c (YE − tYE) + C0 + I0 + G0 + E0 - mYE YE = c (1 − t) YE + C0 + I0 + G0 + E0 - mYE YE – c (1 − t) YE + mYE = C0 + I0 + G0 + E0 [1 – c (1 − t) + m] YE = C0 + I0 + G0 + E0 YE = 𝐂𝐨 + 𝐈𝐨 + 𝐆𝐨+ 𝐄𝐨 𝟏 – 𝐜(𝟏 – 𝐭)+𝐦 𝐤= = 𝟏 𝟏 – 𝐜(𝟏 – 𝐭)+𝐦 𝟏 (𝐂𝐨 + 𝐈𝐨 + 𝐆𝐨 + 𝐄𝐨) (k = multiplicateur keynésien) 𝟏 – 𝐜(𝟏 – 𝐭)+𝒎 Evolution du multiplicateur : 𝐤= I ère G 𝟏 𝟏−𝐜 > 𝟏 𝟏 − 𝐜(𝟏 − 𝐭) > 𝟏 𝟏 – 𝐜(𝟏 – 𝐭)+𝒎 Economie politique Chapitre 5 Les relations économiques internationales 5.7.2 Applications 1) Soit une économie ouverte avec intervention de l’Etat. On a les équations de comportement suivantes : C = 0, 75(Y − T) + 100 ; M = 0, 1Y ; T = 0, 2Y ; I 0 = 110 ; G0 = 60 ; E0 = 120. a) déterminer le revenu national d’équilibre et le multiplicateur ; b) calculer le solde budgétaire ; c) calculer le solde extérieur. 2) Soit une économie ouverte avec intervention de l’Etat. On a alors : C = cYd + 200 ; M = mYd + 100 ; T = tY ; Yd = Y − T avec c = 0, 8 ; m = 0, 4 ; t = 0, 5 ; I0 = 250 ; G0 = 650 ; E0 = 600. a) déterminer le revenu national d’équilibre ; b) calculer le solde budgétaire ; c) calculer le solde extérieur. 3) Supposons une économie ouverte, avec intervention de l’Etat, aux équations de comportement suivantes : C0 = 250 ; I0 = 400 ; G0 = 650 ; E0 = 450 ; M = mYd + 100 ; c = 0, 80 ; m = 0, 20 ; t = 0, 25 a) déterminer le revenu national d’équilibre ; b) calculez le multiplicateur ; c) si le revenu national de plein emploi s’élève à 3.300, de combien devraient varier les exportations pour ramener l’économie au plein emploi ? Economie politique I ère G 87 88 Macroéconomie Chapitre 6 Economie et écologie Il est communément admis que le P.I.B. par tête d’habitant est un bon indicateur du niveau de vie général. Depuis les années 1950, les pays occidentaux ont connu des taux de croissance du P.I.B. jamais atteints auparavant. En Europe, l’activité productive a quadruplé depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. L’accroissement de la production a permis une plus ample satisfaction de nos besoins multiples. Cependant, cette croissance économique est-elle toujours synonyme d’un bien-être accru, d’une meilleure qualité de vie ? Qu’en est-il des conséquences écologiques ? 6.1 L’impact écologique des activités économiques 6.1.1 Le défi écologique De nos jours, l’activité économique conditionnée par les révolutions techniques et technologiques affecte nos ressources rares en : – les exploitants au-delà de leur potentiel de renouvellement (déforestation exagérée, surexploitation touristique, chasse et pêche excessives) ; – les vouant à la disparition pure et simple (épuisement des ressources naturelles, extinction d’espèces végétales et animales) ; – les rendant impropres à tout usage (sites gravement pollués comme la région autour de Tchernobyl). I ère G Economie politique Chapitre 6 Economie et écologie La destruction et la détérioration progressives de notre environnement constituent les sous-produits de notre activité économique et en particulier de notre civilisation d’abondance. L’indicateur P.I.B. ne tient pas compte de ces externalités négatives. On parle d’externalités négatives (= nuisances) lorsqu’un agent économique entreprend une action qui affecte directement d’autres agents, sans que le marché ne sanctionne cette action par un prix à payer. La détérioration de l’environnement est un exemple d’externalités négatives. Une entreprise qui pollue l’eau d’une rivière, les avions qui rejettent des gaz toxiques dans l’atmosphère représentent des actes dont les générations actuelles et futures subiront les conséquences. Il faut par conséquent être conscient des limites du P.I.B. comme indicateur de performance. La création du produit national entraîne des coûts écologiques qui sont différents des coûts économiques de la production. Ces coûts écologiques sont surtout qualitatifs et plus difficilement mesurables 23. Toutefois, l’existence de ces coûts ne peut plus être négligée lorsqu’on veut apprécier la contribution de l’activité économique au bien-être de la collectivité. Une étude, réalisée en 1990 par la Banque mondiale au sujet du Mexique, a mis en évidence que si l’on tenait compte notamment de l’épuisement des réserves de gisements de pétrole, du déboisement, de la pollution de l’environnement, le P.I.B. devrait être amputé d’au moins 13%. Pour assurer un développement durable, c.-à-d. une croissance économique tenant compte des ressources naturelles disponibles et de la protection de la nature, il est indispensable que les préoccupations écologiques s’intègrent dans la sphère économique. Aujourd’hui on admet que l’économie et l’écologie doivent avoir une ambition commune : comment gérer à moyen et à long terme les ressources de la planète d’une façon rationnelle ? Ou, en d’autres termes, comment assurer la croissance économique présente sans hypothéquer l’avenir des générations futures ? 23 L’Organisation des Nations Unies a mis au point un indicateur spécifique, le P.I.B. vert, qui tient compte des effets néfastes sur l’environnement et de l’épuisement des ressources naturelles. Economie politique I ère G 89 90 Macroéconomie 6.1.2 Les conséquences de la croissance Les effets d’une croissance purement quantitative sont manifestes. Analysons de plus près deux conséquences particulièrement marquantes. La diminution progressive des ressources naturelles La prospérité matérielle de notre société est liée aux richesses naturelles ; leur épuisement progressif marque les limites de tout développement économique. L’économiste et sociologue K. E. Boulding compare la terre à un vaisseau spatial, suggérant ainsi que la terre est un système clos (mis à part l’apport extérieur d’énergie solaire) muni d’un réservoir de ressources limitées. Le critère du succès économique ne doit plus être la recherche d’une production et d’une consommation maximales, mais plutôt le maintien du stock des richesses naturelles nécessaires à la vie 24. Les pays économiquement développés (comme les Etats-Unis, le Japon, les Etatsmembres de l’UE, etc.) demeurent les grands consommateurs de richesses naturelles : pétrole, charbon, minerai de fer, aluminium, cuivre, bois, etc. Il en résulte un épuisement progressif, processus qui devrait conduire à terme à une augmentation progressive du prix de ces mêmes ressources. Cette hausse probable des prix devrait constituer une forte incitation en vue : – d’une utilisation plus rationnelle de l’énergie ; – d’un meilleur emploi des matières premières en développant le recyclage, en augmentant la durée de vie des biens de consommation courants, etc. ; – d’un remplacement progressif des énergies fossiles par des énergies renouvelables. La pollution et la destruction de l’environnement Une forte consommation de matières premières dégage : – des quantités importantes de rejets divers (monoxyde et dioxyde de carbone, soufre, métaux lourds, etc.) qui empoisonnent notre environnement naturel ; – des déchets industriels et domestiques qu’il faut stocker ; 24 Jean-Philippe BARDE, Emilio GERELLI, Economie et politique de l’environnement, PUF, 1977. I ère G Economie politique Chapitre 6 Economie et écologie – des déchets recyclables (déchets organiques, ferrailles, carrosseries, papier, verre, matières plastiques, etc.). Sans entrer dans les détails, retenons qu’il est indéniable que : – l’utilisation massive de l’énergie d’origine fossile (charbon, gaz naturel, pétrole) entraîne un effet de serre qui est à l’origine de la hausse de la température de l’atmosphère terrestre. On peut imaginer de recourir davantage aux sources d’énergie non fossiles et renouvelables (énergie solaire, éolienne, hydraulique) ; – l’utilisation du gaz chlorofluorocarbure (en allemand : FCKW), utilisé notamment dans les réfrigérateurs et dans les installations climatiques, attaque la couche d’ozone. Depuis 1987, les pays industrialisés se sont engagés à réduire progressivement l’utilisation du gaz en question et à le remplacer par d’autres produits ; – l’agriculture intensive utilise des produits chimiques (herbicides, pesticides, engrais chimiques, etc.) qui s’accumulent dans la chaîne alimentaire. Il faudrait davantage favoriser les cultures biologiques réconciliant qualité des produits et préservation de l’environnement ; – l’activité industrielle dégage des polluants de toutes sortes qui empoisonnent les sols et l’atmosphère dans un large rayon autour des sites industriels. Des systèmes performants de filtrage et d’épuration, c.-à-d. des technologies propres, permettraient de réduire sensiblement ces émissions. Face aux conséquences souvent néfastes de notre activité économique sur l’environnement, ne faudrait-il pas remettre en question notre modèle de croissance économique ? 6.2 La politique de l’environnement Aujourd’hui, on s’accorde à dire qu’il faut abandonner l’idée du productivisme à outrance et délaisser la conception purement quantitative de la croissance économique. Faut-il opter pour une ”croissance zéro”, slogan des écologistes des années 1970, ou bien favoriser la ”croissance maîtrisée” ou le ”développement durable” afin de concilier les contraintes écologiques et économiques ? Economie politique I ère G 91 92 Macroéconomie 6.2.1 La ”croissance zéro” ”Croissance zéro” signifie que la production d’une année à l’autre n’augmente pas. En 1972, le rapport du Massachusetts Institute of Technology rédigé à l’instigation du Club de Rome a révélé pour la première fois au grand public les limites d’une croissance mal maîtrisée. Ce rapport a mis en évidence un certain nombre de problèmes, notamment une croissance démographique inconsidérée dans les pays du Tiers-Monde, un gaspillage des matières premières et des richesses naturelles, une accentuation de la pollution, un développement de valeurs essentiellement matérialistes, etc. Le rapport conclut : Plus une activité humaine approche de la limite supportable par le milieu naturel, plus les incompatibilités apparaissent clairement et plus les problèmes deviennent insolubles (...). Si l’on veut éviter la catastrophe, il convient de tendre vers un état d’équilibre global caractérisé par une population et un capital essentiellement stables. La croissance zéro permettra-t-elle de résoudre nos problèmes écologiques ? Une croissance ralentie suite à la crise économique de 1973 permet d’en douter. 6.2.2 La ”croissance maîtrisée” Par ”croissance maîtrisée” on entend un développement économique contrôlé, harmonieux et équilibré des différents secteurs d’activité et des régions économiques tout en tenant compte des impératifs écologiques. La croissance maîtrisée exige une action concertée entre le secteur public (Etat, communes) et le secteur privé (ménages, entreprises) et elle implique essentiellement : – l’amélioration qualitative des infrastructures publiques (investir dans les transports en commun, améliorer le transport par rail, etc.) et de l’appareil productif d’une économie en généralisant les technologies permettant de limiter la pollution et les gaspillages ; – une politique de l’aménagement du territoire favorisant une répartition plus équilibrée des activités économiques sur le territoire national et limitant le nombre de sites de production (promouvoir des zones d’activités régionales) ; – une modification des styles de vie et de consommation (éviter les déchets, favoriser l’utilisation de produits recyclés et des transports en commun). I ère G Economie politique Chapitre 6 Economie et écologie 6.2.3 Le développement durable Le concept qui semble s’imposer depuis plusieurs années est celui d’un ”développement durable” (sustainable development, nachhaltige Entwicklung). Il désigne ”une forme de développement économique respectueuse de l’environnement, du renouvellement des ressources et de leur exploitation rationnelle, de manière à préserver indéfiniment les matières premières et non à les épuiser ni à les détruire”25. Un développement n’est donc durable ou supportable que s’il permet de satisfaire aux besoins des populations actuelles sans compromettre ceux des générations futures. Ce concept pose le principe de la solidarité entre les générations actuelles et futures. Ce nouveau concept fut officiellement approuvé par la Conférence mondiale de Rio de 1992, qui marque une étape importante dans la prise de conscience internationale des problèmes environnementaux : effet de serre, sauvegarde de la couche d’ozone, préservation de la biodiversité, protection des forêts et lutte contre la désertification. La Déclaration de Rio a également retenu le principe du pollueur-payeur et l’internalisation des coûts de protection de l’environnement : en d’autres termes, les coûts écologiques doivent être incorporés au prix de vente payé par le consommateur final (exemple : le coût de l’épuration des eaux usées doit faire partie intégrante du prix de vente des eaux potables). Toutefois, la Conférence de Rio a mis en évidence à quel point les désaccords entre nations étaient nombreux. La déclaration revenait à mettre en cause les intérêts des multinationales, les grandes orientations de la recherche, les modes de consommation, du Nord en particulier. 6.3 Les instruments de la politique de l’environnement Il appartient aux autorités publiques de définir et de mettre en œuvre les instruments adéquats pour atteindre les objectifs fixés, notamment dans le cadre d’accords internationaux. Globalement, on peut classer les instruments de la politique de l’environnement en trois catégories : 25 Glossaire critique d’Armand FARRACHI, dans Manière de voir 50, LE MONDE diplomatique, mars-avril 2000, p. 94. Economie politique I ère G 93 94 Macroéconomie 6.3.1 La réglementation Par réglementation, on entend les contraintes légales imposées par les autorités publiques. La réglementation consiste par exemple à fixer des normes pour limiter les effets sur l’environnement. On distingue : – la norme d’émission qui limite la quantité maximale de polluant qu’une entreprise peut déverser dans l’environnement (exemples : 50 mg de dioxyde de soufre ou 200 mg de dioxyde d’azote par m3 d’air, etc.) ; – la norme de procédé qui oblige un agent économique à utiliser certains procédés de fabrication (utilisation de filtres, dispositifs d’épuration, catalyseur, etc.) ; – la norme de produit qui fixe les caractéristiques auxquelles doivent répondre les produits (exemples : les additifs dans les produits alimentaires, les pesticides ou dioxines dans les aliments, le plomb dans l’essence, etc.). La réglementation administrative pénalise les entreprises qui ne respectent pas les normes. Les producteurs qui s’y tiennent échappent aux amendes. Par contre, ils ne sont pas incités à changer leur technologie de production afin de réduire la pollution. La tarification consiste donc à modifier le prix d’un bien en faisant payer à l’agentpollueur les effets externes qu’il fait supporter à d’autres agents. Il appartient aux pouvoirs publics de forcer progressivement les pollueurs à limiter les effets liés à leur activité de production en leur imposant de réparer le dommage causé. C’est l’application du principe du pollueur-payeur. Ce principe est considéré comme une ”end-of-pipe-strategy”, c.-à-d. comme une mesure de réparation a posteriori des dégâts causés. Aujourd’hui, on plaide de plus en plus pour une politique de prévention permettant justement d’éviter les dommages causés à l’environnement et à la santé des citoyens. Les taxes écologiques et le système du permis négociable semblent être des instruments privilégiés pour mettre en œuvre une telle politique de prévention. I ère G Economie politique Chapitre 6 Economie et écologie 6.3.2 L’arme fiscale : les écotaxes Les écotaxes frappent avant tout les énergies non renouvelables et certains produits de consommation responsables de montagnes de déchets (exemples : matières plastiques, emballages, bouteilles non consignées, etc.). L’idée est d’utiliser les mécanismes de marché pour inciter les consommateurs (et indirectement les producteurs) à adopter des comportements plus écologiques. La taxe écologique augmente le prix des biens concernés et décourage donc leur consommation. Afin d’échapper à cette imposition, les consommateurs se tourneront vers des produits de substitution (énergies renouvelables, bouteilles consignées, produits recyclés, etc.) en principe exonérés de cette taxe, ce qui va encourager la production de biens et services plus écologiques. 6.3.3 Le système du ”permis négociable” Le système du permis négociable a vu le jour aux Etats-Unis. L’Etat fixe une norme de pollution globale, divisée en dotations individuelles ou ”droits à polluer” vendus à chaque entreprise et échangeables entre les acteurs économiques. Si l’entreprise parvient à réduire sa pollution, elle pourra vendre une partie de son permis à un autre producteur désireux d’augmenter sa production. L’avantage de cette réglementation s’apparente aux écotaxes. Il s’agit d’inciter les entreprises à installer des systèmes anti-polluants, plutôt que de les inciter à rester dans les limites de la norme fixée par voie réglementaire. Toutefois, la mise en œuvre d’un tel système s’avère difficile et complexe. 6.3.4 La coopération internationale Le problème du réchauffement climatique est reconnu aujourd’hui comme un problème majeur à dimension internationale. En 1992, un premier accord a été conclu à l’instigation des Nations Unies (Conférence de Rio) et ratifié par plus de 180 Etats. Cet accord prévoit de stabiliser les émissions responsables de l’effet de serre. Les dispositions prévues dans cet accord ont été développées et ont abouti au protocole de Kyoto (1997). Par cet accord, les pays industrialisés prévoient : Economie politique I ère G 95 96 Macroéconomie – de réduire sensiblement les émissions à effet de serre 26 ; – d’étudier le développement du commerce des ”permis négociables” ; – de stimuler les investissements publics et privés dans les technologies réduisant les émissions nocives ; – de favoriser le transfert de technologies vers les pays du Tiers-Monde. Le protocole de Kyoto est entré en vigueur le 16.02.2005 suite à la ratification par plus de 55 pays signataires accumulant plus de 55% des émissions à effet de serre. Les conférences qui ont suivi cet accord et qui ont eu pour but de régler l’application du protocole de Kyoto, ont toutes mis en évidence la difficulté de concilier les égoïsmes nationaux d’une part et les contraintes écologiques d’autre part. 26 Réduction entre 2008 et 2012 des émissions générales pour six gaz à effet de serre (CO2 , CH4 , N2O, etc.) d’au moins 5% par rapport à leurs niveaux de 1990. En 1998, l’Union européenne et ses 15 Etats membres se sont engagés à réduire leurs émissions de 8%. La contribution du Luxembourg est, avec une réduction de 28% de ses émissions par rapport à l’année 1990, la plus importante de tous les pays de l’Union européenne. I ère G Economie politique Chapitre 6 Table des matières Table des matières MACROECONOMIE ............................................................................ 2 Chapitre 1 .................................................................................................................... 3 L’Etat - rôle économique et social ................................................................. 3 1.1 Les rôles de l’Etat ......................................................................................................... 3 1.1.1 Un rôle passif: L’Etat ”veilleur de nuit” (Nachtwächterstaat) .................................................. 4 1.1.2 Un rôle actif : l’Etat interventionniste ................................................................................. 5 1.2 Le budget de l’Etat ....................................................................................................... 6 1.2.1 Les recettes de l’Etat ........................................................................................................ 7 1.2.2 Les dépenses de l’Etat .................................................................................................... 11 1.2.3 Le solde budgétaire........................................................................................................ 12 1.3 Les objectifs de la politique économique .................................................................. 13 1.3.1 Objectifs principaux ...................................................................................................... 13 1.3.2 Objectifs secondaires ..................................................................................................... 14 1.4 La politique budgétaire en tant qu’instrument de la politique économique et sociale 16 1.4.1 Politique conjoncturelle .................................................................................................. 16 1.4.2 Politique structurelle ...................................................................................................... 19 1.4.3 Politique sociale ............................................................................................................ 20 1.4.4 Politique écologique ...................................................................................................... 20 1.4.5 Politique budgétaire et objectifs européens......................................................................... 20 1.4.6 Le carré magique de Nicholas Kaldor ............................................................................... 21 1.5 Intégration de l’Etat dans le modèle keynésien........................................................ 23 1.5.1 Fonction de comportement des agents économiques ............................................................ 23 1.5.2 Détermination du revenu national d’équilibre YE ................................................................ 24 1.5.3 Applications ................................................................................................................. 26 Chapitre 2 .................................................................................................................. 27 Monnaie et politique monétaire .................................................................... 27 2.1 La Banque Centrale.................................................................................................... 27 2.1.1 Mission et objectif d’une Banque centrale .......................................................................... 27 2.1.2 La Banque Centrale Européenne (BCE) ............................................................................ 28 2.1.3 La Banque Centrale du Luxembourg (BCL) ....................................................................... 29 I ère G Economie politique Cours 97 98 Macroéconomie 2.2 La politique monétaire de la BCE ............................................................................. 29 2.2.1 Le taux d’intérêt directeur ............................................................................................... 29 2.2.2 La politique monétaire restrictive et expansionniste ............................................................. 30 2.2.3 Les instruments de la politique monétaire de la BCE ........................................................... 31 2.3 Impact de la monnaie sur l’économie réelle ............................................................. 33 Chapitre 3 .................................................................................................................. 37 Emploi et chômage ............................................................................................... 37 3.1 Le marché du travail .................................................................................................. 37 3.2 L’emploi au Luxembourg .......................................................................................... 39 3.2.1 Mutations structurelles de l’emploi ................................................................................... 39 3.2.2 L’immigration et les frontaliers ........................................................................................ 40 3.2.3 Définitions et statistiques ................................................................................................ 42 3.3 Le chômage .................................................................................................................. 43 3.3.1 Le chômage dans une perspective historique ...................................................................... 43 3.3.2 Chômage et indemnisation du chômage au Luxembourg ...................................................... 45 3.4 Les types de chômage ................................................................................................. 46 3.5 Chômage et inflation : la courbe de Phillips............................................................. 49 3.6 La lutte contre le chômage ......................................................................................... 51 Chapitre 4 .................................................................................................................. 53 Théorie de la croissance .................................................................................... 53 4.1 La croissance économique .......................................................................................... 53 4.1.1 Définition et mesure de la croissance ................................................................................ 53 4.1.2 Les facteurs de la croissance............................................................................................ 54 4.2 Les cycles économiques .............................................................................................. 56 4.2.1 Les phases du cycle économique ...................................................................................... 56 4.2.2 Les différents types de cycles .......................................................................................... 57 I ère G Economie politique Cours Table des matières Chapitre 5 .................................................................................................................. 60 Les relations économiques internationales ............................................. 60 5.1 Justification des échanges internationaux ................................................................ 60 5.1.1 L’objet des échanges ...................................................................................................... 60 5.1.2 Les facteurs favorisant les échanges.................................................................................. 60 5.2 La balance des paiements ........................................................................................... 63 5.2.1 Les composantes de la balance ........................................................................................ 63 5.2.2 Commentaires et réflexions ............................................................................................. 65 5.2.3 Les spécificités des échanges internationaux de services ...................................................... 67 5.2.4 Les causes de rupture de l’équilibre de la balance des paiements ............................................ 67 5.3 L’économie luxembourgeoise : une ouverture obligée ............................................ 68 5.3.1 Les relations extérieures ................................................................................................. 68 5.3.2 Evolution de la balance courante ...................................................................................... 68 5.4 La politique commerciale ........................................................................................... 69 5.4.1 Le libre-échange ........................................................................................................... 70 5.4.2 Le protectionnisme ........................................................................................................ 71 5.4.3 L’autarcie .................................................................................................................... 73 5.5 Les échanges dans le monde....................................................................................... 73 5.5.1 Les inégalités économiques et sociales .............................................................................. 74 5.5.2 La coopération luxembourgeoise au développement ............................................................ 77 5.5.3 Considérations finales .................................................................................................... 78 5.6 Les systèmes de changes des monnaies ..................................................................... 78 5.6.1 Les systèmes de cotation ................................................................................................ 78 5.6.2 Le régime de changes flottants ......................................................................................... 80 5.6.3 Le régime de changes fixes ............................................................................................. 83 5.6.4 Les changements de parité officielle ................................................................................. 84 5.7 Intégration de l’étranger dans le modèle keynésien ................................................ 85 5.7.1 Détermination du revenu national d’équilibre Y E ................................................................ 85 5.7.2 Applications ................................................................................................................. 87 Chapitre 6 .................................................................................................................. 88 Economie et écologie............................................................................................ 88 6.1 L’impact écologique des activités économiques ....................................................... 88 6.1.1 Le défi écologique ......................................................................................................... 88 6.1.2 Les conséquences de la croissance .................................................................................... 90 Cours Economie politique I ère G 99 100 Macroéconomie 6.2 La politique de l’environnement ............................................................................... 91 6.2.1 La ”croissance zéro” ...................................................................................................... 92 6.2.2 La ”croissance maîtrisée” ............................................................................................... 92 6.2.3 Le développement durable .............................................................................................. 93 6.3 Les instruments de la politique de l’environnement................................................ 93 6.3.1 La réglementation ......................................................................................................... 94 6.3.2 L’arme fiscale : les écotaxes ............................................................................................ 95 6.3.3 Le système du ”permis négociable” .................................................................................. 95 6.3.4 La coopération internationale .......................................................................................... 95 I ère G Economie politique Cours Table des figures Table des figures Chapitre 1 : L’Etat - rôle économique et social Fig. 1. 1 – Impôts directs et indirects ...................................................................................................7 Fig. 1. 2 – Circuit économique simplifié..............................................................................................8 Fig. 1. 3 – La courbe de Laffer .......................................................................................................... 10 Fig. 1. 4 – Perspectives économiques mondiales selon l’OCDE ...................................................... 14 Fig. 1. 5 – Politique de rigueur, politique de relance ........................................................................ 16 Fig. 1. 6 – Politique budgétaire expansionniste ................................ Error! Bookmark not defined. Fig. 1. 7 – Politique budgétaire restrictive ........................................ Error! Bookmark not defined. Fig. 1. 8 – Le carré magique .............................................................................................................. 22 Chapitre 2 : Monnaie et politique monétaire Fig. 2. 1 – Le taux d’intérêt directeur ................................................................................................ 30 Fig. 2. 3 – Impact de la monnaie sur l’économie réelle .................................................................... 34 Fig. 2. 4 – Rentabilité de l’investissement ........................................................................................ 35 Chapitre 3 : Emploi et chômage Fig. 3. 1 – Marché du travail ............................................................................................................. 38 Fig. 3. 2 – Courbe de Phillips ............................................................................................................ 50 Chapitre 4 : Théorie de la croissance Fig. 4. 1 – Les phases d’un cycle économique .................................................................................. 57 Fig. 4. 2 – Cycle long ........................................................................ Error! Bookmark not defined. Chapitre 5 : Les relations économiques internationales Fig. 5. 1 – Balance courante .............................................................................................................. 64 Fig. 5. 2 – Balance des opérations financières .................................................................................. 65 Fig. 5. 3 – Equilibre formel de la balance des paiements ................................................................. 65 Fig. 5. 4 – Les cours de change : cotation au certain ........................................................................ 79 Fig. 5. 5 – Offre et demande de dollars ............................................................................................. 81 Fig. 5. 6 – Les changes fixes ............................................................................................................. 83 Cours Economie politique I ère G 101