Nanophysique Une nouvelle photonique à base de nanotubes de carbone
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Encadré 1
deux des angles chiraux supérieurs à 25°, ce qui conduit à
un enroulement en biais du réseau hexagonal des atomes
de carbone autour de l’axe du nanotube. Ceci se corrèle
bien avec l’enroulement hélicoïdal que forme naturelle-
ment le PFO lorsque ce polymère est en solution.
Une question importante demeure : quelle est l’in-
fluence de l’enrichissement en nanotubes semi-conduc-
teurs sur l’intensité de la photoluminescence ? La figure 4
présente les spectres de photoluminescence des trois
couches minces PFO/nanotubes précédemment décrites,
excitées avec un laser de pompe à la longueur d’onde de
740 nm qui permet de sonder uniquement les nanotubes
(8,6). La concentration en nanotubes (8,6) dans les
couches minces a été ajustée de façon à être constante
pour les trois couches, pour permettre la comparaison.
L’effet de l’enrichissement en nanotubes semi-conduc-
teurs (et donc de l’appauvrissement en nanotubes métal-
liques) est clairement observé sur la figure 4. L’intensité de
photoluminescence provenant des nanotubes (8,6) est
améliorée d’un facteur 3 par rapport à l’échantillon semi-
purifié, et au-delà d’un facteur 6 en comparaison avec
l’échantillon non purifié.
L’origine de cette amélioration du signal de photo-
luminescence est à corréler à l’élimination des impure-
tés (nanoparticules carbonées et métalliques) et surtout
à la diminution jusqu’à disparition des nanotubes métal-
liques présents dans les échantillons non purifiés
photoluminescence pour les trois couches minces ont été
effectuées dans les mêmes conditions expérimentales.
Cette technique consiste à enregistrer les spectres de pho-
toluminescence pour différentes longueurs d’onde de la
pompe optique excitatrice. Dans le cas des nanotubes, la
longueur d’onde de pompe explore les énergies S22 tandis
que la mesure de la longueur d’onde d’émission (photolu-
minescence) est celle des énergies S11. Une telle cartogra-
phie de photoluminescence se traduit par un ensemble de
pics distincts identifiés par des couples (longueur d’onde
d’excitation – longueur d’onde d’émission), correspondant
chacun à un couple (S22, S11), et donc à une chiralité (n, m)
bien définie. La figure 3 présente les cartographies mesu-
rées pour les trois échantillons de référence. Nous consta-
tons que l’échantillon de nanotubes non purifié (figure 3a)
présente de nombreux pics de luminescence, traduisant
la coexistence de nombreuses chiralités. En reportant
ces résultats sur la carte des chiralités de la figure 3d, on
constate une distribution étendue des nanotubes en terme
d’angle chiral, pour un diamètre moyen de 1 nm environ.
Après une extraction des nanotubes semi-conducteurs
incomplète (échantillon 2), une réduction du nombre
de chiralités présentes est observée, pour aboutir à deux
chiralités, les nanotubes (8,6) et (8,7) après extraction com-
plète. L’extraction des nanotubes semi-conducteurs par le
PFO correspond à une sélection de l’angle chiral des nano-
tubes extraits. En effet, les tubes (8,6) et (8,7) ont tous les
Séparation des nanotubes semi-conducteurs
Toutes les techniques de synthèse des nanotubes mono-
feuillets existant à ce jour produisent des nanotubes de nature
électronique et de chiralité très variées. Pour exploiter les pro-
priétés optiques des nanotubes semi-conducteurs, leur sépa-
ration de toutes les autres particules (carbone amorphe et
nanoparticules métalliques provenant de la synthèse) et des
nanotubes métalliques est indispensable. Il s’agit d’un réel
défi sur lequel des avancées importantes ont vu le jour ces der-
nières années. Deux techniques de séparation par ultracentri-
fugation se sont affirmées comme les méthodes les plus
performantes en terme de pureté et de sélectivité.
Ultracentrifugation à Gradient de Densité (DGU)
Cette technique repose sur la différence de masse volu-
mique des nanotubes de carbone dans un solvant. Il est en
effet possible de changer les densités des nanotubes en fonc-
tion de leur chiralité en les encapsulant dans différents sur-
factants, comme le Sodium Dodecyl Sulfate ou le Sodium
Cholate. Les nanotubes semi-conducteurs sont extraits par
ultracentrifugation de la solution en exploitant l’affinité
entre les surfactants et des nanotubes particuliers. Pour finir,
les différents nanotubes sont séparés par couches succes-
sives au sein de la solution. Cette technique est performante
et permet d’extraire des quantités relativement importantes
de nanotubes semi-conducteurs, le principal défaut étant
que le surfactant ionique qui entoure le nanotube n’est pas
facile à enlever.
Ultracentrifugation assistée par un polymère
aromatique (PFO)
Cette technique, semblable dans sa philosophie à la
DGU, repose sur l’interaction de polymères aromatiques
avec des nanotubes de chiralité spécifique. De nombreux
polymères peuvent être utilisés, mais le poly-9,9-di-n-octyl-
fluorenyl-2,7-diyl (PFO) dilué dans le toluène permet d’ex-
traire les nanotubes semi-conducteurs de manière
particulièrement efficace. Ce polymère s’enroule autour de
certains nanotubes semi-conducteurs, les solubilisant dans
le toluène. Il est à noter que le mécanisme d’enroulement du
PFO autour des nanotubes n’est pas encore parfaitement
connu et est en cours d’étude. Lors de l’ultracentrifugation,
les nanotubes enrobés restent en phase liquide, tandis que le
reste (nanotubes non enrobés, impuretés) précipite au fond
du tube à centrifuger. Le surnageant, contenant les nano-
tubes semi-conducteurs enrobés dans le PFO, est ensuite
aisément extrait. Bien que la quantité de nanotubes semi-
conducteurs extraits par cette technique soit relativement
faible, leur pureté est très grande, de sorte que ce procédé est
bien adapté pour l’étude de leurs propriétés optiques.