échelle. Quel que soit le domaine où il s'engage, l'Entrepreneur Social se donne comme critère
majeur de réussite l'ampleur de son impact sur la société »3. L’accent est ici mis sur l’individu et
sur la finalité de son action (la réponse à un besoin ou à un problème social), ainsi que sur l’échelle
de ses impacts. Les changements sociaux qui sont recherchés (Seghers, Allemand, 2007) seraient
donc surtout le fait d’un individu, héroïque et visionnaire, avec un esprit entrepreneurial hors du
commun4. « La personnalisation de l’innovation sociale qui s’exprime ainsi, traduit le choix de
privilégier l’individu sur l’organisation » (Richez-Battesti et al., 2012, p. 20). A cet esprit
entrepreneurial vient s’ajouter « l’esprit philanthrope ». C’est en effet une solidarité de nature
philanthropique qui motiverait ce type d’entrepreneuriat, tourné vers l’assistance à autrui.
Néanmoins, si les caractéristiques individuelles de l’entrepreneur social et ses motivations sont
mises en avant, la dimension sociale de l’activité ou de l’innovation en tant que telle reste floue.
« Dans le contexte américain, l’idée d’entreprise sociale est néanmoins restée fort large et souvent
assez vague, désignant principalement des activités économiques mises au service d’un but
social » (Defourny, 2004, p. 9). Ceci nous amène à la seconde conception.
Pour l’école des recettes marchandes, l’entrepreneuriat social peut tout aussi bien prendre forme
dans le cadre d’organisations non lucratives, on parlera alors d’entreprises sociales, qu’au sein
d’entreprises dont la finalité première n’est pas sociale, on préférera alors parler de social business
(Maurice-Demourioux, 2012). Dans le premier cas, la dimension sociale reste centrale, tandis que
dans le second, elle est subordonnée à la dimension économique qui peut créer de la « valeur
sociale ». Néanmoins, cette distinction s’est par la suite estompée : « l’école des recettes
marchandes définit l’entreprise sociale comme forme d’organisation qui permet de résoudre les
problèmes de financement des NPO’s (organisations non lucratives) en développant des activités
économiques génératrices de recettes mises au profit de la mission sociale des organisations. Cette
première conception a ensuite été élargie pour considérer aujourd’hui comme entreprise sociale
toute organisation, lucrative ou non, qui déploie une activité économique marchande au profit
d’une finalité sociale » (Richez-Battesti et al., 2012, p. 20). Cette approche est notamment défendue
par la figure emblématique de M. Yunus suite à la création de la Grameen Bank au Bangladesh en
1976, popularisant alors le concept du microcrédit au niveau mondial. Elle a depuis été reprise par
des firmes multinationales telles que Danone ou encore Veolia. Pour Yunus (2011), le social
business est une nouvelle forme de capitalisme : « Il s’adapte parfaitement au système capitaliste
parce qu’il est susceptible d’amener des millions de nouveaux clients sur les marchés » (p. 74)5.
L’école des recettes marchandes, tout comme l’école de l’innovation sociale, met en avant la
fonction entrepreneuriale. L’accent est ainsi mis sur les motivations philanthropiques et les
opportunités de marché (donc la possibilité de voir se positionner des organisations lucratives). Il
apparaît aussi que l’école de l’innovation sociale insiste sur les caractéristiques de l’innovation et de
l’entrepreneur qui la produit, tandis que l’école des recettes marchandes souligne les moyens
financiers de produire l’innovation sociale, entendue comme nouvelle réponse à un besoin social
non satisfait.
Cette approche de l’innovation sociale, en termes d’entrepreneuriat social, amène plusieurs types de
remarques. Nous en évoquerons plus particulièrement deux ici.
4
3 http://france.ashoka.org/lentrepreneuriat-social
4 Cette approche renoue ainsi avec les définitions traditionnelles de l’entrepreneur formulées par les économistes,
notamment Say et Schumpeter : « Schumpeter, tout comme Say, insista sur les caractéristiques psychologiques
spécifiques de l'entrepreneur – force de caractère pour l'un, capacité de jugement pour l'autre – qui jouent un rôle
fondamental dans le processus dynamique de l'évolution économique » (Esposito, Zumello, 2003, p. 27).
5 L’auteur propose notamment de créer un marché boursier parallèle dédié au social business.