1 UNIVERSITÉ PARIS 4-SORBONNE École Doctorale I: Mondes anciens et médiévaux Doctorat Études grecques Dionysios SKLIRIS Le concept de tropos chez Maxime le Confesseur Thèse dirigée par M. Bernard Flusin Professeur à l’Université Paris IV-Sorbonne Soutenue le 28 novembre 2015 Jury: Mme Marie-Odile BOULNOIS (Directeur d'études à l'EPHE, Section des sciences religieuses). M. Bernard FLUSIN (Professeur à l’Université Paris-Sorbonne, Directeur d’études à l’E.P.H.E., Section des sciences religieuses) M. Philippe HOFFMANN (Directeur d’études à l’E.P.H.E., Section des sciences religieuses) M. Olivier MUNNICH (Professeur à l’Université Paris-Sorbonne) M. Peter VAN DEUN (Professeur ordinaire à l’Université Catholique de Leuven) 2 POSITION DE THESE Le terme tropos (mode) est un des mots-clés de la pensée de Maxime le Confesseur (c. 580-662), son contenu n’étant pas nécessairement uniforme. Parfois, le terme tropos n’a pas un contenu technique, mais les significations qui étaient courantes à son époque: par exemple, une modalité logique, un schéma rhétorique, un mode de vie ou un trait éthique. D’autrefois, il est posé dans un contraste avec le terme logos (raison/ raison d’être), dans lequel le terme logos détermine un certain terme et le terme tropos un autre en formant une opposition vive, ou, au moins, une distinction intéressante. Il existe aussi de cas où le terme tropos n’apparaît pas avec le terme logos mais retient toutefois un contenu technique, d’après lequel il détermine d’autres termes significatifs. La question principale de notre Thèse est ce que Maxime souhaite accomplir à travers l’usage du terme tropos, soit dans sa version développée qui comprend le terme logos, soit par un usage autonome du terme tropos. C’est-à-dire quels sont les problèmes logiques, philosophiques et théologiques spécifiques qu’il essaie de résoudre et comment il est aidé à cela par l’usage du terme. Le terme tropos ou le couple logos-tropos est examiné plutôt comme un outil conceptuel et moins comme une doctrine bien formée. La Thèse essaie néanmoins de procéder à une définition générale du couple logos-tropos (Chap. IV), en affirmant que le logos signifie une stabilité, alors que le tropos une modalité qui détermine cette stabilité sans l’altérer, annuler ou corrompre. En cela le tropos est différent de la notion de tropè qui signifie une mutation possiblement corruptrice. Néanmoins, le but de la Thèse n’est pas d’établir une définition générale et absolument uniforme mais plutôt de montrer la façon dont le terme tropos est employé dans des contextes différents parfois comme quasiment un outil pour résoudre des problèmes en formant un réseau des concepts qui sont distribués en logoi et en tropoi ou sont thématisés comme tropoi qui peuvent être transformés en d’autres tropoi. Pour prendre quelques exemples, il est significatif que le logos détermine l’essence (ousia), alors que le tropos l’existence (hyparxis); ou que le logos détermine la nature (physis), tandis que le tropos le mouvement (kinèsis), l’opération (energeia) ou l’économie divine (oikonomia). De même, on peut constater que la relation entre l’accord à la nature, l’opposition à la nature et le dépassement de la nature est formulée comme une relation entre des modes «selon la nature», «contre la nature» et «au-delà de la nature». La position de la thèse est que cette «habitude» philosophique traverse toute l’œuvre de Maxime et l’aide à confronter d’une façon originale les problèmes qu’il a senti la nécessité de résoudre. Dans ce but, on essaie d’examiner une grande majorité des occurrences du terme tropos sans faire une distinction a priori des usages techniques et non techniques. Notre thèse place cette problématique dans un contexte historique. Le terme logos signifie alors une stabilité du sens qui est contemplée par le sage, tandis que le terme tropos signifie par contraste une modification novatrice et surprenante qui peut 3 avoir lieu dans l’Histoire. Le tropos exprime alors une actualisation historique qui pourrait être considérée comme contingente: elle pourrait entrainer des innovations salvatrices mais aussi des échecs. Cet usage a lieu dans un contexte historique concret, où l’empire byzantin était modifié vers une direction nouvelle, en essayant en même temps de sauvegarder sa continuité avec le passé Gréco-romain. Cette modification historique pourrait signifier des pertes tragiques mais aussi des nouveautés spirituelles. Il est vrai que dans l’époque de Maxime, l’Histoire n’est pas thématisée de façon autonome dans la contemplation philosophique comme une activité politique ou spirituelle proprement humaine. Toutefois, Maxime thématise un contraste entre le logos de la nature et le mode de l’«économie» ou dispensation historique (oikonomia), où le premier signifie les éléments naturels qui doivent être sauvés dans l’évolution historique de l’humanité, alors que le deuxième une réalisation historique, lors de laquelle l’homme peut échouer dans l’actualisation de la nature mais l’économie divine peut aussi offrir des solutions qui vont donner une issue à la finalité historique. Notre thèse présente alors la problématique du concept de tropos en relation avec des enjeux de la période historique de Maxime comme les suivants: comment peut-on thématiser le trauma historique? Qu’est-ce qu’on doit absolument sauver et qu’est-ce qu’on pourrait laisser disparaître? Qu’est-ce qui est indispensable à la nature (logos) et qu’est-ce qui est contingent (tropos)? Est-ce qu’il y a un dessein divin qui pourrait garantir le salut de ce logos même à travers des tragédies historiques? Le couple logos-tropos, ou le seul terme tropos, essaie alors de formuler certains enjeux du contexte historique de Maxime le Confesseur, mais aussi certains problèmes philosophiques essentiels. Par exemple, le mal historique est thématisé comme un mode de subsistance parasitique (tropos parhypostaseos) qui ne peut pas atteindre au logos de l’hypostase, de la substance ou de la nature. Ce mode de la «parhypostase» du mal peut être même utilisé par le dessein divin dans un mode de l’«économie» qui sauvera le logos de la nature. Ce qui est crucial d’un point de vue philosophique est de définir ce qui appartient à ce logos de la nature et ce qui n’appartient pas. Par exemple, le vouloir et l’opération qui étaient les deux grandes questions de l’époque de Maxime appartiennent ou non au logos de la nature humaine? Et si on choisit d’affirmer, comme Maxime, qu’ils appartiennent, quelles sont les conséquences anthropologiques? Dans ce cas, quelle est l’importance ontologique des différences qu’on constate dans le vouloir et l’opération des différentes personnes humaines si on les thématise exactement comme des modes et non pas comme des logoi? Dans un premier lieu, notre recherche est placée en dialogue avec les spécialistes précédents en analysant en détail leurs voies de recherche sur le sujet du terme tropos afin que le lecteur puisse comprendre en profondeur quels sont les enjeux des approches interprétatives différentes. Dans un premier chapitre, la Thèse examine le début des études contemporaines de Maxime en concentrant surtout sur trois spécialistes importants, dont les œuvres ont déterminé les études maximiennes. On observe alors: i) comment Hans Urs von Balthasar examine le terme tropos comme un mode d’existence en relation avec les courants modernes de 4 l’existentialisme et du personnalisme, ii) comment Polycarp Sherwood l’examine comme un mode de mouvement de l’être dans le contexte de la métaphysique maximienne, et iii) comment Lars Thunberg examine le terme tropos dans la christologie, en se référant aux deux modes des deux natures du Christ qui forment une christologie symétrique. Dans un deuxième chapitre, nous nous référons à une série des théologiens surtout catholiques et orthodoxes qui ont fait un examen très systématique du terme tropos souvent dans le but de résoudre aussi des problèmes de Théologie systématique et qui ont été actifs pendant les années 1970, 1980 et 1990. Nous examinons alors en détail les spécialistes francophones qui ont formulé une théologie de la filialité et de la filiation en approchant souvent la pensée de Maxime le Confesseur à celle de Thomas d’Aquin. Nous observons également l’œuvre de Felix Heinzer qui est centrée sur le terme tropos (Heinzer, Felix, Gottes Sohn als Mensch. Die Struktur des Menschseins Christi bei Maximus Confessor, Freiburg: 1980) et, en général, la relation du terme tropos avec des sujets précis comme l’ecclésiologie, la théorie du vouloir, ainsi que l’interprétation personnaliste ou plutôt «prosopocentrique» du tropos comme d’un mode de relation, d’altérité et de communion. Nous examinons aussi certaines interprétations «néopalamites» de Maxime qui se centrent sur le tropos de l’énergie comme sur un mode d’actualisation de la nature en montrant Maxime le Confesseur comme un précurseur de Grégoire Palamas dans un dialogue critique avec des interprétations «néothomistes». Enfin, dans un troisième chapitre, nous examinons l’état des études maximiennes dans les deux dernières décennies, où notre propre recherche appartient aussi. La tendance constatée dans ces deux dernières décennies est tout d’abord une déchosification du terme tropos, c’est-à-dire une tendance de ne pas le traiter comme ayant un sens stable ou une identité sémantique fixe. Plus généralement, on pourrait dire qu’on trouve dans les dernières décennies une tendance de se centrer à des termes et de les examiner sans présumer qu’ils ont un contenu sémantique stable, mais d’essayer plutôt de les analyser dans différents contextes ainsi que de discerner quels sont leurs buts et leurs fonctionnements concrets. Notre travail est intégré dans cette nouvelle tendance de la recherche, sans néanmoins avoir comme but une déconstruction des grands schémas interprétatifs des spécialistes précédents. En tout cas, une différence par rapport à des études antérieures est que notre travail n’est pas centré à une doctrine spécifique de Maxime, comme par exemple à la christologie, comme le fait Felix Heinzer. Notre Thèse essaie plutôt d’examiner comment fonctionne le terme tropos dans des contextes très différents et qu’est-ce qui est accompli par lui. Après donc être averti sur les diverses voies de recherche des spécialistes antérieurs, afin qu’il comprenne les enjeux interprétatifs, le lecteur est également averti sur la façon propre à notre recherche. Celle-ci consiste à essayer d’examiner le texte de l’œuvre maximienne afin de voir si possible tous les différents contextes où apparaît le terme tropos. Notre approche est donc analytique. On n’essaie pas une homogénéisation ou chosification du terme tropos comme s’il avait toujours un sens stable. On examine plutôt quels sont les termes qui sont déterminés par le terme tropos. Surtout si on trouve le couple logos- tropos ou un schéma ternaire où ce 5 couple est complété par un troisième terme, on examine quels sont les termes qui sont déterminés par le terme logos, quels sont déterminés par le terme tropos et quels sont déterminés par un autre terme possible. On essaie ainsi de découvrir la façon très particulière à Maxime de poser des problèmes diverses et d’essayer de les résoudre. A travers ces différents termes déterminés par le tropos on essaie également de développer les différentes nuances du terme. Parfois, notre approche a un caractère structuraliste, comme nous exposons les relations syntagmatiques et paradigmatiques entre des signifiants dans le texte maximien ainsi que leur fonctionnement. Les formulations qui sont analysées en détail sont surtout les suivantes: le mode de la différence (tropos diaforas); le logos de l’essence et le mode d’existence (logos ousias- tropos hyparxeos); le mode de mouvement (tropos kineseos); le mode d’opération (tropos energeias); le mode du bon et du mauvais usage (tropos chreseos/ euchrestias- tropos parachreseos/ achrestias); le mal comme un mode de subsistance parasitique (tropos parhypostaseos); les modes de la vertu et du vice (tropoi aretèstropoi kakias); les modes de l’amour et de l’égoïsme (agapè- filautia); les modes de l’acte et les logoi de la connaissance (tropoi praxeos- logoi gnoseos); les modes selon la nature, contre la nature et au-delà de la nature (tropoi kata physin- para physinhyper physin), le mode christologique de l’union hypostatique et de la périchorèse (hypostatikè henosis- perichorèsis); le logos de la nature et le mode de l’économie divine (logos physeos- tropos oikonomias); la signification eschatologique des adverbes idiotropos et analogos qui signifient la particularité modale; le schéma logos- tropos- telos etc. Nous examinons également la relation du terme tropos avec les termes hexis (habitus), gnomè, diathesis (disposition) et gennèsis (reproduction sexuelle). En analysant ces formulations en détail, nous essayons de faire un examen quasiment total du terme tropos dans tous les domaines de la pensée de Maxime, comme par exemple dans la logique, la grammaire et la rhétorique (Chap. IV), la Théologie trinitaire (Chap. V), la cosmologie, l’anthropologie, la psychologie et la théorie du mal (Chap. VI), la christologie (Chap. VII), la théorie du vouloir et de la gennèsis (Chap. VIII), l’eschatologie (Chap. IX) etc. Lorsque nous examinons l’usage du terme tropos dans des domaines précis de la pensée maximienne, nous ne le traitons pas comme une doctrine avec un contenu stable. Nous le traitons plutôt comme un outil conceptuel que Maxime a employé pour atteindre des résultats diverses et qu’il a probablement formé de façon différente dans des moments distincts de son long itinéraire, ainsi que comme une stratégie pour atteindre des synthèses et des combinaisons. Notre thèse examine également l’évolution historique du terme tropos à l’intérieur de l’œuvre maximienne par rapport à la fois à l’itinéraire personnel de Maxime et aux évolutions dans son contexte historique. Maxime hérite de la tradition patristique antérieure un usage précis du couple logos-tropos qui formule la foi en la Trinité des personnes dont chacune a l’essence catholique sans aucun subordinatianisme essentiel (Chap. V). Dans une première phase de sa pensée, il va 6 aussi employer le terme tropos afin d’exprimer une ontologie générale du monde entre l’Histoire et l’eschatologie ou les stades du progrès spirituel du fidèle. Il l’emploiera également afin de résoudre des questions philosophiques cruciales, comme le problème du mal et de la Théodicée (cf. Chap. VI). Mais après l’engagement dans la lutte anti-monothélite at anti-monoénergiste, il l’emploiera d’une manière technique dogmatique afin d’exprimer sa vue pour ce qu’est une christologie orthodoxe (Chap. VII-VIII). Dans notre approche, nous allons considérer le terme tropos ou le couple logos-tropos dans lequel il appartient souvent, sous le prisme de l’époque de Maxime. Il s’agit d’une période transitoire où Byzance a essayé de garder la continuité avec le passé impérial tout en essayant de trouver un mode nouveau de survivre dans un environnement différent. L’enjeu important était alors comment pourrait-on thématiser la relation entre l’unité et la différence. En général, on pourrait dire que le logos exprime une stabilité qui reste immuable et incorruptible, alors que le tropos une modalité qui exprime la possibilité de la différence, de la contingence et de la surprise à l’intérieur de l’Histoire. On pourrait également voir ce couple comme un essai de combiner d’une part une demande hellénique pour la stabilité du sens contemplé par le sage, et, d’autre part, une demande judaïque pour un dialogue entre Dieu et l’homme dans l’Histoire. L’usage du terme tropos ou du couple logos-tropos peut ainsi avoir des conséquences diverses, à savoir non seulement des conséquences philosophiques et théologiques mais aussi des conséquences sur des enjeux politiques ou historiques dans une époque cruciale de transition de l’Antiquité tardive au Moyen Age propre. Notre thèse essaie de constater ainsi comment un auteur byzantin avait thématisé la relation entre l’unité et la diversité dans une période où cela constituait l’enjeu de la survie même de son empire. En même temps, notre thèse essaie de garder un respect pour certaines particularités de la façon théologique d’aborder les différents sujets qui est propre à Maxime le Confesseur. Nous entendons par exemple le fait que dans la pensée de Maxime il n’existe pas d’anthropologie qui soit tout à fait indépendante de la christologie. Par conséquent, les usages anthropologiques du terme tropos ne peuvent pas être compris indépendamment de la christologie. Par exemple, la question de ce qui appartient au logos du vouloir humain et de ce qui résulte plutôt d’un mode (tropos) qui pourrait ne pas être indispensable pour le logos de ce vouloir humain a une très grande importance pour l’anthropologie philosophique. Notre thèse examine alors comment la volition devient (possiblement pour la première fois) une partie indispensable de la nature humaine et comment elle acquiert le caractère d’une faculté ainsi que d’une puissance naturelle (Chap. VIII). La discussion anthropologique est néanmoins liée à la question christologique sur le caractère du vouloir que le Christ a reçu, en recevant le logos de la nature humaine ainsi que sur les modes de ce vouloir qui sont différents des modes simplement humains. Mais cela est une question qui se trouve au cœur du combat dogmatique pour discerner l’orthodoxie de l’hérésie et ne constitue pas un problème de contemplation anthropologique abstraite. L’anthropologie ne peut donc qu’être étudiée en relation avec la christologie (Chap. VII-VIII). La christologie signifie d’ailleurs une sorte d’anthropologie «parfaite» qui 7 inaugure au sein de l’Histoire ce que sera le cas pour l’anthropologie après la fin de l’Histoire et qui forme le sujet de l’eschatologie. Par conséquent, la christologie n’est pas indépendante non plus mais est liée à l’eschatologie ainsi qu’à l’anthropologie eschatologique. Dans notre thèse on essaie de voir comment si un élément appartient au logos de la nature humaine, alors qu’un autre élément appartient à son mode (anthropologie), alors le Christ aura dans sa nature humaine ce qui appartient au logos mais aura sous une autre modalité ce qui appartient au tropos (christologie). Ce qui est le cas dans la christologie aura néanmoins des conséquences pour l’état de l’humanité après la fin de l’Histoire (eschatologie). Nous essayons ainsi d’observer la signification de la position de Maxime que le vouloir appartient au logos de la nature humaine et est alors confirmé à la fois dans la christologie et dans l’eschatologie. En même temps, si une forme précise du vouloir comme le dit «vouloir gnomique» ou la délibération est un mode et non pas un logos, alors elle peut ne pas avoir lieu dans la christologie et l’eschatologie ou plutôt avoir lieu sous un autre mode. Les «domaines» de l’anthropologie, de la christologie et de l’eschatologie ne peuvent donc qu’être examinés dans leur corrélation. Cela ne signifie pas nécessairement qu’ils sont identiques, puisqu’un mode qui existe dans l’anthropologie historique peut être transformé à un mode différent dans la christologie et encore à un mode différent dans l’eschatologie. Mais cela signifie que l’eschatologie maximienne a un caractère de confirmation globale de sa théorie générale. Pour cette raison, une grande partie de notre recherche est dédiée à l’analyse de la façon eschatologique de la pensée maximienne (Chap. IX). Il s’agit d’un mode de penser ou d’une vision et d’une foi pour ce qui va avoir lieu après la fin de l’Histoire mais qui détermine la conception des êtres aussi à l’intérieur de l’Histoire. Notre thèse étudie respectivement le terme tropos dans le sens que ce que Maxime conçoit comme un tropos eschatologique influence la façon dont il entend la relation entre le logos et le tropos en général. Par conséquent, après une approche analytique initiale, nous concluons par une synthèse surtout dans le dernier chapitre de notre thèse. Nous essayons ainsi de montrer les particularités de la façon maximienne de penser, comme le fait qu’un «domaine» de sa pensée peut être inclus dans un autre, comme par exemple l’anthropologie est incluse dans la christologie et les deux dans l’eschatologie comme dans une anthropologie christologique. De même, nous examinons la façon «iconique» de la pensée maximienne. Nous entendons par celle-ci les corrélations entre des différents «domaines» de la pensée maximienne, comme par exemple la psychologie, la cosmologie, l’ecclésiologie, la christologie et la triadologie, d’après lesquelles quelque chose qui se passe dans un domaine pourrait être une «image» d’une autre chose qui se passe dans un autre. Nous observons des cas où ces corrélations ont lieu dans le cadre d’une approche herméneutique allégorique mais aussi des cas où elles ont lieu dans le cadre d’une typologie ou d’une iconologie où des événements qui sont antécédents dans l’évolution historique sont respectivement des types ou des images pour des événements postérieurs. Par conséquent, notre approche n’est pas exclusivement analytique. Parfois nous essayons de montrer une fonction d’image qu’un logos peut avoir par rapport à un autre ou comment les tropoi 8 changent de sorte que les tropoi postérieurs confirment ou démentent les tropoi antérieurs. Nous essayons de faire valoir dans notre recherche les éléments «iconiques» de la pensée de Maxime, à savoir le fait que chaque partie de sa pensée n’a pas de valeur indépendante mais renvoie à une autre. Ces deux aspects de notre recherche, à savoir l’approche analytique et l’approche synthétique ne sont pas nécessairement en contradiction: dans un premier lieu, nous insistons au champ lexical et aux contextes textuels. Mais dans un deuxième lieu, nous développons les corrélations entre les niveaux différents de la pensée de Maxime. Cela signifie moins un effort de dégager une doctrine systématique et plutôt un essai de montrer la vision symbolique de la réalité par Maxime où chaque être ou événement pourrait fonctionner comme une image d’un autre. Dans cette vision, l’allégorie coexiste dans la pensée de Maxime avec la typologie historique, l’iconologie et l’eschatologie. La conclusion de notre thèse est que le schéma logos- tropos a moins une valeur descriptive et informative et plutôt une utilité pour réconcilier des choses qui se trouvent en tension mais sont quand même également indispensables pour Maxime. On pourrait dire très généralement que la synthèse fondamentale accomplie est celle entre un esprit hellénique et un esprit biblique. Mais cela est manifesté à travers plusieurs synthèses particulières que nous observons dans notre thèse dont les plus importantes sont les suivantes: i) Au niveau du dessein divin, le logos assure que le vouloir de Dieu soit ultérieurement accompli, alors que le tropos assure un dialogue entre Dieu et l’homme qui est assez imprévisible. ii) Au niveau du progrès spirituel, Maxime accomplit une synthèse entre la contemplation et l’action, ou entre la gnoséologie et la morale. iii) Au niveau de l’ontologie, il réussit une synthèse entre la donnée objective de l’être et sa réception subjective. Il semble que dans ces dilemmes les deux aspects aient été précieux à Maxime qui n’était pas disposé à sacrifier l’un d’eux dans chaque dilemme. La position de notre thèse est que c’est plutôt la notion du logos qui est précieuse à Maxime: c’est-à-dire que c’est plutôt le tropos qui est au service du logos que l’inverse. Une préoccupation principale de Maxime semble être la question assez hellénique d’assurer la permanence de l’être qui sauvegarderait l’ontologie et la gnoséologie, comme une possibilité du sage de participer cognitivement à cet être. L’importance du tropos est exactement que, contrairement à la tropè (mutation), il assure la survie du logos. Cela peut être dû aussi au fait que Maxime avait besoin d’établir une christologie dyothélite et dyoénergiste lors de sa lutte antihérétique et c’était ainsi le logos qui avait besoin d’être affirmé. D’autre part, notre thèse essaie de montrer comment la notion du tropos a aidé Maxime de réfuter l’Origénisme sur le sujet du mouvement et aussi des vues (néo-)platonisantes sur les sujets de la triadologie et de la théodicée. Elle décrit alors comment Maxime le Confesseur a formulé une conception très originale du terme tropos afin de pouvoir réussir des synthèses authentiques entre des éléments hétérogènes.