Si l'obésité apparaît comme un fait majeur dans le
domaine alimentaire aujourd'hui, on cerne encore mal les
contours du phénomène, en particulier d'un point de vue
sociologique, et l'on a parfois affirmé un peu vite que ce
qui était observé pour les Etats-Unis était valable pour la
France. Cette évidence est ici questionnée par l'examen
des relations entre obésité et statut social en France et
aux Etats-Unis, entre 1970 et 2000 : les Etats-Unis
constituent-ils vraiment l'avenir de la France ? Peut-on
repérer des spécificités françaises ? La comparaison
internationale permettra d'observer quelles différences
opposent la France et les Etats-Unis et quelles relations
se jouent entre obésité et hiérarchie sociale. L'attention
portée au corps dans les différents groupes sociaux peut-
elle éclairer ces liens entre corpulence et statut social ?
Corpulence et obésité : de fortes diffé-
rences entre la France et les Etats-Unis
Entre 1970 et 2000, la corpulence des Français et des
Américains a connu des évolutions différentes. En France,
on observe une forme de stabilité depuis 30 ans : la cor-
pulence moyenne a peu augmenté, les hommes étaient et
restent plus corpulents que les femmes (figure 1). La
situation est très différente aux Etats-Unis : la corpulence
moyenne a beaucoup augmenté depuis 1970 et les écarts
sont devenus beaucoup plus importants entre hommes et
femmes. En 30 ans, la proportion de personnes minces ou
maigres, ainsi que celles d'une corpulence normale s'est
considérablement réduite, notamment chez les femmes
(figure 2). L'obésité - et plus spécifiquement l'obésité
sévère - s'est beaucoup développée, en particulier chez les
femmes. D'importantes différences opposent donc la
France et les Etats-Unis aujourd'hui. En France, la
moyenne de la corpulence est plus faible qu'aux Etats-
Unis, et la diversité des situations moins importante : la
fourchette de normalité pondérale (IMC compris entre
18,5 et 25) représente 50% de la population masculine et
féminine. Il s'agit là d'une forme de norme largement
partagée, autour de laquelle se rassemble la plus grande
partie de la population française. Aux Etats-Unis au
contraire, la moyenne de la corpulence est dans la four-
chette du surpoids et les valeurs les plus élevées sont
beaucoup plus représentées.
En France, même si le phénomène se développe, le pro-
blème de l'obésité - chez les adultes tout du moins - est
Depuis 30 ans, la corpulence (encadré 1) a connu un développement différent en France et aux Etats-Unis.
L’obésité n'y est aujourd'hui comparable ni par son ampleur, ni par sa répartition par âge et par sexe, même
si la situation française montre une croissance plus rapide du phénomène ces dernières années. De part et
d'autre de l'Atlantique, l'obésité est liée à la hiérarchie sociale, en particulier chez les femmes et si elle a aug-
menté dans tous les milieux sociaux entre 1970 et 2000, on ne constate pas de véritable affaiblissement du
rôle de ces facteurs sociaux dans l'obésité. L'étude de l'attention portée au poids, inégale selon les catégories
sociales, montre que les individus les plus touchés par l'obésité appartiennent aux groupes sociaux où la cor-
pulence moyenne est la plus élevée et où l'attention portée au poids est la moins forte. Une politique préven-
tive de santé publique ne devrait-elle pas dès lors porter sur l'ensemble de ces catégories modestes ?
Edité par le Département Sciences Sociales, Agriculture et Alimentation, Espace et Environnement de l’Institut National
de la Recherche Agronomique.
Mission Publications : 65 Bd de Brandebourg - 94205 Ivry-sur-Seine Cedex - Tél. 01 49 59 69 00
Directeur de la publication : Hervé Guyomard – Rédaction : Didier Aubert (Rédacteur en chef), Suzanne Jumel.
Reproduction partielle autorisée avec mention de l’origine.
N° 1 - JUIN 2005
20ème année
ISSN 0988-3266
RECHERCHES EN ECONOMIE ET SOCIOLOGIE RURALES
OBÉSITÉ, CORPULENCE ET STATUT SOCIAL :
UNE COMPARAISON FRANCE / ETATS-UNIS (1970-2000)
1 - Histogramme des IMC, France 2001
Encadré 1
La corpulence désigne ici l'indice de masse corporelle
(IMC), soit le rapport du poids en kilos sur la taille au
carré. Il permet de définir les corpulences suivantes :
maigreur : IMC < 18,5 ; corpulence normale :
18,5<IMC<24,9 ; surpoids : 25<IMC<29,9 ; obésité :
IMC>30. L'IMC est un outil performant pour contrôler l'ef-
fet des différences de taille, liées notamment à l'apparte-
nance sociale, aux générations, au genre.
loin d'être aussi préoccupant qu'aux Etats-Unis, et l'écart
semble même se creuser : deux fois plus nombreux aux
Etats-Unis en 1970 (15% d'obèses contre 7% en France),
les obèses sont aujourd'hui trois fois plus nombreux (30%
contre 10% en France). Dans ce cadre, l'attention crois-
sante portée au phénomène ces dernières années provient
du développement très récent - à partir du milieu des
années 1990 - de l'obésité en France, sans que l'on puisse
dire pour autant s'il s'agit d'un phénomène durable - au
terme duquel la France rattraperait les Etats-Unis - ou
d'un phénomène de plus courte durée (figure 3).
La répartition par sexe et par âge de l'obésité est également
différente dans les deux pays (figure 4) : plus féminine
outre-Atlantique (33% des femmes, contre 27% des
hommes), elle touche également hommes et femmes en
France (10%). Enfin, si les courbes sont de même forme,
l'obésité touche plus rapidement dans leur cycle de vie les
Américains que les Français : à 20 ans la proportion
d'obèses atteint déjà 20% chez les hommes et 24% chez
les femmes aux Etats-Unis, contre moins de 5% en France.
Au-delà de ces différences, on constate cependant des
ressemblances entre la France et les Etats-Unis, qui tou-
chent aux relations entre obésité féminine et statut
social, notamment sous sa dimension hiérarchique.
Obésité et hiérarchie sociale
D'un point de vue descriptif, l'obésité féminine est très
fortement liée à des facteurs sociaux, en France et aux
États-unis, alors que le lien est plus faible pour les
hommes en France et presque inexistant aux Etats-Unis.
Ainsi en France, en 2000, l'obésité suit régulièrement les
gradations de la hiérarchie sociale et professionnelle, par
exemple la profession et catégorie socioprofessionnelle
(PCS), mais la relation est plus marquée pour les femmes
(figure 5).
Une analyse plus fine suppose de contrôler, toutes choses
égales par ailleurs, le rôle des différents facteurs liés au
statut social : âge, niveau de vie, niveau d'éducation, PCS
ou appartenance ethnique par exemple (encadré 2).
Aux Etats-Unis en 2000 - et ces résultats confirment des
travaux antérieurs - l'obésité est marquée par un effet d'âge
chez les hommes comme chez les femmes (figure 6) : les
individus entre 40 et 70 ans comptent plus d'obèses que la
moyenne. L'obésité masculine est en outre essentielle-
ment liée au niveau d'éducation et l'appartenance ethnique
est à peine significative. Chez les femmes en revanche,
hormis le niveau d'éducation, ces variables jouent de
façon marquée. Ainsi l'appartenance ethnique et le niveau
de vie, toutes choses égales par ailleurs, sont très liées à
l'obésité : les femmes noires comptent très significative-
ment plus d'obèses que la moyenne, de même que les
femmes du premier quartile de revenu, alors que celles du
quatrième quartile en comptent beaucoup moins.
En France, si on fait une régression logistique du risque
d'obésité par l'âge, la PCS, le lieu de naissance et la zone
d'habitation, l'obésité est liée à un effet d'âge, touchant
notamment moins les individus les plus jeunes que la
moyenne. De même, la PCS exerce un effet propre sur
l'obésité : les cadres hommes comptent significativement
moins d'obèses que la moyenne des hommes, tandis que
les agriculteurs et les ouvriers en comptent plus. Chez
les femmes, il y a significativement moins d'obèses chez
les cadres et les professions intermédiaires, et plus
d'obèses parmi les inactives et les ouvrières.
Aux Etats-Unis, l'"appartenance ethnique" apparaît
comme le facteur le plus important dans l'obésité fémi-
nine, dans une société où l'ethnie joue un rôle majeur du
point de vue des différences sociales. En France, en
revanche, le pays de naissance n'est pas lié à l'obésité
chez les femmes, et l'est à peine chez les hommes (seuls
les hommes d'origine française comptent plus d'obèses
que la moyenne) : la stratification repose plus sur l'ap-
partenance socio-professionnelle ou le diplôme.
La faiblesse du niveau de diplôme est en effet très signi-
ficativement liée à l'obésité (figure 7) : les moins diplô-
més comptent significativement plus d'obèses que la
moyenne. De la même façon, le niveau de vie exerce un
léger effet propre sur l'obésité féminine : toutes choses
égales d'ailleurs, les foyers aux plus hauts revenus
comptent beaucoup moins de femmes obèses. Pour
autant, le capital culturel a plus d'effet sur l'obésité que
le capital économique.
3 - Taux d'obésité féminin et masculin
en France et aux Etats-Unis
2 - Histogramme des IMC, Etats-Unis 2000
0
5
10
15
20
25
30
35
1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005
HommesFR
FemmesFR
HommesUS
FemmesUS
4 - Taux d'obésité masculin et féminin par âge en France, 2001, et aux Etats-Unis, 2000
0%
5%
10%
15%
20%
25%
30%
35%
40%
45%
0 20406080100
HommesUS
FemmesUS
HommesFR
FemmesFR
En France comme aux Etats-Unis le rôle explicatif des
facteurs sociaux dans l'obésité féminine est donc une
caractéristique remarquable. Mais quelle a été l'évolution
de ces relations entre obésité et facteurs sociaux depuis
1970 ? L'obésité a-t-elle augmenté dans toutes les caté-
gories sociales, ou n'a-t-elle touché que certaines catégo-
ries ? La France et les Etats-Unis semblent ici s'opposer.
Aux Etats-Unis, l'impression générale est celle d'un
nivellement. L'obésité a le plus crû dans les milieux les
plus protégés naguère : chez les femmes les plus riches,
les plus diplômées, chez les hommes et les femmes
blancs. En France, dans l'ensemble, les différences
sociales se creusent. L'obésité masculine a le plus aug-
menté dans les milieux sociaux les moins favorisés
- chez les moins riches, chez les ouvriers, parmi les
moins diplômés. Chez les femmes, l'augmentation est
plus homogène - les femmes de tous les milieux comp-
tant plus d'obèses - mais les ouvrières et les moins diplô-
mées constituent les catégories où le taux d'obésité a le
plus crû (respectivement +7 et +6 points). Dans les deux
pays, on n'observe pas vraiment d'affaiblissement du rôle
des facteurs sociaux, en particulier chez les femmes, la
hiérarchie étant toujours déterminante.
Ces liens observés entre obésité et statut social se retrou-
vent pour la corpulence de façon plus générale qui, en
France comme aux Etats-Unis, suit de façon régulière la
hiérarchie sociale. Il peut sembler tautologique de dire
que plus la corpulence moyenne d'un groupe est forte,
plus son taux d'obésité sera fort ; pour autant, il suffit
d'une croissance modeste de la corpulence d'un groupe
(passage de l'IMC de 23 à 25 des cadres aux ouvrières)
pour assister à une explosion du risque d'obésité (passa-
ge de 3,6% à 15,6% soit plus qu'un quadruplement).
Cette constatation conduit à s'intéresser à la corpulence,
mais aussi aux représentations du corps, dans leurs rela-
tions avec la hiérarchie sociale : les différents groupes
sociaux sont-ils marqués par de fortes différences dans le
souci qu'ils portent à leur corps ?
Corpulence, représentation du corps et
hiérarchie sociale
L'attention que les membres des différents groupes
sociaux, inégalement touchés par l'obésité, accordent à
0
5
10
15
20
Agriculteurs Chefs
d'en t reprises
Cadres P rofessions
intermédiaires
Employés Ouvriers Inactifs
Hommes Femmes
5 - Taux d'obésité en fonction de la catégorie socio-professionnelle, France 2001
Hommes
Coefficient
Age
***
20-29
-0,131
30-39
-0,046
40-49
0,160
50-59
0,503***
60-69
0,582***
70-79
0,101
80 et +
-1,169***
Groupe ethnique
*
Blanc non hispanique
-0,009
Noir non hispanique
0,028
Mexicain-Américain
0,151
Autres et mélangés
0,326
Autres hispaniques
-0,495***
Education
***
Moins que high school
0,037
High school
0,184**
Plus que high school
-0,221***
Revenu
n.s
1er quartile
-0,014
2ème quartile
0,144
3ème quartile
-0,120
4ème quartile
-0,010
Constante
-1,034
Hommes
Coefficient
Age
***
20-29
-0,921***
30-39
-0,140
40-49
0,187
50-59
0,267
60-69
0,275
70-79
0,709***
80 et +
-0,376
Niveau d'éducation
*
Sans diplôme
0,524***
CEP
0,323
BEPC ou technique
court
0,199
Bac ou technique
long
0,017
<=licence
0,000
> licence
-1,062***
Revenu
n.s.
1er quartile
0,083
2ème quartile
0,129
3ème quartile
-0,100
4ème quartile
-0,112
Zone habitation
Région parisienne
-0,147
Bassin parisien
0,272
Nord
-0,043
Est
0,527
Ouest
-0,070
Sud-Ouest
-0,276
Centre-Est
-0,059
Méditerranée
-0,204
Constante
-2,444
6 - Facteurs liés toutes choses égales par ailleurs
au risque d'obésité :
régression logistique, Etats-Unis 2000
7 - Facteurs liés toutes choses égales par ailleurs
au risque d'obésité :
régression logistique, France 2001
Récapitulatif des significativités : *=lien significatif au seuil
de 5% ; **= au seuil de 1% ; ***= au seuil de 0,5%.
Revenu : échelle de niveau de vie construite à partir du
montant des ressources du ménage rapporté au nombre
d'individus dans le ménage.
Source : NHANES 2000 Source : EPCV 2001
Faustine Régnier, INRA-CORELA, Ivry
Faustine.Regnier@ivry.inra.fr
Pour en savoir plus
Caillavet F. (coord), 2004, L'alimentation des populations défavorisées comme dimension spécifique de la pauvreté
en France. Vol. 1 : Caillavet F., Darmon N., Lhuissier A., Régnier F., L'alimentation des populations défavorisées en
France. Une revue de la littérature dans les domaines économique, sociologique et nutritionnel, Rapport pour
l'ONPES, 134 p., février 2004 ; Vol. 2 : Andrieu E., Caillavet F., Lhuissier A., Momic M., Régnier F., L'alimentation
comme dimension spécifique de la pauvreté. Approches croisées de la consommation alimentaire des populations
défavorisées, Rapport pour l'ONPES, 197 p. + annexes, février 2005.
Diffusion : Martine Champion, INRA SAE2 - Mission Publications, 65 Bd de Brandebourg - 94205 Ivry Cedex.
Egalement disponible (au fomat pdf) sur le site : http://www.inra.fr/Internet/Departements/ESR/publications/iss/
Téléphone : 01 49 59 69 34 - Télécopie : 01 46 70 41 13
Dépôt légal : 2ème trimestre 2005. Commission Paritaire n° 2147 ADEP.
Réalisation et impression : Suzanne Jumel et Jacky Debret, INRA SAE2, 65 Bd de Brandebourg - 94205 Ivry Cedex.
leur corps - que l'on peut notamment mesurer à travers la
volonté de maigrir - permet d'éclairer la répartition socia-
le de l'obésité. En France comme aux Etats-Unis, lors-
qu'on réalise une régression logistique expliquant la
volonté de maigrir par l'âge, le niveau de vie et d'éduca-
tion, les variables liées à la hiérarchie sociale ne ressor-
tent pas comme variables explicatives significatives. Le
désir de maigrir (encadré 2, méthodes) est paradoxale-
ment uniforme dans tous les milieux sociaux : 59% des
femmes cadres et 54% des ouvrières souhaitent perdre du
poids, cet écart n'étant pas significatif au seuil de 5%.
Mais la corpulence est très différente d'un groupe social à
l'autre. Quand on introduit l’IMC dans le modèle, toutes
les variables - en particulier celles de hiérarchie sociale -
voient augmenter leur degré de significativité. Ainsi,
pour une corpulence donnée, de part et d'autre de
l'Atlantique, les plus riches et les plus diplômés sont
beaucoup plus nombreux à vouloir maigrir que la moyen-
ne : les catégories les plus aisées sont beaucoup plus
attentives à la prise de poids que les catégories plus popu-
laires, et pour cela ne dépassent pas certaines limites fran-
chies par d'autres groupes, moins vigilants ou plus tolé-
rants. La pression sociale à l'égard de la minceur serait-
elle différente selon les milieux sociaux ?
Pour la France, l'enquête EPCV de mai 2001 permet de
mesurer plus finement cette attention portée au corps.
Chez les hommes et les femmes, les agriculteurs sont la
catégorie pour laquelle on constate la plus forte adéqua-
tion entre corpulence réelle et corpulence idéale, toutes
deux élevées. Les cadres hommes, et plus encore les
femmes - de même que les femmes des professions inter-
médiaires - ont la corpulence réelle la plus basse, mais
également l'idéal le plus bas. Moins touchées par l'obési-
té, dotées d'une corpulence inférieure aux autres, les
femmes de ces catégories sont également les plus atten-
tives à leur poids : elles sont plus nombreuses à vouloir
maigrir, se pèsent le plus souvent et pratiquent le plus
régulièrement une activité sportive (43% des femmes
cadres déclarent faire du sport au moins une fois par
semaine, contre 18% des ouvrières et 7% des inactives).
Les femmes des catégories supérieures témoignent du vif
souci de respecter une norme corporelle, celle de la min-
ceur. Dans ce cadre, le corps participe-t-il d'un processus
de distinction, les techniques du corps se diffusant du
haut vers le bas de la hiérarchie sociale ? On peut en tout
cas lire dans cet exercice d'un contrôle sur le poids plus
sévère une forte pression sociale en matière corporelle,
qui s'exprime par exemple sur le lieu professionnel, lieu
privilégié de socialisation. A contrario en effet, chez les
femmes qui ne travaillent pas, mais aussi chez les
ouvrières, les obèses sont plus nombreuses et l'attention
portée au physique - vigilance à l'égard de la prise de
poids, pesées et pratique sportive moins fréquentes - est
moindre. Cette vigilance moins marquée à l'égard de la
minceur découle-t-elle d'une faible valorisation de l'ima-
ge du corps, ou bien d'une liberté et d'une tolérance qu'au-
raient les femmes des catégories populaires à l'égard du
contrôle du poids, ou bien encore d'une pression sociale
contre la prise de poids moins prononcée dans un groupe
social où la corpulence moyenne est élevée ? Les milieux
les plus touchés par l'obésité sont également ceux où les
représentations poussent à une plus grande tolérance à
l'égard du surpoids : dès lors, les individus y seraient frei-
nés moins tôt dans leur trajectoire d'obèses.
La comparaison internationale fait apparaître des liens
remarquablement similaires en France et aux Etats-Unis
entre obésité, en particulier féminine, et hiérarchie socia-
le, mais elle montre également des différences dans les
mécanismes qui jouent au sein de ces relations. Surtout,
sur la période 1970-2000, l'obésité aux Etats-Unis a pro-
gressé régulièrement, rapidement, et à partir d'un point de
départ très élevé, alors que la situation française met en
évidence une stabilité de 1970 à 1990 et une détérioration
sur la décennie 1990 qui pousse à une certaine vigilance.
Il convient enfin de ne pas négliger l'importance du phé-
nomène dans les catégories populaires, moins marquées
par la pression sociale à l'égard du contrôle du poids. Ne
s'agit-il pas dès lors de renforcer la conscience des dan-
gers de l'obésité dans ces catégories populaires par une
politique de santé publique et d'éducation populaire à l'at-
tention de l'ensemble de ces catégories modestes, plutôt
qu'un discours alarmiste tout azimuts ou qu'un ciblage
exclusif sur les populations les plus précaires ?
Encadré 2
Données
Six enquêtes représentatives de la population, incluant le
poids et la taille des individus, sont exploitées : pour la
France, les enquêtes de l'INSEE Santé et soins médicaux
de 1970 (n=14842) et de 1990 (n=15794), et l'Enquête
permanente sur les conditions de vie des ménages
(EPCV) de 2001 (n=5113); pour les Etats-Unis, les
National Health and Nutrition Examination Survey
(NHANES) américaines de 1970 (n=23808), de 1990
(n=16305) et de 2000 (n=9965).
Méthodes
Le rôle des facteurs du risque d'obésité est évalué par
des modèles de régression logistique du risque d'obésité
par les variables explicatives suivantes : âge, éducation,
revenu et appartenance ethnique aux Etats-Unis ; âge,
PCS, lieu de naissance, zone d'habitation en France ;
âge, éducation, revenu, zone d'habitation en France.
L'attention portée au corps est analysée par une régres-
sion logistique portant sur le désir de maigrir (enquête
NHANES, 2000 et EPCV, 2001). Celui-ci est défini à par-
tir de la question "Voudriez-vous peser plus, moins, gar-
der le même poids ?" dans NHANES (2000). Dans
l'EPCV (2001), la variable "quel poids souhaiteriez-vous
peser?" permet, par différence entre le poids réel et le
poids idéal des individus, de repérer les individus souhai-
tant perdre du poids et de calculer leur perte de poids
souhaitée ainsi que leur corpulence idéale.
Ces résultats sont notamment issus d'une étude demandée et financée par l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale. L'auteur remer-
cie également le Lasmas/Centre Quételet qui lui a permis d'obtenir les enquêtes de l'INSEE
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