L’esprit intervient-il
dans la guérison du cancer ?
Michel ZORGNIOTTI
Jusqu’à quel point corps et esprit sont liés ; plus précisément dans ce cas
comment l’esprit peut influencer sur la guérison de maladies souvent
considérées comme incurables.
Durant le XXème siècle, la médecine a connu de nombreuses et importantes évolutions, qui ont permis de
repousser sans cesse nos limites en matière de guérison. Les maladies ont été diagnostiquées, étudiées et
traitées ; elles sont « tombées » les une après les autres sous les coups de ces nouvelles technologies.
Pourtant certaines résistent, c’est le cas du SIDA, du diabète, des maladies génétiques et du cancer… Ce
dernier est devenu récemment la première cause de mortalité en France. Pourtant, le début de la lutte ne date
pas d’hier ; en effet, le XXème siècle a consacré des milliards d’heures et d’argent à la recherche sur le cancer,
mais celui-ci résiste toujours ; la guerre est loin d’être gagnée constatent les plus grands stratèges
scientifiques. Nous avons fait des progrès c’est certains : chimiothérapie, radiothérapie… ces techniques ont
permis d’améliorer la durée de vie des patients, mais le mot « guérison » reste un rêve encore inaccessible ; ce
n’est pas pour rien que l’ épidémiologiste John Baylor, en faisant le bilan des recherches en cancérologie des
vingt-cinq dernières années, parleme d’échec.
Dans un premier temps nous avons cherché à combattre le cancer uniquement par des méthodes extérieures
au corps ; ce fût une grave erreur constatèrent rapidement les médecins ! En effet, si le cancer, est un signe de
défaillance du système immunitaire, ce dernier n’en reste pas moins le système le plus efficace et le moins
dommageable que nous connaissons actuellement. C’est pour cela que nous nous sommes évertués à stimuler
le système immunitaire, afin qu’il détruise les cellules cancéreuses, par des méthodes plus révolutionnaires les
unes que les autres : nous sommes passés du cartilage de requin, aux anti-corps monoclonaux. Mais rien n’y
fait ; le cancer est toujours bel et bien présent.
Ainsi, plutôt que d’attendre que le miracle vienne uniquement de la science-providence, l’homme ne devrait-il
pas aussi s’en remettre à son corps et tenter de stimuler son système immunitaire également par ses propres
moyens ? L’homme aurait-il trop attendu de l’ in-vitro et pas assez de l’ in-vivo ?
C’est une question qui, sous différentes formes, n’a cessé d’apparaître au cours de la dernière décennie. Très
rapidement la solution est apparue sous le terme de « nouvelle hygiène de vie » ; elle ne touchait tout d’abord
que l’aspect corporel (alimentation, exercice physique…), puis plus récemment, les scientifiques se sont mis à
parler d’hygiène psychique. C’est le sujet qui nous intéresse aujourd’hui ; on peut se demander s’il existe un
véritable lien entre corps et esprit ? Si oui dans quelle mesure peut-il jouer en notre faveur (ou en notre
défaveur) dans la lutte contre le cancer ? Enfin par quels moyens pouvons nous nous en servir ?
L'esprit anti-cancer
Dans son livre Anticancer, David Servan-Schreiber, chercheur en neuroscience, et professeur en psychiatrie à
l’université de Pittsburg, développe la notion de « mental anticancer », selon laquelle l’esprit aussi bien que le
corps intervient dans la guérison contre le cancer.
Cette notion repose sur trois points essentiels :
- la nécessité de soigner le terrain ;
- la conscience au service des défenses naturelles ;
- la synergie qui résulte de l’action combinée de ces défenses. »
Afin de voir si l’esprit a bien un rôle à jouer dans le combat contre le cancer, nous allons examiner les deux
premiers points de cette notion.
La nécessité de soigner le terrain
L’influence du terrain (autrement dit de l’état de l’individu) dans le développement des cancers ou de toute
autre maladie n’est plus à démontrer. Cette notion, a été admise il y a près d’un siècle grâce aux travaux de
Claude Bernard. Selon lui, « les maladies planent constamment au-dessus de nos têtes, leurs graines portées
par le vent, mais elles ne s’installent pas si le terrain n’est pas prêt à les recevoir ».
Ce que nous allons tenter de déterminer c’est l’influence du terrain psychique de l’individu. La notion de terrain
ne fait pas seulement appel aux prédispositions génétiques dont on connaît déjà les effets sur le
développement du cancer ; cela concerne également un aspect bien plus abstrait et global de la vie : notre
mode de vie.
Il est essentiel de noter que le mode de vie ne recouvre pas seulement les aspects physiques de la vie
(alimentation, exercice physique…) mais également les aspects psychiques (cela va des simples émotions,
jusqu’à l’attitude que l’on adopte dans la vie courante ou face à certaines situation).
Ce premier point, revient à dire que le cancer ou toute autre maladie qui touche le corps pourrait se développer
suite à l’apparition d’un cancer (cancer correspondant ici au mot désordre) de l’esprit, et que l’on ne peut
soigner le premier sur le long terme sans soigner le second.
Cela correspond bien à ce que décrit Kafka en parlant de sa tuberculose : « C’est mon esprit qui est malade,
l’affection de mes poumons n’est rien d’autre que le débordement de ma maladie mentale ».
Un mode de vie inadapté favoriserait-il le développement du
cancer ?
C’est dans cette optique que David Servan-Schreiber parle d’un changement d’attitude qui permettrait de
protéger au mieux contre le cancer ; il parle de « processus de maturation ». Ce processus, il n’est pas le seul
à le prôner ; Aristote en parle également pour décrire l’élan vital : il le nomme entéléchie (besoin d’auto
complétion qui mène de la graine à l’arbre) de même que Jung, ou plus récemment le Docteur Jean Latreille
dans la préface de Guérir sans Guerre, de Johanne Ledoux.
Quoi qu’il en soit, l’idée directrice de ces différents concepts est toujours la même : il va s’agir d’évoluer, de
grandir, certains, tels que Jean Latreille, parleraient même « d’accomplir sa quête personnelle », pour atteindre
au plus prêt les valeurs que l’on porte en soit, « d’harmoniser notre façon de vivre avec nos valeurs ».
Il s’agit en quelque sorte de faire tomber le masque que l’on porte, d’arrêter de jouer ce rôle dont l’on se sert
pour ne pas se dévoiler à la société ! Il faut vivre tel que l’on est afin que nos actes nous correspondent et ne
soient pas ceux d’un étranger.
Cette manière de vivre en harmonie avec soi même, a un aspect moral (le fait d’arrêter de se tromper soi et les
autres) qui se répercute sur notre psychisme : c’est un peu la même chose que lorsque l’on avoue un
mensonge, un sentiment d’apaisement, de légèreté et de mieux-être nous gagne ; cette attitude a également
une influence sur notre biologie, car, comme nous le verrons tout au long de cette réflexion, tout mal qui nous
ronge psychologiquement (par exemple le stress) semblerait affaiblir nos défenses corporelles et favoriser la
mise en place d’un terrain fertile au développement de maladies telles que le cancer.
Pour examiner ce concept de lien entre le développement du cancer et le terrain que l’on conditionne tout au
long de notre existence, on peut s’intéresser à quelques exemples concrets tels que celui de Bill Fair, célèbre
chirurgien américain réputé dans le traitement des cancers du sein et de la prostate, qui a consacré la plus
grande partie de son temps à son travail en ne prenant ni soin de lui au niveau corporel (nourriture, sommeil)
ou mental (calme, méditation), ni soin de ses relations avec son entourage.
Telle était sa vie jusqu’au jour où il apprit qu’il avait un cancer du colon qui ne se stabilisa pas malgré plusieurs
traitements médicaux et chirurgicaux. C’est alors que sa femme le poussa à changer de façon de vivre, à
s’accorde du temps à lui et aux autres.
Ces changements lui demandèrent beaucoup de patience ; il devint ainsi, en quelques années, dépassant de
loin le pronostic qu’on lui avait annoncé, la personne qu’il aurait toujours voulu être.
Dans une interview au cours de laquelle on le questionne sur les bienfaits de cette approche par le terrain, il
répond «si tout ce que j’ai fait pour m’aider moi-même ne me fait pas vivre plus longtemps, cela m’aura
certainement fait vivre plus profondément ».
Ainsi il est passé d’un mode de vie où réussite, excellence, obligation, performance étaient les maîtres mots à
un mode de vie qui fait passer avant toute chose, le respect de la vie, la douceur et surtout son bien-être et
celui des autres.
Ce n’est pas tant son métier qui lui était néfaste, que la façon de le pratiquer, de le vivre : il avait fait de sa vie
un outil au service de son métier au lieu de l’inverse.
Cette attitude ne concerne pas seulement Bill Fair, mais une grande partie des individus qui sont dominés par
des désirs d’excellence. Et ce qui est marquant, voire même choquant, c’est que ces personnes, changent
rarement de mode de vie si ce n’est dans les situations les plus difficiles.
Si l’on tient facilement compte des désordres physiques, les désordres moraux (dépression,vrose…) sont
loin d’être considérés tels qu’ils devraient l’être ; bien au contraire, la plupart du temps ils sont ignorés voir
dénigrés.
C’est comme si l’on préfère négliger quelque chose que l’on ne cerne pas et dont on n’arrive pas à déterminer
l’influence scientifiquement, et cela jusqu’au jour où l’on se retrouve au pied du mur. A ce moment là, on semble
être prêt à remettre en question son mode de vie et à en changer.
Ce changement d’attitude qui semble permettre de lutter plus efficacement contre le cancer a été étudié par le
Docteur Alastair Cunningham ; pour lui il s’agit de se défaire de la « personnali de type C ». Cette
personnalité correspond à la personne qui cherche toujours à satisfaire tout le monde, mais jamais elle-même.
Pour le Docteur Cunningham, cette personnalité nuit non seulement à l’authenticité de la personne mais
également à sa santé ; il va s’agir de se « dé-type-C-iser ».
Il est maintenant nécessaire de définir quels sont ces désordres psychiques, qui proviennent d’un mode de vie
inadapté et qui seraient responsable de la formation d’un terreau fertile au développement des maladies.
Le stress, un trouble psychosocial biologiquement néfaste
Lorsque pendant plusieurs années, on vit uniquement selon les autres et les normes de la société, en oubliant
de vivre selon ce que nous sommes, on se détruit mentalement.
On ne peut nier que vivre avec des faux semblants, en faisant et en montrant uniquement ce que les autres
veulent voir, sont à l’origine d’une sensation de malaise que l’on nomme le stress1 et qui est responsable de
souffrances psychiques que l’on n’ose exprimer, que l’on garde par devers soit. Ce phénomène de rétention est
le plus souvent responsable de la dépression, mais bien au-delà de cela, ce désordre psychique, aura
également des répercussions corporelles.
Ainsi, comme le dit Johanne Ledoux dans Guérir sans Guerre :
« La fièvre avertit d’un foyer d’infection dans l’organisme. La dépression avertit d’un foyer d’affliction dans
l’âme. Il faut la soigner avant que le corps ne tombe malade. Avec la même célérité et la même constance que
s’il s’agissait d’un cancer de chair ».
Le stress favoriserait donc l’apparition de maladies graves telles que le cancer ?
David Servan-Schreiber le pense effectivement ; pour lui, le stress est responsable de désordres psychiques
qui pourraient être responsables de troubles physiologiques réduisant nos capacités de défenses contre le
cancer.
Pour comprendre cela, essayons de définir le lien qui existe entre corps et esprit.
Le lien entre corps et esprit
Définition du stress :
Biologiquement parlant le stress correspond aux contraintes et agressions subies par un organisme qui
vont l'empêcher de vivre dans des conditions optimales.
Il est important de différencier le stress vital qui est une réaction physiologique et psychologique
impliquée dans le processus d’adaptation des rythmes biologiques, du stress pathogène qui correspond à une
sur stimulation dépassant les capacités d’adaptation de l’organisme, d’où l’apparition de maladies peuvant être
mortelles.
Actuellement le stress est le seul concept médical, admis par la communauté scientifique, qui fait un
pont entre le psychisme et les maladies somatiques via des réactions neuro-hormonales. Cette découverte a
d’ailleurs permis de démontrer la participation du cerveau dans la genèse des maux du corps.
Sources : Dictionnaire médical : le stress
L’idéogramme pour le mot « pensée » en chinois ancien est composé de deux caractères : « cerveau » et
« c?ur ». Ainsi la philosophie chinoise antique voyait l’activité de l’esprit (= la pensée) comme la confluence de
la raison et des émotions.
Au-delà de son aspect symbolique, cette représentation est en accord avec la physiologie. En effet, le c?ur
possède 40 000 neurones formant un petit cerveau semi-autonome, qui entretient des relations intenses avec
l’ensemble du cerveau situé dans la boite crânienne.
A partir de cela il parait évident que le cerveau communique avec l’ensemble des organes du corps afin de
s’adapter aux variations de l’environnement et de maintenir l’homéostasie.
Cette communication correspond à ce qui se rapproche le plus de la notion d’esprit ; elle n’est ni totalement
explicable physiquement ni totalement abstraite. Il persiste là dedans quelque chose de mystérieux que l’on
n’arrive toujours pas à expliquer.
La découverte de cette communication signifie plus ou moins que la pensée n’est pas limitée au cerveau mais
correspondrait plutôt à l’interaction de celui-ci avec tous les autres organes, comme le dit le Docteur Antonio
Damasio : « il n’y [aurait, de ce fait,] pas d’événement conscient qui ne soit à la fois une manifestation du
cerveau et de l’infinie vibration de tous les organes du corps ».
Si l’on est arrivé à déterminer les principaux acteurs de cette communication et leur mode de fonctionnement,
on n’est pas encore parvenu à déterminer quel(s) mécanisme(s) permet(tent) leur synergie et la compilation de
leurs activités. Or c’est bien cette compilation qui aboutit à la formation de la pensée.
Nous allons donc nous intéresser aux différents acteurs de cette communication pour ensuite tenter d’apprécier
la façon dont ils agissent simultanément et en harmonie pour aboutir à la formation de la pensée, essence
même de l’esprit.
Les acteurs
Les principaux acteurs de cette communication « inter organique » sont :
le système nerveux, le système endocrinien et le système immunitaire.
Le système nerveux, et plus précisément le système nerveux autonome, permet une communication
bidirectionnelle entre le cerveau et le reste du corps. Cela se fait via la transmission de signaux de types
électriques (appelés potentiels) modulés grâce à des neuromédiateurs.
Parallèlement à cela, un autre système intervient également de la communication « inter corporelle » : le
système endocrinien. Ce dernier est responsable de la sécrétion de messagers moléculaires appelés hormones
qui vont circuler (dans le sang, dans le milieu intercellulaire…) et qui vont permettre la transmission d’une
information spécifique à distance.
Enfin le troisième système, est le système immunitaire qui va transmettre des information via des cellules qui
circulent dans l’organisme et qui produisent localement des molécules (cytokines et anticorps).
) L’action synergique de ces acteurs
Ce qu’il est intéressant de noter c’est le fonctionnement harmonique de ces trois systèmes, possible grâce à la
régulation qu’ils peuvent exercer les uns sur les autres.
On peut remarquer que, tout comme un orchestre est accordé sur le même rythme afin de créer un son
mélodieux, ces trois systèmes vont interagir de manière harmonique. Et c’est de cette interaction que
proviennent l’ensemble des actions conscientes et subconscientes que l’on exécute de même que tout ce que
l’on ressent.
Cependant, il est important de noter que si l’esprit permet la relation entre les organes via ces trois systèmes, il
n’est pas pour autant le fruit du corps, ce sont deux structures différentes mais indissociables.
L’esprit n’habite en soi aucun organe (pas même le cerveau), mais bien tous les organes à la fois ; il forme le
lien qui les unit tous en un système harmonieux et fonctionnel. Sans lui, le corps perdrait toute cohérence.
La santé résulte à chaque instant de cette interaction entre corps et esprit ; il n’y a pas de santé corporelle
isolée de la santé mentale, elles sont liées l’une à l’autre.
Toute souffrance de l’esprit (notamment celle du au stress…) sera responsable de troubles corporels plus ou
moins graves et se manifestant à plus ou moins long terme.
La première personne qui a pu démontrer médicalement cette interaction est le Professeur J.L. Dupond, chef
du service de Médecine Interne du CHU de Besançon. Il a, en s’appuyant sur de multiples travaux
internationaux, attiré l’attention du monde médical, sur l’action du stress. Il a montré son influence sur l’équilibre
immunitaire, avec son intervention dans certains processus d’immuno-suppression, expliquant la survenue de
diverses infections, dans les allergies ou dans certaines maladies auto-immunes (maladies de système), voire
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