Colloque Simondon et la philosophie UMR STL 8163 / CIEPFC (ENS, Ulm) Université Charles de Gaulle-Lille 3, 7 et 8 novembre 2012 Argument Il n’est pas évident d’aborder l’œuvre de Gilbert Simondon comme une « philosophie ». Simondon lui-même utilise d’ailleurs peu le terme. Surtout, la parution isolée, en 1958, de même que l’objet théorique, de sa thèse complémentaire, Du Mode d’existence des objets techniques, lui valurent longtemps, et lui valent encore souvent l’étiquette de « penseur de la technique » ou de « technologue ». Il est vrai que, dans ce même ouvrage, Simondon en appelle explicitement à l’avènement d’une discipline nouvelle, la « mécanologie », véritable psycho-sociologie des machines seule à même de faire face selon lui aux nouvelles forces d’aliénation qui traversent l’époque. Pourtant, et contrairement à beaucoup au même moment, Simondon est bien loin de reprendre à son compte le thème alors fort répandu d’une « mort de la philosophie ». Dès le versant technologique de son œuvre, il affirme même explicitement la nécessité de la « méthode » et de l’« effort » philosophiques pour accéder à l’essence de la technique, de même qu’il formule, dans le sillage d’une compréhension renouvelée de la technicité, l’exigence d’une « nouvelle sagesse », renouant par là avec la signification la plus ancienne, la plus littérale du terme « philosophie ». Mais, prise sur son versant directement ontologique, d’autre part, c’est toute la force et l’envergure spéculatives de cette œuvre qui deviennent manifestes, l’individu apparaissant comme le problème aigu sur le terrain duquel se jouent ensemble la critique et la refonte de toutes les grandes catégories de la tradition philosophique, selon un projet dont l’ambition et la radicalité, à l’endroit de la question de l’Être, ne seraient pas, au XXe siècle, sans commune mesure avec celui de Heidegger. En proposant d’envisager la question des rapports entre Simondon et la philosophie, ce colloque entend se déployer dans trois directions au moins. Il s’agira, d’une part, de prendre la mesure de l’extraordinaire puissance de renouvellement conceptuel et philosophique induite par l’entreprise simondonienne, indissociable de sa portée critique. Mais la tâche sera également, sur une autre ligne, de situer Simondon dans son « moment philosophique » (ses relations à Canguilhem, Merleau-Ponty, Bachelard, Sartre, etc., mais aussi aux grands courants de son siècle : l’existentialisme, le structuralisme, la phénoménologie, etc.), et de préciser son rapport à l’histoire de la philosophie entendue comme discipline, que ce soit sur un mode critique, voire polémique, ou du point de vue de l’usage créateur qu’il en fait, comme il apparaît notamment dans l’impressionnante Histoire de la notion d’individu, encore si peu étudiée pour elle-même. Il s’agira, enfin, de délimiter plus précisément la place et la fonction assignées par Simondon à la philosophie parmi la pluralité des modes de pensée (scientifique, technique, religieux, esthétique, etc.), et de se pencher sur les éventuelles caractérisations que Simondon en propose parfois très furtivement, comme c’est par exemple le cas dans MEOT (III, II, II, p. 213), où la philosophie est définie comme l’activité ayant pour fin la « production d’essences génétiques ». A travers une telle démarche, il ne sera cependant nullement question d’œuvrer à l’annexion de Simondon à la philosophie, ni de le ramener à quelque champ clos de la métaphysique qui serait comme son lieu naturel, lui qui n’a cessé au contraire d’ouvrir la pensée à la multiplicité des domaines du réel et de la connaissance (physique, biologie, technologie, sciences humaines et sociales, etc.), mais de comprendre que cette mise en modulation permanente de la pensée au contact des savoirs et des pratiques est avant tout motivée par un projet philosophique puissant et précis, qui lui donne son sens et sa nécessité. Au-delà de ce que peut signifier faire de la philosophie « pour » Simondon, on pourra peutêtre se demander ce que peut vouloir dire faire de la philosophie « avec » lui, aujourd’hui.