Gilbert  Simondon  et  Gilles  Deleuze sont  tous  deux  des 
philosophes  du  devenir  qu’il  est  possible  de  rapprocher 
l’un  de  l’autre,  non  sans  difficulté,  autour  d’une  série  de 
points-clés assez remarquables, ne serait-ce qu’en vertu des 
renvois  récurrents  et  explicites  de  Gilles  Deleuze  vers 
l’œuvre de Simondon, ou encore de la recension1 élogieuse 
que  celui-ci  avait  consacrée  à  L’individuation  psychique  et 
collective en  1966.  Dans  ce  sens,  une  poignée  de  travaux2 
qui  se  sont  intéressés  au  couple  « Deleuze-Simondon » 
(dans un sens ou dans l’autre) ont d’ores et déjà relevé un 
certain  nombre  de  lignes  de  convergence,  mais  aussi  de 
points de tension entre les deux philosophes. Nous avons 
souhaité,  à  travers  notre  propre  lecture,  prolonger  ce 
corpus  en  explorant  la  rencontre  entre  Deleuze  et 
Simondon sur la question – peut-être moins abordée – du 
philosopher. Entendre par là la fonction que l’un et l’autre 
ont assignée à la philosophie en tant que mode de pensée 
singulier. « À la limite, écrivent Deleuze et Guattari, n’est-
ce pas chaque grand philosophe qui trace un nouveau plan 
d’immanence,  apporte  une  nouvelle  matière  de  l’être  et 
dresse une nouvelle image de la pensée, au point qu’il n’y 
aurait  pas  deux  grands  philosophes  sur  le  même  plan ? » 
(QP, p. 52). Nous  tenterons donc  de  montrer  en  quoi la 
définition  de  la  philosophie  proposée  par  Simondon  se 
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
1 DELEUZE G., L’Île  déserte  et autres  textes.  Textes  et  entretiens 1953-1974, Paris, 
Minuit, édition préparée par David Lapoujade, p. 120. 
2 MONTEBELLO P. « La question de l’individuation chez Deleuze et Simondon », 
in Jean-Marie  Vaysse  (ed.),  Vie,  monde,  individuation,  Georg  Olms  Verlag, 
Hildesheim  Zurich-New  Yor,  2003,  p.  203-213  ;  BARTHELEMY  J-Y.  « Penser 
après  Simondon  et  par-delà  Deleuze »,  in  Jean-Yves  Barthélémy  (dir.), Cahiers 
Simondon  Numéro  2,  Paris l’Harmattan,  2010, p. 129-146 ; SAUVARGNAGUES A, 
« Simondon  et  la  construction  de  l’empirisme  transcendantal »,  in  Jean-Yves 
Barthélémy (dir.), Cahiers Simondon  Numéro 3, Paris l’Harmattan, 2011, p. 7-30 ; 
STENGERS I. « Comment hériter de Simondon ? » in Jacques Roux (dir.), Gilbert 
Simondon. Une pensée opérative, Publications de l’Université de Saint-Étienne, Saint-
Étienne, 2002 p. 299-315.